00:00Retour sur les élections en Irak. La liste du Premier ministre remporte une large victoire.
00:04Il brigait un second mandat. Notre invité, c'est Michel Fayad.
00:06Bonjour. Vous êtes professeur de géopolitique à l'Institut français du pétrole et des énergies nouvelles.
00:12L'Irak a connu une stabilité ces dernières années après plusieurs décennies de guerres et de répression
00:17avec l'époque Saddam Hussein. Avant de parler des élections, est-ce qu'aujourd'hui vraiment en Irak
00:21on est dans une situation démocratique ou est-ce qu'il y a une certaine fragilité derrière ces élections à regarder ?
00:28Il reste encore une fragilité parce qu'il y a de l'argent qui circule dans le pays
00:33parce que les Iraniens veulent toujours influer donc ils payent les proxys qu'ils ont
00:38c'est-à-dire les H&S et leur relais politique.
00:41Et puis il y a également les États-Unis qui essayent de faire une certaine pression
00:45pour justement contrer l'influence iranienne.
00:48Donc il y a quand même des enjeux et des influences étrangères et même saoudiens
00:52qui essayent de jouer à nouveau un rôle à travers la minorité sunnite.
00:55Donc il y a quand même énormément d'influence qui pèse sur les élections
01:00mais en tout cas bien sûr c'est beaucoup plus démocratique que d'autres pays.
01:03C'est quand même une élection organisée officiellement avec des gens qui votent.
01:08Et qui a attiré l'engouement de beaucoup d'Irakiens.
01:10Alors vous dites l'engouement, on est quand même sur des taux, on est autour de 50% de participation.
01:15Même un peu plus, 55.
01:17Mais vous dites engouement.
01:17Oui parce que par rapport aux dernières élections, il n'y en avait que 41%.
01:21Et il y a eu en plus le boycott de Mokhtar el-Sadr qui est le leader chiite
01:28qui avait remporté les dernières élections.
01:30Donc malgré son absence, son boycott à ces élections, il y a un taux de participation encore plus élevé.
01:35Donc ça montre quand même un certain engouement de la part de la population.
01:39Et même côté kurde, la participation en fait augmente à plus de 60%.
01:45Donc il faut voir à mon avis tous les éléments.
01:49Annalisa Capellini.
01:50Le Premier ministre est soutenu par des parties, des factions chiites liées à l'Iran.
01:55Donc il y a encore effectivement, si ce n'est pas une mainmise, du moins une influence de l'Iran sur la région.
02:02Vous pensez que ça va se reproduire pour le deuxième mandat du Premier ministre ?
02:07En fait, il n'a pas totalement le choix parce qu'il fait partie de ce qu'on appelle le cadre de coordination chiite
02:12avec l'ancien Premier ministre Maliki et les Haché-Sharbi.
02:15Donc le proxy iranien dans le pays qui compte 150 000 combattants qui ont vaincu Daesh durant la dernière guerre.
02:22Et donc il est obligé de faire avec ses alliés à la fois politiques et ses gens qui sont présents militairement dans le pays,
02:30qui le souhaitent intégrer dans l'armée irakienne parce qu'aujourd'hui ils sont plus forts même que l'armée irakienne.
02:34Et pour lui donc, il est obligé de faire une espèce de grand écart entre un accord avec les Iraniens,
02:42parce qu'ils sont tellement influents dans son pays,
02:44et la pression américaine qui lui dit par exemple de ne plus acheter de gaz auprès de l'Iran,
02:49qui lui dit de faire attention à ne pas tomber sous sanctions américaines,
02:56sachant qu'il y a même certains partis irakiens pro-iraniens qui sont vraiment sous sanctions américaines pour le coup.
03:01Donc il est obligé de faire ce grand écart, et ce n'est pas toujours évident pour lui.
03:04Et le grand enjeu à mon avis de ce nouveau mandat qui se profile pour lui,
03:09c'est vraiment l'entente avec les Haché-Sharbi pour qu'ils intègrent l'armée irakienne.
