Les Vraies Voix avec Dr Gérald Kierzek, médecin urgentiste qui a pris en charge les premières victimes du 13 novembre à l’Hôtel-Dieu.
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00:00On a une personne qui essaie d'accéder à l'éducation, on a une personne qui par ailleurs a présenté des excuses au parti civil lors de son procès,
00:07ce qui est quand même suffisamment rare pour être souligné, ce qui était tout à fait inespéré,
00:11et une personne aussi qui potentiellement aimerait pouvoir expliquer un peu la situation et peut-être discuter, ouvrir une porte au parti civil,
00:22si toutefois celle-ci le souhaite, pour pouvoir évoquer la détention et évoquer ce procès-là.
00:27Il vous l'exprime ça ? Il vous le dit ? Je voudrais entrer en contact avec les partis civils ?
00:31C'est exprimé et ça a été aussi une demande qui a été exprimée par certaines parties civiles, de pouvoir entrer en contact avec lui.
00:37C'est vraiment des principes de justice restaurative où en fait les personnes qui sont mises en cause et les personnes qui ont été victimes des infractions
00:44arrivent à dépasser quelque chose pour essayer de viser, et je sais qu'on en est encore loin, mais viser un apaisement social.
00:51Les vraies voix Sud Radio
00:53Alors la personne dont elle parlait, c'est Georges Saline, qui est le père de Lola, tué au Bataclan,
01:00qui effectivement a fait une tentative de rencontrer Abdeslam à la prison.
01:05Il n'a pas pu le faire, mais en tout cas, voilà, il a envie de rencontrer le terroriste et de discuter avec lui.
01:12Qu'est-ce que vous en pensez ? Qu'est-ce que vous pensez ?
01:15Est-ce qu'on peut imaginer que Salah Abdeslam, alors qu'il passe en garde à vue pour avoir des contenus terroristes,
01:24soyons clair, dans son ordinateur, envie de se dire, j'ai envie de parler aux parents des victimes ?
01:29Non, mais vous avez dit quelque chose de très juste, Cécile, au moment où on apprend qu'il continue de se rallégaliser avec des clés USB dans sa cellule,
01:36il veut nous faire croire qu'il aimerait rentrer en contact avec les gens qu'il a fait assassiner, lui et son commando.
01:46Enfin, c'est d'une perversité, pardonnez-moi, totale.
01:49Alors maintenant qu'un père, un frère, une sœur, peut-être pour définitivement faire son deuil,
01:54ait besoin de voir en face le bourreau, bon, je pense que des psychanalystes ou des psychiatres pourraient expliquer tout ça.
02:03Mais la démarche même, je la trouve perverse.
02:06Voilà, puis juste pour Philippe David, vous avez raison, il vaut mieux être beaufort que minster, pour l'odeur.
02:12C'est absolument rien à voir avec le sujet, qui est plutôt grave.
02:17Sébastien Ménard.
02:19Non, moi je vais rester cohérent avec ce que je dis depuis le début de cette émission.
02:22Je souhaiterais pour les terroristes une juridiction exceptionnelle,
02:27donc des mesures exceptionnelles, donc un cadre, j'ai envie de dire, juridique, judiciaire, exceptionnel.
02:33Il y a déjà eu, lors des procès, des juridictions exceptionnelles, mais vous voulez dire des sanctions.
02:37Et donc, évidemment des sanctions exceptionnelles, et donc les mesures type justice restaurative, etc.,
02:43ne seraient pas, entre guillemets, possibles dans ces cas-là.
02:47Enfin voilà, pour moi en fait, Abdel Slam n'est pas injusticiable comme les autres.
02:54Il n'est pas un prévenu comme les autres.
02:58Donc il ne doit pas être traité de la même manière.
03:01Ce n'est pas possible.
03:01Donc pas de rédemption.
03:02Pas de rédemption.
03:03Enfin, moi je trouve que la période de l'avocate qui va sur les plateaux de télé en disant qu'il veut une justice restaurative,
03:09j'appelle ça de la provocation.
03:11Mais la même avocate qui, il y a trois ans, était sur les plateaux de télé, en expliquant, je cite,
03:16que Salah Abdeslam était quelqu'un de très humain avec qui on pouvait discuter.
03:20Je ne plaisante pas, vous pouvez vérifier.
03:22Il y a les vidéos qui tournent.
03:23Alors si Salah Abdeslam est très humain, dans ces cas-là, tout le monde a un côté humain.
03:29Göring et Himmler aussi.
03:33Hitler adorait sa chienne, mais c'était l'une des pires ordures de l'histoire de l'humanité.
03:38Bien sûr.
