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  • il y a 3 jours
Eric Weil, ancien conseiller ministériel, était l'invité de Laure Closier dans Good Morning Business, ce lundi 20 octobre. Il est revenu sur les intérêts et les inquiétudes autour du système de retraite à points, et les autres leviers que l'âge légal, sur BFM Business. Retrouvez l'émission du lundi au vendredi et réécoutez la en podcast.

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Transcription
00:00Il est 7h42 sur BFM Business et sur RMC Live. Notre invité ce matin c'est Éric Veil. Bonjour, vous êtes ancien conseiller ministériel, auteur de Retraite, un blocage français, ouvrage passionnant qui est publié chez Plon, que vous venez juste de publier.
00:13Vous avez travaillé sur cette fameuse réforme à points avant le Covid, avant qu'elle soit enterrée et qu'on passe complètement à autre chose. Pourquoi on n'a pas réussi à expliquer tout l'intérêt de cette réforme à l'époque ?
00:23Est-ce que c'est juste le Covid ? Est-ce qu'on aurait pu aller plus loin ? C'est quoi votre sentiment aujourd'hui quand vous voyez le débat revenir sur la table ?
00:29Je pense que si on tire les enseignements de la séquence d'il y a 5 ans, le système à points en soi était extrêmement vertueux.
00:37Avec un système, avec un principe très simple qui était le suivant, un euro cotisé, quelle que soit la profession, quel que soit le moment de la carrière, devait ouvrir les mêmes droits.
00:46Chose qui n'existe absolument pas dans notre système actuel, qui reste éclatée en une quarantaine de régimes.
00:51Je rappelle que plus de 20% de la population est affiliée au cours de sa carrière à plus de 5 régimes, avec des règles très différentes,
00:58qui s'articulent de manière assez fine et complexe, et des régimes qui se superposent.
01:03Donc en soi, le principe que je viens d'exposer, un euro cotisé ouvre les mêmes droits, était très vertueux.
01:08Le problème, je pense qu'il y en a eu deux, qui expliquent que la réforme à l'époque s'était enlisée.
01:13Je mets de côté le Covid, qui est la raison pour laquelle on a arrêté cette réforme.
01:17Mais indépendamment du Covid, je pense qu'il y a deux raisons qui expliquent que c'était difficile d'expliquer ce système.
01:23D'abord, c'était la modalité du point, qui a laissé penser qu'en fait le point était une sorte d'arnaque pour faire baisser les droits à la retraite
01:30sans que les gens s'en rendent compte.
01:33C'est-à-dire qu'on fasse que les gens puissent acquérir des points à la retraite,
01:36mais qu'au moment du départ, la valeur de ce point puisse fluctuer selon des critères assez flous,
01:42au regard de la population générale.
01:44Et je dirais que la deuxième raison, c'était à l'époque le mode de transition qui avait été choisi.
01:49C'est-à-dire qu'on avait expliqué que finalement tous ceux qui étaient à plus de 15 ans de la retraite
01:52basculaient dans le nouveau régime.
01:54Donc il y avait toute une catégorie des actifs qui auraient été affiliés à deux régimes.
01:57L'ancien régime, qui est une usine à gaz, et le nouveau régime, qui est beaucoup plus simple,
02:01mais la transition entre les deux, avait soulevé de nombreuses inquiétudes.
02:05Pour vous, passer un régime à points, c'est la meilleure des choses à faire.
02:08Vous défendez toujours ce système, sauf qu'il y a toujours un débat sur combien vaut le point.
02:13C'est là-dessus que tout se cristallise.
02:15Tout à fait. C'est pour ça que dans mon livre, je tire justement les enseignements de ce qui s'est passé il y a cinq ans.
02:20Je fais le constat que la modalité du point avait suscité énormément d'inquiétudes.
02:24Et donc je propose un système, je pense, plus simple, bien plus clair, qui serait un système en euros.
02:29C'est-à-dire que le principe est le même. Un euro cotisé ouvre les mêmes droits.
02:33Mais les droits ne sont plus comptés en euros, c'est en points, pardon, on n'utilise plus l'intermédiaire du point.
02:37Mais on convertit directement des euros de cotisation en euros de pension.
