- il y a 2 mois
Clément Beaune, haut-commissaire au Plan, était l'invité de Laure Closier dans Good Morning Business, ce mercredi 22 octobre. Ils sont revenus sur la perception du travail par les jeunes, qui éprouvent un malaise face à la dévalorisation des diplômes et aux emplois souvent inférieurs aux compétences, avant d'aborder les relations entre le travail et l'ascension sociale, sur BFM Business. Retrouvez l'émission du lundi au vendredi et réécoutez la en podcast.
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00:007h43 sur BFM Business et sur RMC Live. Notre invité ce matin c'est Clément Beaune.
00:05Bonjour, vous êtes au commissaire au plan. Vous avez publié une étude passionnante
00:08intitulée « Jeunesse d'hier et d'aujourd'hui, le grand déclassement ».
00:12Alors c'est passionnant, mais c'est un tout petit peu déprimant pour la jeunesse française.
00:16Deux jeunes sur trois pensent que c'était mieux avant.
00:19Ce n'est pas seulement un sentiment, c'est désormais une réalité mesurable.
00:22On est ce matin avec Raphaël Legendre, le sujet nous passionne.
00:25Quand on dit que c'est la génération de Nicolas qui paie,
00:28franchement quand on lit votre note, c'est un peu vrai.
00:30Alors c'est un peu vrai, il y a quand même des progrès.
00:32Je vais commencer par ça parce qu'on n'en parle jamais.
00:34La situation des jeunes d'aujourd'hui, c'est-à-dire ceux qui ont une trentaine d'années en 2025,
00:39typiquement Nicolas, puisque Nicolas c'est le prénom le plus donné il y a 30 ans à la naissance,
00:44c'est une situation qui sur le plan par exemple des salaires,
00:46on ne l'imagine pas toujours, est meilleure en entrée de carrière
00:49que ce qu'on avait au milieu des années 70.
00:51En 1975, on a pris cette référence.
00:5410% de hausse, y compris en prenant l'inflation en contrainte.
00:57Bien sûr, y compris en prenant l'inflation,
00:58donc en pouvoir d'achat du salaire du début de carrière,
01:01on est mieux payé.
01:02Et puis on est plus diplômé, ça c'est quand même un atout individuel et collectif,
01:06on est une société plus diplômée.
01:07Vous aviez un jeune sur cinq qui était diplômé d'enseignement supérieur il y a 50 ans,
01:11aujourd'hui c'est un sur deux.
01:13Bon alors le diplôme c'est d'ailleurs, je trouve, le thème le plus intéressant
01:16parce qu'inversement, avec le même diplôme,
01:19vous n'avez pas le même type d'emploi,
01:21parce que le diplôme forcément en se démocratisant,
01:23et tant mieux quand même pour la société,
01:25s'est dévalorisé aussi.
01:27Et donc il y a un chiffre qui est très frappant,
01:28c'est que vous avez aujourd'hui un tiers des gens
01:30qui ont un niveau supérieur au bac,
01:34qui vont rentrer en carrière sur un travail,
01:36un boulot d'ouvrier ou un boulot très peu qualifié,
01:39alors que c'était 10% il y a 70 ans.
01:41Le bac a moins de valeur,
01:42et même le bac plus 2 a moins de valeur qu'il y a 50 ans,
01:44à mesure qu'il s'est généralisé.
01:46Parce qu'on n'est pas là au cœur du sentiment de déclassement
01:50de cette classe d'âge.
01:51Bien sûr, le même un peu plus long.
01:53Vous avez commencé à faire des études pour des diplômes,
01:55finalement, en carton pour certains ?
01:57Alors, je veux dire, du point de vue de la société,
01:59et d'ailleurs tous les pays qui sont compétitifs aujourd'hui,
02:01y compris la Chine, les Etats-Unis, etc.,
02:03ne sont pas des sociétés sans diplôme.
02:05Donc attention, il ne faudrait pas tirer de ça la conclusion
02:07qu'il faudrait qu'on soit une société,
02:08on arrête de faire des études, etc.
02:10Et d'ailleurs, on voit bien que le diplôme
02:12est la meilleure protection,
02:14notamment contre le chômage,
02:15et encore contre l'emploi peu qualifié.
02:16Mais il y a une dévalorisation, c'est clair.
02:18Il y a un autre sujet qui est le malaise de la jeunesse.
02:21Vous avez dit sentiment de déclassement.
02:22Moi, je suis même un peu plus...
02:23C'est affirmatif, ce n'est pas un sentiment.
02:25Il y a un vrai sujet.
02:26Il y a un vrai sujet sur la dévalorisation du diplôme,
02:28et il y a un vrai sujet sur le logement.
