- il y a 5 jours
Mardi 4 novembre 2025, retrouvez Isabelle Jégouzo (Directrice, Agence française anticorruption - AFA), Patrick Sayer (Président, Paris Place de Droit) et Jean-Philippe Gille (président, AFJE) dans LEX INSIDE, une émission présentée par Arnaud Dumourier.
Catégorie
🗞
NewsTranscription
00:00Générique
00:30Bonjour, bienvenue dans Lex Inside, une émission spéciale au Grenelle du droit.
00:35On va revenir sur les grands enjeux de ce Grenelle du droit.
00:38Au programme de ce numéro, comment renforcer l'attractivité de notre droit français.
00:43On en parlera dans quelques instants avec Bruno Lasser, président de la Fondation pour le droit continental.
00:49On évoquera ensuite l'avenir de la filière juridique avec Patrick Sayer, président de Paris Place de droit,
00:55également président du tribunal des activités économiques de Paris.
01:00Et enfin, on parlera du rôle et de l'influence du juriste d'entreprise dans cette filière juridique avec Jean-Philippe Gilles, président de l'AFGE.
01:10Voilà pour les titres Lex Inside, c'est parti !
01:12Comment renforcer l'attractivité de notre droit français ?
01:26On en parle tout de suite avec mon invité Bruno Lasser, président de la Fondation du droit continental.
01:33Bruno Lasser, bonjour.
01:34Bonjour.
01:34Alors, un des enjeux de ce Grenelle du droit qui réunit toutes les professions juridiques, c'est de renforcer l'attractivité de notre droit français.
01:43La première question que j'ai envie de vous poser, c'est quels sont, selon vous, les atouts de notre droit pour rendre celui-ci plus attractif auprès des entreprises ?
01:52Alors, on parle d'attractivité du droit continental et du droit français depuis finalement assez peu de temps, depuis le début des années 2000.
02:00Mais on est tous conscients que nous avons des atouts dans cette concurrence de plus en plus forte entre système de droit continental et système de common law.
02:09C'est d'abord l'accessibilité.
02:11C'est un droit qui est codifié, qui est clair, qui est facilement accessible par les entreprises, les citoyens, les juridictions.
02:19Deuxièmement, c'est un droit qui, comment vous expliquer, qui est équilibré.
02:27Il fait l'équilibre avec les préoccupations d'intérêt général et c'est aussi un droit incitatif qui protège, qui protège la valeur auxquelles nous tenons, mais aussi incite au développement économique, incite à la prise de risque.
02:43Et c'est aujourd'hui un élément que réclament les entreprises, avoir un droit qui ne freine pas l'investissement, mais au contraire, peut-être l'occasion d'attirer les talents, l'investissement et les échanges internationaux.
02:55Alors, on voit les atouts de notre droit. On va se projeter un peu avec vous sur la fondation du droit continental.
03:03Comment vous travaillez au quotidien pour rendre notre droit plus attractif et pour faire la promotion de ce droit continental face à la common law ?
03:11D'abord, il faut que notre droit soit à la fois mieux connu, mais aussi puisse être choisi par un certain nombre de praticiens, d'entreprises, etc.
03:21Donc, le premier objectif a été de convaincre la Banque mondiale de modifier son classement des systèmes juridiques.
03:29Vous savez que le rapport Doing Business avait apporté une appréciation très défavorable sur le droit français.
03:36Et grâce à de nouveaux indicateurs, à un dialogue renforcé, nous avons réussi à changer le regard de la Banque mondiale sur le droit français et l'efficacité, notamment, de ce droit.
03:47La deuxième chose, c'est de former.
03:50Et donc, l'une des initiatives que prend régulièrement la fondation, c'est tous les ans d'organiser une université d'été du droit continental.
03:58Cette édition de l'année 2025 a été, cette année encore, une réussite.
04:03Plus d'une centaine d'étudiants étrangers ou de jeunes praticiens du droit venus de plus de 35 pays différents,
04:10qui pendant plusieurs semaines vont suivre des formations de haut niveau, des cours, des séminaires spécialisés.
