00:007h46 sur BFM Business et sur AMC Live. Le grand entretien aujourd'hui c'est avec Olivier Leduc.
00:04Bonjour, vous êtes le directeur général de Tereos, une grande coopérative, vous avez 10 300 coopérateurs.
00:10Vous êtes le premier transformateur de céréales en France, acteur mondial du sucre, de l'amidon, de l'alcool
00:16avec des marques grand public comme Béguinsey ou La Perruche.
00:19On va parler de vos développements internes, mais on va commencer avec le Mercosur,
00:21parce que vous êtes directement concerné avec le sujet de sucre, les sujets d'éthanol,
00:26avec Emmanuel Macron qui dit un jour sur deux qu'il est pour ou contre, ça dépend un peu des jours.
00:31Annie Gennevard dit qu'il n'est pas complètement contre, on n'est pas clair,
00:34notamment sur les questions de clause miroir. Qu'est-ce que vous en pensez-vous ?
00:38Est-ce que vous êtes toujours aussi contre ?
00:40Oui. D'abord je salue les propos d'Annie Gennevard qui dit qu'il y a trois conditions essentielles
00:47à la ratification d'un accord, qui sont la mise en place de clauses de sauvegarde,
00:52justement, mais des clauses de sauvegarde qui soient actionnables,
00:56ce n'est pas toujours le cas aujourd'hui au sein de la Commission européenne,
00:59où il faut parfois des mois, des années pour pouvoir actionner ce genre de clauses.
01:04Des clauses miroirs, mais qui sont difficilement vérifiables,
01:08et puis une protection aux frontières.
01:09Ce sont les trois conditions qu'elle a évoquées,
01:13et je les salue parce que ça va vraiment dans le bon sens,
01:16en particulier des clauses de sauvegarde actionnables.
01:18Après le Mercosur, la question qu'elle pose, que pose cet accord,
01:21c'est la question de la souveraineté alimentaire française.
01:25La souveraineté alimentaire, c'est quoi ?
01:27C'est notre capacité à produire, à transformer des matières premières,
01:31à nourrir la population avec nos propres ressources,
01:34sans faire un appel excessif aux importations des marchés extérieurs.
01:39Et ça, vous considérez qu'avec le Mercosur, ça ne sera plus possible ?
01:42Par exemple, vous, sur le sucre, typiquement, ça aurait quel impact ?
01:45Mais le Mercosur porte un coup très dur à cette souveraineté alimentaire,
01:49à notre compétitivité, parce que, d'abord, pour nous,
01:52pour notre filière betterave, le Mercosur, ce n'est pas que le sucre,
01:56ce sont des importations de sucre sans droit de douane,
01:58donc à bas prix en Union européenne,
02:00ce sont aussi des importations d'alcool et d'éthanol,
02:02en grande quantité, et qui auront nécessairement un impact sur le prix,
02:06et donc sur notre compétitivité.
02:08Et sans compétitivité des entreprises, on n'investit plus,
02:11on fragilise toute la chaîne,
02:12et on met en danger toute notre souveraineté alimentaire.
02:15– Sachant qu'aujourd'hui, vous êtes déjà challengé par des acteurs brésiliens ?
02:19– Oui, oui.
02:20– Mercosur ou ? Avant le Mercosur ?
02:22– Le marché européen, aujourd'hui, est déjà très ouvert.
02:24Il y a des quotas d'importation de différents pays qui rentrent en Europe.
02:28Il y a eu le débat sur l'Ukraine ces deux dernières années,
02:31avec un million de tonnes de sucre ukrainien qui est rentré en Europe,
02:33c'est beaucoup, ce sont de grosses quantités,
02:35qui suffisent largement à déstabiliser le marché.
02:37C'est l'une des raisons, pas la seule,
02:38mais l'une des raisons pour laquelle le marché du sucre
02:41et le prix du sucre est assez déprimé en Europe depuis deux ans.
02:43– Le prix du sucre a beaucoup, beaucoup baissé,
02:46ça veut dire qu'il y a aujourd'hui des gens qui produisaient du sucre
02:49qui réfléchissent à peut-être changer d'activité ?
02:52– Je ne sais pas si on peut aller jusque-là,
02:54ce que je veux dire c'est que, de toute façon,
02:56on est sur une activité qui est cyclique.
02:58Nos activités sont en lien avec la terre,
03:00donc avec énormément de volatilité et de cyclicité.
03:03Aujourd'hui, la situation sur le marché du sucre en Europe,
03:05c'est, comme vous le dites, une baisse du prix du sucre qui est liée à trois choses.
03:10D'abord, des effets de cycle, on est dans un bas de cycle,
03:11et donc on est soumis à des phénomènes d'équilibre
03:16entre la demande, une offre et une demande.
03:18Et aujourd'hui, il y a eu des rendements exceptionnels cette année,
03:21c'est plutôt une bonne nouvelle,
03:22mais qui ont contribué également à impacter le marché du sucre en Europe.
03:27Il y a aussi deux autres phénomènes qui sont plus exogènes,
03:30qui sont la parité dollar,
03:31le dollar a été dévalué de 10% depuis six mois,
03:34et on est exposé à un certain nombre d'importations sur nos marchés,
03:37le sucre, mais aussi l'éthanol et l'alcool,
03:39libellé en dollars, et des niveaux d'importation très importants.
