00:00Et tout de suite, comme chaque jour, un expert de marché vient déconstruire les idées reçues.
00:04Aujourd'hui, c'est Véronique Richelorès qui nous accompagne, économiste indépendante, fondatrice de Richelorès Research, RF Research.
00:09Bonjour Véronique.
00:10Bonjour.
00:11Ravie de vous retrouver.
00:12Bonjour.
00:12La baisse des taux des banques centrales permettra de détendre les taux longs et apaisera donc les tensions sur les dettes.
00:17Certains le pensent, mais pas vous.
00:19Vous dites bullshit.
00:24Vous foudroyez.
00:25Cette idée que la baisse des taux directeurs détendrait les taux longs et donc aussi les enjeux autour des dettes.
00:30Pourquoi ça ne marcherait pas cette fois-ci, Véronique ?
00:34On va dire, si je veux répondre de manière synthétique, pour une question de confiance.
00:40En fait, parce que, un, d'abord, on voit bien que les problématiques inflationnistes n'ont pas complètement disparu du radar.
00:49L'inflation américaine semble quand même avoir plus de chances de regagner du terrain.
00:54Et déjà, à regagner du terrain, avant même les droits de douane totalement imposés encore, notamment à l'égard de la Chine.
01:03En Europe, finalement, l'inflation, alors sauf là où on aimerait un peu d'inflation, c'est-à-dire en France, ailleurs, ça résiste, et notamment en Allemagne.
01:12Et donc ça, c'est le premier point.
01:14Et les banques centrales, surtout du côté américain, nous disent on va baisser les taux d'intérêt.
01:19Enfin, c'est surtout Donald Trump qui nous le dit.
01:21Et on finit par le croire, puisque finalement, il a mis la main sur le bord de la Fed.
01:25Deuxièmement, ça fait un petit moment qu'on voit les primes de termes.
01:28Alors, c'est des primes de risque, on appelle ça primes de termes pour les différencier de la prime de risque marché, action versus obligation.
01:36Ces primes de termes, elles enfourent, c'est-à-dire que les marchés ou les investisseurs demandent de plus en plus de couverture,
01:43quand ils veulent financer, notamment les États qui servent de référence pour ces emprunts à très long terme.
01:48Alors, les emprunts à très long terme, on a tous les yeux rivés sur le 10 ans.
01:52En l'occurrence, il faut aller regarder plus loin, et notamment les taux à 30 ans qui grimpent, qui grimpent, qui grimpent.
01:58Et les banques centrales, on regarde la BCE, par exemple, qui a divisé par deux le taux directeur au cours de l'année écoulée.
02:05Non seulement ça n'a pas permis au taux de 10 ans de bouger, mais le taux à plus long terme partout en Europe.
02:11Ce ne sont pas des échéances sur lesquelles on se finance beaucoup.
02:13Heureusement.
02:14Mais se sont littéralement envolées.
02:16Donc, pour l'instant, les baisses de taux de la BCE sur les taux longs sont des coûts d'épée dans l'eau.
02:19Les taux longs, eux, restent élevés, voire continuent de monter.
02:22Est-ce que c'est aussi dû à des facteurs externes comme les risques géopolitiques ?
02:26Est-ce que les risques géopolitiques tendent aussi les taux ?
02:27Bien évidemment que les risques géopolitiques sont partie prenante de la situation.
02:31D'abord parce qu'ils posent tout un tas de questions sur les perspectives inflationnistes.
02:37Deuxièmement, parce que ce sont des risques diplomatiques.
02:39Et donc, qui posent la question du financement futur des États.
02:42Est-ce que l'État du chemol continuera à financer demain tel pays qui a besoin de financement ?
02:48On ne sait pas.
02:50Et puis, troisièmement, parce que ces tensions géopolitiques ont comme contrepartie une explosion des budgets de la défense.
02:56Et on l'a vu la semaine dernière.
02:58Quand le ministre japonais de la défense dit vouloir porter encore sur un nouveau record le budget de la défense l'an prochain,
03:07immédiatement, les taux japonais à 20 ans, à 30 ans, se tentent de nouveau pour rejoindre des niveaux qui sont comparables à ceux qu'on a en Occident.
03:15Donc, on a vraiment un contexte-là qui me semble très important.
03:21Qu'est-ce que ça nous dit ? Défiance.