04:16Et rentrer chez eux, ils vont devenir à la fois les ambassadeurs de notre droit, mais peut-être aussi de futurs enseignants, de futurs praticiens,
04:26qui vont montrer de manière concrète que notre droit est aussi un atout.
04:31Donc ça, c'est important de sensibiliser, d'essayer d'évangéliser sur le droit continental ?
04:36Ah oui, oui, c'est une conquête de tous les jours, parce que nous avons face à nous un tas d'institutions,
04:43de pays qui consacrent des moyens considérables à répandre l'idée que la common law est la seule alternative possible,
04:52notamment pour les pays qui veulent se doter de nouveaux systèmes juridiques, de nouvelles régulations, qui veulent réformer leurs droits.
04:59Alors il y a aussi une question qui est importante, c'est celle de l'extraterritorialité de certaines lois, de certains textes.
05:07Comment on peut lutter contre ces textes ?
05:11D'abord, en sensibilisant les directeurs juridiques qui signent les contrats sur la question du droit applicable.
05:18Et trop souvent, on a le sentiment qu'on ne passe pas suffisamment de temps pour expertiser ces clauses
05:25qui attribuent les litiges à telle juridiction ou les soumettent à tel ou tel droit.
05:31Et donc convaincre que le droit continental peut être, en cas de contentieux, en cas de litige, un droit efficace, un droit prévisible, un droit protecteur,
05:40est aussi un élément très important parce que le choix du droit applicable est une variable extrêmement importante d'influence du droit français.
05:51Au-delà de l'attractivité, il y a aussi la question de la souveraineté. Vous avez parlé de coordination européenne pour l'attractivité.
05:58Est-ce que c'est important aussi d'avoir cette même coordination pour la souveraineté juridique ?
06:02Bien sûr, parce que le droit est aussi un enjeu de souveraineté.
06:06Et avant de songer à l'international, il faut veiller à ce que l'Europe donne toutes ses chances aussi au droit continental.
06:13C'est la raison pour laquelle la Fondation soutient, avec l'association Henri Capitan,
06:18l'idée d'un Code européen des affaires, le fameux 28e régime qui serait ouvert aux entreprises,
06:25qui a été intégré récemment dans le programme législatif de la Commission européenne.
06:29Mais nous nous battons pour que cette option ouverte aux entreprises soit ouverte à toutes les entreprises,
06:34quelle que soit leur taille ou leur vocation,
06:37et que les États soient obligés d'ouvrir à toutes les entreprises qui souhaitent mobiliser cette option la possibilité de le faire.
06:45Je voudrais aussi que la Fondation joue un rôle plus important dans l'influence du droit sur les grandes initiatives législatives.
06:54Comment concrètement vous pouvez avoir plus d'influence ?
06:56Très souvent, la Commission, avant même de lancer un livre vert ou un livre blanc, fait un état des lieux.
07:01Quelles sont aujourd'hui les pratiques dans le monde sur tel ou tel sujet qu'elle veut explorer ?
07:06Et la tentation, c'est parce que voilà, c'est plus facile d'accéder aux exemples rédigés en anglais, d'aller vers les pays anglo-saxons.
07:13Je prends un exemple, le devoir de vigilance, alors qu'il existait une loi en France et en Allemagne,
07:18ce sont des experts britanniques qui ont forgé, influencé la pensée européenne sur cette question.
07:24Et pourtant la loi française était pionnière.
07:26Était pionnière.
07:27Et donc, mais parce que tout simplement, aller rechercher une loi française, c'est un obstacle,
07:31parce que voilà, c'est en français, c'est moins connu, moins glamour, etc.