03:38Et on est encore dans le relativisme le plus total.
03:42Mais le pire, alors je me demande, parce que vous savez que pour déradicaliser les gens en France,
03:46on avait une méthode depuis une dizaine d'années avec plusieurs stages, on va dire ça,
03:50dont notamment un qui consistait, accrochez-vous bien, à caresser des hamsters.
03:56Alors je me demande comment on déradicalise quelqu'un qui veut tuer...
04:00C'est une véritable info.
04:01C'est une véritable info, vous pouvez vérifier.
04:03Ah non mais attendez, là je ne suis pas dans l'humour, vous pouvez vérifier.
04:05Il y avait des méthodes de déradicalisation abracadabrantesques.
04:10Il y a une dizaine d'années, j'ai fait une émission sur Sud Radio qui s'appelait Seul contre tous,
04:13ou le grand référendum dans ce domaine, où on faisait caresser des hamsters à des personnes radicalisées.
04:18Mais est-ce qu'on n'est pas dans le grand n'importe quoi ?
04:20Alors maintenant, si un père veut rencontrer Abdeslam et que Abdeslam veut le rencontrer,
04:26on ne va pas interdire au père d'une victime de voir quelqu'un.
04:28Pour moi, ça ne serait pas possible.
04:29Mais je suis tellement choqué que le timing tombe à ce moment-là,
04:32que je suis dégoûté, écoeuré, outré.
04:36On avait envie de parler à quelqu'un que vous connaissez tous,
04:41qui s'appelle Gérald Kerziek, qui est avec nous.
04:43Bonsoir Gérald Kerziek.
04:45Bonsoir.
04:45Merci d'avoir accepté notre invitation.
04:47Vous êtes médecin urgentiste et vous avez pris en charge les premières victimes du 13 novembre à l'hôtel Dieu.
04:53Et on avait envie de vous entendre pour comprendre ce qui arrive
04:57et comment on parvient, si on parvient, à effacer de son cerveau des événements tels que nous les avons vécus le 13 novembre 2015.
05:06Alors, non seulement on parvient à effacer, mais c'est même un mécanisme de protection, en fait, neurologique.
05:13Les psychiatres, nous, on a pris en charge des victimes.
05:15Évidemment, l'urgence, elle est physique.
05:17Et puis après, elle est psychique.
05:18La particularité de l'hôtel Dieu, c'est qu'on a des psychiatres qui gèrent les urgences médico-psychologiques.
05:23Et on voit quand il y a des phénomènes traumatiques, mais c'est un peu la même chose quand il y a un viol,
05:28quand il y a un traumatisme, quand le stress est trop intense.
05:31En fait, le cerveau n'encode pas, ne retient pas l'information de la même manière qu'un souvenir.
05:38Ça ne prend pas le même circuit dans le cerveau.
05:41Et donc, on se retrouve avec ce qu'on appelle une dissociation
05:43et avec un souvenir qui est mis dans une case et avec une espèce d'oubli, l'émotion est trop forte.
05:50Et du coup, le cerveau un peu disjoncte le circuit normal de mémorisation.
05:54Donc, ça permet, j'allais dire, de manière naturelle, cette protection.
05:58Le problème, c'est qu'il faut réassocier les choses dans un deuxième temps.
06:01Et ça, c'est tout l'objectif de techniques comme le MDR.
06:04On l'a tous vu, vous savez, avec le doigt, ce système de mouvement de Dieu
06:08qui permet justement de réassocier au niveau du cerveau.
06:11Et puis, c'est tout le sujet de la prise en charge après psychologique.
06:14Mais très souvent, et le 13 novembre, on l'a vu, il y a des gens qui étaient soudérés
06:18et qui étaient dans un état figé parce que c'était trop violent.
06:23Et à un moment donné, il y a une espèce de court-circuit dans le cerveau.
06:25Mais est-ce que ça veut dire que, du coup, ça efface tout ?
06:29Alors, ça peut effacer un certain nombre de choses, de souvenirs traumatiques.
06:33Alors, le problème, c'est que c'est une vraie dissociation.
06:36Donc, il y a parfois un comportement qui n'est plus adapté
06:40et que tout l'objectif de la prise en charge, du débriefing sur place,
06:43parce que, alors, sur place ou à l'hôpital,
06:45parce que là, sur place, évidemment, avec le Bataclan, ce n'était pas possible.
06:48Mais moi, qui étais un des premiers intervenants sur Charlie Hebdo, par exemple,
06:51on avait fait déjà un premier débriefing en face, vous voyez, du lieu.
06:55Et puis, sinon, ça se fait à l'hôpital avec un débriefing dans la phase aiguë.
