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  • il y a 3 mois
Ce mercredi 27 août, Benoit Peloille, CIO chez Natixis Wealth Management, s'est penché sur les marchés restant de marbre face à une Fed malmenée, la question de la baisse des taux de la Fed aux États-Unis, et l'éventualité d'un étatisation de l'économie américaine, dans l'émission BFM Bourse présentée par Guillaume Sommerer. BFM Bourse est à voir ou écouter du lundi au vendredi sur BFM Business.

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Transcription
00:00Il nous rejoint, Benoît Pelloual pour Natixis Wealth Management.
00:03Bonjour Benoît.
00:04Bonjour Guillaume.
00:05Vous allez rendre, Benoît, votre verdict et le prononcer en direct à l'antenne.
00:08La sentence que vous allez prononcer sera-t-elle irrévocable ?
00:12Oui Guillaume.
00:13Alors on écoute votre verdict du coup Benoît.
00:15Eh bien l'occurrence, le verdict est que les marchés nous semblent bien trop sereins
00:19face aux pressions qui s'exercent sur la réserve fédérale américaine.
00:24Les marchés bien trop sereins face à une fête sous pression.
00:27C'est-à-dire que quand les marchés réagissent trop, on dit qu'ils sont immatures
00:30et quand ils réagissent pas, qu'ils prennent de la hauteur, on dit qu'ils sont trop sereins.
00:35Déjà on en est où ? L'isakou qu'elle sera sortie de la fête ou pas ?
00:37On est sûr qu'elle sera limogée ou c'est juste un effet d'annonce sans effet de Donald Trump ?
00:41On n'est absolument pas sûr qu'elle soit limogée et c'est effectivement là
00:45où il y a quelque chose d'assez inédit dans cette histoire.
00:50C'est qu'on a d'un côté une administration qui réclame son départ
00:53de façon assez explicite et très agressive
00:58et un membre de la Fed qui tout simplement refuse de le faire.
01:02Et c'est en cela que c'est inédit, parce qu'on a déjà eu des démissions de ce type-là.
01:06On se souvient, pas si longtemps, durant l'époque Covid,
01:09Eric Rosengrad, Robert Kaplan avaient démissionné
01:13pour des transactions financières qui n'étaient pas illégales
01:16mais qui avaient été jugées d'un point de vue éthique assez incompatibles avec leur mandat.
01:20Mais ce qui est inédit, c'est d'avoir une bataille juridique qui se profile.
01:26Et c'est effectivement très important, les enjeux sont importants pour la Fed
01:29parce qu'effectivement derrière il y a cette idée d'une volonté de l'administration
01:32de vouloir remplacer Lisa Cook par quelqu'un qui lui ferait allégeance dans les bases de taux.
01:38Et là on pourrait aboutir à une situation très particulière,
01:41c'est-à-dire d'avoir possiblement un président de la réserve fédérale américaine
01:45mais avec un board des gouverneurs qui a une opinion très différente
01:50et qui ne souscrit pas à sa politique.
01:52Et donc c'est l'indépendance de la Fed qui en ce moment même est en train de se jouer.
01:56Jérôme Powell d'ailleurs il y a quelques jours a entrouvert lui-même une porte,
01:59la porte a une baisse de taux.
02:01Pour vous on va d'ailleurs vers une baisse de taux,
02:03juste une ou vers un cycle de baisse de taux désormais ?
02:06C'est vrai que les marchés se sont un peu engouffrés dans la porte ouverte à Jackson Hall
02:10par Jérôme Powell, un peu à l'image de ce qui s'était passé l'année dernière
02:13où justement il avait eu un discours semblable,
02:16quoique la trajectoire d'inflation était bien différente.
02:20Et ça s'était suivi d'un acte assez marquant
02:24puisqu'il avait décidé dès le mois de septembre 50 points de base de baisse
02:27puis ensuite deux baisses de 25 points de base.
02:29Et donc les marchés rejouent un peu le même type de sain,
02:32en tout cas le même type d'espérance.
02:33Sauf que quand on regarde, on essaye d'analyser fondamentalement la situation.
02:37Certes il y a matière à ajuster la politique monétaire.
02:40Considérer comme acquis qu'on va avoir une succession de baisse de taux,
02:42c'est-à-dire un cycle d'assouplissement monétaire,
02:44c'est probablement aller un peu vite en besogne.
02:47Et même le timing du mois de septembre,
02:50il n'est pas aussi acquis que cela
02:52puisqu'on a des chiffres importants qui vont être publiés.
02:54Vendredi, l'indicateur privilégié sur l'inflation
02:55et on aura d'autres chiffres sur l'emploi
02:57avant cette réunion du 17 septembre.