07:35Et donc, jouer un rôle dans les appels d'offres que lance la Commission européenne,
07:39ne serait-ce que pour expertiser déjà l'état des lieux et rechercher quelles sont les solutions possibles
07:45lorsqu'on veut changer une loi, changer une réglementation, ce serait déjà un point important
07:52parce que le droit, il se fabrique en réalité tout de suite, par la pensée,
07:56avant même qu'un texte soit sur la table.
07:58Et c'est à ce stade-là que nous ne sommes peut-être pas assez influents aujourd'hui.
08:03Alors, il y a peut-être un écueil à éviter, si je puis me permettre.
08:06Je prends l'exemple du devoir de vigilance.
08:09On voit qu'on avait déterminé un certain nombre de seuils pour les entreprises.
08:12Finalement, on décide d'aller en arrière.
08:14Est-ce que ça, ça ne joue pas en défaveur de notre droit continental ?
08:18Mais là, je ne parle pas du fond du droit.
08:20Je parle tout simplement de l'état des lieux.
08:24Lorsqu'on fait le point sur une question, qu'on puisse mettre en valeur aussi bien les exemples de commune l'eau
08:31que les exemples de droit continental.
08:34Après, il y a une discussion politique sur le contenu du texte que l'on veut adopter,
08:39avec forcément des compromis, etc.
08:41Mais ne serait-ce que connaître les expériences déjà mises en place en droit continental serait un gros progrès.
08:48Pour finir, qu'est-ce qu'on peut souhaiter de ce grenelle du droit ?
08:53Il nous convainque que le droit est non seulement un instrument interne,
09:00mais aussi un vecteur d'influence, de compétitivité,
09:04et que l'attractivité du droit est une cause commune au pouvoir public, aux juridictions,
09:10et à l'ensemble des professions juridiques et des entreprises,
09:13qui sont d'ailleurs réunies, comme l'AFJE, au sein de la fondation dont elles sont les partenaires.
09:19On va conclure là-dessus. Merci Bruno Lasserre.
09:22Je rappelle que vous êtes président de la Fondation pour le droit continental.
09:25Merci beaucoup.
09:26Tout de suite, on enchaîne. On va parler de l'avenir de la filière juridique.
09:29Quel avenir pour la filière juridique ?
09:43On en parle tout de suite avec mon invité, Patrick Saillère, président de Paris Place de Droit,
09:48également président du Tribunal des activités économiques de Paris.
09:52Patrick Saillère, bonjour.
09:53Bonjour.
09:53Le Grenelle du droit, c'est l'événement qui fédère la filière juridique française.
10:00Le but, c'est aussi de préparer les enjeux à venir.
10:04Pour commencer, la première question que j'ai envie de vous poser, c'est comment bâtir une filière juridique solide ?
10:11Écoutez, il est pour moi indispensable de continuer à structurer notre filière juridique.
10:16On peut s'enorgueillir de la qualité de l'enseignement du droit, qu'il s'agisse de l'enseignement universitaire,
10:21également de l'enseignement qui est dispensé à l'École nationale de la magistrature,
10:28et puis de ce que proposent un certain nombre d'universités,
10:34celle-ci, Paris 1, Panthéens-Sorbonne en fait partie,
10:38qui proposent non seulement des diplômes dans le cadre des cursus classiques,
10:43mais qui proposent aussi un certain nombre de diplômes universitaires
10:46qui permettent à un certain nombre d'intervenants de renforcer, de compléter, d'approfondir leur connaissance.
10:53Alors, ici on a tout l'écosystème juridique réuni.
10:58Est-ce que cet écosystème est suffisamment armé à la hauteur des enjeux économiques du moment ?
11:04On s'est dans une situation qui est complexe, situation géopolitique, guerre économique exacerbée.
11:10Qu'en pensez-vous ?
11:11Alors, on a deux sujets. On a un sujet qui est un sujet interne,
11:15et un sujet qui nécessite, selon moi, que les gens se parlent davantage.
11:20Quand je dis que les gens se parlent davantage,
11:22je pense en particulier aux magistrats étatiques de l'ordre judiciaire d'un côté,
11:28aux juges consulaires de l'autre, voire aux conseillers prud'homo par ailleurs,
11:31même si je connais moins ce sujet. Et c'est un sujet qui, pour moi, est essentiel.
