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  • il y a 2 jours

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Éducation
Transcription
00:00Merci beaucoup Charlotte pour cette présentation et surtout merci aux organisatrices, à mon tour je voudrais saluer leur initiative non seulement de cette journée mais de cette ANR.
00:15Donc pour moi c'est toujours intéressant et émouvant, Mathias Gardet a dit que c'était émouvant mais pour moi aussi de revenir sur le travail du laboratoire de graphique parce que j'ai partagé un long moment de collaboration avec ce laboratoire en tant que coordinatrice scientifique de la collection des dix volets.
00:45Et donc c'est pour ça que j'ai mis quinze ans d'expérience, c'est donc entre 1985 et 2000, donc j'ai accompagné cette entreprise.
01:01Et puis par ailleurs moi-même en tant qu'auteur j'ai co-produit deux volets de cette collection.
01:07Et par ailleurs j'ai participé aussi à l'une des phases de gestion du fonds Bertin, la toute dernière phase, puisque donc au moment où il s'est agi pour le HESS de mettre fin au bail de location de l'immeuble du 131 boulevard Saint-Michel,
01:33et bien j'ai fait partie de ceux qui sont allés trier les dernières archives qui étaient restées là et donc après le départ à la retraite d'Alexandra Laclos qui était la dernière membre en fonction du laboratoire.
01:57Par ailleurs j'ai connu Bertin en personne et j'ai connu son équipe au moment donc des années 80 et d'ailleurs je reconnais quelques personnes sur la photo d'illustration de cette journée d'études,
02:20pas toutes, mais quelques-unes quand même.
02:25Et puis donc j'ai connu, j'insiste là-dessus, ce bâtiment de fonds de cours du 131 boulevard Saint-Michel.
02:32C'est l'immeuble du 131, c'est un immeuble haussmannien en pierre tout à fait classique, mais le laboratoire de graphique était logé dans un bâtiment de fonds de cours construit avec des matériaux vraiment beaucoup moins nobles que cette pierre de taille.
02:57Et il était extrêmement inconfortable, j'insiste là-dessus, il était inondé régulièrement, il était trop chaud l'été, bref, les cartographes travaillaient dans de très mauvaises conditions
03:12et dans des conditions d'exiguïté relatives puisque pour l'époque il fallait qu'ils aient des tables lumineuses, il fallait qu'ils aient donc les fameux meubles à plans qui occupent une surface considérable
03:26et en fait vraiment il n'était pas bien du tout installé, mais on avait quand même l'impression d'une ruche dans ce laboratoire et en tout cas ce qu'on percevait très nettement
03:45c'est que ça tenait autant d'un lieu de production du savoir que d'un atelier de fabrication, parce qu'effectivement tout ce qui a été évoqué ce matin,
03:55les matrices, les transparents, les typons, le carton renforcé pour fabriquer les matrices, tout un tas de matériel dont moi-même j'ignorais un peu l'usage,
04:11tout ça était là et donc on avait vraiment l'impression de quelque chose qui tenait plus de l'atelier de production artisanale que d'un lieu de savoir
04:25et je pense que c'est vraiment important d'assister là-dessus.
04:29Alors mon propos va être de témoigner donc d'une expérience de recherche et d'édition qui a été l'un des derniers grands chantiers
04:40du laboratoire de graphique, donc qui a été une expérience extrêmement collective de production de savoirs entre des cartographes et des chercheurs,
04:54principalement historiens, et la géographie n'était représentée que par moi-même en tant que coordonnatrice,
05:03même si elle était très présente dans les problématiques et donc l'objectif de la collection.
05:13Alors je vais revenir dans un premier temps sur des choses qui ont été présentées par Olivier d'une manière externe,
05:22moi je le ferai de manière interne, mais rassure-toi Olivier, il n'y aura pas de... à géographie,
05:27enfin je pense que je suis capable de prendre un certain recul par rapport à ma propre institution.
05:34Ensuite je vous parlerai de la jeunesse de l'entreprise de l'Atlas, qui est assez intéressante,
05:42et puis enfin j'essaierai de tirer quelques leçons de cette expérience.