02:59Mais est-ce que, parce que c'est vrai que la Fed en trouve,
03:02on verra si elle le fait,
03:03la porte à une baisse de taux en septembre.
03:05Rien que pour ça, on est en train de crier
03:06à une atteinte à l'indépendance de la Fed
03:08parce que c'est vrai que cette baisse de taux,
03:10Donald Trump la réclame depuis longtemps.
03:11Mais le contexte peut justifier une baisse de taux aussi.
03:13Il n'y a pas que la question de la pression de Donald Trump.
03:15Il se trouve que le marché de l'emploi est en train de ralentir.
03:17C'est peut-être une justification
03:19qui suffit à cette baisse de taux.
03:21Effectivement, c'est pour ça que la situation n'est pas complètement claire.
03:23Mais quand on regarde le marché du travail aux États-Unis,
03:26ce qui s'est passé cet été
03:28avec cette déception importante sur les créations d'emplois,
03:30même si le taux de chômage reste modeste,
03:33justifie probablement
03:34d'ajuster la politique monétaire.
03:36C'est-à-dire qu'au-delà des créations d'emplois très décevantes,
03:38il y a surtout eu une révision très importante
03:40des chiffres qui avaient été publiés jusqu'à présent.
03:42Et au final, on a une photo très différente
03:44du marché du travail américain
03:45qui n'est pas aussi dynamique qu'on le pensait.
03:48Gardez un chiffre en tête,
03:50mais l'économie américaine en 2025
03:52n'a pas créé plus d'un million d'emplois
03:54comme c'était le cas dans les estimations initiales,
03:56mais en réalité, moins de 600 000.
03:58Et au-delà du chiffre en absolu,
04:01c'est surtout la dynamique qui pose question.
04:03Quand on regarde la dynamique des créations d'emplois
04:05en moyenne 3 mois,
04:07on est tombé post-révision à 35 000 emplois
04:10versus plus de 100 000 auparavant.
04:12Et quand on regarde cette dynamique historiquement,
04:14on s'aperçoit que cette dynamique
04:16est finalement assez proche de ce qu'on rencontre
04:18quand l'économie freine de façon assez substantielle,
04:20voire même quand on s'approche d'une récession.
04:21Donc du point de vue du marché du travail,
04:23il y a matière à ajuster la politique monétaire.
04:25Mais dans le mandat de la Fed,
04:27il y a évidemment le marché du travail et l'inflation.
04:29Et Jérôme Powell a bien rappelé
04:30qu'il n'y avait pas de hiérarchie entre ces deux objectifs.
04:33Et du côté de l'inflation, on n'a pas autant d'arguments.
04:35C'est pour ça que si la Fed venait à baisser ses taux
04:37parce que le marché de l'emploi se dégrade,
04:38mais que si l'inflation demeure,
04:40si elle tient, voire si elle réaccélère,
04:41le doute sur l'indépendance de la Fed restera entier.
04:44Exactement.
04:45Et c'est précisément ça qui, à notre sens,
04:48font que les marchés nous semblent un peu trop sereins par rapport à ça.
04:51Il y a une vraie question sur la pression qui est aujourd'hui exercée
04:53sur la réserve fédérale américaine par l'administration actuelle.
04:57Antoine ?
04:58Alors du coup, par quoi ça pourrait se traduire de manière très concrète sur les marchés,
05:03cette prise de conscience d'une éventuelle perte d'indépendance de la Fed ?
05:08Alors encore une fois, ce n'est pas uniquement lié au cas spécifique de Lisa Cook.
05:12C'est un épisode dans une longue succession.
05:15On se souvient de l'image de Donald Trump et la tape dans le dos de Jerome Powell
05:17en lui disant de baisser les taux.
05:19Mais surtout, ce qui nous semble le plus important là-dedans,
05:21c'est la façon dont on met en scène la succession de Jerome Powell.
05:25Et on laisse entendre qu'il y a une espèce de prime à celui
05:27qui fera allégeance à l'administration pour obtenir le job.
05:30Et ça, c'est très important parce que c'est ça qui risque de mettre en doute
05:33l'indépendance de la réserve fédérale américaine.
05:35Et ça, ça a fait porter plusieurs risques qui sont très importants
05:38pour l'économie et pour les marchés.
05:40Le premier risque le plus immédiat de ce type de situation,
05:43c'est un risque d'instabilité.
05:45Tout simplement, le risque de bulle.
05:46Il faut bien avoir en tête que si on baisse les taux pour de mauvaises raisons
05:50et que l'économie est encore trop solide,
05:52on risque de donner une dynamique spéculative sur les marchés financiers.
05:56Dynamique spéculative qui fait d'ores et déjà aujourd'hui débat aux Etats-Unis
05:59quand on regarde les niveaux de valorisation
06:01et les perspectives de croissance qui sont aujourd'hui intégrés dans les cours.
