00:00Avec Jean-François Robin, il nous rejoint. Vous le savez, chaque jour, un expert de marché vient déconstruire les idées reçues, combattre les idées trop faciles.
00:07Jean-François Robin est directeur de la recherche de Natixis. Bienvenue Jean-François.
00:10Bonjour à tous.
00:11Content de vous retrouver. Le projet de loi de finances de la sécurité sociale n'est pas parfait.
00:15Mais c'est une bonne nouvelle quand même qu'il ait pu être voté. Une bonne nouvelle pour la France, pour limiter l'écart de taux entre la France et l'Allemagne.
00:20Certains, oui, le pensent et sont soulagés de ce qui a été voté hier. Pas vous, vous vous dites bullshit.
00:24Vous foudroyez cette idée que le vote du budget de la sécurité sociale serait un moindre mal et qu'on devrait finalement s'en contenter ?
00:34Oui, je trouve que c'est vraiment désespérant. Ce vote, on n'avait peut-être pas le choix, mais toujours est-il qu'on vote un déficit de la sécurité sociale en hausse de 20 milliards,
00:44au moment où il faut réduire les dépenses et penser que ça, c'est un succès.
00:49Le fait que la principale recul, c'est quand même la réforme des retraites. Et ça, pour moi, c'est quelque chose d'assez fantastique de l'extrême gauche à l'extrême droite.
00:57Tout le monde était pour revenir sur cette réforme. Le parti de l'extrême droite, parfois, nous parle de 60 ans, tout en voulant être vu comme un parti raisonnable.
01:05Ça laisse quand même un peu interdit. Je rappelle quand même que les dépenses de retraite françaises, c'est quasiment 30% de nos dépenses qu'on dépense plus que tout le monde.
01:15Que la France, c'est 0,8% de la population mondiale, c'est 6% des dépenses de retraite du monde.
01:20Qu'on est le pays qui a l'espérance de vie parmi les plus élevés et qui est le pays qui travaillons le moins.
01:26On a un énorme déficit de quantité de travail en France par rapport au reste du monde.
01:32Et là, ce qui vient d'être voté, finalement, c'est de creuser un déficit. Et pourquoi ? Pour financer encore plus des dépenses de retraite.
01:39Alors, on va rentrer dans le détail. Vous dites, ce projet de loi de finances de la sécurité sociale, c'est un long sens démographique.
01:44Vous venez de l'expliquer, on entrera davantage dans le détail. Un long sens politique et un long sens économique.
01:48Pourquoi c'est un long sens, voire un naufrage ? C'est ce que vous écriviez en préparant avec moi ce rendez-vous.
01:53Un naufrage économique, là, ce qui s'est passé hier. C'est un moindre mal. Enfin, je comprends, mais c'est un moindre mal.
01:58Oui, alors en même temps, c'est un moindre mal par rapport à 30 milliards.
02:01Mais c'est un peu quand Trump nous dit, vous avez 15%, c'est mieux que 50% de droits de douane.
02:05Oui, 20, c'est mieux que 30. Mais encore une fois, c'est quand même terrible qu'économiquement, on soit en train de creuser notre principal problème,
02:13qui est aujourd'hui celui de la compétitivité de nos entreprises.
02:16Et pourquoi cette compétitivité des entreprises est mise à mal, c'est justement à cause des impôts.
02:20Je rappelle qu'on est le pays le plus imposé. On est sur une part des impôts qui est record.
02:26On est, encore une fois, je disais, 0,8% de la population mondiale, 5,4% des dépenses sociales du monde.
02:33Il y a un moment où on a un modèle qui est aujourd'hui totalement insoutenable.
02:36Et ça, on vient de le creuser encore avec ce PLFSS. Je trouve que c'est assez aberrant.
02:42Et vous regardez les choix budgétaires de la France. En 50 ans, dites-vous, on a divisé par deux nos dépenses militaires
02:47et augmenté, multiplié par deux nos dépenses de retraite.
02:49Oui, tout à fait. Les choix politiques qu'on fait aujourd'hui, l'essentiel de l'argent,
02:53de ce fameux ruissellement de l'argent public, sur les 11 points de hausse des dépenses publiques
02:58entre 1975 et aujourd'hui, vous en avez 8,5% qui est dans les dépenses sociales et 40% sur les retraites.
03:04Donc, vous avez quand même un espèce de choix collectif aujourd'hui,
03:07qui est de donner de l'argent à ceux qui ne travaillent pas.
