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  • il y a 2 jours
🎙️ Quel rapport les journalistes et producteurs de Radio France entretiennent-ils avec la langue française ?
Jean Leymarie, Journaliste et éditorialiste politique à France Culture e nous parle de son rapport à la langue.

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Transcription
00:00Ah, les anglicismes, ça c'est un vrai sujet pour les journalistes, notamment les journalistes de radio.
00:12Contraignants, non, ils ne sont pas contraignants, parfois désagréables, parfois injustes, ça peut arriver,
00:18mais souvent inspirants, oui, et souvent utiles, quand ils m'aident à préciser une pensée,
00:25quand ils m'aident à voir un peu autrement un sujet, lorsque des auditeurs m'écrivent après un billet politique,
00:30après un édito, et qui m'expliquent qu'eux voient les choses un peu autrement, là c'est très utile,
00:35et là un dialogue peut s'engager, et j'aime beaucoup ce dialogue-là.
00:41En tout cas, c'est un objectif, c'est un objectif, et pas seulement, je crois, pour la précision de la langue,
00:47mais pour ce qui est derrière, c'est-à-dire la précision de la pensée.
00:50On connaît le mot de Camus, mal nommer un objet, c'est ajouter au malheur de ce monde.
00:57Je crois que le monde est assez malheureux, ou l'actualité est souvent malheureuse,
01:01donc c'est pas la peine d'en rajouter en utilisant un terme qui déforme ce que nous avons compris de la réalité.
01:07Donc je me fixe comme objectif d'être le plus précis possible, je n'y arrive pas toujours,
01:12mais en tout cas, c'est vraiment un objectif.
01:14Nommer précisément un objet, nommer précisément une réalité, c'est déjà un premier pas,
01:18et un pas vers la clarté, c'est déjà pas mal.
01:24Il y a un mot que je déteste, que j'essaie de ne pas employer,
01:27c'est le mot anonyme lorsqu'il désigne, et vous l'avez entendu déjà, j'en suis sûr,
01:31par exemple, une foule d'anonymes.
01:33Que signifie-t-il ?
01:35Qu'une partie de la population ne mériterait pas d'avoir un nom,
01:38qu'il y aurait une société à deux vitesses,
01:40ceux qui ont un nom et ceux qui n'en ont pas.
01:42Voilà un mot que je n'aime pas, et oui, celui-là, j'essaye de ne vraiment jamais l'employer.
01:46D'éthique de langage, j'en ai forcément,
01:50j'en connais un qui est bien identifié depuis longtemps,
01:53c'est un adverbe, concrètement.
01:55L'obsession du concret,
01:57notamment dans une interview, mais aussi dans mes éditos,
02:00la volonté sûrement de ne jamais perdre le fil avec la réalité,
02:03de ne jamais perdre le fil avec le terrain,
02:06de ne jamais oublier de quoi on parle précisément.
02:09Précisément, concrètement, voilà un mot que je répète souvent,
02:12et sans doute beaucoup trop.
02:14J'essaie de me corriger, mais c'est difficile.
02:15J'ai beaucoup de mots préférés.
02:19Il y en a un que j'aime particulièrement, c'est le mot délicieux.
02:22Ce qui est délicieux, c'est ce qui est gourmand,
02:25c'est ce qui est charnel, c'est ce qui est délicat.
02:27C'est un mot de l'été aussi, je crois, le mot délicieux.
02:30L'actualité n'est pas toujours délicieuse,
02:32et ce mot, je l'aime beaucoup,
02:33mais malheureusement, je n'ai pas souvent l'occasion de l'employer.
02:38Ah, les anglicismes, ça c'est un vrai sujet pour les journalistes,
02:41notamment les journalistes de radio.
02:43Surtout quand on prononce mal l'anglais, ce qui peut m'arriver de temps en temps sur certains mots.
02:47Alors moi, j'ai une difficulté particulière en plus,
02:49c'est que les politiques dont je m'occupe,
02:51puisque le billet politique s'intéresse aux politiques,
02:54les politiques utilisent souvent des anglicismes.
02:57Alors, quand les politiques évoquent la French Tech,
03:01quand ils évoquent le sommet Choose France,
03:03c'est à nous de traduire, et parfois à nous aussi de les reprendre
03:06pour rendre les choses plus claires et plus précises en français, autant que possible.
03:13La radio, ça évoque la magie qui est la même pour moi,
03:17magie d'auditeur, de l'auditeur que j'étais, que je suis encore,
03:20et la magie de l'homme de radio aujourd'hui,
03:24celle que je retrouve quand j'arrive très tôt le matin,
03:26que je retrouve mes camarades, et notamment mon camarade Guillaume Erner.
03:29C'est quelque chose d'assez impalpable, que je résumerais sans doute,
03:33en particulier pour la radio du matin et du petit matin,
03:37par ce très beau slogan publicitaire que France Culture avait inventé il y a quelques années,
03:41je ne sais pas si vous le connaissez,
03:42« Le monde appartient à ceux qui l'écoutent ».
03:44Je crois qu'on en est toujours là, et j'ai l'impression qu'auditeurs, auditrices,
03:48et nous, à l'antenne, on partage ce monde-là,
03:51et qu'on essaie ensemble de l'écouter tous les matins.
03:55Plusieurs voix de radio m'ont marqué, mais si je devais en retenir une,
03:58je pense que c'est la voix de Jean Lebrun,
04:00parce qu'elle est chaude d'abord, que c'est une voix qui nous accompagne,
04:03et que le son et le sens vont ensemble à la radio,
04:05et la voix de Jean est une voix extrêmement présente pour celles et ceux qui l'entendent,
04:10et puis c'est aussi une voix synonyme de liberté, de vagabondage,
04:15l'idée qu'à la radio, on peut se permettre de jouer, d'être dans la fantaisie,
04:20tout en étant extrêmement sérieux et rigoureux,
04:23donc cette voix-là, je l'aime beaucoup,
04:25et je l'écoute toujours avec un très grand plaisir.

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