00:0015h43, il nous rejoint Alexandre Rezé. Bonjour Alexandre.
00:03Bonjour.
00:03Vous êtes stratégiste, Alexandre, sur les marchés financiers.
00:06Vous allez rendre votre verdict face à la bourse, ce moment qu'on va vivre cet instant, ce verdict.
00:11Est-ce que vous l'assumez ?
00:12Je l'assume.
00:13On vous écoute.
00:15J'assume qu'effectivement, c'est une discussion très importante qui secoue tous les stratégistes et les analystes.
00:22Mais je pense qu'on n'est pas du tout dans une configuration comme la bulle des années 2000
00:28en ce qui concerne l'intelligence artificielle.
00:30Mais il faut plutôt comparer ça, finalement, au début du XXe siècle avec le transport ferroviaire.
00:37Ah oui, c'est-à-dire qu'on n'est pas à la bulle de 2000.
00:39Là, on n'est peut-être pas en bulle.
00:40Enfin, on va pouvoir débattre là-dessus.
00:41On est en 1900, au début des chemins de fer aux États-Unis.
00:44Alors, c'est quoi la comparaison ?
00:45Quoi la situation actuelle ressemble à 1900 ?
00:47Alors, déjà, la concentration...
00:50Alors, effectivement, le marché n'était pas ce qu'il était.
00:52Alors, il faut toujours mettre...
00:53Il y a toujours un biais de comparaison.
00:54Mais ce qui est intéressant, c'est qu'en 1900, il y a eu énormément d'investissements.
00:58En fait, il y avait un secteur qui concentrait tout l'investissement.
01:02C'était le secteur ferroviaire.
01:05Pourquoi on était en pleine expansion ?
01:07À partir des années 1850, mais surtout à partir des années 1870-1880.
01:13Et pendant 15-25 ans, en fait, ce secteur a concentré les investissements.
01:18Parce que c'était un secteur technologiquement structurant, capitalistiquement difficile à concurrencer.
01:26Et il était au centre du récit politique et de la croissance du pays.
01:31On a vécu la même chose au Royaume-Uni.
01:34Et ce qui est intéressant, c'est qu'il y avait une concentration.
01:37On avait un marché en 1900, tenez-vous bien, qui concentrait avec 15 valeurs 65% de l'indice.
01:43Alors, évidemment, ce n'était pas le même indice, mais on se rend bien compte que si on compare avec les fameuses 10 ou voire 15 valeurs technologiques,
01:50on peut atteindre ce niveau-là.
01:52Donc, en fait, au-delà de cette comparaison, ce qui est intéressant, c'est de savoir combien de temps ça peut durer,
01:56comment ça va être structurant, ou comment ce marché qui, finalement, était plébiscité à une époque, s'est retourné.
02:04Et progressivement, représente maintenant 1 ou 2% du marché, ou dans les années 50, ne représentait que 10% de l'indice boursier.
02:13Et aujourd'hui, cette surconcentration, est-ce qu'elle vous gêne ?
02:16On commence à voir les acteurs de l'IA lever de la dette, emprunter.
02:20On a vu Meta la semaine dernière, une émission obligataire aussi de la part d'Alphabet, la maison mère de Google, en dollars et en euros.
02:26Ils arrivent aussi sur le marché de la dette maintenant.
02:27Est-ce que c'est le signe que le modèle de l'IA, le modèle qui a fait grimper la tech,
02:31et qui, jusqu'ici, n'enquêtait pas grand monde, ce modèle est en train de tourner, de pivoter ?
02:35Et là, on entre dans quelque chose de peut-être plus challenging ?
02:38Pour ma part, je ne suis pas inquiet. En fait, lever de la dette, c'est aussi une manière de se financer.
02:43Il y avait beaucoup de cash à un moment, il y avait des fonds propres, on parle aussi d'économie circulaire,
02:48mais lever de la dette n'est pas forcément une mauvaise chose.
