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  • il y a 7 semaines
Jean-Laurent Cassily, essayiste et coauteur de "La France sous nos yeux", était l'invité de Laure Closier dans Good Morning Business, ce jeudi 4 septembre. Ils sont revenus sur l'origine du mouvement "Bloquons tout", sur BFM Business. Retrouvez l'émission du lundi au vendredi et réécoutez la en podcast.

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Transcription
00:00Les idées en l'air, ça ne suffit pas, il faut savoir les faire passer correctement et pour débloquer le pays, il faut comprendre ce qui bloque et pourquoi.
00:07Notre grand entretien aujourd'hui c'est avec Jean-Laurent Casselli, bonjour.
00:10Bonjour.
00:10Vous êtes essayiste, co-auteur de La France, sous nos yeux, on va essayer ensemble de décortiquer ce mouvement Bloquons-Tout avec cette prévision de blocage pour le 10 septembre.
00:18Il y aura ensuite, il y a un autre préavis de grève dans un certain nombre de secteurs publics, c'est pour le 18 septembre.
00:23Mais quand on regarde l'origine de Bloquons-Tout, qu'est-ce qu'on trouve ?
00:27A l'origine il y a ce groupe, cette page internet qui s'appelle Les Essentiels, qui vient plutôt du souverainisme de droite, qui appelle au Frexit à la sortie de l'Union Européenne, ce qui est quand même assez marqué politiquement.
00:41Mais assez rapidement on a vu que des groupes, des figures d'anciens gilets jaunes ont repris l'appel à bloquer tout, donc il s'agit de bloquer le pays le 10 septembre.
00:52Comment ? Alors ça c'est intéressant de s'arrêter là-dessus. Est-ce que ça va être par des manifestations, par des blocages à proprement parler, je ne sais pas, d'un siège d'entreprise ?
00:59Ou est-ce que ça va être par la grève de la consommation, qui est un sujet qui est en train de monter dans ces groupes-là ?
01:03On ne sait pas encore. Donc en résumé, on sait à peu près d'où vient l'appel à se mobiliser, même si ça a été rapidement, c'est passé en gros de droite à gauche,
01:12puisque les mouvements de gauche en ligne ont repris aussi l'appel à leur compte.
01:16On ne sait pas exactement combien de gens vont se mobiliser et on ne sait pas comment ils vont se mobiliser.
01:20On ne sait pas trop ce qu'ils vont faire. Est-ce qu'ils vont faire la grève ? Apparemment plutôt pas, parce que dans les services on fait assez peu grèves,
01:26les gens se sont rendus compte ces dernières années que les grandes manifs ou les grèves, ça n'empêche pas les réformes de passer.
01:32Et puis dans les boîtes, ça se passe plutôt bien. Le dialogue social fonctionne à peu près, il n'y a pas d'envie d'abîmer sa propre entreprise.
01:38Alors oui, il y a peut-être effectivement la page Les Essentiels qui a lancé l'appel au blocage est très pro-PME, pro-petits entrepreneurs, pro-petits commerçants.
01:49Ça, c'est très marqué et on veut plutôt aux ultra-riches, aux grandes entreprises, aux grands groupes.
01:55Il y a tout un développement sur le site à propos de la grande distribution, du fait de se réapproprier les zones commerciales,
02:01les parkings des super et des hypermarchés, un peu comme les Gilets jaunes sur le plan géographique.
02:05Donc il y a vraiment, vous avez raison, il y a une dichotomie, il y a une opposition entre la petite boîte, la mienne ou celle de mon patron peut-être,
02:11et le grand groupe lointain, multinational, qui ne paye pas d'impôts et qui est effectivement, lui, plutôt une cible assez consensuelle
02:21entre les différentes mouvances qui forment ce mouvement bloquant tout.
02:25Ce sujet sur la consommation, il est très intéressant parce qu'il y a dans cette idée de bloquer, l'idée de ne plus payer en carte bleue,
02:33de payer en cash, ça c'est assez nouveau, ne plus payer en carte, c'est dans l'idée de bloquer le pays et c'est se retirer un peu du système ?