02:41Par exemple, on dit que 20 euros cotisés donnent un euro de pension annuel.
02:46De sorte que les euros s'accumulent au fil de la carrière.
02:50Chacun peut constater qu'il a acquis des euros qui grandissent d'année en année au fil de sa carrière.
02:56Et peut voir que ces euros sont définitivement acquis.
03:00Ce qui est profondément rassurant, plus rassurant qu'un système à points.
03:03Et donc, on part au moment où on considère que la cagnotte est pleine ?
03:07C'est ça l'idée ?
03:08Alors, on consulte son compte retraite.
03:10On voit qu'on a accumulé, je ne sais pas, à 60 ans, disons, 1700 euros de retraite.
03:15Et ensuite, on fait un choix libre entre le niveau de pension et l'âge de départ.
03:20C'est pour ça que je propose aussi un système plus incitatif que celui qu'on a aujourd'hui.
03:25C'est-à-dire que moi, je ne serais pas défavorable à ce qu'on remette un âge d'ouverture des droits à 62 ans.
03:29C'est-à-dire qu'on donne la liberté aux gens s'ils le souhaitent, mais avec une pension un peu inférieure de partir à 62 ans.
03:36Mais je mets un âge du taux plein à 65 ans pour inciter à aller jusqu'à un certain âge.
03:41Mais chacun pourra assez librement faire le choix entre un niveau de pension éventuellement un peu plus faible,
03:45s'il veut profiter plus de la retraite, et un niveau de pension plus élevé à un âge un peu plus avancé.
03:50Et où est-ce que je fais rentrer les critères de pénibilité, les horaires décalés, les gens qui ont commencé très tôt ?
03:55Où est-ce que ça vient, ça ?
03:56Alors dans le système qui avait été proposé il y a 5 ans, il y avait des points pour la pénibilité.
04:01On peut estimer que ces points soient directement convertis en euros, là aussi.
04:05Mais je pense que sur la pénibilité, le débat est un peu impossible à partir du moment où on cherche
04:09à ce que le système de retraite règle tout, finalement.
04:11Que le système de retraite prenne en compte tous ceux qui, à un moment de leur carrière,
04:15ont vécu des situations usantes, des métiers usants.
04:19C'est pour ça que je plaide, pour ma part, pour mettre le paquet sur la prévention.
04:23C'est sur ce point où nous sommes en retard en France.
04:26C'est là où le conclave sur les retraites n'a pas réussi.
04:29C'est sur cette question de la pénibilité.
04:31Il y avait au moins un consensus sur la prévention.
04:35C'est-à-dire qu'on devait identifier au niveau des branches les métiers usants.
04:38Par ailleurs, il y a un fonds qui a été créé, qui n'est pas assez abondé et qui n'est pas assez utilisé.
04:42Mais il y a un fonds pour prévenir l'usure au travail qui avait été créée au moment de la réforme Borne.
04:47Il est évident que quand on compare la situation française à celle des pays européens,
04:50il faut mettre le paquet sur la prévention.
04:51Et je pense même que pour les assurer eux-mêmes, c'est bien plus respectueux de leur dire
04:55« Écoutez, on va mettre le paquet pour des reconversions professionnelles, des formations,
05:00d'adapter des postes de travail, de la retraite progressive,
05:04plutôt que de leur dire « Écoutez, vous avez eu à un moment un métier pénible,
05:07du coup on vous sort du marché du travail sans essayer de vous reconvertir vers des métiers moins usants
05:12et faire une carrière complète comme les autres assurés. »
05:15À aucun moment vous dites que c'est une bonne idée d'avoir un point sur l'idée du point
05:19qui vaut plus quand on a eu un métier pénible.
05:21Je pense qu'il faut les deux.
05:22Mais il faut d'abord mettre le paquet sur la prévention et dans la mesure du possible.
05:27Mais le système, le C2P, le compte de prévention ne marche pas très bien aujourd'hui,
05:31justement parce que c'est une usine à gaz.
05:33Mais pour autant, oui, bien sûr, il faut aussi des mécanismes de réparation,
05:37mais des mécanismes de réparation qui arrivent en amont.
05:40Une fois qu'on constate que malgré des mesures de prévention,
05:43malgré ce qui a pu être fait pour éviter ce genre de situation,
05:47certaines personnes sont cassées par leur travail et donc méritent de partir plus tôt.