11:36Alors, j'ai lu, ou en tout cas, j'ai vu que le garde des Sceaux envisage d'approfondir la connaissance économique
11:43des juges au niveau de l'École nationale de la magistrature, ce qui est une excellente chose.
11:48On a un sujet, j'en reparlerai éventuellement, qui est un sujet où je souhaite, moi,
11:53je développe l'approfondissement des connaissances pour les juges consulaires.
11:56C'est-à-dire que j'essaye davantage de leur donner une meilleure connaissance du reste du droit,
12:01parce que le droit est une matière très large.
12:04Concrètement, comment ?
12:05C'est très simple. En plus de la formation obligatoire à laquelle sont tenus les juges consulaires
12:10quand ils démarrent, une formation de plusieurs modules sur 18 mois,
12:16et une formation continue qui est à minima de 20 heures par an,
12:18J'ai fait en sorte, depuis 2025, de leur proposer une formation, à nouveau sous la forme d'un DU,
12:27de 200 heures de cours, dispensées par des professeurs de très grande qualité de Panthéon-Sorbonne,
12:33qui non seulement leur permettent d'approfondir leur connaissance du droit civil,
12:37du droit des affaires, de la procédure civile,
12:39mais également de les ouvrir sur un certain nombre de matières
12:42qui sont d'une certaine manière étrangères à leur office,
12:45mais qui leur donnent une meilleure vision globale.
12:46Alors, vous êtes président du Tribunal des activités économiques de Paris.
12:51Comment articuler justice économique et attractivité du droit français ?
12:57Alors, c'est un point essentiel et c'est un peu le deuxième port de la question.
13:03Moi, je suis assez frappé. Je vais d'ailleurs à New Delhi dans quelques jours
13:06où j'accompagne Daniel Barleau, qui est le président de la Chambre internationale de la Cour d'appel,
13:12pour participer à un forum où il y aura, je ne sais pas, à peu près 160 juges commerciaux du monde entier
13:20et où on va échanger sur les meilleures pratiques, on va échanger sur l'amiable,
13:25on va échanger sur l'intelligence artificielle, enfin tous les sujets chauds du moment.
13:29La justice climatique également.
13:31Mais ce qui me frappe, c'est la puissance qui mettent les anglo-saxons
13:36et qui essayent de tirer à eux le droit,
13:41en essayant, et je le dis sans méchanceté,
13:45mais en essayant habilement de banaliser un tout petit peu le droit civil,
13:50alors que notre droit a d'immense qualité, et notamment en termes de sécurité juridique.
13:55Alors comment on fait justement pour lutter contre les anglo-saxons et valoriser notre droit continental ?
14:00On doit faire preuve de présence, d'où ce voyage, c'est un aller-retour de 48 heures à Delhi,
14:06donc il y a plus amusant pendant le week-end du 11 novembre,
14:10je ne vais franchement pas avoir le temps de visiter quoi que ce soit.
14:14Donc c'est faire preuve de présence, mais c'est non seulement de faire preuve de présence
14:17vis-à-vis des juges internationaux et de montrer comment le droit continental,
14:23le droit français ne s'est pas endormi depuis un peu plus de 200 ans,
14:27mais il faudrait faire davantage, il faudrait le faire davantage sur un plan français.
14:32Moi j'aimerais que la chancellerie nous octroie des moyens
14:34pour pouvoir valoriser le droit français, le droit continental.
14:38C'est le moment d'en parler, c'est le budget ?