02:30C'est probablement la clé du malaise des jeunes aujourd'hui.
02:33Le logement, on va y revenir dans le détail,
02:35parce que c'est fondamental.
02:36Je voudrais juste revenir sur le salaire,
02:37parce que vous dites,
02:38oui, on a un salaire plus élevé
02:41quand on arrive en début de carrière.
02:42Après, on est bloqué, finalement.
02:44Il y a un sentiment de, j'ai mon diplôme,
02:46mais en fait, j'ai un emploi qui est inférieur à mes compétences,
02:50et puis je n'avance pas en termes de salaire.
02:52Ça, c'est gravissime,
02:53parce que ça crée un sentiment terrible.
02:55Alors, il y a ce sentiment,
02:56parce qu'au milieu de la carrière,
02:58quand on va arriver vers la fin de la trentaine,
03:00le début de la quarantaine,
03:01c'est aussi le moment où on finance le plus,
03:03et beaucoup plus qu'avant,
03:04la protection sociale.
03:06C'est ça, ce fameux symbole des jeunes actifs,
03:08ou de Nicolas, qui payent.
03:10Pour Chantal et Michel qui partent en croisière.
03:11Oui, alors, moi je suis toujours un peu sceptique
03:14sur la guerre des générations,
03:15parce que Chantal et Michel,
03:16on ne va pas refaire leur vie,
03:17on ne va pas les jalouser,
03:18peut-être un peu, mais bon, c'est comme ça.
03:20Et il faut dire aussi,
03:21ça c'est quand même intéressant,
03:22que tout le monde paye plus pour la protection sociale.
03:24C'est-à-dire, les retraités eux-mêmes
03:25payent plus qu'il y a 50 ans pour la protection sociale,
03:27parce qu'il y a une vérité,
03:28c'est qu'on est une société plus vieille,
03:30et donc la protection sociale coûte plus cher à tout le monde.
03:33Et donc l'effort, il a quand même été fait
03:35un peu plus par la génération actuelle,
03:37les jeunes actifs,
03:38mais il a été fait par toutes les générations
03:39pour financer la protection sociale.
03:40Alors le logement, Raphaël, c'est fondamental.
03:41Juste ce qu'on vérifie, c'est quand même,
03:43l'ascenseur social s'est très nettement grippé
03:45entre les années 70 et les années 2000-2020.
03:48C'est quand même ça,
03:49c'est l'idéal méritocratique
03:50qui est un peu remis en cause.
03:52Pour deux raisons,
03:53parce qu'on est une société en rattrapage
03:54et en croissance dans les Trente Glorieuses,
03:55on ne retrouvera pas ça, soyons clairs.
03:57Et puis il y a un sujet qui est sous-jacent
03:58dans toute notre note,
03:59et ce sera vraiment le cœur des travaux
04:01qu'on mène dans les mois qui viennent,
04:02c'est la démographie.
04:03La vérité de notre situation
04:05et de la jeunesse d'aujourd'hui,
04:06c'est qu'elle paye une démographie déclinante,
04:08ce qui fait que la société est plus vieille,
04:10et donc la protection sociale,
04:12tous les filets de sécurité,
04:13dont la retraite, mais aussi la santé,
04:14coûtent plus cher.
04:15Et c'est le débat du moment.
04:17Il faut qu'on s'adapte à cette démographie,
04:19c'est la question de travailler plus dans la vie,
04:21et ça c'est inévitable.
04:22Pour acheter, il faut désormais 23 ans
04:24de remboursement contre 10 à l'époque de 1975.
04:28Une partie du sujet se trouve ici.
04:29Comment on fait pour faire tourner ces logements,
04:33ces biens qui ont été acquis pas cher
04:34par la génération des baby-boomers ?
04:37Oui, le sujet, c'est clé, c'est le logement.
04:38Ça, c'est dégradé pour tout le monde,
04:40et en particulier pour les jeunes,
04:41et pour les jeunes parents tout particulièrement,
04:42les jeunes actifs.
04:44Donc il y a une concentration aussi dans les centres-villes.
04:46Donc c'est des questions très compliquées,
04:48mais de concentrer nos moyens de la politique du logement
04:50sur ces zones tendues,
04:52sur ces professions intermédiaires aussi.
04:54On voit par exemple,
04:54quand vous êtes aujourd'hui un enseignant, un infirmier,
04:57c'est quasiment impossible de vivre au cœur de Paris
05:00ou dans une grande ville française.
05:01Ce n'était pas le cas il y a 50 ans.
05:03Et donc c'est de la construction, bien sûr.
05:05C'est du soutien sans doute aux actifs en particulier
05:07pour accéder au logement.
05:08On a beaucoup fait pour le logement social,
05:10peut-être un peu moins pour le logement intermédiaire.