02:51La mauvaise chose, c'est de savoir, et on le saura dans quelques années, si cet investissement...
02:55Je rappelle quand même, pour avoir les chiffres, vous en parlez souvent,
02:57mais en 2024, on pensait qu'on allait avoir 200 milliards d'investissements sur l'IA l'année prochaine.
03:06Maintenant, on est à 500 milliards, donc on est vraiment en train d'augmenter,
03:10et l'investissement se fait de manière beaucoup plus importante.
03:13Donc, évidemment que cet investissement doit se faire en partie par la levée de dette,
03:18et cette levée de dette, en tout cas ce secteur, est, on va dire, chapeauté par une dizaine d'acteurs,
03:24qui, de toute manière, sont incontournables et créeront la croissance et la richesse de demain.
03:29Antoine ?
03:30Cela dit, on peut le voir, et puis c'est peut-être un petit peu parlant de l'état du marché en ce moment,
03:35c'est-à-dire que globalement, personne ne s'inquiète dans le sens où,
03:38quand Google émet de la dette, Google fait énormément de profits.
03:41Quand Amazon émet de la dette, Amazon fait énormément de profits.
03:45Microsoft, Nvidia, n'en parlons pas.
03:47Non, ce qui pose problème, c'est l'éléphant dans la pièce, encore une fois, qui s'appelle OpenAI,
03:53qui n'est que dette, qui n'est que consommation effrénée de cash,
03:56et qui ne dégage pas un seul profit.
03:58Et cette dette-là, et vous l'avez vu, et on en a parlé avec John Plassard,
04:01et bon, à mon sens, il y a quand même un vrai grain de sable dans l'engrenage,
04:06là, ils sont en train de nous dire, tiens, ce serait bien que le Trésor américain garantisse notre dette.
04:10La dernière fois que des entreprises ont réclamé que le Trésor américain garantisse leur dette,
04:14c'était le secteur auto et le secteur bancaire en 2008.
04:16Et ils étaient au bord de la banqueroute.
04:19Donc, ouais, là, il y a peut-être une crainte.
04:23Il y a un signal.
04:24C'est vrai qu'il y a un acteur, il y a un acteur.
04:26Juste, Alexandre, il y a ce signal OpenAI qui n'a aucun impact encore aujourd'hui sur le marché.
04:31C'est ça qui nous...
04:32À limite, il y aurait un impact, tout irait bien.
04:34Enfin, à limite, le marché ferait son boulot.
04:35Mais là, on se dit, c'est bizarre, il y a un rond dans un carré.
04:37Alors, il va bien falloir qu'à un moment, OpenAI se fasse coter,
04:40parce qu'elle sera l'instant de vérité.
04:43Ça va être important, notamment pour les marchés,
04:45parce qu'on est dans les fantasmes.
04:45Finalement, au niveau des comptes, on ne sait pas trop.
04:50Et je pense que le moment de vérité, en tout cas pour le marché,
04:52mais peut-être pas avant, ça sera l'IPO d'OpenAI,
04:56qui sera peut-être l'année prochaine sur les marchés américains.
05:00Mais ce qui est intéressant quand même sur l'intelligence artificielle en tant que telle,
05:04alors c'est vrai que c'est un acteur complètement systémique,
05:06Nvidia l'est aussi, mais on voit potentiellement qu'il y a des concurrents,
05:10mais OpenAI aussi.
05:11On voit la guerre entre les États-Unis et la Chine,
05:15avec quand même la Chine qui commence à prendre le dessus.
05:17Enfin, en tout cas, il y a des discours assez importants là-dessus.
05:20Mais il faut comprendre que pour l'instant,
05:22on est évidemment ici à ce risque-là,
05:23mais on n'est pas en véritable bulle financière.
05:26C'est vraiment un déploiement des infrastructures qui se fait,
05:30et on l'a déjà vécu plusieurs fois,
05:32et notamment sur les chemins de fer.
05:34– Oui, et c'est un boom industriel avant tout.
05:37– Exactement.