03:42La combinaison d'un dollar faible et d'importation importante
03:45vient grever et peser sur notre marché et donc impacter les prix.
03:51Mais ce qui veut dire que la demande est là, par contre ?
03:53Oui, la demande est là.
03:54La demande est stable, vous savez, sur le marché du sucre,
03:56on parle toujours, et c'est important,
03:58et on y participe, on peut en parler,
03:59sur la reformulation, sur la baisse de la teneur en sucre
04:02d'un certain nombre de produits,
04:04mais bon an, mal an, la consommation de sucre en Europe est stable.
04:06Avant de parler de vos innovations sur la question du sucre,
04:09l'autre sujet qui énerve les agriculteurs,
04:11notamment en France, mais aussi dans d'autres pays européens,
04:13c'est la PAC.
04:14Il y a une révision de la PAC, de son fonctionnement,
04:17qui va donner aux États plus de libre-arbitre
04:20sur la manière dont ils utilisent les fonds.
04:22Là-dessus, c'est quoi votre point de vue ?
04:23C'est un vrai problème, c'est presque plus important que le Mercosur.
04:26Le premier point, c'est que le budget de la PAC baisse,
04:28et baisse de manière significative.
04:30Deuxième point, c'est que face à ça,
04:32une espèce de nationalisation de la PAC
04:34et de baisse de budget de la PAC,
04:35on fait face à un problème à nouveau
04:38d'affaiblissement de l'agriculture
04:41et des entreprises agroalimentaires en Europe.
04:43Mais pourquoi ? Parce qu'on pourrait se dire
04:44qu'il n'y a pas mieux que les pays
04:45pour savoir quels sont les besoins, pays par pays.
04:48Non, mais de toute façon,
04:49on va créer encore de la distorsion de concurrence
04:52entre les pays européens.
04:53On va créer, il y en a déjà un tout petit peu aujourd'hui,
04:57mais ça va l'augmenter,
04:59et on va à nouveau mettre en danger,
05:02affaiblir nos entreprises,
05:03affaiblir les exploitations agricoles.
05:06Et encore une fois, sur la PAC,
05:08l'Europe érige un secteur stratégique,
05:10un secteur prioritaire,
05:12un certain nombre de secteurs tels que l'automobile,
05:13l'aéronautique, la métallurgie,
05:15et c'est très bien.
05:16Pourquoi est-ce que l'alimentaire,
05:18pourquoi est-ce que l'agroalimentaire
05:19ne serait pas considéré également
05:21comme un secteur stratégique ?
05:23Ça, c'est quelque chose que
05:24nos coopérateurs et nous-mêmes
05:26avons toujours du mal à comprendre.
05:28Sur les questions de sucre,
05:29vous en avez parlé il y a quelques instants,
05:31vous lancez une innovation,
05:32ça s'appelle ActiFiber,
05:33un ingrédient d'origine végétale
05:34destiné à enregistrer les produits en fibre.
05:37Qu'est-ce que ça veut dire pour le commande des mortels ?
05:39ActiFiber, c'est une fibre de maïs
05:41qui est produite dans notre usine alsacienne,
05:43notre amidonnerie alsacienne de Marc Olsheim.
05:45C'est une fibre de maïs soluble
05:47qui va permettre de répondre à deux besoins.
05:49Un, un besoin d'une alimentation plus saine,
05:53plus riche en fibre.
05:53La fibre, c'est très bon pour la digestion.
05:55Et deuxièmement, le besoin des consommateurs
05:57d'avoir accès à plus de produits
05:58avec un bon Nutri-Score.
06:00Et donc, ActiFiber répond directement
06:03à ces deux besoins.
06:04Je vous donnais deux exemples assez parlants.
06:06ActiFiber,
06:07c'est incorporé dans une bouteille
06:10d'eau minérale aromatisée,
06:14une petite bouteille de 250 ml,
06:16va permettre de vous apporter 20%
06:18de votre besoin quotidien en fibre.
06:21ActiFiber, dans une crème glacée,
06:22incorporé dans une crème glacée,
06:23va passer le Nutri-Score
06:24de la crème glacée
06:25de C à A,
06:27sans changer le goût ni la texture.
06:29Donc, c'est un super produit
06:30qui permet de reformuler.
06:32Donc, on va réduire le contenu en sucre
06:34du produit
06:35et le remplacer par de la fibre.
06:36Ce qui peut être paradoxal
06:37pour le deuxième producteur mondial de sucre,
06:39de travailler sur la reformulation
06:41et la baisse de teneur en sucre,
06:42mais qui correspond vraiment
06:43au Nutri-Score.
06:44Il n'y a pas besoin du consommateur.
06:45Et donc, ça veut dire que
06:46le Nutri-Score a fait changer
06:47les industriels.
06:48Oui, oui.
06:48Il n'y a pas besoin de fiscalité
06:50et de taxes sucre pour ça.
06:53On est capable de faire le travail nous-mêmes.
06:55Merci beaucoup d'être venu ce matin.
06:56Olivier Leduc,
06:56le directeur général de Théréos.