05:12On ne rentre pas dans le détail de la politique du logement,
05:14mais j'avais un message,
05:15c'est que si on veut améliorer la situation de Nicolas
05:18des jeunes actifs aujourd'hui,
05:20et on ne le dit pas assez,
05:21c'est le logement d'abord.
05:22Ce message, on a l'impression qu'il n'est absolument pas entendu des politiques.
05:25Vous avez vous-même été ministre, alors pas du logement,
05:27mais des transports, des affaires européennes.
05:29On se demande ce qu'attend le politique pour réagir.
05:33Ces mots du logement, la crise du logement qui est là,
05:36qui va s'accélérer, on la connaît,
05:38et pourtant rien ne se passe.
05:40Moi je faisais, ce n'est pas dans la note,
05:41mais une proposition dans un livre récent.
05:43Je disais par exemple, il faut que dans toutes les métropoles,
05:45il y ait une politique du logement qui consiste à réserver
05:48des logements pour les familles qui ont des professions intermédiaires.
05:51Ce sont les enseignants, ce sont les employés qui ont des salaires
05:53qui sont peu supérieurs au SMIC et qui n'ont pas droit souvent aux aides.
05:57C'est souvent en fait...
05:57Et du logement social ou du logement privé ?
05:59Ou du logement privé, ça peut être du logement qui est...
06:01Il peut y avoir des contrats par exemple entre des grands employeurs publics,
06:04je prends le milieu enseignant, les rectorats,
06:06et puis par exemple des régies de logements ou même des bailleurs privés.
06:10Bon, ce n'est pas ce qu'on a creusé dans cette note
06:12et on creusera cette politique du logement,
06:14mais le malaise des jeunes, il est dans le diplôme qui s'est dévalorisé
06:17et dans le logement qui s'est dégradé.
06:19Pourquoi les politiques ne s'en parlent pas du sujet ?
06:21Le logement franchement c'est un échec du septennat Macron,
06:25il y a eu je ne sais pas combien de ministres du logement,
06:27ils considèrent que c'est une rente, Emmanuel Macron
06:28et s'est jamais vraiment intéressé, on n'arrive pas sur ce sujet.
06:32Il y a des débats là-dessus, mais il y a une politique
06:33qui a été celui du logement d'abord,
06:35qui a justement consisté à essayer d'encourager la construction,
06:38il y a eu la prise du Covid, il y a eu des moments difficiles,
06:40et à justement se focaliser pas seulement sur le logement social
06:43des plus modestes, et c'est important aussi,
06:45mais sur cette catégorie intermédiaire qui a aujourd'hui
06:49la plus grande difficulté à se loger dans les centres-villes.
06:52Il y a un sujet aussi, c'est qu'on n'articule jamais,
06:53j'ai vécu pour le coup la politique des transports,
06:56les transports et le logement.
06:57Quand vous faites un certain nombre de réseaux de transports publics,
07:00de meilleure qualité, etc., en fait, vous améliorez
07:02la situation du logement, parce que vous pouvez vivre
07:03un peu plus loin avec néanmoins une qualité de vie
07:05et d'accès au travail qui est meilleure.
07:07Mais ce qu'on montre là aussi, dans cette note,
07:09j'insiste sur un dernier point, c'est la question du patrimoine
07:11qui est liée au logement, c'est que le patrimoine
07:13s'est énormément concentré sur les plus
07:16de 65-70 ans.
07:18Pensez bien qu'il y a 50 ans,
07:20le patrimoine des trentenaires était supérieur
07:22au patrimoine des plus de 70 ans, en moyenne.
07:24Aujourd'hui, il est 4 fois inférieur.
07:26Donc là, il y a un vrai sujet aussi,
07:28et c'est à travers l'achat du logement.
07:30Non seulement c'est plus difficile d'acheter un logement
07:32aujourd'hui, d'acquérir un logement,
07:33mais pour ceux qui ont les revenus les plus faibles,
07:35c'est devenu quasiment impossible.
07:37Pour le dire autrement, si vous n'êtes pas un héritier,
07:39acheter un logement à 30 ans, c'est très difficile.
07:41Oui, c'est le dernier point, effectivement.
07:44Donc on l'a dit, éducation, logement,
07:45le dernier point, c'est la concentration du patrimoine.
07:48Il y a quelques jours, la présidente de l'Assemblée nationale,
07:50Yaël Braun-Pivet, a dit qu'il fallait taxer
07:52ce truc qui vous tombe du ciel,
07:54en quelque sorte.
07:55Est-ce qu'il faut revoir la fiscalité
07:58des successions ?
07:59Ce n'est pas l'objet de la note, je rassure tout le monde,
08:01pour qu'on ne mélange pas tous les débats.