05:38– Alors voilà, imaginez, vous avez le choix Alexandre,
05:40d'investir pour la suite sur le S&P,
05:42donc il y a beaucoup de tech dans le S&P,
05:44ou dans le S&P équipondéré,
05:45c'est-à-dire en repondérant à la hausse les autres secteurs au-delà de la tech.
05:50Vous choisissez quoi là pour la suite ?
05:51– Alors c'est toujours plus simple,
05:52notamment quand on est devant les clients,
05:53de vendre le S&P équipondéré,
05:57parce qu'on a la diversification, etc.
05:59– Je pense que le S&P classique,
06:01avec ses acteurs qui tirent effectivement,
06:04qui sont une véritable coup de motive,
06:05est une sage décision pour l'instant,
06:08quitte à, à côté, être sur quelques titres plus petits,
06:12en tout cas pour diversifier son portefeuille,
06:14mais je pense qu'en tout cas pour les prochains mois,
06:17il reste important de rester sur cet indice global
06:19avec des valeurs qui s'auto-enrichissent mutuellement.
06:23– Oui, c'est intéressant,
06:25parce que tout cela nourrit l'économie en cas aux États-Unis,
06:27avec une classe moyenne qui tente à s'appauvrir,
06:29des classes populaires qui souffrent.
06:31McDonald's a publié ses résultats, c'était hier,
06:33et ce qui ressort des résultats,
06:34c'est que la clientèle traditionnelle de McDonald's aux États-Unis souffre,
06:37il tire la langue dans la clientèle traditionnelle,
06:39en revanche il y a de nouveaux clients qui arrivent,
06:40qui eux ont plus de pouvoir d'achat,
06:42c'est ceux d'au-dessus, qui allaient au resto,
06:43et qui maintenant n'ont plus les moyens,
06:44ils préfèrent aller au McDo.
06:45C'est ça qui se traduit dans la publication de McDo là hier.
06:48– C'est ça qui se traduit dans la publication de McDo,
06:49et finalement cette économie que vous appelez en cas,
06:52en fait elle se voit sur les marchés financiers,
06:55et dans son impôts, vous avez effectivement des sociétés
06:57qui s'enrichissent et qui vont continuer à s'enrichir,
07:00et des sociétés plus petites.
07:01En fait c'est un phénomène global,
07:02qui est un phénomène à la fois financier et social.
07:06– Non c'est faux, parce qu'on assiste vraiment
07:08à travers les résultats de McDo,
07:09à la polarisation de la société de plus en plus.
07:13Du côté des publications de résultats là, puisqu'on y est,
07:15est-ce que les États-Unis ont vraiment creusé un écart
07:18avec l'Europe, avec les performances qui ont été publiées
07:21par les entreprises européennes ?
07:23– Alors les résultats des entreprises européennes
07:26n'étaient pas si mal que ça,
07:27mais effectivement il y a vraiment eu un écart
07:29dans ce trimestre assez fort,
07:31qui illustre l'attractivité du marché américain.
07:37Ce que l'on peut dire quand même,
07:37encore une fois on revient là-dessus,
07:39et c'est un peu un marronnier de tous les jours,
07:41c'est lié à effectivement cette polarisation sur l'IA,
07:44fait qu'aux États-Unis, dans les chiffres globaux,
07:47ça se voit.
07:48Alors après quand on vient,
07:49on vient non plus dans les moyennes,
07:50mais dans les médianes c'est plus compliqué,
07:53mais on peut quand même dire que les entreprises européennes
07:56ont quand même bien résisté,
07:58mais on n'est pas dans cette euphorie,
08:00en tout cas ambiante aux États-Unis.
08:02– Oui, en matière de secteur en Europe,
08:04vous aimez quoi pour la suite ?
08:05– Alors c'est un peu difficile,
08:07parce que c'est quasiment depuis le début de l'année,
08:10c'est un peu toujours les mêmes secteurs,
08:11et je ne vois pas en tout cas d'inversion de tendance,
08:13mais aux États-Unis, il n'y a pas d'inversion de tendance en fait,
08:15on essaye de trouver des autres histoires.
