00:00Tout pour investir, le placement à suivre.
00:05Et on retrouve Julien Lebenzal d'Itoro qui nous fait l'amitié d'être en plateau aujourd'hui.
00:10Bonjour Julien.
00:11Bonjour Antoine.
00:12Merci d'être là.
00:12Alors bien évidemment on va revenir sur le gros titre qui monopolise l'attention depuis vendredi soir.
00:18C'est la dégradation de la note de crédit de la France par Fitch.
00:22Alors c'est jamais un...
00:23Bon, on minimise les choses.
00:25C'est vrai que les marchés quand même le prennent relativement bien.
00:28C'était très très anticipé.
00:29Mais il ne faut pas oublier que la baisse d'une note de crédit souveraine aussi importante que celle d'un pays comme la France,
00:36c'est un événement important sur les marchés.
00:40Vous, de votre point de vue, qu'est-ce qu'il ne faut pas perdre de vue ?
00:43Parce que là on voit que les marchés s'emballent un petit peu d'un air de dire c'est bon, c'est réglé.
00:47Oui, les impacts se rendent un peu plus long terme.
00:50Comment on se prépare à ça ?
00:53Je pense que les épargnants s'y préparent en fait.
00:57Il y a une statistique qui est souvent décrite récemment, on en parle pas mal, c'est le taux d'épargne des Français.
01:0417 à 18%, alors que la moyenne européenne est 13%.
01:09Et en fait cette épargne, elle pourrait refléter ce climat anxiogène autour des déficits élevés, du niveau de la dette,
01:17de la dette qui progresse et cette dégradation qui vient, bon a posteriori,
01:22c'est pour ça que les marchés ne réagissent pas, il y a posteriori cette notation,
01:25que la dette française a beaucoup progressé.
01:29Alors, on peut rester dans la partie anxiogène, je dois peut-être dire en introduction, être un peu plus positif,
01:35il y a les 17-18% si on ajoute le crédit immobilier, les remboursements pour notamment les résidences principales.
01:42On fait un taux qui doit faire 20 à 25%, on fait à peu près 40%.
01:45Ça veut dire qu'il y a 40% des revenus qui partent pour le futur.
01:50Et en fait, c'est bien.
01:52Non mais on peut le regarder positivement.
01:54Ça veut dire que les Français, comme d'autres pays,
01:56mais enfin les Français puisqu'on parle d'eux là ici avec le taux de 17-18,
01:59les Français mettent 40% de revenus pour des choses qui vont advenir.
02:02Ça veut dire qu'ils ont une vision de ce qu'est un patrimoine,
02:07de ce qu'est le futur, des risques, de la manière de se prémunir des aléas de la vie.
02:12Et ça, c'est une bonne chose.
02:13Je pense qu'il faut aussi le dire dans ce sens-là.
02:15Oui, voilà, par principe, c'est aviser de se couvrir et de prévoir à ce niveau-là.
02:24C'est peut-être les manières d'investir qui sont très investissement dans le futur, on va dire.
02:30Justement, ce taux de 17-18%, pourquoi il est plus élevé ?
02:33Alors, l'économiste David Ricardo avait une intuition, c'est le 19e siècle, en disant
02:38« En fait, si vous faites un cadeau fiscal à vos citoyens,
02:42ils vont comprendre qu'on va vous le reprendre plus tard.
02:45Ils le comprennent.
02:46Ils savent que quand on vous donne quelque chose, rien n'est gratuit. »
02:50Je schématise sur l'expression de l'époque.
02:53On vous donne 1 000 euros de baisse d'impôt.
02:54Que font les gens, selon lui ?
02:55C'était son intuition.
02:57Ils économisent 1 000 euros, tout de suite,
02:59parce qu'ils savent qu'on va leur redemander ça, plus tard.
03:02C'est une sorte de bon sens, d'attitude rationnelle.