03:09Encore une fois, il y a l'étude de l'INSEE qui vient de sortir,
03:12qui vous montre que le pic de la richesse, il est à 60 ans, et qui ne baisse pas jusqu'à 75 ans.
03:18Donc, les 75 ans sont les plus riches de France, quelque part.
03:21Et qu'est-ce qu'on a fait pendant ce temps-là ?
03:24On a divisé par deux les dépenses militaires,
03:26mais on peut parler de toutes les dépenses comme ça.
03:28Vous avez aujourd'hui une priorité qui est donnée.
03:31Les dépenses retraites, je le disais, c'est presque plus de 25% des dépenses publiques.
03:34Les dépenses qu'on met dans l'éducation nationale, c'est 10%.
03:37Les dépenses qu'on met dans l'aide aux entreprises, c'est autour de 11%.
03:40On est sur des choix collectifs qui sont complètement à rebours de ce que...
03:44Je vous donne un dernier chiffre là-dessus, c'est quand même hallucinant, je le dis,
03:47on est autour des dépenses de santé et de retraite, on est autour, je le disais, d'un tiers du PIB français.
03:53L'État communiste, par définition de la planète, la Chine, c'est 9%.
03:57Ça vous donne quand même une idée où on en est, quoi.
04:00On est quand même sur un truc, 9% d'un État communiste, nous, c'est 25%.
04:04En sachant que les fonctionnaires, jusqu'à pas longtemps, en Chine, s'arrêtaient à 55 ans, voire 58 ans.
04:10Mais c'est très intéressant, parce que qu'est-ce qu'ils ont fait les Chinois là-dessus ?
04:14Ils avaient 54 ans d'âge moyen de retraite, ils sont passés à 70 ans.
04:17C'est l'avantage d'être une bonne dictature, je vous l'accorde,
04:19mais quand même, quand vous regardez l'âge moyen en Europe aujourd'hui,
04:22il est beaucoup plus proche de 67 ans.
04:24Les Italiens sont à 67, les Danois sont en train de passer à 70.
04:27Et je le rappelle, on est l'État européen qui vivons le plus longtemps.
04:32Alors vous allez me dire, c'est peut-être parce qu'on bosse moins,
04:34Oui, c'est pas mal, c'est bien, c'est bien, c'est un défaut.
04:38C'est pas beau, c'est...
04:39Ce qui est très étonnant, c'est qu'on considère que c'est une avancée sociale de ne pas travailler.
04:42On peut questionner la valeur travail là-dedans, mais quand même...
04:45J'ai cru que tu allais répondre, oui, mais on consomme du coup.
04:49Je rappelle que collectivement en France, on gagne 3 mois d'espérance de vie par an,
04:52qu'à 70 ans, vous avez les mêmes capacités cognitives aujourd'hui
04:55qu'à quelqu'un à 55 ans il y a 30 ans,
04:58et pour autant, on abaisse l'âge de la retraite.
05:00C'est un non-sens.
05:02Donc ce que vous dites, c'est qu'en fait,
05:03la seule chose qu'on a réussi à industrialiser en France
05:05en termes de réindustrialisation, c'est les dépenses de retraite,
05:07depuis 20-30 ans, on n'a rien réindustrialisé d'autre.
05:10C'est un peu...
05:11Peut-être très noir aujourd'hui, Jean-François.
05:12Non, mais ça ne boucle pas de dire qu'on veut lutter contre la désindustrialisation
05:16et en même temps de voter un truc
05:18où on augmente de 20 milliards le déficit,
05:20et comment est-ce que le seul financement
05:21qu'on est capable de faire, c'est d'augmenter la CSG,
05:24c'est-à-dire qu'on augmente
05:26le principal problème de compétitivité pris de la France,
05:28qui est celui de ses impôts.
05:30– Ce n'est pas non plus un drame que de voir par exemple
05:32parler des prélèvements qui augmentent, c'est vrai.
05:35Ce n'est pas bon pour l'industrie,
05:36ce n'est pas bon pour l'économie.
05:37Enfin, pour les investisseurs aussi, ça augmente.
05:39La flat tax va passer de 30 à 31,4%, on est d'accord ?
05:43Ça va !
05:44Oui, on aurait préféré que ce soit l'inverse
05:46et que le taux de prélèvement recule.
05:47Il faudrait, en France, on est plus prélevé qu'ailleurs.