14:40Oui, on sait les contraintes budgétaires auxquelles l'État est tenu,
14:45mais moi j'ai très envie de partir en roadshow pour aller vendre à la fois les juridictions étatiques
14:52et les juridictions arbitrales. Les juridictions arbitrales se vendent bien depuis longtemps,
14:57mais j'ai aussi, je souhaite, dans la mesure où on a une chambre internationale,
15:00dans la mesure où il y a une chambre internationale à la Cour d'appel,
15:03moi j'aimerais pouvoir bénéficier d'un budget pour aller le vendre au cabinet d'avocats anglo-saxons,
15:09mais également en Amérique latine, mais également en Afrique, mais également en Moyen-Orient et également en Asie.
15:15Ce rayonnement international, c'est extrêmement important et c'est ce que vous faites au travers de Paris Place de droit ?
15:20C'est non seulement important, mais c'est essentiel.
15:23Parce que, imaginez qu'un jour, toutes les grandes entreprises européennes se retrouvent à traite
15:29dans des systèmes de droit qui ne sont pas les systèmes sur la base desquels elles ont été constituées.
15:34Alors ça ne veut pas dire que ça ne sera pas bien traité pour autant,
15:37mais ça sera traité d'une façon différente.
15:39Et pour moi, cela procède de notre indépendance et de notre compétitivité économique.
15:45Alors, est-ce qu'un axe de développement, un levier stratégique,
15:48ce n'est pas aussi de coopérer avec l'ensemble des professions,
15:52comme le suggère ce Grenelle du droit, d'essayer de renforcer l'interprofessionnalité ?
15:57Alors ça, on le fait déjà beaucoup.
15:59J'aurais du mal à le faire beaucoup plus,
16:01c'est-à-dire qu'aussi bien avec les avocats, avec les professeurs de droit,
16:06on a des échanges, en tout cas en ce qui concerne Paris Place de droit,
16:09qui sont absolument constants.
16:11On a dix groupes de travail où chacun des acteurs, juges, professeurs, avocats, sont présents.
16:19On y a trait maintenant, dans la mesure où il y a une justice amiable qui a pris toute une dimension,
16:23on y a trait des médiateurs, on y a trait des arbitres.
16:28Donc, cette coopération, elle est déjà au cœur de notre écosystème.
16:32Donc, il y a déjà une coopération.
16:33Alors, qu'est-ce qu'on peut souhaiter pour l'avenir de cette filière juridique ?
16:36Souhaiter pour l'avenir de cette filière juridique,
16:38c'est qu'on réalise qu'au moment où un certain nombre de forces tirent si fort de leur côté,
16:45qu'il s'agisse des Américains, qu'il s'agisse des Asiatiques, en particulier des Chinois,
16:48les Chinois qui sont plutôt dans une logique de droit civil que dans une logique de common law,
16:54d'essayer de se montrer plus fort, notamment avec nos partenaires européens.
16:59C'est le premier point.
17:00Et dans les colloques auxquels je participe, j'aimerais qu'on soit davantage présents,
17:04non seulement en tant que Français, Allemands, Espagnols, mais également en tant qu'Européens.
17:09Ça, c'est le premier point.
17:10Et le deuxième point, c'est de travailler sur tous les pays
17:14qui ont été très largement influencés par le droit napoléonien,
17:18qu'il s'agisse des anciennes colonies espagnoles, des anciennes colonies françaises,
17:22des anciennes colonies allemandes et italiennes, le cas échant,
17:25et également en Asie, où le droit civil s'est également largement répandu.
17:30Pour terminer, vous attendez des propositions concrètes au sein de ce Grenelle du droit ?
17:35Je le souhaiterais ardemment. Maintenant, nous verrons ce que nous verrons.
17:40Merci Patrick Saillère.
17:41Je rappelle que vous êtes président du tribunal des activités économiques de Paris,
17:45également président de Paris Place du droit.
17:47Merci infiniment.
17:48Tout de suite, l'émission continue.
17:50On va parler du rôle et de l'influence du juriste.
18:03On va parler rôle et influence du juriste d'entreprise.
18:07C'est un des sujets aussi majeurs de ce Grenelle du droit.
18:10On en parle tout de suite avec son président, Jean-Philippe Gilles,
18:14président de l'Association française des juristes d'entreprise.