06:04Donc attention, on risque de générer de l'instabilité par ce type de risque.
06:08Et là que la Fed baisserait ses taux au moment où les indices sont sur des records.
06:11On serait dans une situation inédite.
06:13Encore une fois, quand on regarde historiquement,
06:15qu'en deux occurrences depuis les années 50,
06:18la Fed a baissé ses taux avec une inflation supérieure à l'objectif
06:21mais surtout avec une trajectoire ascendante.
06:23C'est en 1980,
06:25mais l'économie est déjà très largement récessuelle.
06:27Le taux de chômage a beaucoup remonté.
06:28Et c'est aussi en mars 2001,
06:30à l'heure justement que la bulle TMT vient d'éclater
06:32et que les marchés actions perdent déjà plus de 15%.
06:34Donc des situations d'urgence.
06:35Ça serait la première fois où on n'est pas en une situation d'urgence
06:37où elle réagirait de cette manière.
06:39Et puis l'autre risque qui est lié à l'indépendance de la Fed,
06:41c'est de mettre en doute sa crédibilité dans la lutte contre l'inflation.
06:44Mettre en doute son indépendance,
06:46c'est enlever ce qu'il y a de plus précieux d'une banque centrale,
06:48c'est-à-dire sa crédibilité.
06:49C'est là où on change les anticipations d'inflation
06:51pour les agents économiques et pour les marchés.
06:53Et c'est là où on peut faire très concrètement,
06:55revenir de façon violente, l'inflation.
06:58Ce qui nécessiterait ensuite une politique monétaire encore plus resserrée,
07:00un freinage encore plus important de l'économie.
07:02Donc c'est vraiment quelque chose à ne pas prendre à la légère,
07:04cette question qui détermine notamment les anticipations d'inflation.
07:07Et juste comme ça, à brune pour point,
07:08vous vous dites que si le doute se vient à grandir sur l'indépendance de la Fed,
07:13pour l'instant Wall Street n'a pas l'air de chouiner.
07:15Pas du tout.
07:15Les taux américains sont à peu près stables.
07:17Le dollar, tiens, on est dans le déni pour l'instant du côté de Wall Street.
07:20Non ? Quand même pas ?
07:21On voit quand même, notamment sur le 30 ans américain,
07:25on revient sur des niveaux relativement élevés.
07:27Et il ne faut pas oublier que ça peut aller très très vite.
07:30On se souvient de ce qui s'était précisément passé au mois d'avril,
07:33où effectivement Trump a tenté d'aller jusqu'au bout de cette limite.
07:37Et on a eu une corde de rappel très importante,
07:39avec des tensions significatives sur la liquidité et sur les taux en dollars.
07:43Donc aujourd'hui, pour nous, il faut faire quand même très attention à ce type de risque
07:46et ne pas regarder l'allocation actif uniquement entre les classes d'actifs intrinsèques,
07:51mais aussi prendre en compte un caractère qui est redevenu beaucoup plus important qu'auparavant,
07:54c'est-à-dire la devise, la performance des classes d'actifs en devise américaine,
07:58avec l'impact de devise, n'est pas tout à fait la même que quand on est un investisseur international.
08:04Mais dans ce cas, si le doute vraiment devient croissant,
08:07est-ce que vous vous dites que néanmoins, on aura toujours les techs pour tenir le marché,
08:11d'autant plus si les taux baissent, parce que les techs sont des valeurs de croissance
08:13et profiteraient de ces baisses de taux.
08:14Est-ce que du coup, les techs permettraient aux indices américains de tenir malgré les doutes sur la Fed ?
08:18C'est là où effectivement, il y a quelque chose d'inquiétant qui se profile,
08:21c'est un interventionnisme de plus en plus prononcé dans l'univers des entreprises américaines.
08:25Et la tech n'y échappe pas, ça fait déjà plusieurs épisodes,
08:30la montée au capital d'Intel, le deal avec Nvidia et AMD sur la distribution des puces en Chine,
08:39puis cette espèce de nécessité de faire allégeance à l'administration américaine
08:42pour pouvoir faire du business correctement,
08:44ça, c'est de nature à créer une forme de prime de risque politique sur les Etats-Unis,
08:48qui est quelque chose de complètement nouveau.
08:49On n'est absolument pas habitué à un tel interventionnisme de l'administration,
08:53du politique dans l'exercice des entreprises américaines.
08:57Benoît Pellois et Samy Zangard,
08:58donc les marchés sont sans doute trop sereins face aux pressions politiques
09:01qui s'exercent sur la Fed.
09:02Benoît Pellois, le natek 6e.
09:03Merci beaucoup Benoît d'être passé nous voir.
09:05Merci Guillaume.
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