05:49Enfin, passer de 30 à 31,4%,
05:51ce n'est pas ça qu'on peut qualifier de naufrage.
05:52Ce n'est pas un naufrage, Jean-François, un moindre mal.
05:55– Si on regarde que cette taxe-là,
05:56on revient à peu près dans la moyenne européenne.
05:58Pas de problème.
05:59Ce ne serait pas un problème si, sur tous les autres impôts,
06:02on n'était pas largement plus élevé que les autres.
06:05Je vous donne juste, on parle des impôts de production,
06:07c'était un des projets, c'était de les baisser.
06:08Tout le monde, dès qu'on en parle,
06:09quel que soit le parti, vous baissez les impôts de production,
06:12là, il n'est plus question de ça.
06:13Les impôts de production en France,
06:15c'est 4,5% du PIB français.
06:17Les impôts de production en Allemagne, c'est 0,9%.
06:20Vous êtes une boîte européenne aujourd'hui.
06:22Est-ce que vous allez en France, en Allemagne ou en Espagne ?
06:24Au-delà de toutes autres considérations,
06:26en tout cas, vous avez quand même un souci.
06:28Il faudrait que vous soyez très fort en productivité
06:30pour que vous puissiez compenser ce coût.
06:32Le problème, c'est qu'on est 27e sur 34
06:34dans le classement de l'OCDE de la productivité désormais.
06:36Et pourquoi ? Encore une fois,
06:37pour notre quantité de travail qu'on est en train de fournir.
06:40– Au milieu de tout ça, je vais me faire l'avocat du diable,
06:43on a adopté le budget de la Sécu.
06:47C'est bien.
06:48Non ?
06:50– Oui, non, mais ça c'est très très bien.
06:51– Quelle conviction, Antoine.
06:53– J'ai tout donné.
06:55– Ce que je ne trouve pas,
06:59c'est qu'on ne parle pas des problèmes de la Sécurité sociale.
07:02On n'a parlé de rien, en fait, dans ce truc-là.
07:04La Sécurité sociale, je vous donne deux chiffres.
07:07C'est quoi la Sécurité sociale ?
07:08Si vous prenez, par exemple, typiquement,
07:09les dépenses de la France au regard des fumeurs,
07:12vous avez 75 000 décès de gens qui ont fumé.
07:16Vous avez un décès sur deux qui est lié à la cigarette, quand même.
07:19Enfin, 75 000 décès par an.
07:21C'est 156 milliards d'euros par an qu'on dépense
07:24parce que les gens meurent plus tôt qu'ils auraient pu bosser, etc.
07:27Vous prenez l'alcool, et j'en suis bien placé,
07:29109 milliards.
07:30109 milliards, ça...
07:32Parce que je ne suis pas fumeur, mais par contre,
07:34j'ai vu votre regard.
07:36– J'ai vu le regard.
07:37Non, mais quelque part, on est tous coupables là-dedans.
07:39Mais quand même, vous avez des dépenses qui sont complètement...
07:41– À la fin de cette émission, il n'y a plus que les slits vivants.
07:43– Oui, ça va tous mourir.
07:45– L'âge de la retraite, dont on parle beaucoup là,
07:48vous auriez un âge de la retraite légal à 67 ans,
07:52c'est 68 milliards de revenus de plus.
07:54Vous auriez le même quantité, le même taux d'emploi
07:56des Français que les Allemands,
07:58c'est 140 milliards d'euros de plus par an.
08:00Pourquoi les Français sont 30% moins riches que les Allemands ?
08:03Pourquoi le PIB par tête, il est quasiment complètement écarté
08:06par rapport à les Allemands ?
08:07Parce qu'on bosse moins.
08:08Et là, on vient collectivement de se réjouir,
08:11de creuser encore plus ce déficit de travail.
08:13– Bon, mais l'IA va résoudre tout ça.
08:16Et tiens, regardez l'écart de taux entre l'Allemagne et la France,
08:18il ne s'est pas accru l'écart de taux malgré le vote...
08:20– Tout le monde pense que c'est une bonne nouvelle !
08:21– C'est magnifique !
08:22– On est toujours à quoi ?
08:2371 points d'écart.
08:2571 points, le spread entre la France et l'Allemagne
08:27et la taux 10 ans, la France s'emprunte toujours
08:28un tout petit peu plus que l'Italie, la 358, la France 356, l'Italie.
08:32Vous restez avec nous Jean-François, au cœur de ce conseil de famille.
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