03:04Alors, est-ce que cette intuition est vraie ?
03:06C'est connu sous l'acronyme en économie d'équivalence ricardienne,
03:11mais c'était repris par un économiste américain dans les années 70,
03:13qui, lui, a fait des études.
03:15Et il a vu aux États-Unis que ça fonctionnait pas mal.
03:17Et on a fait d'autres études après dans le CDE, ça fonctionne correctement.
03:21Et le pays où ça fonctionne parfaitement, c'est le Japon.
03:24Les Japonais ont toujours compris, ont toujours eu l'attitude rationnelle,
03:28d'épargner face à une difficulté de l'État à venir.
03:33Donc, conclusion de tout ça, c'est quand même très probable
03:35que le taux de 17-18% soit à relier avec la compréhension que les ménages ont
03:41du fait que de financer, par exemple, des retraites
03:44dont le régime n'est plus équilibré ou ne le sera plus
03:47par du déficit public, c'est quelque chose qu'à un moment,
03:49on leur demandera d'une manière ou d'une autre,
03:51soit en baissant les retraites, en augmentant les impôts.
03:53Voilà.
03:54C'est une attitude, encore une fois, qui est rationnelle.
03:56D'ailleurs, c'est une des hypothèses de validation de cette théorie.
03:58Alors maintenant, pour nous, pour ce qui concerne les marchés financiers,
04:01nous, on le voit très bien, l'éducation,
04:04on dit toujours que l'éducation financière des Français
04:06n'est pas assez bonne, c'est pour ça qu'ils n'investissent pas.
04:08C'est vrai et faux.
04:09En tout cas, les professionnels bougent beaucoup depuis quelques années
04:13pour améliorer l'éducation financière.
04:15Donc, on s'en rend compte nous-mêmes,
04:17on a une académie d'euro, mais d'autres le font,
04:19et très bien, il y a vraiment des choses remarquables.
04:21On se rend compte que nos clients, enfin les épargnants,
04:24comprennent ce qu'est-ce qu'un investissement de long terme.
04:26Ce qui veut dire qu'ils ne se ruent pas systématiquement
04:29sur le fonds en euros.
04:30Ils le comprennent.
04:31Mais, dans les 17-18% dont je parle,
04:34il y a cette idée que, comme on a un déficit
04:37et une hausse d'impôts devant nous,
04:38sur quel support on va placer cette épargne
04:41qui correspond à cette anticipation ?
04:44Eh bien, sur une épargne de type fonds en euros.
04:46Donc, on n'investit pas.
04:47Et c'est ce qui explique beaucoup
04:49le côté extrêmement stable.
04:52Le côté extrêmement stable
04:53de l'épargne
04:54qu'on qualifierait de non-productive.
04:57C'est qu'il y a une telle anticipation
04:59des conséquences de la situation
05:01qu'en fait, on ne va pas tellement
05:03sur les supports d'investissement de long terme.
05:05Encore une fois, je le dis pour l'expliquer,
05:07mais je dis qu'en même temps,
05:08les épargnants comprennent de mieux en mieux
05:11la problématique de l'allocation de long terme.
05:13On le voit quand ils établissent
05:14leur plan d'épargne-retraite.
05:16Ils ne cherchent pas du tout
05:17à aller sur un fonds en euros.
05:18Ils comprennent qu'il faut être disposé
05:20avec des obligations de long terme,
05:22avec des actions,
05:23avec éventuellement d'autres choses
05:24comme un peu de private equity,
05:26des choses comme ça.
05:26Mais ils comprennent que cet argent
05:28qui est là pour fructifier
05:30pendant 20, 25, 30 ans,
05:32n'entre pas dans la considération
05:33des trimestres ou années à venir
05:36qui est celle de l'anxiété
05:37de la dette publique.
