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  • il y a 2 jours
Laurent Bach, professeur associé à l'Essec et co-responsable du pôle Entreprises à l'IPP, était l'invité de Laure Closier dans Good Morning Business, ce mercredi 12 novembre. Ils sont revenus sur les alertes émises par les entreprises concernant la hausse de leurs impôts, sur BFM Business. Retrouvez l'émission du lundi au vendredi et réécoutez la en podcast.

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Transcription
00:007h44, notre invité sur BFM Business et sur RMC Live, c'est Laurent Bache.
00:04Bonjour, vous êtes professeur associé à l'ESSEC Business School,
00:07vous êtes co-responsable du pôle entreprise à l'Institut des politiques publiques,
00:10vous vous passionnez pour les questions fiscales,
00:12en a donc besoin de vous évidemment ce matin.
00:15On a eu une lettre hier des organisations patronales,
00:19on n'a jamais vu autant d'organisations patronales sur un même courrier,
00:22elle dénonce 53 milliards d'euros de hausse d'impôt sur les entreprises,
00:25trop c'est trop.
00:26Est-ce que les chefs d'entreprise et le patronat ont raison d'alerter
00:30sur les problèmes de compétitivité à venir ?
00:34Alors c'est vrai qu'il y a eu beaucoup d'inventivité fiscale au Parlement ces dernières semaines,
00:40le chiffre de 53 milliards, il est vrai si on sélectionne ces mesures
00:46et si on les prend pour argent comptant,
00:49c'est-à-dire qu'on n'est pas du tout sûr qu'elles seront mises en place.
00:51Et notamment la taxe sur les multinationales, qui potentiellement ne passera pas.
00:54On fait 26 milliards dont on n'est vraiment pas sûr qu'ils vont atterrir.
00:59Donc il y a une incertitude, il y a peut-être une surenchère du point de vue du Parlement
01:03parce qu'on sait que lorsqu'on vente de nouveaux impôts,
01:07ça se retrouve assez difficilement à la fin.
01:10Beaucoup sont annulés par le Conseil constitutionnel.
01:12Donc à voir encore à ce stade si on va vraiment arriver à ce niveau.
01:19Mais en matière de fiscalité, à quel moment c'est trop ?
01:22C'est-à-dire que là, il y a un aspect psychologique de ras-le-bol des débats,
01:27de débats qui partent dans tous les sens.
01:29La taxe Zuckman n'est pas passée, mais elle laisse une sorte de blessure dans le patronat.
01:33À quel moment on dit que la coupe est pleine ?
01:35Alors, c'est trop lorsqu'en fait, si on appuie sur un peu plus d'impositions,
01:42en fait, l'assiette diminue et donc les recettes diminuent.
01:46En fait, on n'en est pas encore là.
01:48Le problème, il va peut-être se situer sur certains impôts
01:51qui sont particulièrement coûteux
01:53ou qui ciblent des contribuables qu'on a envie de préserver.
01:57Et donc, toute la question est de prendre ces choses-là impôt par impôt
02:01plutôt que sur un ensemble un peu général
02:04qui, après tout, lorsqu'on a une cible de réduire les déficits
02:08sur 4 ou 5 ans de 110 milliards,
02:10il faut s'attendre à ce que, lorsqu'on parle de dépenses ou d'impôts,
02:13on ait des chiffres en dizaines de milliards à la fin.
02:15Vous avez regardé dans le détail là où on en est dans les débats.
02:20Qu'est-ce qui est utile ?
02:21Qu'est-ce qui sera faisable ?
02:22Qu'est-ce qui ne l'est pas ?
02:24Alors, ce qui est difficile à mettre en œuvre,
02:27c'est évidemment les taxes qui requièrent une coordination internationale
02:30type taxe sur les multinationales.
02:32Après, il y a des outils qui ont été proposés,
02:36des nouveaux outils fiscaux qui ont été proposés
02:38par le gouvernement dans son PLF,
02:41dans son projet de loi de finances,
02:43qui étaient à la fois modestes et innovants et intéressants.
02:47Des outils qui définissent justement des méthodes d'optimisation
02:51qui avant n'étaient pas.
02:54Et qui, de ce point de vue, sont intéressants
02:56comme la taxe sur les holdings.
02:57Donc ça, pour vous, c'est une taxe qui pourrait rapporter,
03:01qui est faisable, qui est intéressante,
03:04parce qu'elle permet de toucher quelque chose
03:06qu'on n'avait pas touché auparavant.
03:07C'est quoi la différence entre ce fameux patrimoine professionnel,
03:11entre le stock, entre le flux ?
03:13Là, ça touche quoi précisément ?
03:14Alors là, ça taxe des véhicules de détention d'actifs
03:19qui permettent, en fait, de stériliser l'impact des profits
03:24que vous faites sur votre feuille d'impôt personnel,
03:28et en particulier lorsque vous ne réinvestissez pas ces profits
03:30dans des entreprises réelles, commerciales.
03:34Donc c'est ce qu'on appelle les holdings patrimoniales,
03:37dont il ressort pour la première fois une définition dans ce texte,
03:40et qui permettrait, s'il était mis en œuvre,
03:44non pas forcément de rapporter beaucoup au titre de cet impôt,
03:47mais de rapporter plus au titre d'impôts existants,
03:50type impôts sur le revenu ou impôts sur les sociétés,
03:52en faisant remonter de l'argent,
03:54soit vers les revenus personnels de ceux qui possèdent ces holdings,
03:58soit de les faire descendre vers les entreprises réelles.
04:01Vous dites que la difficulté, c'est, comme chez les chasseurs,
04:04c'est le bon impôt et le mauvais impôt,
04:06c'est de faire la différence entre la bonne épargne active
04:08et la mauvaise épargne passive.