03:16Et ce qu'il faut aussi à mon avis prendre en compte,
03:20c'est qu'il va y avoir maintenant pendant plusieurs mois des négociations pour former ce nouveau gouvernement.
03:26C'est encore pire qu'en France.
03:28Sachant que c'était des élections législatives où il fallait choisir entre plus de 7000 candidats.
03:35Alors là, c'est encore un autre level.
03:377000 candidats, c'était des listes, et ça marchait comment ?
03:40En fait, non seulement 7000 candidats, mais on a en plus barré la route de plus de 300 candidats
03:44qui étaient accusés d'être bahasistes, c'est-à-dire liés à l'ancien régime de Saddam Hussein.
03:49Et en fait, il y avait une nouvelle loi électorale qui était beaucoup plus localisée
03:53pour, en principe, combattre la corruption, empêcher justement l'achat de voix.
03:58Et le système irakien est assez particulier, il ressemble un peu au système libanais,
04:02c'est-à-dire qu'il y a une répartition confessionnelle et ethnique du Parlement.
04:08Vous avez 329 députés, dont 9 minoritaires, dont les chrétiens.
04:13Et donc, les 320 autres sont répartis à la hauteur de 65% de chiites, 15% de kurdes et 20% de sunnites.
04:24Et donc, il y a tout un schmilbik, disons, à se mettre en place,
04:30sachant que le président de l'Irak est généralement kurde.
04:34Le premier ministre est donc chiite, et c'est lui qui contrôle l'exécutif.
04:38Et le président du Parlement, lui, est sunnite.
04:41Et ce qu'il faut aussi voir, c'est que, donc, pour former cette coalition gouvernementale,
04:46il ne peut pas, Soudanie, qui a remporté les élections, enfin, en tout cas, qui est arrivé en tête,
04:50ne peut pas gouverner tout seul.
04:52Donc, il est obligé de faire des alliances avec les Kurdes, avec les sunnites, etc., pour gouverner.
04:56Et donc, chez les Kurdes, il va faire alliance avec Barzani,
05:01qui est le chef du Parti démocratique du Kurdistan,
05:03et qui a remporté largement les élections parmi les Kurdes.
05:07Et il va faire alliance également avec l'ancien président du Parlement,
05:13qui a remporté, lui, pour le coup, les élections côté sunni.
05:16Oui, ce n'est pas simple.
05:17Non.
05:17Parlez-nous de l'économie irakienne.
05:19Aujourd'hui, le pétrole, à quelle place ?
05:22Elle est totalement prédominante, j'imagine.
05:23Mais à quel niveau ?
05:25Aujourd'hui, l'Irak, c'est le deuxième pays exportateur de pétrole au sein de l'OPEP.
05:30Donc, on parle de 4 millions de barils à peu près produits par jour.
05:35L'ambition de Soudanie, c'est de monter à 6 millions de barils de brut produits chaque jour.
05:40Mais pour cela, il doit attirer les investissements.
05:42Et vous savez aussi qu'il est quand même de plus en plus compliqué
05:45pour les entreprises européennes et même américaines,
05:48du fait de la pression écologique, environnementale, d'investir dans le pétrole.
05:53Et ça, ça crée quand même beaucoup de soucis pour les Irakiens,
05:56puisque justement, on parlait avant du fait que Soudanie doit prendre en compte
06:00les intérêts iraniens, les intérêts américains.
06:02Mais du coup, pour le pétrole, il est obligé de prendre également en compte les intérêts chinois.
06:06Ah oui, les intérêts chinois.
06:07Puisque les Occidentaux, comme je vous le dis, sont bloqués par les aspects environnementaux.
06:11Donc, ils investissent de moins en moins dans le pétrole.
06:13Et donc, ils se tournent vers les Chinois qui, eux, n'ont pas de problème à investir dans le pétrole.
06:18Et donc, ils doivent vraiment jouer par rapport à toutes ces puissances,
06:21à la fois internationales et régionales.
06:23Merci beaucoup, Michel Fayad, d'être venu ce matin dans la matinale de l'économie.