06:59Et puis, après, il y a la suite de la prise en charge médico-psychologique
07:02avec des psychiatres, des psychologues,
07:04pour pouvoir progressivement aller retrouver ces souvenirs
07:08et essayer de les déconnecter d'une émotion trop intense,
07:11en tout cas de l'émotion trop intense,
07:13qui a provoqué leur cloisonnement à l'intérieur du cerveau.
07:16Ça, c'est des mécanismes neurobiologiques qu'on est en train de comprendre.
07:20Il y a même des médicaments qui sont en train d'être utilisés
07:23pour pouvoir... Il y a ce qu'on appelle la pilule de l'oubli, par exemple,
07:26qui est du propanolol, qui est un médicament pour le cœur, à l'origine.
07:29Mais on s'est aperçu qu'il y avait un effet sur le cerveau, là aussi,
07:32pour pouvoir contrôler les émotions.
07:34Mais est-ce qu'il vaut mieux l'oublier ou il vaut mieux le traiter,
07:38c'est-à-dire que l'affronter ?
07:40Et est-ce qu'on peut vraiment totalement oublier un tel trauma ?
07:43Oui.
07:44L'oublier en phase aiguë, parfois, c'est le mécanisme salvateur,
07:47j'allais dire, c'est cette espèce de sa disjoncte.
07:50Après, tout l'enjeu, c'est de pouvoir reconnecter de manière acceptable
07:54et de retrouver ce souvenir-là.
07:55Mais en fait, on ne décide pas d'oublier.
07:57On voit bien que c'est le cerveau qui, de manière...
07:59Je n'aime pas le mot inconscient, parce que c'est associé à des choses
08:01qui ne sont pas de la neurobiologie, qui sont de la psychanalyse.
08:05Et on n'est pas dans la psychanalyse.
08:06On est vraiment dans l'ordre de la biologie, du physique, au niveau du cerveau,
08:11où on a ce mécanisme qui va aller mettre le souvenir trop important
08:15en termes d'émotions dans la mauvaise case.
08:17Et donc, tout l'objectif de la rééducation psychique,
08:19c'est de le remettre dans la bonne case.
08:21Vous, Gérald Kerziek, vous étiez sur deux attentats différents.
08:26Vous avez vu des choses horribles, comme la plupart des personnels de santé.
08:30Comment vous faites ?
08:33Alors, moi, je n'étais pas au Bataclan.
08:35Parce que le Bataclan, c'était encore autre chose.
08:36On a accueilli les gens à l'hôpital.
08:38Donc, on a une protection, en fait, de l'hôpital.
08:39On a la douce blanche.
08:41On n'était pas sur le lieu.
08:44Charlie Hebdo, c'était autre chose, effectivement.
08:46Mais, d'abord, on est entraîné.
08:49Ensuite, c'est des gens qu'on ne connaît pas.
08:51Le fait d'être entraîné, de se mettre en mode réflexe,
08:54d'avoir des gens en face desquels on n'a pas d'émotions particulières,
08:58parce qu'on ne les connaît pas avant, j'allais dire, on ne les connaît pas après.
09:01Donc, on est purement dans la technique.
09:03Et puis, la troisième chose qui protège un peu,
09:05c'est qu'on a un certain nombre de débriefings psychologiques aussi,
09:07qui nous permettent de discuter en équipe,
09:10soit de manière structurée, soit de manière beaucoup plus informelle.
09:14Mais ça, ça n'a rien à voir.
09:15Et puis, vous savez, au Bataclan, et tous les survivants le disent,
09:19il y a la peur aussi.
09:20Et d'ailleurs, les équipes d'intervention aussi, il peut y avoir la peur.
09:23Et tout l'enjeu des équipes d'intervention, c'est de dominer cette peur-là.
09:27Et nous, à l'hôpital, on a eu un peu ce moment-là,
09:30parce qu'il y a eu, je ne sais pas si vous vous rappelez, il y a dix ans,
09:32mais il y a eu, à un moment donné, une suspicion
09:34que des terroristes étaient potentiellement dans Paris, etc.
09:36Nous, par exemple, 13 ans, on a fermé l'hôpital
09:38pour pouvoir, justement, se protéger.
09:41Et on a pu toucher du doigt un peu ce sentiment de peur
09:43qui, là, change complètement la donne.
09:45Et on peut imaginer, bien sûr, l'horreur
09:47des gens qui ont vécu ça de l'intérieur.
09:49Merci beaucoup, Dr Gérald Kerziak, d'avoir accepté notre invitation
09:52médecin urgentiste, en tout cas, qu'on aime beaucoup
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