00:00Olivier Janoré, vous êtes avocat associé à la Cour chez Durock Partners. Bonjour.
00:04Bonjour, Antoine.
00:05Et alors, j'attendais vraiment avec impatience de pouvoir vous parler, de vous accueillir dans cette émission,
00:09parce que voilà, en la préparant, vous dites, projet de loi de finances, la taxe Zuckmann peut être pertinent.
00:17Qu'est-ce que vous entendez par là ?
00:18Pertinent d'en parler, au-delà de savoir combien ça pourrait rapporter,
00:23puisqu'aujourd'hui on ne parle que de ça, de qui ça pourrait toucher.
00:25Mais la question, c'est, est-ce qu'elle a un sens, d'un point de vue constitutionnel, d'un point de vue juridique ?
00:31Est-ce qu'on n'est pas là en train de brasser, largement, de faire du populisme, en quelque sorte, du populisme fiscal ici,
00:38alors qu'in fine, il y a un vrai sujet constitutionnel en matière,
00:41puisque un impôt confiscatoire, il est anticonstitutionnel.
00:45Et on risque d'arriver ici, en réalité, avec un Conseil constitutionnel qui, potentiellement, se prononce comme étant défavorable à cette mesure.
00:53Et on va dire que c'est de la faute du Conseil constitutionnel.
00:56Et on va oublier de dire que c'est de la faute de ceux qui ont conçu cette taxe
01:00pour, justement, aller fiscaliser les 0,01% des plus riches de France.
01:06Voilà, je pense que c'est important quand même, et surtout qu'on ait le regard de quelqu'un qui a vraiment,
01:11je le disais, les mains dans le cambouis, qui est vraiment dans la technique du truc.
01:16Dès qu'on prononce le mot confiscatoire, de toute manière, il n'y a plus de débat, il n'y a plus de réflexion possible.
01:22Et cette confusion qui est faite et qu'on reproche beaucoup à la taxe Zucpane,
01:26c'est-à-dire d'annihiler toute différence entre le patrimoine de l'entreprise et la fortune personnelle,
01:32c'est juste pas possible.
01:34C'est 2 plus 2 égale 5.
01:36Exactement.
01:37Et en fait, on oublie les fondements de notre fiscalité.
01:41Fiscalité en France, il y a deux blocs.
01:42L'impôt sur le revenu, l'impôt sur les sociétés.
01:45Les deux sont indépendants l'un de l'autre,
01:48au-delà, naturellement, des versements de l'un à l'autre, notamment par les dividendes.
01:51Mais aujourd'hui, on aimerait taxer, à titre personnel, des revenus, des profits, de la valeur,
01:57qui est encapsulée dans une structure.
01:59Donc il y a un vrai sujet.
02:00D'ailleurs, il a été mis sur la table, qui est de dire,
02:02et notamment le gouvernement Bérou,
02:05qui est venu faire une contre-proposition,
02:08qu'on ne connaît pas dans ses grandes mesures,
02:10mais d'aller chercher une contre-proposition,
02:11justement pour être en accord avec la Constitution,
02:14parce que la Constitution, on ne va pas non plus la mettre de côté.
02:17C'est comme le droit européen, le droit de propriété,
02:19on ne peut pas non plus en faire ce qu'on veut.
02:22Aujourd'hui, il faut regarder quand même notre historique
02:24en matière de décision constitutionnelle.
02:26Un impôt sur le patrimoine, il peut toucher le bien professionnel,
02:31ça a déjà eu lieu.
02:32Il peut ne pas avoir de plafonnement,
02:35ça a déjà eu lieu.
02:36Mais dans ces cas-là, il faut que le taux soit suffisamment bas
02:39que par lui-même, ça évite le caractère confiscatoire de la mesure.
02:43Et le taux tel qu'il avait été validé à l'époque, c'était 0,5%, 2%,
02:47on en est quand même loin.
02:49Ceux qui sont derrière cette proposition d'évolution,
02:53ils expliquent que comme le seuil d'entrée est suffisamment élevé,
02:56ça permet de contrebalancer.
02:58Je dirais, il lance une pièce en l'air,
03:00et maintenant, il va falloir savoir de quel côté elle pourrait tomber,
03:02si tant est que cette taxe aille plus loin dans les débats parlementaires.