05:50Aujourd'hui, les Français sont à 18%, quasiment 19% de taux d'épargne.
05:55Est-ce que vous considérez qu'ils sont en train de se faire la réforme des retraites à eux tous seuls,
05:59que c'est la préparation justement du fait qu'ils auront des difficultés
06:02à avoir des montants totaux de retraite comme ils l'attendaient ?
06:05Est-ce qu'ils se font une réforme des retraites à eux tous seuls ?
06:08Je ne pense pas. Je pense que ce taux d'épargne s'explique d'abord par le taux d'épargne des retraités.
06:12Si on regarde le taux d'épargne par catégorie d'âge,
06:15ceux qui ont le taux d'épargne à plus de 20% le plus élevé, ce sont les retraités.
06:18C'est pour ça qu'à mon sens, c'est une des justifications
06:21qui supposerait de demander un effort aux retraités, en particulier aux plus aisés.
06:26Il y a l'Institut Rexécode qui a montré que sur les cinq dernières années,
06:30le taux d'épargne a monté à 65% à cause ou grâce aux retraités.
06:35Donc aujourd'hui, il y a une catégorie de la population qui peut épargner
06:38parce que finalement, ils ont une retraite relativement généreuse,
06:41un niveau de vie qui est assuré par un bon système de retraite.
06:44Et ces catégories-là, il faut donc les mettre à contribution.
06:46C'est une question de rendement budgétaire.
06:48Faire contribuer les retraités, ça rapporte tout de suite 3 milliards d'euros
06:51par point de désindexation.
06:53C'est une question d'équité intergénérationnelle
06:56car les efforts qui ne sont pas faits par les retraités aujourd'hui,
06:58qui ont bénéficié, je le rappelle, d'un système de retraite assez généreux,
07:01le seront fait par ceux de demain.
07:04Et c'est par ailleurs une question macroéconomique
07:06puisque, je vous venais de le dire,
07:08le taux d'épargne des retraités est élevé,
07:10en tout cas d'une partie des retraités.
07:11Donc si on leur demandait un effort,
07:13il n'y aurait pas d'effet récessif par la consommation
07:15puisque simplement, ils devraient un petit peu désépargner.
07:18Comment on fait pour lutter contre,
07:21un, le déni démographique français,
07:23deux, la bataille générationnelle
07:24qu'on entend à travers vos propos qui arrivent ?
07:28Je pense qu'il n'y a pas de solution miracle.
07:30La première, à mon avis, chose à faire,
07:31et c'est ce que j'essaie de faire dans le livre,
07:33c'est tout simplement de la pédagogie.
07:35Expliquer comment fonctionne le système,
07:37expliquer la manière dont le ratio démographique, en effet, évolue,
07:41montrer que tous les autres pays
07:43ont fait des efforts sur le système de retraite
07:44et de soins de vie à la France
07:45et en retard, et de plus en plus en retard.
07:48Et c'est ainsi, je pense,
07:49qu'on pourra tenter petit à petit,
07:51tout de même, de créer un consensus
07:52sur le fait que le système de retraite,
07:55de manière générale,
07:56les retraités en particulier,
07:57mais aussi les futurs retraités,
07:59devront faire des efforts.
08:00Mais on vient de suspendre la réforme,
08:02donc du coup, on est dans un signal
08:04totalement contradictoire avec ce que vous dites,
08:06parce qu'on donne l'idée
08:07qu'on n'a pas besoin de réformer le système.
08:10Je suis d'accord,
08:10je peux comprendre que pour des raisons à court terme,
08:13on ait suspendu la réforme
08:14pour acheter une stabilité à court terme,
08:16mais moi, je suis sûr d'une chose,
08:17et je le répète,
08:18les efforts qui ne sont pas faits
08:19par ou les retraités d'aujourd'hui
08:21ou ceux qui sont proches de la retraite,
08:22le seront faits par les générations d'après.
08:25C'est une fatalité
08:25quand on regarde le poids budgétaire
08:27des retraites dans notre budget,
08:29je rappelle 25% des dépenses publiques,
08:3114% du PIB,
08:32soit 2,5 points de plus
08:34que la moyenne de la zone euro,
08:36et c'est aussi une fatalité
08:37quand on regarde notre situation budgétaire.