02:42Oui, alors ça c'est un appel qui est en train de monter, c'est une modalité d'action qui est en train de monter,
02:47c'est la grève, on pourrait dire, de la consommation, la grève du consommateur.
02:50Comme les Français ont compris qu'ils n'ont pas forcément de pouvoir quand ils descendent dans la rue,
02:58ils se disent peut-être avec mon porte-monnaie, avec mon fameux pouvoir d'achat, je vais pouvoir faire quelque chose.
03:02Moi ce que j'entends depuis quelques jours, ce sont des gens, encore une fois, qui n'ont pas la culture forcément de la manif ni de la grève,
03:08mais qui disent, moi je vais faire quelque chose, ou plus exactement, je ne vais pas faire quelque chose,
03:12c'est-à-dire je ne vais pas aller au magasin, je ne vais pas dépenser d'argent,
03:15ou plutôt, je vais, comme l'appelle, comme le demande le mouvement, je vais retirer du cash en amont
03:20et je ne vais pas payer en carte bleue mes achats.
03:23Pourquoi ? Parce que derrière il y a l'idée de priver les banques des commissions sur les transactions bancaires,
03:29sur les transactions en carte bleue, de rendre cet argent quelque part aux petits commerçants.
03:35Et donc le cash et l'ACB sont devenus un peu des emblèmes des formes d'actions qu'on pourrait prendre le 10 septembre.
03:42Donc il faudra voir le mercredi 10 au soir, ou le lendemain matin.
03:46Oui, faire les comptes ?
03:47Il faudra faire les comptes.
03:48Plus de paiements en cash ?
03:49Est-ce qu'il y a eu plus de paiements en cash ?
03:51Et on pourra probablement le savoir, mais surtout ce qui sera intéressant,
03:53c'est de savoir aussi s'il y a eu une chute, ou en tout cas une baisse de la consommation.
03:57Est-ce que les supermarchés ont vu du moins 7, du moins 12, du moins 15% ce jour-là ?
04:02Mais quel rapport avec la situation politique actuelle ?
04:06C'est-à-dire que l'énervement, il vient d'où là ?
04:09Alors effectivement, il a une source qui est double.
04:12Le discours de l'énervement a pour source le pouvoir d'achat, la crise du pouvoir d'achat, c'est assez clair.
04:19Le fait que le français moyen ne peut plus vivre décemment de son travail,
04:23c'est quelque chose qu'on entend beaucoup, y compris chez les classes moyennes d'ailleurs,
04:25pas que chez les classes populaires, contrairement au mouvement des Gilets jaunes il y a 5 ans.
04:28Donc finalement, la colère remonte un peu des strates de la société de plus en plus.
04:32Mais c'est un salaire, un travail qui ne paie pas.
04:34Oui, c'est ça.
04:35Mais il y a un autre aspect, c'est la crise démocratique, la crise de régime.
04:40Rappelez-vous, lors des Gilets jaunes, la mesure phare, c'était le RIC,
04:43le fameux référendum d'initiative citoyenne,
04:45qui est une sorte d'appel au peuple à décider directement, sous une forme de démocratie directe.
04:51Bon, ça, c'est des choses qu'on entend et qu'on voit à nouveau.
04:53Donc il y a, encore une fois, une double source de la colère,
04:56un aspect plutôt économique et un aspect plutôt politique.
05:00On veut changer de régime, on veut changer de la manière de faire les lois,
05:05la manière de décider de la conduite des affaires du pays.
05:08Ça ressemble aux Gilets jaunes ou ça n'a rien à voir ?
05:11Ça ressemble parce que c'est né en ligne,
05:15mais aujourd'hui tous les mouvements naissent en ligne, sont un peu auto-organisés.
05:17Ça ressemble parce que c'est hybride.
05:19Ça se fait en marge des grands syndicats,
05:22ça se fait en marge des grands partis politiques,
05:23ça se fait en marge des grands médias.
05:26Chez les blocs en tout, il y a un discours aussi anti-médias, anti-journalistes qui est assez marqué.