05:48Alors pour compléter ce qu'a dit Olivier,
05:50effectivement Jacques Berthard est présent dans la première affiche du programme des enseignements de l'EHESS en 47,
05:59il figure parmi les quatre séminaires de méthodes,
06:03il y avait quatre séminaires de méthodes,
06:05la méthode statistique, la méthode bibliographique,
06:09la méthode comptable et la méthode graphique, cartographique pardon.
06:13Et donc il est présent comme chargé de séminaires,
06:21et donc il va rester comme ça chargé de séminaires comme l'étaient la plupart des intervenants de ce programme des enseignements.
06:37Lui-même est donc chargé de recherche,
06:38c'est chargé Olivier de recherche au CNRS,
06:43où il travaille beaucoup pour une entreprise qui a été Paris et l'agglomération parisienne,
06:52un énorme travail dirigé par le sociologue Paul-Henri Chambard de Louvre.
06:57Et donc Berthard rejoint d'une manière plus institutionnelle la sixième section en 54,
07:06mais il n'est toujours pas membre, rémunéré par cette section,
07:12autrement que par, comment dire, honoraire,
07:17ou par, il est toujours au CNRS,
07:21il deviendra en 1956 directeur d'études cumulant,
07:25donc il est toujours au CNRS,
07:27et c'est finalement effectivement en 58 qu'il prend ses fonctions de directeur d'études,
07:35de fonction qu'il gardera jusqu'à sa retraite.
07:39Alors, la création du laboratoire de cartographie, c'est en 54,
07:44et ce laboratoire deviendra deux graphiques en 74.
07:49Ce qui est intéressant, c'est de situer la création du laboratoire et l'activité de Jacques Berthard
08:01dans, disons, le projet fondateur de la sixième section,
08:07et là, j'évoquerai d'autres choses que celles qu'a présentées Olivier,
08:16en disant que c'est quand même le grand moment quantitativiste des sciences sociales,
08:22qui est vraiment dans le sillage de l'histoire économique conduite par Braudel et par Ernest Labrousse.
08:33C'est aussi le moment de démarrage et d'effervescence de la démographie historique,
08:43avec un laboratoire de démographie historique qui pratique lui aussi le traitement spatial et quantitatif des données.
08:51Et donc, il s'agit de trouver des outils qui permettent l'expérimentation
08:59et qui est une fonction heuristique pour le développement des sciences sociales.
09:04Et la cartographie, la graphique vont être comptées parmi ces instruments.
09:09Je voudrais aussi souligner qu'à l'EHESS, enfin, ou la sixième section,
09:17il y avait un certain nombre de spécialistes de l'image, des historiens de l'image.
09:24Alors, ça pouvait être des historiens de la peinture ou des historiens
09:28de certains documents iconographiques d'un long passé.
09:37Il y avait des anthropologues aussi spécialistes des arts.
09:42Et puis, il y avait des sémiologues et des linguistes.
09:44Et ils réfléchissent sur ce qu'est la communication, sur ce qu'est le langage.
09:49Et donc, moi, je verrais plutôt de ce côté-là l'insertion de Bertin
09:55plutôt que du côté des mathématiques sociales et de Barbu.
10:04Donc, voilà en gros ce contexte large.
10:12Donc, Bertin, outre qu'il anime un séminaire,
10:15donc, il commence à produire énormément de documents
10:20pour les chercheurs de l'EHESS et pour les annales.
10:25Donc, il a une fonction un peu de cartographe de service, si on peut dire.
10:31Et en même temps, il anime cette réflexion sur les outils, les méthodes.
10:39Alors, j'en viens maintenant à l'atlas de la Révolution française.
10:42Donc, je voudrais évoquer un peu son projet et son développement.
10:49L'atlas de la Révolution française, il ne nous aura pas échappé
10:51que le projet démarre en gros en 1985
10:56et qu'on est au moment du bicentenaire de la Révolution qui approche.
11:01Et donc, à cette époque-là, il y a déjà énormément de projets éditoriaux
11:06pour célébrer ce bicentenaire.
11:08Et je vous rappelle qu'ils étaient traversés par deux lectures très antinomiques
11:12de la Révolution française.
11:14Celle de Michel Vauvel, héritier d'Albert Soboul et de Mathièze.
11:21Donc, c'est le rameau installé à la Sorbonne.
11:25Et puis, celle de François Furet, installée donc à la sixième section.
