00:00Pour s'adresser au plus grand nombre, il faut parler son langage absolument.
00:09Les messages des auditeurs sont souvent sur les anglicismes.
00:13Quand j'en reçois un, je me dis « tiens, qu'est-ce que j'ai encore dit comme anglicisme ?
00:17Sur quoi est-ce qu'on va me reprendre ? »
00:19Et c'est vrai que ça me donne souvent à réfléchir.
00:21Le dernier que j'ai reçu par exemple, c'était sur l'utilisation du mot « data center ».
00:25Et en fait, à chaque fois, je me pose la question « est-ce que c'est le mot approprié ?
00:29Est-ce qu'il y a un mot en français qui serait plus approprié ou pas ? »
00:35Et après, je décide, c'est moi qui décide.
00:38Je ne me dis pas « tiens, parce que l'auditeur pense que je devrais arrêter d'utiliser cet anglicisme, je vais le faire. »
00:43Je vais me demander si c'est celui qui est le plus compris du grand public ou pas.
00:47Et en fonction de ça et seulement de ça, je décide de continuer à l'utiliser ou pas.
00:53Et « data center », j'ai décidé de continuer à l'utiliser puisque « centre de données »,
00:57pour le coup, c'est un mot que les gens ne connaissent pas alors qu'ils connaissent « data center ».
01:00Mais j'aime beaucoup recevoir des mails d'auditeurs parce que je me dis « ils m'écoutent, ils sont exigeants »
01:05et en fait, je suis là pour eux.
01:09C'est extrêmement important.
01:11Et d'autant plus dans mon domaine, j'allais dire, puisque moi, je reçois notamment des chefs d'entreprise
01:17qui ont l'habitude de jargon, de mots qui ne sont pas compris par le grand public et notamment de mots en anglais.
01:26Alors, il y en a plein. Il y a « business unit », il y a « free cash flow », par exemple.
01:29Et c'est des mots qu'eux vont utiliser avec leurs collaborateurs.
01:32Et en fait, moi, je suis là pour leur dire « les gens ne comprennent pas ».
01:36Et c'est à eux que vous vous adressez.
01:38Ce n'est pas à vos collaborateurs, ce n'est pas à vos investisseurs, c'est au grand public.
01:42Et en règle générale, ils sont extrêmement compréhensifs puisque la bonne nouvelle, c'est qu'ils écoutent France Info.
01:48Ils savent ce qu'ils viennent y chercher et du coup, ils s'adaptent. Ils s'adaptent aux auditeurs.
01:55Je me dis que si un mot n'est pas compréhensible du grand public, s'il l'exclut plutôt que de l'inclure, je ne vais pas l'utiliser.
02:03En fait, c'est vraiment ma ligne directrice. Ma ligne directrice, c'est « est-ce que tout le monde me comprend ? »
02:06Si des gens ne me comprennent pas, ils peuvent se sentir idiots, ils peuvent se sentir incultes.
02:11Et moi, l'idée, c'est plutôt de les amener à l'économie.
02:14Ce n'est pas « on va être dans un entre-soi » pour s'adresser au plus grand nombre. Il faut parler de son langage absolument.
02:22J'ai « alors », « alors », c'est des mots béquilles.
02:27Quand je fais un petit peu d'enseignement en école de journalisme, on leur dit « surtout n'utilisez pas de mots béquilles, n'utilisez pas de mots prétextes ».
02:33Mais c'est vrai que parfois, on a besoin de se raccrocher aux branches et donc ces mots-là nous aident à nous sentir à l'aise.
02:38Et puis après, j'ai « concrètement ». Et concrètement, ça veut dire à l'interlocuteur « soyez précis, soyez concret, soyez grand public ».
02:44Donc, c'est un mot que j'utilise beaucoup, en fait, concrètement.
02:49Mon mot préféré, c'est peut-être la pédagogie, puisque c'est ce que j'essaye de faire en permanence à l'antenne,
02:54avec ce que je disais, un champ lexical qui parfois est compliqué, qui est abstrait, qui n'est pas du tout grand public.
03:01Et que l'idée, c'est d'amener l'économie dans la salle de bain, dans la cuisine des gens,
03:07et que du coup, il faut que je sois en permanence pédagogue.
03:10Je suis allée regarder le sens du mot « pédagogie » dans le dictionnaire.
03:14Il me va très bien, c'est « science de l'éducation des enfants et par extension de la formation intellectuelle ».
03:20Synonyme, c'est « didactique ». Donc, je trouve que c'est extrêmement approprié à ce que je fais au quotidien.
03:24Ça évoque « il y a quelqu'un qui vous parle ici et maintenant ».
03:32C'est ça que j'aime beaucoup dans notre métier, où on est finalement chacun dans son entre-soi,
03:37dans son univers, dans ses réseaux sociaux, dans sa playlist musicale qu'il a fait lui-même.
03:42Quand il allume France Info, en l'occurrence c'est la radio pour laquelle je travaille,
03:49il se dit « tiens, je ne suis pas seule, il y a quelqu'un qui me parle maintenant, quelque part,
03:53et qui m'accompagne, et qui m'accompagne dans mon quotidien. »
03:59Alors moi, une des voix qui m'a donné envie de faire mon métier, c'est Fabienne Synthès,
04:04que j'ai connue à différents postes, comme « Grand reporter »,
04:09qui a animé la matinale de France Info et donc avec laquelle j'ai eu la chance de travailler.
04:13C'est marrant parce que c'est assez visuel, on la voit réfléchir, on la voit travailler,
04:17on la voit être en train tout le temps de trouver le bon mot, de trouver le mot juste,
04:22et de se mettre au niveau, sans que ce soit absolument péjoratif,
04:28mais des auditeurs en se disant « il faut que ce soit compréhensible de tous,
04:32il faut que l'auditeur jamais, je ne lâche son intention,
04:36que ce soit par le son, que ce soit par ce que je vais expliquer,
04:40par le reportage, par les questions. »
04:41Et moi, c'est vrai que c'est quelqu'un qui m'a beaucoup inspirée
04:45quand j'ai commencé la radio et qui continue à m'inspirer.
04:48Et c'est vrai que je trouve ça extraordinaire d'avoir cette palette de compétences
04:53au service des auditeurs.
04:54Sous-titrage Société Radio-Canada