18:17Jean-Philippe Gilles, bonjour.
18:19Bonjour cher Arnaud, merci de me recevoir.
18:21Un Grenelle du droit qui rassemble l'ensemble des professions.
18:27Pour commencer, la question que j'ai envie de vous poser,
18:29c'est quelle est la place du juriste d'entreprise dans cette filière juridique ?
18:33Alors, le juriste d'entreprise, c'est très simple, c'est le petit nouveau.
18:37C'est le dernier né en 50 ans à peine, en 3 générations à peine.
18:42Néanmoins, ce petit bébé est devenu un intervenant mature et important
18:48puisque nous sommes aujourd'hui 20 000 juristes d'entreprise en France,
18:52soit la deuxième profession du droit.
18:54Donc, notre place dans la filière est importante par le nombre.
18:59Elle est également importante par notre capacité à innover.
19:03Étant des femmes et des hommes d'entreprise,
19:04nous avons l'habitude de travailler avec beaucoup d'interlocuteurs différents et variés.
19:09Et c'est peut-être ça qui nous a poussé à inviter les différents métiers du droit
19:13à se rassembler au Grenelle pour échanger.
19:16Et effectivement, c'est un lieu assez unique
19:18qui est de plus en plus apprécié par tous les métiers.
19:21Alors, revenons justement sur vos interlocuteurs.
19:24Aujourd'hui, quels sont vos principaux interlocuteurs ?
19:26On pense bien sûr aux avocats, mais il y en a sûrement d'autres.
19:29Alors, traditionnellement, les avocats sont nos premiers interlocuteurs.
19:32Et d'ailleurs, je tiens à remercier Julie Couturier qui était là ce matin.
19:36Les avocats sont bien évidemment nos premiers interlocuteurs.
19:40Les interactions sont fortes à travers le métier, mais aussi à travers les échanges
19:44puisque certains juristes d'entreprise deviennent avocats,
19:47de nombreux avocats deviennent juristes d'entreprise.
19:49Donc, on a, je vais dire, une passerelle sociologique qui existe déjà depuis longtemps.
19:54Et puis, on a quand même aujourd'hui de nouveaux interlocuteurs qui apparaissent.
20:01Les magistrats, nous les connaissons.
20:02Nous les connaissons à travers, évidemment, l'activité contentieuse.
20:05Mais je crois que nous allons être amenés à les fréquenter d'une manière tout à fait différente.
20:09Et les échanges que nous avons eus ce matin lors du Grenelle
20:13avec leurs représentants sont tout à fait intéressants.
20:16Alors, pourquoi cette évolution ?
20:17Tout simplement parce que le droit évolue et il intègre, évidemment, comme vous le savez, la compliance.
20:25Et la compliance fait que le juriste d'entreprise, au sein de l'entreprise,
20:29n'est plus simplement un conseiller, n'est plus simplement le cousin de l'avocat,
20:32mais devient aussi une sorte de magistrat interne.
20:35Et donc, il devient un peu le cousin du magistrat.
20:39Et il a besoin d'en apprendre les usages, les bonnes pratiques,
20:43de façon à pouvoir bien effectuer sa mission dans ce cadre.
20:46Ça veut dire que vous êtes plus proche des magistrats ?
20:49Ça veut dire que nous devons intégrer dans notre cursus, dans nos savoir-faire,
20:56des méthodologies qui sont celles de la formation du magistrat.
21:02Après, nous devons respecter le rôle de chacun, bien évidemment, il n'y a pas de confusion.
21:07Mais lorsque nous menons des enquêtes, lorsque nous devons rédiger des recommandations
21:12au sein d'un comité d'éthique ou de conformité,
21:15eh bien, nous sommes finalement dans une posture qui doit faire extrêmement attention
21:20au principe du contradictoire, par exemple.
21:22Et là, l'école de la magistrature et l'expérience des magistrats est extrêmement précieuse.