05:31Ils ne veulent pas faire d'interviews traditionnels,
05:32ils acceptent que les lives sur TikTok en présence de leur communauté.
05:36Donc ça, c'est quelque chose qu'on a répertorié, qu'on connaît.
05:39Ce qui est un peu nouveau, on retrouve aussi, je l'ai dit, d'anciennes figures des Gilets jaunes.
05:42Ce qui est nouveau, c'est qu'on ne sait pas quelle forme va prendre la manifestation, la protestation.
05:46Et encore une fois, j'insiste là-dessus, je pense, mais on verra le disque,
05:49le profil des gens qui vont être attirés par ce mouvement sera peut-être plus mainstream,
05:54plus une étude de la Fondation Jean Jaurès a montré que les gens qui sont dans ces boucles télégrammes,
05:59c'est des actifs, c'est des diplômés, des jeunes, des étudiants.
06:03Donc ça veut dire qu'on a toute cette frange un petit peu plutôt classée à gauche,
06:08enfin plutôt qu'ils votent à gauche et qu'ils se voient comme de gauche,
06:12qui est, encore une fois, qui peut être intégré socialement,
06:14qui peut avoir un salaire, qui peut avoir un crédit pour rembourser son appartement ou sa maison,
06:18donc qui n'est pas dans une situation d'appauvrissement immédiat,
06:22mais qui se sent déclassé.
06:23Qui se sent menacé.
06:24Et on l'avait dit avec les Gilets jaunes, qui étaient des salariés au SMIC ou juste au-dessus du SMIC,
06:28j'ai l'impression qu'on remonte un petit peu dans des grilles de salaire de plus en plus élevées,
06:32d'où le mouvement des Nicolas qui paient, qui est un peu ordinateur de ça.
06:35Ça n'a rien à voir, Nicolas qui paye, il paye trop, il paye trop pour les autres.
06:38Il est assommé par les impôts face à une France dont il a l'impression qu'elle ne travaille pas
06:43et qu'elle vit de l'assistanat.
06:45Là, on n'est quand même pas complètement là-dedans.
06:47En fait, ces deux mouvements qui sont nés en ligne à peu près,
06:50alors Nicolas qui paye est plus ancien,
06:52mais ces deux mouvements dont on a parlé à peu près au même moment,
06:55ce n'est pas la même chose.
06:56Sur Bloquons-Tout, par exemple, il n'y a pas du tout la tonalité anti-immigrés, anti-étrangers,
07:01ce n'est pas du tout ça.
07:01On est vraiment, je l'ai dit, sur la crise démocratique, le pouvoir d'achat.
07:04Enfin, les Nicolas qui payent, donc le fameux Nicolas, on le rappelle,
07:06pour les auditeurs qui ne le connaissent pas encore,
07:08c'est cet actif de 30-50 ans, c'est pour ça qu'on l'appelle Nicolas,
07:11parce que c'est un prénom qui était très donné dans les années 80,
07:14qui est un père de famille, qui a un salaire, qui paye des impôts
07:17et qui en a marre de payer pour les assistés, issus de l'immigration, évidemment,
07:21et pour les boomers, les retraités, dont on paye les pensions de retraite.
07:27Donc ce mouvement-là, c'est une scénarisation de la révolte fiscale.
07:32Et là, je pense qu'il y a quand même des liens à faire
07:35avec ce qui est en train de monter côté bloquons-tout.
07:37Je ne dis pas que tous les gens qui suivent ce mouvement
07:40vont être d'accord avec les deux visions,
07:42mais c'est quand même, pour moi, deux versions un peu de la même pièce.
07:44Les rôles des partis politiques là-dedans,
07:47on reproche de récupérer les mouvements.
07:49En même temps, la politique, c'est ça, c'est récupérer des contestations,
07:52puis aller dessus.
07:54Ils ne sont pas très à l'aise complètement avec ce mouvement.
07:57Non, alors ils ont pris aussi les leçons des Gilets jaunes,
08:00ils ont retenu les leçons des Gilets jaunes.
08:01À l'époque, ils étaient tétanisés, ils ont tardé à agir.