08:03Moi, je vais être clair, aujourd'hui, là,
08:05dans le débat budgétaire qu'on a,
08:06je ne pense pas à le moment de rouvrir la boîte
08:08à taxation supplémentaire, on voit bien qu'il y a quand même
08:11un sentiment que tout est compliqué,
08:13que tout est taxé.
08:14La question de la transmission, en revanche...
08:16C'est pour faire tourner le capital.
08:17En fait, c'est la vraie question qui était derrière
08:18le mauvais débat sur la taxe Zuckman, si je peux dire.
08:20Le débat sur la taxe Zuckman, il a été mal emmanché,
08:23parce qu'il touche à l'outil de production.
08:24Mais la question qu'on a d'une concentration
08:26des richesses et des patrimoines,
08:28c'est vrai que ça n'a jamais été aussi élevé
08:30dans notre société, pas qu'en France,
08:31dans toute l'Europe, que depuis un siècle.
08:34Mais sur l'héritage, on a déjà le pays qui taxe le plus,
08:35alors qu'est-ce qu'on peut faire ?
08:37Alors, pas tout à fait d'ailleurs,
08:39parce qu'en réalité, moi je pense,
08:40mais ce n'est pas encore une fois l'objet de cette note,
08:42qu'il y a des systèmes dans lesquels
08:43vous avez des franchises supérieures,
08:44parce qu'aujourd'hui, il y a des classes moyennes
08:46qui ont l'impression que leur patrimoine
08:48va être taxé au moins de l'héritage,
08:50on pourrait augmenter le seuil de franchise
08:51et taxer plus au-dessus.
08:52Bon, mais c'est un débat qui se fait
08:53dans le cadre d'une présidentielle, à mon avis,
08:55c'est un débat qui se fait aussi dans une société
08:56qui a déjà réparé un certain nombre de ses fractures,
08:59parce que je crois que si on rouvre des fractures
09:00entre générations, on va avoir un problème.
09:02Le message aussi, j'insiste là-dessus,
09:04c'est qu'on parle beaucoup de Nicolas,
09:05mais qu'on parle assez peu de Manon,
09:07qui est le prénom féminin le plus donné
09:08pour celles qui sont nées en 1995,
09:11et il y a quand même des bonnes nouvelles,
09:12c'est qu'on fantasme la société des années 70 et 80,
09:16ces sociétés beaucoup plus inégalitaires
09:18sur le plan femmes-hommes qu'aujourd'hui,
09:20on a réduit quand même de 50%,
09:21avec des mesures très fortes, parfois contraignantes.
09:23Parce que les femmes travaillent aussi aujourd'hui,
09:24et elles ne travaillent pas à l'époque.
09:25Parce qu'il y a aussi des politiques d'égalité salariale
09:28qui ont marché en partie,
09:29on a réduit de 50%,
09:31on a divisé par deux l'écart de salaire
09:33entre femmes et hommes.
09:34Un mot sur la mairie de Paris,
09:35est-ce qu'il y aura trois candidats du socle commun ?
09:38Pierre-Yves Bournazel, vous, Rachida Dati,
09:40ou un seul candidat,
09:41comment ça s'organise aujourd'hui ?
09:43Écoutez, moi j'ai toujours eu la même position,
09:44c'est qu'il faut un candidat du bloc central,
09:46parce qu'on a des valeurs, un projet partagé.
09:50Aujourd'hui, il y a Pierre-Yves Bournazel,
09:52moi j'ai dit que j'étais disponible,
09:53mais il faut qu'il y en ait évidemment un seul
09:55dans ce bloc central.
09:56Donc tous derrière Rachida Dati ?
09:58Non, le bloc central,
09:59ce n'est pas tout à fait les républicains,
10:01c'est le bloc qui défend le projet du président
10:03depuis 2017.
10:04Donc vous vous opposerez potentiellement
10:06à Rachida Dati ?
10:07C'est pas une question de l'opposition,
10:08j'ai dit que je ne vais pas ça contre quelqu'un,
10:10qui que ce soit d'ailleurs,
10:11je pense qu'il faut que cette famille politique
10:13du centre, moi j'y crois,
10:14même si on vit des moments difficiles,
10:16elle défende ses couleurs,
10:17elle défende son projet,
10:18elle défende son engagement.
10:20Moi je suis en marche depuis avril 2016,
10:22quand le parti a été créé,
10:24je ne me résous pas à ce qu'on s'efface.
10:25Et donc il faut qu'on s'unisse,
10:27mais sans s'effacer.
10:27Merci beaucoup Clément Beaune.
10:29Merci Clément Beaune.
10:29Merci à vous.
10:30Ce matin dans la matinale de l'économie.
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