11:29Et donc, le projet de l'atlas de la Révolution française,
11:34c'est, je crois, peut-être la seule publication
11:37qui réunit les deux noms des frères ennemis, Vauvel et Furet,
11:43sur donc un projet éditorial.
11:46Je dois vous dire que Furet a été très absent de ce projet.
11:49En revanche, Vauvel a été très présent,
11:53parce qu'il a participé lui-même à certains volumes.
11:58Et il suivait bien le développement du projet.
12:06Et donc, l'idée qui a été développée,
12:09j'ai participé aux réunions préparatoires,
12:12ce n'était pas de faire seulement des ouvrages personnels
12:16à propos de la Révolution française,
12:18qui allaient s'inscrire justement dans l'une ou l'autre
12:21de ces traditions historiographiques.
12:23Mais c'était de faire une œuvre collective
12:26qui accumule et rende compte de l'ensemble des travaux
12:31qui avaient été conduits sur la Révolution française
12:33pendant les décennies précédentes.
12:35Et donc, c'était vraiment un outil documentaire.
12:38Et il était pensé dans l'esprit des outils documentaires
12:42qui avaient été produits au moment du premier bicentenaire
12:45de la Révolution française.
12:47Je pense, par exemple, au recueil des documents
12:51pour servir à l'histoire de la Révolution française,
12:54aux archives parlementaires,
12:57qui repartaient au moment des débats parlementaires
13:01de la Constituante, des États généraux,
13:04même de la Constituante, etc.
13:06Donc, c'était faire quelque chose, si vous voulez,
13:08qui capitalise le travail de recherche accompli,
13:11faire quelque chose qui reste, qui soit un outil
13:15à destination des chercheurs.
13:19Ça, c'était le premier objectif.
13:23Le deuxième objectif, c'était donner un projet
13:26au laboratoire de graphique au moment où il doit rebondir,
13:31où il doit se recomposer après le départ à la retraite
13:35de Jacques Bertin, qui est donc en 1985.
13:38Et donc, il y a cette dimension institutionnelle
13:41qu'il ne faut pas oublier.
13:43C'était, il y avait une sorte de bout de souffle
13:46qui était déjà perceptible.
13:49Et l'Atlas, ça a été finalement donner un projet
13:52à un laboratoire pour qu'il puisse continuer à vivre.
13:58Le troisième objectif, c'était continuer à explorer
14:08la portée heuristique de la spatialisation des données,
14:15notamment des données historiques,
14:17et notamment travailler sur les manières de visualiser
14:21les révolutions, enfin, un phénomène comme la révolution
14:29en tant qu'une évolution entre un avant et un après.
14:34C'est-à-dire, par exemple, saisir les ruptures et continuités
14:36de part et d'autre de la révolution.
14:40Et donc, les modalités, ça a été de réunir une équipe
14:43de chercheurs répartis selon leur spécialité thématique
14:48et qui puissent donc travailler avec chacun aussi
14:55une équipe de cartographes sur ces volumes en préparation.
14:59Donc, il y a finalement eu 11 volumes qui ont été publiés
15:02en s'égrenant entre 87 et 2000,
15:07et avec à la fois une recherche extrêmement stimulante,
15:19mais aussi des difficultés qui sont intéressantes.
15:22Alors, je dirais que ce qui a été le plus intéressant,
15:27c'est le va-et-vient dans le travail au quotidien
15:30entre la cartographie et l'histoire.
15:34Et c'est une chose dont on a des traces dans les archives.
15:40Pas suffisamment, quand je disais qu'Alexandra Laclos jetait tout,
15:44non, elle ne jetait pas tout,
15:45mais elle gardait souvent les documents terminaux,
15:48alors que les documents d'étape sont tout aussi intéressants
15:52pour voir comment le travail se construit.
15:56Et donc, ce travail, il se construisait avec des difficultés éprouvées
16:03par les historiens, si vous voulez,
16:07dans le travail de spatialisation des données.
16:10Il faut pouvoir imaginer une figuration spatiale de son travail,
16:14et ça, les historiens n'étaient pas forcément préparés
16:18ni aptes à le faire.
16:20Il faut donc combler les blancs de la carte,
16:26et les historiens n'ont pas toujours des données homogènes
16:29qui permettent de dresser une carte,
16:32ils ont des données manquantes à tel ou tel endroit.