21:27Donc, je crois qu'effectivement, à l'avenir, nous aurons à tisser des liens plus forts avec la magistrature.
21:32Alors, on va reparler de la relation singulière que vous entretenez,
21:35les juristes d'entreprise, avec les avocats.
21:37Est-ce qu'il y a des nouveaux modèles qui émergent,
21:40nouveaux modèles de collaboration entre juristes d'entreprise et avocat ?
21:44Alors, il y a une donnée qui fait évoluer cette collaboration,
21:49mais qui n'est pas simplement propre à la collaboration entre l'avocat et le juriste d'entreprise.
21:54Elle va être complètement transversale.
21:57Cette évolution, elle est liée tout simplement à la rupture technologique que constitue l'intelligence artificielle.
22:03Le sujet, c'est qu'aujourd'hui, que l'on soit avocat, juriste d'entreprise, notaire, huissier, greffier ou magistrat,
22:12nous allons devoir utiliser des données juridiques dans une sorte de tunnel protégé, si je peux prendre cette expression.
22:22C'est quoi le tunnel protégé ?
22:23Par exemple, je suis directeur juridique, je veux pouvoir travailler avec un notaire alpha,
22:29un notaire bêta, un avocat oméga et un autre avocat phi, par exemple.
22:36Eh bien, je les laisse choisir leurs outils en termes d'IA, mais je souhaite avoir la même garantie en termes de protection de mes données.
22:47Alors, comment on fait pour avoir la même garantie, justement ?
22:49Eh bien, il va falloir que les différentes professions travaillent vraisemblablement sur un cahier des charges.
22:53Et l'AFGE avait été entendue par l'Assemblée nationale et également par le Sénat sur ces sujets, en même temps que les autres professions.
23:02Et nous avons assisté sur deux sujets.
23:05Le premier, c'est effectivement ce cahier des charges commun, j'allais dire, aux juristes, par rapport à l'IA, par rapport à l'outil, à son degré de confidentialité et de protection.
23:17Et puis, il y avait un autre sujet qui est celui de la déontologie.
23:20Aujourd'hui, la déontologie, elle est liée aux personnes, aux statuts.
23:24Mais on peut se demander si avec l'IA, la déontologie, elle ne va pas être en partie, je dis bien en partie, pas en totalité, embarquée comme un accessoire de la donnée.
23:33Et pourquoi ?
23:33Parce que vous manipulez une donnée qui doit être protégée.
23:39C'est cette donnée qui doit être protégée.
23:41Que vous soyez juriste d'EPO en entreprise ou ingénieur informatique d'EPO en entreprise ou externe, que vous soyez juriste d'entreprise, que vous soyez avocat, que vous soyez notaire, vous allez tous manipuler la même donnée.
23:53Donc, il serait assez logique que la déontologie, sur ces points-là, je ne suis pas en train de dire qu'il faut révolutionner les codes de déontologie de chaque profession,
24:02mais sur ce sujet-là, nous aurions intérêt, dans une logique filière, à avoir, je dirais, le même tunnel déontologique.
24:10Un socle commun, c'est ça ?
24:11Un socle commun, une charte, appelons-le. Je n'ai pas aujourd'hui le nom de baptême de cette démarche, mais il est important que nous puissions évoluer dans ce sens tous ensemble.
24:20Et c'était très intéressant parce que les propos de la plénière de ce matin ont abouti, effectivement, à cette double nécessité qui est de, tout en respectant l'ADN de chaque métier,
24:29de trouver un substratum commun qui permettrait de renforcer notre filière et de protéger, je dirais, les utilisateurs du droit.
24:39Alors, renforcer la filière, il y a un combat que vous menez depuis de nombreuses années à la FGE avec le cercle Montesquieu, c'est de démontrer le poids économique de la filière juridique.
24:49Aujourd'hui, est-ce que vous avez progressé, selon vous, pour faire admettre le poids économique de la filière juridique ?
24:56Alors, déjà, nous sommes bien conscients de ce poids économique.