03:06Oui, parce que ça risque d'être compliqué de manière générale,
03:10mais je crois que c'était important de débunker un peu ça
03:12pour sortir de la psychose.
03:15Parce que c'est vrai que du coup, du côté du particulier,
03:19de quelqu'un qui a un petit capital ou du gros capital,
03:23on a passé la rentrée à parler de gens qui ne pensaient
03:27qu'à prendre leurs sous et à partir au Luxembourg.
03:32Il faut aller vraiment dans la technicité de la chose
03:35pour se rendre compte que c'est peut-être bien
03:39la menace fantôme la plus énorme qu'il soit.
03:41Exactement, et ce qui est assez intéressant ici,
03:43c'est qu'en quelques semaines, il y a eu des analyses économiques
03:46qui nous indiquaient que le transfert de résidences,
03:49l'expatriation fiscale, communément appelée comme ça,
03:52n'existait pas vraiment avec une telle mesure,
03:54que c'était psyllonesque et que ça avait un impact tout à fait ridicule,
03:58marginal.
03:59Je pense qu'il faut aussi interroger les praticiens,
04:02ceux qui, malheureusement, sont amenés à accompagner des gens
04:05qui transfèrent leurs résidences hors de France.
04:07le nombre est bien plus important que ce qu'on voit dans les papiers
04:10des économistes en la matière.
04:12Donc forcément, les impacts économiques qui en sont liés,
04:15on peut penser naturellement à la dépense,
04:18la TVA qui est récoltée qui ne le serait plus,
04:20on peut penser naturellement à tout l'emploi à domicile
04:22que ce type de richesses permettent d'avoir aussi de façon pléthorique.
04:27Et donc, il y a tout un écosystème qui sera abîmé,
04:30et pas uniquement la question de la rentrée fiscale immédiate
04:33de ces personnes qui s'en iraient de France,
04:35pour lesquelles on essaierait de faire toujours une corde de rappel.
04:38On a entendu dire aussi ceux qui voulaient faire en sorte
04:40que la nationalité française soit un critère de résidence fiscale en France,
04:43un peu à l'américaine,
04:44mais je pense qu'on n'a pas non plus le même poids
04:46d'un point de vue géopolitique que les États-Unis en la matière.
04:50Donc voilà, c'est vraiment la foire aux bonnes ou aux mauvaises idées,
04:54il y a vraiment de tout,
04:55c'est le concours Lépine en la matière,
04:56et c'est assez dramatique d'un point de vue opérationnel.
05:00Oui, parce que ça peut provoquer des mauvaises prises de décision
05:04de la part du particulier, de la part de l'investisseur.
05:07Alors, il y a un aspect qui est important aussi,
05:10au milieu de toutes ces réflexions,
05:12il y a la transmission des entreprises.
05:14Parce que mine de rien,
05:15lorsqu'il était question de parler de la taxe du CMAN,
05:19on imaginait des entrepreneurs obligés de liquider leur bien,
05:23donc leur entreprise, pour pouvoir s'acquitter de la taxe.
05:27Là, il est question de pouvoir la transmettre dans des bonnes conditions.
05:31Face aux évolutions réglementaires qu'on peut anticiper dans les prochains mois,
05:35est-ce qu'il y a des axes de réflexion
05:38que vous pourriez donner à celui qui est dans cette situation ?
05:41Tout est un peu lié aussi,
05:44parce que celui qui a son entreprise aujourd'hui,
05:46il y a une taxe du CMAN qui arrive,
05:47il va falloir savoir, si elle arrive encore une fois,
05:50savoir comment la régler,
05:51savoir après comment vivre dans le temps
05:54avec ce bien-là qui est professionnel,
05:57qui ne dégage pas forcément les mêmes types de revenus
05:59qu'un placement dans une CICAV monétaire,
06:01dans le PCVM, etc.
06:03Et donc de se retrouver avec une fiscalité de la transmission.
06:06Celle-ci est aussi mise un peu au pilori
06:10avec ce pacte d'Utreil
06:11qui est utilisé depuis une vingtaine d'années en France,
06:15qui permet une transmission par anticipation
06:17la plupart du temps des entreprises.
