00:00Le dernier quart d'heure de Smartbourg, chaque soir c'est le quart d'heure thématique et chaque lundi le thème ce sont les Etats-Unis, la vie politique et économique américaine en l'occurrence.
00:13Nous en parlons bien sûr avec notre correspondant américain Pierre-Yves Dugas qui est en visio à distance avec nous.
00:18Bonsoir Pierre-Yves, merci beaucoup d'être là. Vous mettez le sujet de la politique antitrust de Donald Trump à la une.
00:26Que faut-il savoir de la stratégie antitrust de l'administration Trump et pourquoi cette politique antitrust pourrait être moins populiste que prévu Pierre-Yves ?
00:37Oui, lorsqu'il faisait campagne il y a un an, Donald Trump nous expliquait qu'il n'avait pas peur de mettre au pas les grandes sociétés,
00:45qu'il était le représentant de la petite Amérique, du travailleur face à ces monstres.
00:52Depuis qu'il est à la Maison-Blanche, le discours a été un petit peu dilué et dans la pratique on s'aperçoit que Donald Trump fondamentalement se voit comme un grand patron,
01:06avec toute la modestie qu'on lui connaît, qu'il aime parler aux grands patrons, qu'il aime écouter les grands patrons et qu'il aborde même les problèmes macroéconomiques internationaux comme des problèmes de patron à patron.
01:20On ressent tout cela dans sa manière d'appliquer sa politique antitrust, c'est très simple.
01:29Cette année 2025, les entreprises ont tenté les opérations de fusion-équisation deux fois plus que l'année précédente.
01:38On a pour quelques 2 000 milliards de fusions qui ont été annoncées, si l'on ne s'intéresse qu'aux fusions de plus de 10 milliards de dollars, c'est une augmentation de 50%.
01:52Et les services antitrust du département de la Justice et de la Federal Trade Commission n'ont tenté de bloquer que 3 opérations sous Joe Biden dans la dernière année de son mandat.
02:08Ces mêmes régulateurs de la concurrence avaient tenté de bloquer 6 fusions.
02:14On a vu d'énormes opérations s'annoncer.
02:19Le président Trump osait donner son avis publiquement sur leur faisabilité, ce qui exerce une forte pression sur les avocats du département de la Justice.
02:29D'ailleurs, certains d'entre eux ont carrément été limogés.
02:32C'est ce qui s'est passé par exemple quand Hewlett Packard Enterprise a voulu racheter Juniper Networks.
02:38Initialement, le département de la Justice, sur une opération de 14 milliards de dollars, a dit
02:43« Attendez, il y a des marchés qui sont en commun, des produits qui sont en concurrence entre ces deux entreprises.
02:50Les prix vont monter si elles fusionnent. »
02:54HPE a mobilisé des lobbyistes qui sont allés parler directement à Mme Bandy, qui dirige le département de la Justice,
03:03et qui a coupé l'herbe sous le pied à ses équipes de l'antitrust et on a négocié un deal qui a permis à HPE de se débarrasser de quelques activités relativement marginales.
03:16Et le deal s'est fait parce que Donald Trump pensait fondamentalement que c'était un bon deal pour l'Amérique.
03:22On voit par exemple pour la première fois une tentative de fusion entre un énorme opérateur de réseau ferré de transport de marchandises,
03:32North Rock Southern, côté est des États-Unis, vouloir fusionner avec Union Pacific, côté ouest.
03:38Pour la première fois, on aurait un seul transporteur qui irait d'une côte à l'autre, une opération de plus de 71 milliards de dollars.
03:46Donald Trump avait l'air de dire que finalement cette opération lui paraissait comme ça de loin, à vue de nez, plutôt favorable.
03:53Ça sera difficile pour les autorités réglementaires de le contredire.
03:59Effectivement, Union Pacific, North Folk, South Zealand, c'est peut-être, jusqu'à présent, le plus gros deal de l'année, je crois,
04:05puisque ce sont 85 milliards de dollars qui sont engagés pour cette fusion entre les deux réseaux ferrés.
