00:00Il faut vraiment savoir que tout peut arriver à tout moment.
00:03On en est la preuve visante.
00:05On était en patrouille juste pour assurer une soirée tranquille
00:09et on s'est retrouvés dans l'enfer.
00:12Les souvenirs sont toujours là, comme aujourd'hui, dix ans après.
00:14Pour moi, c'est comme si c'était hier.
00:16On a des réflexes, même dix ans après, des réflexes.
00:20On passe devant une terrasse où il y a eu un attentat.
00:23La première chose qu'on fait, on garde la terrasse.
00:25On n'y pense toujours.
00:27Je me dis, ça fait quand même déjà dix ans,
00:28mais malgré ça, c'est comme au premier show.
00:31On ressent encore la souffrance, la douleur, la justice.
00:43Le 13 novembre 2015, nous étions en patrouille LCI,
00:48à savoir contrôle des terrasses.
00:50Il était 22 heures à peu près.
00:52Il faisait beau, il y avait du monde et puis c'était joyeux.
00:55Nous sommes donc passés devant la terrasse, la belle équipe.
01:00Nous avons vu qu'elle était très bien tenue.
01:03Les personnes étaient installées en terrasse, détendues.
01:07On leur a souhaité une bonne soirée.
01:09J'ai dit à mon équipage, tout va bien, tout est bien, on s'en va.
01:12Donc nous sommes remontés en voiture.
01:14Une personne avec son scooter est venue nous rejoindre.
01:18Il était paniqué et il nous a dit, mais en criant, en jetant son scooter au sol,
01:23on a dû presque le tenir dans nos bras, tellement qu'il était en panique.
01:27Et il nous a fait, mais pourquoi vous êtes partis ?
01:30Il fallait rester, revenez, revenez.
01:34Je crois qu'ils sont tous morts.
01:37Donc on est partis en voiture, arriver, rouler doucement,
01:47parce qu'on ne savait pas trop où était cette terrasse, de quelle terrasse il parlait.
01:50Et sur la droite, j'ai tourné la tête et j'ai vu la terrasse.
01:52Ça a été un choc.
01:54Ça a été un choc énorme.
01:56Je suis responsable territorial au SMASH, au service municipal d'action de salubrité et d'hygiène.
02:09Nous, nous sommes un service de désinfection.
02:11Nous sommes appelés sur réquisition de la police pour les décès.
02:15On n'est pas intervenus le soir des attentats.
02:17C'est le lendemain.
02:17Il fallait à tout prix faire la désinfection au plus vite pour désinfecter,
02:23leur nettoyer tout ce qui est sang, tout ce qui était terrasse, café, bar,
02:29qui ont été touchés, malheureusement.
02:30Alors, Bataclan, ça a été un peu particulier.
02:33On était encore sous choc.
02:35On était entre 30 et 40 personnes.
02:37On a divisé les équipes le matin et l'après-midi,
02:40pour que ça soit moins dur psychologiquement.
02:43On a fait ça sur le volontariat, déjà.
02:46Et on a vu que beaucoup de personnes voulaient être présentes.
02:53Je m'appelle Marc Meurant.
02:57Je suis éboueur à la ville depuis 28 ans.
03:00Je cherchais des volontaires pour gérer les fleurs.
03:03Parce que les gens commençaient à ramener des fleurs.
03:05Il fallait faire quelque chose.
03:06Donc, ils ont demandé 5-6 volontaires.
03:09On allait tous les jours dans les différents sites,
03:11le Bataclan, la Belle Équipe et la Bonne Bière,
03:13pour essayer d'entretenir ce qui était déposé par les familles.
03:19On avait avec nous les archives de Paris.
03:20Donc, on leur remettait après les dessins, les petits nounours.
03:23Vous voyez, les choses comme ça.
03:25Et pendant ces deux mois, faire le travail que j'ai fait,
03:28pour moi, c'était très important.
03:31C'est ancré en nous.
03:32Les victimes, je ne vais pas dire que je les ressens,
03:37mais pour moi, ils sont là.
03:38Ils sont là avec nous.
03:40Je prie pour elles, je prie pour leur famille.
03:43Qu'est-ce qu'il me reste ?
03:45Le sourire et le remerciement de tous les parents, des familles, surtout.
03:48Ce qu'on a fait, c'est vraiment quelque chose,
03:53je pense, qui était bien accepté par les Parisiens,
03:57les Parisiennes et les familles des proches.
04:01À la fois, c'est dur.
04:02Et je me dis quand même, dans ma tête,
04:04on a fait quand même des choses qui ont permis d'aider et de sauver des gens.
04:09Même sur des mourants, on était là quand même.
04:12On était là, mais ils n'étaient pas tout seuls.
04:13C'est notre humanité, en fait, qui nous a dicté les gestes et les mots
04:18qu'il fallait dire pour soutenir les personnes qui venaient à nous.
04:22Moi, je dis que là, on a fait un service pour les Parisiens,
04:25et on l'est fait pour ça, un service public,
04:28au sens du terme, le plus humain du terme.
04:30Et c'est ça qui fait la force de la ville de Paris.
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