06:19Quand je dis par anticipation, c'est par donation.
06:21Mais oui, tout à fait.
06:22Avant, il fallait mourir pour qu'une entreprise
06:24soit transmise d'une génération à l'autre.
06:27Autant dire que ces transmissions-là se font mal,
06:29d'un point de vue opérationnel, d'un point de vue humain,
06:32et en plus d'un point de vue économique, d'un point de vue fiscal,
06:34c'était très coûteux.
06:35Mais avec le pacte d'Utreil, on a anticipé tout ça.
06:38C'est-à-dire qu'on a créé des donations du vivant de la personne.
06:41On orchestre.
06:42Forcément, la transmission se fait de façon plus apaisée.
06:45Il y a de la réflexion à l'intérieur des familles qui est faite.
06:48Et on paye un impôt beaucoup plus tôt.
06:50Puisqu'on paye au moment où on décide de donner.
06:52Et donc l'État, quand même, s'est retrouvé
06:54avec une manne financière par le jeu des donations
06:56qu'elle n'avait pas.
06:58Et si on touche demain aussi à cet outil professionnel,
07:01par la taxe du CMAN,
07:02il y aura des vérités de départ.
07:04Et les personnes arrivent aujourd'hui à structurer
07:07pour faire en sorte que le bien ne soit plus taxable
07:09le jour venu, si le jour vient, pour transmettre.
07:12Et si en plus, derrière, on vient impacter le pacte d'Utreil,
07:16clairement, on va avoir une grosse déperdition de valeur
07:19quand on cherche la souveraineté économique,
07:22quand on cherche d'avoir un tissu social qui est très développé.
07:26Et on sait que les entreprises familiales
07:29développent un tissu social local beaucoup plus fort
07:31que quand ce sont des fonds d'investissement, par exemple.
07:34Donc il faut pouvoir pondérer tout cela.
07:36Ce qui est dramatique aujourd'hui,
07:38et on va avoir dans quelques jours, quelques semaines,
07:40un rapport de la Cour des comptes
07:41sur un pacte financier fiscal du pacte d'Utreil
07:45qui va afficher un coût.
07:47Il faut savoir deux choses.
07:48C'est qu'un, la Cour des comptes,
07:50on lui a demandé combien ça coûtait.
07:51On n'a pas demandé quels étaient les bénéfices.
07:53Donc forcément, ça va venir alimenter le débat
07:56des pro-Zucman et des pro-taxations des patrimoines,
08:01et notamment des patrimoines professionnels.
08:02Et derrière, on n'aura pas le deuxième pan de la discussion.
08:06Et c'est là où il faut que tout un chacun puisse intervenir
08:08pour avoir une pédagogie qui soit à 360.
08:10Et je dirais que c'est aussi la responsabilité de vous,
08:12de vos médias, des journalistes,
08:14d'essayer de montrer le 360 en la matière
08:17qu'il n'existe pas uniquement un seul discours.
08:19Et on l'a vu avec la taxe Zucman,
08:20pendant un laps de temps,
08:21il n'y avait que les pro-Zucman
08:23qui intervenaient.
08:24Et depuis quelques temps,
08:25depuis quelques jours, quelques semaines,
08:26il y a aussi l'autre écho qui se fait valoir.
08:29Mais encore une fois,
08:29il faut rentrer sur la technicité,
08:32sur le texte lui-même,
08:33et ce qui les conforme à nos grands piliers.
08:36Les grands piliers de la 5e République,
08:38c'est la Constitution.
08:39Exactement.
08:40Donc, on résume.
08:42Pas de psychose.
08:43On va avoir un avocat.
08:45On va avoir des gens qui savent.
08:46On se renseigne.
08:47Et les choses peuvent très, très bien se passer aussi.
08:49C'est pour ça que j'étais très content de vous avoir,
08:51Olivier Janoré,
08:52avocat associé à la Cour du Rock Partners,
08:55pour un peu débunker toute cette psychose
08:57et essayer de revenir aux fondamentaux
08:59et de voir ce qu'il est possible de faire
09:00et des solutions.
09:01Il y a toujours la loi et la Constitution derrière nous.
09:03C'est aussi une leçon à retenir de tout ça.
09:05Merci beaucoup d'avoir été avec nous.