04:10Est-ce qu'on a des outils objectifs pour faire ça ?
04:14Il y a quand même, en fait,
04:16c'est une question que se pose le législateur depuis des dizaines d'années.
04:20Donc il y a une jurisprudence très importante
04:22pour différencier ce qui relève de l'économie commerciale
04:25et ce qui relève du patrimonial.
04:28Ça a été utilisé notamment pour les PAC du TREI.
04:31C'est une jurisprudence très active qu'on peut renouveler,
04:34mais ce n'est pas une question nouvelle,
04:37et donc ce n'est pas une question dont il faut nécessairement avoir peur
04:39et se dire qu'elle est impossible à résoudre.
04:41On va débattre aujourd'hui de la suspension de la réforme des retraites.
04:46Il va falloir aller chercher quand même quasiment 2 milliards
04:49sur les trois prochaines années pour réussir à financer.
04:53Est-ce qu'on a des bonnes pistes selon vous ?
04:56Est-ce qu'on avance ou est-ce qu'on est forcément vers un déficit public
05:00qui va être de plus en plus profond ?
05:03S'agissant des retraites, l'enjeu d'équilibre ne se situe pas,
05:09en tout cas s'agissant de la réforme de 2023,
05:12il ne se situe pas sur les 1 ou 2 prochaines années,
05:15il se situe plutôt à un horizon un peu plus long, à un horizon 2030.
05:18Et finalement ce qui est proposé là, c'est juste un décalage
05:21qui va faire en sorte que peut-être pour une génération,
05:24il va effectivement y avoir une amélioration notable,
05:27la génération 64.
05:28Pour les autres générations, en fait tout est remis à 2027
05:31et finalement le coût pour l'instant de cette suspension,
05:36qui est en réalité un décalage, reste assez faible.
05:39Et donc évidemment les recettes qu'il va falloir mettre en contrepartie
05:43pour 2026 sont elles aussi d'ampleur relativement faibles.
05:48Elles le seront beaucoup plus si en fait cette suspension dure après 2027
05:53parce que c'est là que la réforme prend son envol,
05:56si je veux dire, en termes d'économie budgétaire.
05:58Mais 2 milliards de plus, quand vous cherchez déjà 110 milliards,
06:02les chiffres n'ont plus de sens, mais quand même au bout d'un moment ça s'aggrave.
06:06Oui bien sûr, en fait on vient de parler justement des 50 milliards,
06:10donc de cet impôt de 26 milliards,
06:11est-ce que 2 milliards c'est beaucoup par rapport à toutes ces recettes
06:14dont on parle ou toutes ces dépenses dont on parle ?
06:17C'est toujours important.
06:19Il y a des...
06:23On pense par exemple à augmenter les prélèvements sociaux
06:26sur certains revenus du capital, c'est une des choses qui est proposée.
06:29Sur la CSG ?
06:30Avec le souci que c'est pas tout à fait sûr que ça rapporte autant que ce qu'on dit
06:34parce que l'assiette peut diminuer encore une fois.
06:37Donc il y a des expédients de cette nature qui peuvent fonctionner
06:40surtout pour un ou deux ans.
06:41Pour la suite, ce sera plus dur.
06:45Ce qu'on comprend dans ce que vous dites, c'est que c'est extrêmement compliqué
06:47d'arriver au niveau des débats parlementaires
06:50à savoir exactement combien va rapporter un impôt
06:54parce qu'on n'arrive pas à prévoir notamment l'assiette qui baisse,
06:57le comportement de chacun, la courbe de l'affaire,
06:59les gens qui revoient leur fiscalité.
07:02Donc c'est très compliqué de chiffrer en fait.
07:05Oui c'est très compliqué en fait, c'est le métier justement des chercheurs
07:08de notre institut, l'Institut des politiques publiques,
07:11que d'expliquer, chercher quelles sont les réactions des contribuables
07:16à tous ces types d'impôts, impôts par impôts
07:18et de donner des indications aux législateurs
07:21pour mieux faire cette sélection entre les impôts.
07:24Et à la fin, ça rapporte toujours quasiment moins que ce qu'on avait prévu ?
07:29Alors quand on invente de nouveaux impôts, c'est souvent le cas
07:32parce qu'en fait, on n'a pas tout à fait en tête
07:36quelle va être la mise en musique de ces impôts.
07:38Lorsqu'on les met en musique, on essaie de se prévenir d'attaques juridiques
07:41et en général, ça rapporte un peu moins.
07:45Et parfois beaucoup moins, ça a été le cas de la taxe sur les super profits
07:47qui n'a rien rapporté quasiment.
07:49Mais vous qui baignez dans le sujet, à la fin là,
07:51quand vous voyez l'ensemble des débats sur le budget 2026,
07:54c'est quoi votre sentiment ?
07:55Vous dites il faut tester des choses,
07:57vous dites il y a trop d'inventions d'impôts,
08:00c'est quoi votre sentiment à la fin des débats ?
08:02Je pense qu'en la matière, il y a un adage
08:06qu'un bon impôt est un vieil impôt.
08:07C'est quelque chose qui est très vrai dans la mesure
08:09où en fait, pour qu'un impôt s'installe,
08:12il faut que toute l'architecture fiscale,
08:17du législateur jusqu'au fiscaliste,
08:20jusqu'au contribuable, s'y soit adaptée.
08:22Ça prend beaucoup de temps, ça prend beaucoup d'énergie
08:24et donc il faut le faire avec une main semblante.
08:27L'innovation, ça ne marche pas très bien en matière d'impôts ?
08:30Non, c'est-à-dire qu'il faut le faire seulement
08:33lorsqu'il y a de manière évidente un trou dans la raquette.
08:36Merci beaucoup Laurent Bache d'être venu ce matin.

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