00:007000 défaillances d'entreprise au mois de septembre, un chiffre qui interroge sur la prévention.
00:16Pour en parler, j'ai le plaisir de recevoir Adrien Deloriston, avocat associé au sein du cabinet Jantet.
00:22Adrien Deloriston, bonjour.
00:23Bonjour Arnaud.
00:24Avant de parler ensemble de ces défaillances d'entreprise, je le disais, 7000 défaillances d'entreprise en septembre, ce chiffre qui interroge.
00:33Comment vous analysez ce chiffre ?
00:35Alors c'est évidemment un chiffre qui est très important, on a rarement atteint ces niveaux-là.
00:42C'est malgré tout un chiffre à relativiser un petit peu, dans la mesure où il faut se rappeler que sur la période Covid et post-Covid,
00:50il y a eu une chute quand même très importante du nombre de défaillances et on a peut-être 60 000 ou 80 000 défaillances d'entreprise qu'il faut rattraper.
00:59Alors évidemment, ça prend du temps et donc on risque d'avoir des niveaux encore assez élevés, sans doute assez longtemps, pour avoir cet effet rattrapage.
01:06Ceci dit, ça reste un chiffre malgré tout préoccupant, surtout pour les entreprises de taille moyenne et les plus grandes entreprises,
01:16pour lequel cet effet rattrapage que je mentionnais, en fait, est déjà intervenu sur les années 2023-2024.
01:24Et donc là, on est plutôt au-dessus pour ces grandes entreprises et donc c'est pour le coup des centaines d'emplois qui sont menacés.
01:30Donc voilà, à relativiser et en même temps, qui restent préoccupants.
01:36Alors que ces chiffres qui sont à relativiser, comme vous dites, mais préoccupants,
01:40dans le même temps, on voit que les outils de prévention, tels que la conciliation ou le mandat ad hoc, sont peu utilisés.
01:47Comment vous l'expliquez ?
01:48Alors, peu utilisé, là aussi, je relativise.
01:53Un des effets positifs du Covid, ça a été la démocratisation de ces outils de prévention.
01:58Il y a eu une très forte augmentation du recours, notamment pendant cette période-là,
02:05à tel point que d'ailleurs, au tribunal de commerce de Paris, désormais au tribunal des activités économiques,
02:10il y avait deux juges délégués à la prévention, il y en a beaucoup plus aujourd'hui,
02:14pour faire face justement à cet afflux de recours à la prévention.
02:20Malgré tout, effectivement, il y a encore des cas où des dirigeants viennent nous voir
02:25et on aurait aimé qu'ils viennent nous voir plus tôt, pour pouvoir justement avoir accès à ces mécanismes de prévention.
02:31Pourquoi ils ne le font pas, selon vous ?
02:34Il y a beaucoup de facteurs.
02:37Alors, il y a une méconnaissance.
02:39Nous, professionnels du restructuring, on essaye de faire cette pédagogie,
02:44de marteler que l'anticipation, c'est le maître mot pour régler ces difficultés.
02:49Mais on voit qu'il faut qu'on continue nos efforts à ce niveau-là.
02:55Donc, une méconnaissance, une crainte du tribunal,
02:59qui, là aussi, malgré les efforts des juridictions, de tout l'écosystème,
03:06pour rappeler aux dirigeants que le tribunal est plutôt leur ami que là pour sanctionner,
03:11même si ça arrive, il y a encore cette crainte.
03:15Et puis, ces mécanismes de prévention ne sont, me semble-t-il, pas adaptés pour toutes les entreprises.
03:23Je pense qu'il faut quand même des entreprises d'une certaine taille
03:26pour pouvoir absorber le coût et les ressources que cela nécessite.
03:34Puisque vous avez le plus souvent un conseil juridique qui accompagne un mandataire ou un conciliateur.
03:41Et puis, même la restructuration peut engendrer des coûts.
03:45Et donc, ces coûts-là peuvent aussi faire « fuir » certains dirigeants pour aller dans ces mécanismes-là.
03:54Donc, on a vu les freins à la démocratisation des outils de prévention.
04:00Comment on peut concilier la protection des intérêts des créanciers
04:04sans fragiliser les entreprises en difficulté ?
04:08Alors, ces clés dans ces mécanismes de prévention,
04:14c'est de concilier les intérêts en présence.
04:16Alors, vous évoquiez le créancier et puis l'entreprise.
04:20Il y a aussi les salariés qui sont des parties prenantes importantes, l'actionnaire.
04:25Et donc, en réalité, le rôle du mandataire indoc ou du conciliateur
04:28va justement être d'essayer d'équilibrer les efforts de chacun
04:33et que chacun ait le sentiment de faire un effort qui est contrebalancé par l'effort de celui qui est en face.
04:41On a des dirigeants qui peuvent être tentés d'obtenir des efforts extrêmes de la part de leurs créanciers.