03:23Oui, aussi, le facteur géopolitique, vous l'avez bien évoqué, mais aussi, il y a peut-être des craintes sur l'indépendance de la Fed aussi qui contribuent à maintenir les taux à ces niveaux-là.
03:32Dans ce contexte-là, forcément, on aimerait des banques centrales qui soient suffisamment fortes, comme elles ont pu l'être à certaines époques du passé,
03:41pour garantir qu'il n'y aura pas d'inflation et qu'elles seront toujours maîtres à bord, y compris pour donner un petit peu le ton des politiques budgétaires.
03:49Par exemple, aujourd'hui, Donald Trump nous dit non, moi, je veux que la Fed baisse les taux.
03:54Il n'y a pas de problème d'inflation, elle baissera ses taux.
03:55Et d'ailleurs, je nettoie le bord de la Fed jusqu'à la démission de Lisa Cook, la dernière, ce qui fait que les Républicains sont effectivement majoritaires au bord de la Fed
04:03et qu'ils, y compris les économistes, finalement, sont contraints d'envisager que la Fed baisse ses taux d'intérêt alors que rien ne le justifie.
04:12Alors, si la Banque centrale n'est plus là pour gagner son indépendance, pour préserver l'inflation, mais quand on parle de préserver l'inflation,
04:19on parle de préserver la valeur de la devise, du dollar.
04:22Si la Fed ne peut plus jouer ce rôle-là, forcément, les primes de termes, les primes de risque augmentent et le coût de la dette augmente.
04:30Voilà le cercle vicieux dans lequel nous sommes.
04:33On va se retrouver dans une situation, en fait, où les taux réels sont appelés à rester élevés et où la Fed va baisser ses taux.
04:41Donc, ça va faire comme ça.
04:43Les conséquences, c'est quoi ?
04:44Les conséquences, c'est un risque accru, effectivement, d'explosion des taux à très long terme, d'explosion des coûts de financement des États à travers le monde.
04:54On ne parle pas de la France, mais également.
04:56Et bien évidemment, des retombées économiques qui ne sont pas du tout celles que la plupart des observateurs envisageaient avec la perspective de baisse des taux directeurs,
05:06qui était notamment reprise de l'immobilier ou autre.
05:09Non, les conditions de financement sont plus la même de se durcir que l'inverse aujourd'hui.
05:15Et je pense que c'est un sujet absolument majeur.
05:17Mais il faut ouvrir un petit peu le regard au-delà des 10 ans pour le voir jusqu'à maintenant.
05:23On le voit sur les échéances 30 ans, c'est encore plus triant, 50 ans même.
05:26Tout à fait.
05:27Est-ce que la démographie, le vieillissement démographique aussi est de nature à faire progresser eux aussi les taux longs ?
05:35Est-ce que le vieillissement, effectivement, même si les banques centrales baissaient leurs taux,
05:39est-ce que le vieillissement amènera les taux longs à encore plus progresser malgré l'action des banques centrales ?
05:42Bien évidemment.
05:43C'est une des conclusions majeures, effectivement, de ce qu'on pouvait attendre de ce vieillissement,
05:47qui a tendance à s'accélérer à l'échelle mondiale, pour deux raisons qui se combinent.
05:53La première, c'est qu'effectivement, le vieillissement coûte de l'argent aux États.
05:58On n'est bien pas assez pour le savoir, mais on n'est pas les seuls.
06:00Le coût des retraites est considérable, le coût des systèmes de santé est souvent considérable.
06:06Et les entrées de recettes fiscales sont impactées par la réduction de la croissance à minima,
06:15souvent la baisse de la population active.
06:17Plus de dépenses, moins de revenus, il y a l'os des taux.
06:21Et de l'autre côté, attention, l'épargne, on ne le voit pas encore.
06:24Mais au fur et à mesure que la population vieillit, sa capacité à épargner diminue.
06:29Donc, sa capacité à financer le reste de l'économie diminue.
06:32Donc, face à face, ces deux éléments-là font effectivement prédire une envolée,
06:38une remontée des taux d'intérêt, dont le calendrier est encore incertain.
06:42Vous mettez un Donald Trump au milieu et ça va beaucoup plus vite.
06:45Une charge de la dette qui sera encore amenée à progresser,
06:47même si les banques centrales a baissé leur taux.
06:49En tout cas, la dette long terme, on en reparlera aussi dans la suite de BFM Bourse.