08:38Le Conseil d'analyse économique a montré
08:40que dans les 5-10 prochaines années,
08:41il faut faire 120 à 150 milliards
08:43d'économies structurelles.
08:45Et par ailleurs,
08:45il y a des dépenses nouvelles à financer
08:47pour l'avenir du pays,
08:48pour l'école,
08:49pour la santé,
08:50pour la défense.
08:51Donc, il n'y a pas d'argent magique.
08:52Donc, si on ne fait pas des efforts
08:53sur le système de retraite,
08:55il faudra moins dépenser ailleurs
08:56et que les générations d'après,
08:57elles, fassent les efforts.
08:59Est-ce qu'une dose de capitalisation
09:01est obligatoire pour vous ?
09:03Je pense que le problème,
09:04en soi, moi,
09:05je serais tout à fait favorable
09:06à une dose de capitalisation
09:07sur le principe.
09:08Il y a un problème majeur,
09:09c'est celui de la transition.
09:10Pour passer d'un système à l'autre,
09:12il faut que toute une génération,
09:13même en réalité,
09:1480 ans,
09:14pendant 80 ans,
09:15on cotise deux fois.
09:16Une fois pour le système actuel,
09:18pour financer les pensions de retraite
09:19déjà liquidées
09:20ou déjà acquises,
09:22les droits à la retraite déjà acquis,
09:23et une fois pour constituer
09:24ses propres droits à la retraite.
09:26Dans la situation budgétaire d'aujourd'hui,
09:27je pense que c'est impossible.
09:29Ça ne veut pas dire
09:30qu'il ne faut pas réfléchir
09:30à des mécanismes
09:31pour booster,
09:33pour favoriser
09:33des mécanismes facultatifs
09:35de retraite par capitalisation
09:37et tenter de les démocratiser.
09:38C'est aussi ce que je propose
09:39dans le livre.
09:40Mais un mécanisme,
09:40un pilier obligatoire,
09:41compte tenu de la situation budgétaire actuelle,
09:43ça me semble impossible.
09:44Philippe Aguillon pense savoir
09:46qu'Emmanuel Macron
09:46prépare un référendum
09:48notamment sur la retraite.
09:49À point,
09:49je sais que vous n'y croyez pas.
09:50S'il y avait une bonne question
09:52à poser aux Français
09:53sur la retraite en référendum,
09:55vous demanderiez quoi ?
09:56Je pense que dans le contexte actuel,
09:57je ne demanderai rien
09:58parce que compte tenu du discrédit
10:00qui touche les gouvernements actuels,
10:02n'importe quelle question
10:03se verrait opposée
10:04à un refus de la population
10:05et je pense assez massivement.
10:08Mais je pense qu'un point intéressant
10:09que rappelle Philippe Aguillon,
10:10c'est qu'on dit
10:10que la réforme borne,
10:12en revenant sur la réforme borne,
10:13on revient sur un totem du macronisme.
10:15Je ne suis pas d'accord.
10:15Le totem du macronisme,
10:17c'était la réforme à points.
10:18C'était ça la vraie réforme
10:20macroniste de dépassement
10:22sur le sujet
10:23et c'est pour ça que je pense
10:24que les prochains candidats
10:25devraient à nouveau s'en saisir
10:27et si jamais c'est bien expliqué
10:29dans le cadre d'une campagne présidentielle,
10:31si on a fait un travail de pédagogie
10:32sur ce qu'est notre système actuel,
10:34sur ce qu'il pourrait être à l'avenir,
10:36pourquoi pas en faire
10:37une question référendaire
10:38mais à l'issue d'un débat
10:39et à l'issue d'une campagne présidentielle ?
10:41Pas avant.
10:42Je pense qu'avant,
10:43c'était assez suicidaire.
10:44La CFDT est pour un,
10:45la réforme à points.
10:46C'était déjà un point
10:47pour avancer sur le dossier.
10:49Merci beaucoup Éric Valli
10:50d'être venu ce matin.
10:50Je vous en prie.
10:51Votre livre, ça s'appelle
10:52« Retraite, un blocage français ».
10:54C'est chez Plon.

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