08:05Aujourd'hui, je pense qu'ils ont accepté,
08:07ils ont fait le deuil du fait qu'ils initiaient eux-mêmes
08:09les mouvements sociaux, la colère sociale.
08:11Donc comme ils sont malins, ils rattrapent au bon,
08:14ils récupèrent, comme on dit parfois, ils récupèrent au bon,
08:17ce qui est déjà de manière organique lancé dans la société,
08:20sur les réseaux sociaux.
08:22On a fait un bocal à l'idée pour débloquer le pays ce matin
08:25avec les historiques de BFM Business.
08:27Il en ressort quand même des privatisations,
08:29faire exposer le statut des fonctionnaires,
08:32relancer une politique du logement,
08:33faire péter la fiscalité du patrimoine,
08:36mettre en place une taxe carbone
08:37et en échange arrêter avec toutes les charges sur les entreprises.
08:41On est très loin de ça, là.
08:42Alors, je dirais que ça dépend.
08:43Dans les gens qui soutiennent le mouvement Bloquons Tout,
08:46la moitié vont être pro-BFM Business
08:48et l'autre moitié va dire non, non,
08:50ce n'est pas mon école de pensée,
08:52je veux au contraire maintenir la fonction publique,
08:55je veux arrêter la baisse du nombre de fonctionnaires.
08:57Donc, encore une fois, il y a les nuances plutôt,
09:00je dirais, libérales qui s'expriment,
09:02pro-entrepreneurs, PME,
09:03mais aussi des nuances plus de gauche traditionnelle
09:07qui vont plutôt insister sur l'État,
09:10sur le service public.
09:11Donc, encore une fois,
09:12ce qui est peut-être convergent,
09:14c'est ce rejet des gens
09:16qui sont tout en haut de la grille des revenus,
09:20du patrimoine,
09:21sur lesquels un effort va être demandé.
09:22Et on voit que c'est un discours
09:23qui est en train de monter quand même,
09:24notamment...
09:25Les forces sur les riches.
09:26Mais si c'est un problème de rémunération du travail,
09:28tout ce qui est mesure sur libérer le travail
09:30devrait fonctionner.
09:31C'est-à-dire que la question de
09:32est-ce que vous préférez qu'on finance
09:33le modèle social sur le travail
09:34ou sur la TVA sociale,
09:36il y a peut-être quelque chose là
09:37qui peut passer.
09:38Oui, oui, parce qu'effectivement,
09:39c'est une révolte.
09:40Alors, c'est une révolte de consommateurs,
09:41mais également une révolte de travailleurs.
09:43C'est important d'avoir en tête.
09:45Ce sont des gens qui se voient
09:46comme les forces vives du pays,
09:49ceux qui créent de la richesse.
09:50Et donc, ils demandent quelque part leur juste part.
09:53C'est ça, je pense qu'il y a derrière ces mouvements
09:55qui sont très divers dans leurs origines,
09:58mais qui se rejoignent pour dire
09:59quelque part, on veut aussi limiter
10:03les inégalités sociales,
10:04ce qui était un discours plutôt de gauche traditionnel,
10:07mais qui, je dirais, face à la montée
10:09d'un certain nombre d'inégalités
10:10que tout le monde peut voir,
10:11notamment les inégalités de patrimoine.
10:13C'est pour ça qu'on reparle aussi des boomers
10:14que Bérou a ressortis,
10:16la carte des boomers.
10:17C'est un peu le tabou de la société française.
10:19Il ne s'agit pas encore une fois ce matin
10:20de dire du mal d'une génération,
10:22mais on sait très bien.
10:23Enfin, je veux dire, moi, j'ai 45 ans.
10:25On sait très tous qu'il y a un différentiel
10:29de niveau de vie entre les retraités et les actifs.
10:32D'où l'idée de faire fluidifier le patrimoine
10:35et de faire, justement, de revoir la fiscalité
10:37sur l'ensemble des successions.
10:39Merci beaucoup, Jean-Laurent Casselli,
10:40d'être venu ce matin dans la matinale de l'économie.

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