04:48Souvent, c'est une mauvaise logique parce que c'est un peu tuer l'avenir.
04:52Parce qu'un jour, alors, ces créanciers, ça peut être ces banques.
04:55On peut avoir un jour besoin de ces banques pour un nouveau concours bancaire.
04:59C'est des partenaires commerciaux.
05:01Et donc, si on fragilise son partenaire commercial,
05:03et bien évidemment, pour le futur, ça rend les choses très difficiles.
05:06Et donc, voilà, il y a cette nécessité d'obtenir des efforts des uns et des autres
05:12tout en préservant les intérêts de chacun pour justement pouvoir rebondir,
05:18ce qui est quand même l'objectif final de ces procédures.
05:21Et là, justement, il y a un point qui est important pour rebondir,
05:24c'est avoir essayé de restaurer la confiance entre créanciers et débiteurs.
05:28C'est des situations qui sont compliquées.
05:31Et comment on fait pour restaurer cette confiance ?
05:34Exactement.
05:34Parce que c'est vrai que quand une entreprise vient nous voir
05:38pour réfléchir à un mandat ad hoc, une conciliation,
05:41bien souvent, évidemment, les difficultés préexistent.
05:44Et donc, bien souvent, il y a eu une période
05:45où on a annoncé des choses à ses partenaires, à ses créanciers,
05:49à ses salariés, à ses co-contractants, qui ne se sont pas réalisées.
05:53Et donc, la confiance est très souvent rompue.
05:57Et effectivement, ce rôle du mandataire ad hoc et du conciliateur
06:01va être tenté de restaurer cette confiance.
06:03Et ça, c'est très important parce que c'est ce qui va permettre,
06:07in fine, de trouver un accord avec les uns et les autres.
06:10Et pour ça, il y a effectivement d'expliquer aux dirigeants
06:14qui doit transmettre un certain nombre d'informations.
06:16Et de l'autre côté aussi, d'expliquer aux autres interlocuteurs
06:22que les efforts seront répartis et qu'ils ne sont pas les seuls
06:27à faire des efforts, etc.
06:28Donc, effectivement, ces mécanismes de prévention ont un rôle essentiel
06:33dans le travail de restaurer la confiance,
06:35qui est vraiment un des points de départ pour trouver des solutions.
06:39Alors, je vais revenir sur un point que vous avez soulevé
06:41au début de cet entretien.
06:42C'est accompagner les dirigeants en amont dès le début.
06:47Comment on fait pour que, justement,
06:49que le dirigeant ait cette vigilance de vous solliciter dès le début ?
06:56Alors, c'est très difficile.
06:59C'est ce qu'effectivement, ce qu'on disait en début d'entretien,
07:01c'est que, bien souvent, les dirigeants ne sont pas au courant
07:04ou attendent le dernier moment, même quand ils ont l'information.
07:09On aimerait que tous les dirigeants soient informés de ces procédures
07:11et confiance dans le tribunal.
07:15Malheureusement, on voit que c'est très difficile.
07:17Et ce qui est assez normal dans un certain sens,
07:19puisque un dirigeant, pour qui tout va bien,
07:23il n'a pas envie d'écouter quelqu'un qui dit
07:25« Ah, mais au fait, les choses pourraient peut-être un jour mal se passer. »
07:28Et voilà ce qu'il faudrait faire.
07:29Donc, bien sûr, il faut continuer nos efforts de pédagogie
07:32auprès des dirigeants, des chefs d'entreprise.
07:35Je pense aussi, peut-être plus efficace,
07:38de faire de la pédagogie auprès de l'écosystème de l'entreprise.
07:43Et je pense notamment aux experts comptables,
07:46aux commissaires aux comptes,
07:47même à nos confrères avocats habituels de la société,
07:51pour qu'effectivement, lorsque eux décèlent des signaux faibles,
07:57puissent inviter le dirigeant, justement,
07:58à saisir cette opportunité d'aller solliciter la protection du tribunal.
08:02Parce qu'eux aussi, ils ont une relation privilégiée avec le chef d'entreprise.
08:06Exactement. Et puis, ce sont des gens qui sont, alors, surtout l'expert comptable,
08:10surtout l'avocat habituel, une relation un peu quotidienne avec le dirigeant.
08:15Donc, ils peuvent être informés plus en amont.
08:17Ils ont la confiance du dirigeant.
08:19Et donc, évidemment, si la recommandation vient d'eux,
08:22je pense que ça peut être très efficace.
08:24Donc, il y a cet effort de pédagogie auprès des dirigeants
08:27et puis auprès de tout l'écosystème qui accompagne les entreprises au quotidien.
08:31On va conclure là-dessus.
08:33Merci, Adrien de Loriston.
08:34Je rappelle que vous êtes associé au sein du cabinet Jantet.
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