00:00La langue française n'est pas une langue morte, c'est une langue vivante.
00:11Franchement, on ne peut pas faire l'impasse, on ne peut pas faire semblant de ne pas avoir lu les messages des auditeurs.
00:17C'est un peu comme si on était un comédien seul en scène et qu'ils ne tiennent pas compte des réactions du public dans la salle.
00:25Donc ça, ce n'est pas possible.
00:26Mais je dirais qu'il y a messages et messages.
00:27Alors, par exemple, s'il y a une faute de français, parce que nos auditeurs, ils sont quand même très, très affûtés, très bons en français, bien meilleurs que nous, souvent.
00:36Ben oui, je vais m'en rendre compte a posteriori et je vais leur renvoyer un petit mail en m'excusant.
00:42Après, parfois, sur l'usage d'un adjectif qualificatif, on peut ne pas avoir forcément la même interprétation, auquel cas je doute.
00:52Et je retourne vers le dictionnaire en me disant, finalement, tu l'as utilisé de telle manière, mais est-ce que c'était vraiment ça ?
00:59Et puis, parfois, ils ont raison et parfois, j'ai raison.
01:03C'est un impératif partout.
01:09Ce n'est pas parce qu'on est ici, à Radio France, que ça change quelque chose.
01:13Non.
01:13Nous, on a choisi ce métier pour s'adresser aux gens et parce qu'on aime les mots.
01:18Et le langage parlé, c'est d'abord du langage écrit.
01:22Alors, il y a effectivement plusieurs sortes d'émissions.
01:24Quand on écrit un journal, on l'écrit, vraiment.
01:27On va le lire après, on va l'interpréter, pour ne pas que ceux qui nous écoutent aient le sentiment que ce soit trop lu.
01:34Mais on va d'abord l'écrire.
01:35Donc, chaque mot est important.
01:37Il faut savoir comment on les utilise et essayer d'enrichir notre vocabulaire au fur et à mesure
01:44pour donner à comprendre de la manière à la fois la plus simple, mais sans être simpliste,
01:51et la plus subtile et la plus exhaustive, j'ai envie de dire.
01:54Des raccourcis, du coup, voilà.
02:01Mais alors là, je crois que c'est unanime.
02:03C'est ce qu'on entend le plus en ce moment.
02:05Donc, du coup, on le bannit.
02:07Après, dans le choix des mots, oui, parfois il faut faire attention.
02:14Nous sommes une radio populaire, France Inter.
02:17Il y a des millions de gens qui nous écoutent chaque jour.
02:19Donc, notre responsabilité, c'est que tout le monde comprenne bien ce qu'on est en train de dire.
02:25Donc, il y a des mots compliqués, parfois, qu'il faut manipuler avec précaution.
02:31Alors, je ne crois pas, mais je crois que c'est plutôt aux auditeurs de me le dire, en fait.
02:36Après, il y a deux situations.
02:38Où on est dans un journal très écrit, et donc on fait un peu attention quand même.
02:44Où on est en improvisation sur un exercice comme le téléphone sonne.
02:48Et là, ça peut arriver, ça peut nous échapper.
02:53Mais ce n'est pas tout à fait la même chose.
02:56Il y a un mot que j'adore.
02:58Enfin, c'est un adjectif.
02:59J'adore les adjectifs.
03:01C'est évanescente.
03:03Voilà, une présence évanescente.
03:06Finalement, on a du mal à la définir.
03:09On parle souvent d'une femme, d'ailleurs, qui a une présence évanescente.
03:12Elle est là, mais elle n'est pas là.
03:14Elle est à la fois délicate, elle est mystérieuse.
03:17Moi, j'adore ce mot, parce qu'il recouvre mille choses.
03:22C'est du ressenti.
03:24Et à la radio, on fait passer des émotions.
03:27Ce n'est pas un mot facile à utiliser à l'antenne, honnêtement.
03:30Mais je crois que ça représente aussi quelque part un peu le lien qu'on a avec les auditeurs,
03:35qui est délicat et parfois impalpable,
03:39dont peut-être un petit peu évanescent aussi.
03:42Ce matin, je regardais, par exemple, Go Fast.
03:48Voilà, il y a un Go Fast.
03:50Il y a eu un drame sur un Go Fast.
03:52Le Go Fast, je suis désolée pour l'instant.
03:55On va faire une périphrase.
03:57Il faut arrêter des trafiquants de drogue qui roulent très vite sur l'autoroute pour échapper à la police.
04:02OK.
04:03On n'a pas mieux.
04:04Les anglicismes, il y en a plein qui se sont installés.
04:08Est-ce qu'aujourd'hui, on remettrait en doute le mot parking ?
04:12Est-ce qu'on remettrait en doute le mot camping ?
04:14Non.
04:15En revanche, je ne vais pas vous dire, je suis overbookée parce que j'ai un call avec ma team dans une heure.
04:23Ça n'a aucun sens.
04:24On ne va pas s'adresser aux gens comme ça.
04:26On va faire un petit peu attention.
04:27Évidemment qu'on va essayer de traduire.
04:29Mais la langue française n'est pas une langue morte.
04:34C'est une langue vivante.
04:35Et les anglicismes font partie de notre culture et viennent enrichir notre culture.
04:40Ce n'est pas pour rien qu'il y a tout un tas d'anglicismes qui entrent chaque année dans le dictionnaire.
04:49Tout.
04:50Toute ma vie.
04:52C'est tout ce que j'aime.
04:53Le son, la présence.
04:56Parce que souvent, quand on aime la radio, c'est parce qu'on est une personne un peu isolée.
05:02Et que tout à coup, il y a le monde qui arrive chez vous.
05:05Il y a quelqu'un aussi qui entre chez vous.
05:08Et ça crée un lien que j'adore, que je trouve à la fois impalpable et précieux.
05:15On essaie de véhiculer aussi une chaleur humaine.
05:18Voilà, on est là.
05:19On est là pour vous et on partage quelque chose ensemble qui est extrêmement fort.
05:22Sachez-le, il est fort aussi de notre côté.
05:26Alors, moi, j'aime bien les voix graves.
05:30J'ai longtemps aimé la voix de Jeanne Moreau, qui avait une voix de fumeuse.
05:35Voilà, je trouve que le grain de la voix, quand la voix est grave, donne une autre dimension.
05:40La voix de Jeanne Moreau
05:44La voix de Jeanne Moreau