16:36Et donc, c'était assez compliqué.
16:38Et puis aussi, les historiens partaient avec des hypothèses,
16:42on va représenter telle chose,
16:43et ça va démontrer telle chose.
16:45Or, une fois la carte constituée,
16:47ils voyaient que ça démontrait autre chose.
16:50Et là, il y avait des faits de surprise,
16:52et il fallait donc corriger le tir,
16:56souvent retourner travailler dans la matière historique.
17:01Voilà, je vous donne un aperçu,
17:03mais il y a eu plein de phénomènes de ce type
17:05dans le cours du travail,
17:07et non dans le résultat final.
17:09La carte, c'est le point d'arrivée,
17:11mais avant d'être un point d'arrivée,
17:13il y a toute sa genèse et ses états successifs
17:16qui représentent un processus extrêmement intéressant.
17:22Donc, je voudrais simplement conclure
17:26en indiquant quelques pistes intéressantes.
17:34Tout d'abord, cette entreprise est particulièrement intéressante
17:38parce qu'elle est traversée par un énorme bouleversement
17:42qui est le passage de la cartographie manuelle
17:45à la cartographie informatique.
17:48La collection, elle est coupée en deux,
17:49jusqu'au volume 4, c'est entièrement du manuel,
17:52et après, c'est de l'informatique.
17:56Il y a eu, au sein du laboratoire,
17:58de très grandes tensions liées à ce bouleversement,
18:02c'est-à-dire une partie du personnel
18:03qui ne voulait pas passer à l'informatique
18:05pour des raisons épistémologiques.
18:09C'est le cas de Françoise Verniaux
18:11qui ne voulait pas abandonner le travail manuel.
18:16Et, par exemple, Serge Bonin,
18:22il a été aussi un peu timide,
18:25c'est-à-dire qu'il ne savait pas très bien
18:27se servir de l'outil.
18:29Donc, c'est Madeleine Bonin, son épouse,
18:31qui a endossé le travail informatique
18:35quand vraiment il s'est imposé.
18:37Donc, il y a vraiment toute une série
18:39de rapports de travail qui sont très intéressants.
18:42Et donc, je pense que les sources
18:45que vous avez, donc, collectées
18:48et que vous conservez,
18:50elles sont intéressantes aussi
18:51pour travailler ce passage.
18:54Mais je dirais que ce qui manque peut-être
18:57au fond actuel,
19:00c'est encore la collecte de fonds numériques
19:03qui sont encore chez les uns ou les autres
19:05et qui n'ont pas été versés.
19:09Voilà.
19:10Et du point de vue, donc,
19:12de l'histoire des sciences sociales,
19:21je voudrais inciter sur ce que je disais en dernier,
19:24c'est-à-dire que les archives sont très, très intéressantes
19:29pour comprendre le moment
19:32de la construction d'une pensée spatialisée.
19:37C'est vraiment, c'est un tournant spatial
19:39avant la lettre, je pense pouvoir le dire,
19:43que tout ce travail collectif qui a été fait
19:46autour de cette entreprise,
19:48mais aussi, comme on le soulignait,
19:50et ça aussi, je voudrais insister là-dessus,
19:53il faudrait pouvoir revenir
19:55aux productions du laveau de graphique
19:58éparpillées dans des ouvrages
19:59et souvent mal identifiables.
20:03C'est-à-dire que l'atlas de la Révolution française,
20:07je voudrais dire que c'est aussi le moment
20:08où on a commencé à faire systématiquement apparaître
20:11le nom des cartographes dans les auteurs.
20:15Les cartographes figurent sur la couverture
20:17des volumes des atlas,
20:18et pour chaque planche,
20:20on a indiqué qui a fait quoi.
20:22Et ça, c'était nouveau,
20:24parce qu'auparavant, effectivement,
20:27c'est Bertin qui a fait les cartes
20:28de la conscription de Leroy Ladurie,
20:32mais bon, on ne pense pas à Bertin
20:34quand on pense à la conscription,
20:36on pense à Leroy Ladurie.
20:37Donc voilà ce que je voulais vous dire,
20:40et merci de votre attention,
20:42et excusez-moi d'avoir été un peu long.
20:44Merci.

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