08:16C'est vrai que c'est plaisant de changer d'avis régulièrement,
08:19mais effectivement, on en parle souvent,
08:21mais le secteur financier, il y a encore un boom,
08:23et puis le secteur de la défense,
08:27qui peut-être avoir un retour,
08:29il faudra peut-être y retourner,
08:30et puis moi j'ai toujours bien aimé
08:32ce qu'on appelle le secteur aux collectivités locales,
08:34les énergéticiens, les Indessa, les Iberdrola,
08:37qui en fait participent à un courant global,
08:39à la fois sur les infrastructures,
08:41mais avec ce besoin d'énergie,
08:42et c'est eux qui vont avoir la main à un moment.
08:44On voit notamment Iberdrola signer des contrats aux États-Unis
08:47pour les gérants de la tech,
08:48pour fournir de l'énergie privée.
08:52Et justement, il y a des acteurs français aussi
08:53pour profiter du boom des data centers,
08:55Legrand en fait partie,
08:56ils ont publié leurs résultats, Legrand,
08:57alors vous êtes de la génération du film
08:59Chéri, j'ai rétréci les gosses, je crois Alexandre,
09:01aujourd'hui c'est Chéri, j'ai rétréci Legrand,
09:03ils rapetissent le titre,
09:05moins 11%, tout est black dans la publication,
09:08enfin moins 11 au marché sévère ?
09:09Non, je pense que tout n'est pas un black,
09:11quand j'ai vu la publication,
09:13elle n'était pas si mauvaise que ça,
09:14après les attentes étaient quand même très importantes,
09:16Legrand reste une entreprise industrielle,
09:18et on a tendance à mettre sur ces sociétés-là,
09:21qui font partie de l'univers de l'intelligence artificielle,
09:24des exigences très fortes en termes de profitabilité
09:28et de croissance,
09:29les chiffres ne sont pas si mauvais que ça,
09:31effectivement c'est une société qui avait quand même monté
09:33de près de 40-45% depuis le début de l'année,
09:36on profite de prises de bénéfices,
09:38parce que c'est un tout petit peu décevant,
09:41mais ça reste une entreprise de croissance
09:42au cœur du déploiement de l'intelligence artificielle
09:45en Europe et aux Etats-Unis.
09:46Donc vous restez dessus,
09:47on se demandera tout à l'heure laquelle des valeurs européennes
09:49est la mieux positionnée pour profiter du potentiel
09:51des data centers,
09:52ce sera dans la suite de l'émission,
09:53puis Jean-François nous écrit,
09:54faut-il revenir sur Vision Group et Excel
09:56qui s'ouvre depuis un mois,
09:57Vision Group, Excel,
09:58c'est vrai qu'elle perd 12-15% ?
10:00C'était un petit dossier,
10:02deux histoires complètement différentes,
10:04Excel, c'est la défense,
10:07et c'est deux sociétés de croissance assez fortes,
10:12Excel c'est sur les sous-marins,
10:15en tout cas les drones,
10:16et toute cette technologie de défense,
10:20elle reste quand même une société de croissance,
10:22et elle a un backlog en tout cas
10:23qui est extrêmement fort,
10:25et on peut continuer à être bien positionné.
10:28Sur Vision Group,
10:29c'est une histoire complètement différente.
10:31Les étiquettes électroniques dans les magasins ?
10:32Les étiquettes électroniques,
10:33vous voyez la digitalisation de la distribution,
10:36et là, c'est une histoire très micro,
10:39on a cet accord avec Walmart,
10:40Walmart est sorti un peu du capital,
10:42mais reste son client principal,
10:45c'est beaucoup plus volatile,
10:46et lié à des acteurs macro,
10:48mais c'est une très très belle société de long terme.
10:50Merci beaucoup Alexandre.
10:51Alexandre, aisé, stratégiste de marché.