25:00D'ailleurs, le professeur de fin, cet après-midi, a pris la parole et a rappelé que, finalement, le poids économique du droit dans le pays était supérieur à celui de l'industrie du luxe.
25:11C'est pas rien.
25:12C'est pas rien.
25:12Et il a bien montré aussi que des tas de pays qui sont les concurrents de notre système, notamment des pays anglo-saxons, ont bien compris que le droit précédait le développement économique et y contribuait.
25:25Donc, nous avons aujourd'hui tous les arguments. Ce qu'il faut, c'est savoir les faire entendre, c'est savoir convaincre les pouvoirs publics.
25:33De ce point de vue-là, la chancellerie a beaucoup évolué, puisque depuis, je dirais, deux chanceliers successifs, le ministère n'est pas simplement la super direction des ressources humaines de la magistrature et du pouvoir judiciaire.
25:47C'est aussi une visée, je dirais, plus dynamique, plus offensive de l'utilisation du droit pour faire rayonner la France.
25:58Alors, on a parlé de faire du poids économique de la filière juridique. Il y a un autre sujet qui est important, c'est aussi vis-à-vis de l'interne, convaincre en interne quel poids les directions juridiques aujourd'hui ont dans les entreprises
26:14et aussi faire valoir le directeur juridique au sein de la direction.
26:19Alors, aujourd'hui, la situation est très bonne, en réalité, puisque j'ai connu, effectivement, j'ai 30 ans d'expérience derrière moi, donc j'ai pu mesurer le parcours qui a été effectué pendant ce temps-là.
26:35Aujourd'hui, les directeurs juridiques sont très souvent membres des COMEX, ce qui n'était pas le cas.
26:40Les directions juridiques sont des directions juridiques à part entière. Elles dépendent très peu d'autres directions positionnées au-dessus.
26:48Donc, on a fait d'énormes progrès de ce côté-là.
26:51Maintenant, il faut être capable de faire un marketing de la fonction au quotidien.
27:00Ça veut dire quoi ?
27:00Ça veut dire très clairement d'être capable d'avoir un discours qui est celui de tous les autres services de l'entreprise, c'est-à-dire, êtes-vous satisfait de ma prestation ?
27:10Comment puis-je l'améliorer ? Quels sont mes KPI ? Comment je fais de la pédagogie ? Comment j'ai une approche, finalement, produit et service pour faire avancer l'entreprise, pour l'accompagner mieux ?
27:22Donc, en fait, il faut être capable, au-delà de sa capacité technique à traiter les sujets, à les faire connaître.
27:29Ce n'est pas le tout d'avoir des succès. Il faut aussi le faire savoir.
27:33Les juristes le font de mieux en mieux.
27:35L'AFGE offre des possibilités de se former parce que ce n'est pas au cours de la formation initiale que l'on apprend ses ficelles, si je puis dire.
27:43Mais aujourd'hui, les juristes d'entreprise sont de plus en plus des interlocuteurs qui parlent très, très bien la langue de l'entreprise.
27:50Donc, on voit qu'il y a plusieurs chantiers pour le juriste d'entreprise, la communication, la conformité, faire admettre aussi le poids économique du droit.
28:00Donc, de nombreux challenges à relever.
28:02Voilà. Vous pouvez compter sur l'AFGE pour les relever.
28:06On va terminer là-dessus. Merci, Jean-Philippe Gilles. Je rappelle que vous êtes président de l'AFGE.
28:10Merci, Arnaud.
28:11C'est la fin de cette émission. Merci de votre fidélité. Restez curieux et informés.
28:17A demain sur Be Smart for Change.
Recommandations
10:26
|
À suivre
33:00
28:26
29:16
26:29
29:22
29:00
24:56
30:43
9:09
29:11
29:14
29:16
27:42
29:04
28:58
29:11
28:17
28:04
28:29
28:17
29:09
28:29
28:34
29:00
Écris le tout premier commentaire