05:39Ce qui est très intéressant
05:40à travers ce paradoxe,
05:41parce qu'on le répète aussi,
05:43le principal argument
05:46pour investir dans tel ou tel support
05:48de la part des investisseurs,
05:50c'est sa liquidité, sa disponibilité.
05:52On voit que non seulement
05:55on est prêt à mettre de côté,
05:56mais en plus à se dire
05:57« ça ne va pas me rapporter grand-chose,
05:59mais bon, c'est comme ça ».
06:00Mais au moins, l'argent est de côté
06:02et est là pour financer
06:05d'éventuels revers d'environnement.
06:07Et là encore, c'est rationnel,
06:09parce que comme vous ne connaissez pas
06:10la date, le moment
06:12auquel on va vous demander
06:13un peu plus d'impôts
06:15ou on va vous donner
06:16un peu moins de quelque chose,
06:17je citais les retraites,
06:19vous ne la connaissez pas cette date.
06:21Vous n'avez donc pas
06:21d'horizon d'investissement.
06:23C'est pour ça que je fais
06:23le comparatif avec le plan
06:24d'épargne-retraite
06:25où dans l'esprit des épargnants,
06:27c'est la retraite.
06:29On va dire un épargnant moyen,
06:30il a 45 ans,
06:31il sait qu'il en a pour 20 ans.
06:32Son épargne doit progresser
06:34pendant 20 ans.
06:36C'est bien ce qu'il a en tête
06:37et c'est là qu'il accepte le risque.
06:39En revanche,
06:40l'épargne dite de précaution,
06:42mais je l'élargis
06:42à l'épargne dite d'anxiété
06:44par rapport à la situation,
06:45cette épargne-là,
06:46comme on n'a pas
06:47d'horizon de temps,
06:48attitude rationnelle,
06:49je dois être sur un support
06:50plutôt liquide,
06:51même s'il me rapporte peu.
06:53Et c'est comme ça
06:53qu'on obtient une surépargne
06:55et notamment sur des produits
06:56qui ne sont pas
06:57de vrais produits
06:58d'investissement de long terme.
06:59Alors même
07:00qu'on voit
07:01que les marchés actions,
07:02il faut vraiment
07:03une bombe nucléaire
07:04pour les arrêter,
07:05c'est vrai qu'il y a
07:07une certaine hypothèque
07:08géopolitique
07:09qui rend cette image
07:09un peu bizarre,
07:10mais il y a du rendement
07:12à prendre sur le marché actions
07:13aussi bien du point de vue
07:14de la performance
07:15que du coupon
07:15et on sait qu'on gagne,
07:18je ne veux pas dire
07:18à tous les coups,
07:19ce serait bête de dire ça
07:20parce qu'il y a toujours
07:21de la volatilité à court terme,
07:22mais on voit que
07:23fondamentalement,
07:25tout pousse l'épargnant
07:26vers les actions,
07:27qui est le support
07:27le plus dynamique,
07:28c'est peut-être celui
07:29qui lui fait le moins envie
07:30finalement.
07:32Il se retrouve
07:33dans l'équation
07:33que je décris,
07:34il a cette incertitude
07:36sur l'horizon fiscal
07:38en quelque sorte
07:38qui l'amène,
07:40l'incite à ne pas
07:41prendre un risque
07:41parce que si vous devez
07:43utiliser une partie
07:44de votre capital
07:44dans deux ans,
07:45dans trois ans,
07:45parce qu'il se passe
07:46quelque chose
07:46au niveau de la fiscalité,
07:48vous savez que vous ne pouvez
07:49pas être sur les actions.
07:50Justement, c'est là
07:50où l'éducation financière
07:51progresse.
07:53Des gens comme nous
07:53et encore une fois
07:54beaucoup d'autres acteurs
07:55du marché font un travail
07:56pour expliquer que
07:57si vous achetez
07:57un portefeuille d'actions
07:58aujourd'hui,
07:59vous pouvez perdre
08:01dans un an 25%.