04:12Et puis, dans les éléments un peu anecdotiques autour de la thématique M&A, je crois que Goldman Sachs, au troisième trimestre,
04:19a réalisé son meilleur trimestre ever en termes de M&A et de fees, de revenus liés évidemment aux deals qui ont été conseillés par les banquiers d'affaires de Goldman Sachs.
04:32Par exemple, Pierre-Yves, l'autre sujet qui sera peut-être d'ailleurs un sujet imminent de cette fin d'année,
04:37c'est Kevin Hassett qui va se révéler au monde, peut-être, comme étant le futur président de la Réserve fédérale américaine à partir de mai 2026.
04:47Il y croit à mort en tout cas.
04:49On peut se tromper.
04:51Donald Trump est champion pour annoncer qu'il a pris une décision et revenir dessus.
04:57Donc, tant que l'annonce n'est pas faite, restons tout de même un peu prudents.
05:00Non, la bonne nouvelle, c'est que Kevin Hassett est sympa.
05:04Il est souriant.
05:06Ce n'est pas le dogmatique très sérieux Stephen Myron, qui lui aussi est conseiller économique de la Maison-Blanche,
05:14toujours en titre d'ailleurs, ce qui est insensé,
05:17et qui siège comme gouverneur à titre temporaire à la Réserve fédérale.
05:22Si Kevin Hassett est nommé non seulement gouverneur de la Fed,
05:26mais il est nommé pour le poste supplémentaire, le mandat supplémentaire de président du Conseil des gouverneurs,
05:33on aura quelqu'un qui voit toujours la bouteille à moitié pleine,
05:36qui est souriant et qui, bien sûr, défend la politique de Donald Trump à la Maison-Blanche,
05:43mais qui fondamentalement, quand on regarde son histoire, n'est pas un magas,
05:48ça n'est pas un protectionniste, c'est quelqu'un qui a été conseiller de George W. Bush,
05:53qui a été conseillé de John McCain, c'est quelqu'un qui a cinq ans d'expérience à la Réserve fédérale comme économiste,
06:00c'est quelqu'un qui a été aussi conseiller économique de Mitt Romney,
06:04qui n'était pas du tout des protectionnistes.
06:07Donc, c'est quelqu'un qui, certainement aujourd'hui, et il vient de le rappeler,
06:12et il passe beaucoup de temps à la télévision pour le dire,
06:15car parce que visiblement il veut le job,
06:18qui va œuvrer pour faire baisser les taux d'intérêt,
06:22il a dit, le peuple américain s'attend à ce que le président Trump nomme à la fête
06:26quelqu'un qui va faire baisser les taux d'intérêt pour rendre les voitures moins chères
06:29et les logements moins chers.
06:31Donc, dans les médias, oui, il va, s'il est nommé, œuvrer
06:36pour mettre en place la politique souhaitée par la Maison-Blanche,
06:42mais ça n'est pas le pire de la bande.
06:43Ah, alors je veux bien savoir qui est le pire, parce qu'il y a quoi, 4, 5 noms, c'est ça ?
06:48Toujours la shortlist contient une poignée de noms, encore, de candidats potentiels
06:55pour prendre la place de Powell, Pierre-Yves ?
06:57Alors, il y a un outsider qui est le numéro 2 ou le numéro 3 de BlackRock,
07:05M. Reeder, qui a l'air d'être un type assez difficile à cerner,
07:10mais qui connaît très très bien la question du marché obligataire
07:13et qui, lui, est tout à fait favorable à la baisse de taux.
07:16Et puis, il y en a d'autres.
07:18Kevin Warsh, lui, serait certainement une figure rassurante pour les marchés.
07:22Christopher Waller, qui, aujourd'hui, est une colombe,
07:27mais demain pourrait être un faux con.
07:31Quand je dis qu'il y a bien pire que Kevin Hassett,
07:35je porte à Stephen Myron, qui vraiment est la voix de son maître,
07:41et qui, a priori, n'est là que jusqu'au 1er février.
07:46Vous savez que, le 1er février, le mandat de Stephen Myron expire,
07:53il est possible que Donald Trump décide de nommer à sa place Kevin Hassett,
07:58tout de suite, qui serait donc le gouverneur jusqu'à la mi-mai,
08:02à l'expiration du mandat de Jérôme Powell,
08:06qui pourrait lui-même, alors ce sont des configurations incroyables,
08:13ne plus être, donc ça, on le sait, son mandat de président du Conseil des gouverneurs
08:17va arriver à son terme, mais qui pourrait rester encore en place
08:20jusqu'en janvier 2028, je crois, en tant que gouverneur.
08:25C'est difficile à imaginer, mais c'est tout à fait possible
08:28dans ce vent de folie qui souffle à Washington.
08:32Je voudrais faire un petit commentaire sur Jérôme Powell,
08:35auquel on trouve toutes les qualités,
08:37et qui certainement a agi avec grande dignité,
08:41et grand calme, et grand stoïcisme,
08:43face au torrent d'insultes
08:45qui s'est abattu sur lui depuis quelques mois,
08:49sortant de la bouche de Donald Trump.
08:53Et ce stoïcisme lui a valu énormément de respect dans les marchés,
08:57c'est vrai, mais enfin, n'oublions pas qu'il est quand même
09:01l'homme qui a une part importante dans l'énorme erreur de politique monétaire
09:06qu'a été celle de la Fed à la sortie du Covid,
09:11et que c'était formidable d'avoir quelqu'un comme Jérôme Powell
09:15qui était indépendant des partis politiques,
09:17mais indépendant ne veut pas dire infaillible.
09:20Et il s'est rattrapé depuis,
09:23il ne veut pas commettre la même erreur à l'envers maintenant,
09:26en baissant trop vite les doutes d'intérêt,
09:29mais quel que soit le respect que mérite Jérôme Powell,
09:33n'oublions pas qu'il s'est quand même beaucoup trompé,
09:38et qu'on le voit avec la Cour suprême,
09:40on nomme un juge qui a l'air conservateur,
09:43et puis au bout de quelques mois se prend au jeu,
09:45il finit par être assez indépendant dans sa manuelle de voir les choses,
09:49le patron du conseil des gouverneurs de la réserve fédérale,
09:53son premier job c'est de dégager un consensus.
09:56C'est quelque chose qu'avait très bien vu d'ailleurs Alan Greenspan
09:59à partir de 1994,
10:00où un des objectifs de Greenspan était de minimiser
10:03le nombre de votes de dissension
10:06lors des réunions du comité monétaire de la Fed.
10:11On est dans une période où il y a de la dissension à nouveau,
10:14parce qu'on ne sait pas où va l'économie américaine,
10:16et donc ce sont de bonnes raisons d'avoir des dissensions,
10:20mais le premier job du patron de la Fed,
10:22c'est d'être crédible avec les marchés,
10:24et en minimisant la dissension,
10:27la réserve fédérale est à même d'être plus convaincante pour les marchés,
10:31et de faire faire au marché une partie du travail
10:34qu'elle n'aura pas besoin de faire,
10:36en manœuvrant sur l'offre et la demande de crédit.
10:38Et oui, Donald Trump aura besoin de quelqu'un de crédible à la tête de la Fed,
10:43et une parole trop politisée pourrait être contre-productive
10:47quand on est effectivement à la tête de la Banque Centrale Américaine
10:50et de son comité de pilotage monétaire.
10:53Affaire à suivre, on verra à quel horizon le nom du successeur de Jérôme Powell émerge,
10:59et si celui-ci pourrait intégrer le board de la réserve fédérale américaine
11:02dès le début de l'année 2026,
11:04en remplacement potentiel d'un Stephen Mayran aujourd'hui.
11:07Merci beaucoup Pierre-Yves, Pierre-Yves Dugas avec nous chaque lundi en visio à distance
11:12pour ce quart d'heure américain que vous retrouvez bien sûr
11:14chaque lundi soir en replay sur bismark.fr
11:18ou encore en podcast sur l'ensemble de vos plateformes préférées.
Écris le tout premier commentaire