08:02Vous pouvez gagner
08:03dans un an 25%.
08:04Mais ça, on ne sait pas.
08:06Ce qu'on sait,
08:06c'est que si vous tenez
08:07en moyenne une durée
08:08supérieure à 5 ans
08:09et idéalement 10 à 15 ans,
08:11eh bien,
08:12assez systématiquement,
08:13vous êtes en situation
08:14de gain.
08:14Donc, votre épargne
08:16a progressé
08:17et en général
08:17plus que l'inflation.
08:19Ça, c'est des choses
08:19qui sont admises.
08:20Je reviens toujours
08:21au point de départ.
08:22Pourquoi elle est faite,
08:23cette épargne ?
08:24Pour un ensemble de raisons
08:25et c'est pour ça
08:26qu'on trouve un ensemble
08:27de supports qui sont présents,
08:29mais beaucoup de supports,
08:31beaucoup et trop
08:31de supports liquides
08:32du fait de la visibilité
08:34que les gens ont
08:35rationnellement
08:36sur la fiscalité.
08:38Et donc,
08:38plus on est liquide,
08:39moins il y a
08:39de moyens de rendement
08:41nécessairement.
08:41Exactement.
08:42Puisque, évidemment,
08:43c'est le risque
08:43qui va déterminer tout ça.
08:45Donc, ce que vous conseillez,
08:46en fait,
08:47c'est quand même
08:47d'examiner ses besoins,
08:49d'examiner ses priorités,
08:51d'avoir toujours à cœur
08:52de, on va dire,
08:54de diversifier au mieux
08:55les supports d'investissement,
08:56mais toujours
08:57avec cette échelle de temps
08:58qui va déterminer
08:59de quoi j'ai besoin.
09:00Exactement.
09:02Il ne faut pas considérer,
09:04alors là où vraiment
09:05les épargnants,
09:06en général,
09:06ont fait beaucoup de progrès
09:08grâce à l'industrie,
09:09c'est que l'inquiétude
09:11de l'épargne,
09:12c'est-à-dire je n'y comprends rien,
09:13je ne sais pas ce qui se passe,
09:13cette inquiétude commence
09:14à s'estomper un peu.
09:16Toute l'activité en ligne,
09:18d'explication,
09:19de comment ça fonctionne,
09:20aide beaucoup.
09:21Et donc,
09:21ce qu'il faut,
09:22c'est rentrer dans un travail
09:23d'examen,
09:24d'analyse
09:25de sa situation,
09:27de ses besoins actuels,
09:28de ses besoins futurs,
09:29de la manière dont organiser tout ça
09:31et ensuite construire justement
09:33son patrimoine
09:34et la progression de son patrimoine
09:35en alimentant chaque mois
09:37telle ou telle poche d'investissement.
09:40Et je le dis parce que je le constate,
09:42quand on parle plan épargne-retraite
09:43avec des épargnants,
09:45ils savent que c'est pour la retraite.
09:46Dans leur esprit,
09:47c'est une case qui est bien séparée,
09:49bien isolée du reste.
09:50Et ils savent que là,
09:51ils vont prendre des risques.
09:52Donc,
09:52il ne faut pas être soit
09:54tout en risque en disant
09:55je n'ai peur de rien,
09:56il ne faut pas être tout en prudence
09:58en disant je ne sais pas
09:59ce qui va se passer.
10:00Il faut examiner les besoins
10:01de chacun,
10:02la situation
10:02et adapter la construction patrimoniale
10:05en fonction de ce que,
10:07encore une fois,
10:08beaucoup d'acteurs de l'industrie
10:09permettent aujourd'hui.
10:10Les conseils,
10:11les bons conseils de Julien Nebenzal,
10:13dit taureau sur la finance comportementale
10:15qui est toujours riche d'enseignements.
10:17Merci beaucoup Julien,
10:18à une prochaine fois.
10:19Sous-titrage Société Radio-Canada