La Bibliothèque nationale de France s’est fixée une mission : préserver le patrimoine vidéoludique, au même titre que la littérature, la musique ou le cinéma. Comment conserver et préserver la quasi-totalité des jeux vidéo produits par notre civilisation ? Laurent Duplouy, chef du service multimédia de la BNF, nous explique comment fonctionnent ses équipes.
00:00Pourra-t-on encore jouer à Final Fantasy VII, à Zelda Ocarina of Time ou Animal Crossing dans 500 ans ?
00:11C'est le pari de la BNF qui s'efforce depuis plus de 30 ans de conserver les jeux vidéo et tous les éléments autour du jeu vidéo.
00:20Et je vais en parler avec le chef du service multimédia de la BNF, Laurent Duplouis. Bonjour.
00:24Bonjour.
00:24Ravi de vous accueillir sur le plateau de PlaySmart, c'est une première pour quelqu'un de la BNF.
00:30Depuis quand ce travail de conservation a été lancé ?
00:35Officiellement, le travail de conservation, autour du jeu vidéo et du multimédia en général, il débute en 1992 avec l'évolution d'Alois sur le dépôt légal.
00:44Le dépôt légal, si on rappelle à ceux qui ne connaissent pas, c'est l'obligation pour les éditeurs de vous transmettre les éléments qu'ils ont publiés.
00:55C'est ça, absolument. Il débute il y a fort longtemps puisqu'il débute en 1537 avec François 1er.
01:01Il n'y avait pas encore de jeux vidéo à l'époque ?
01:02Il n'y avait pas encore de jeux vidéo à l'époque. C'est le dépôt légal du livre et des livres joués à l'époque dans le royaume.
01:09Au fur et à mesure de l'évolution des médias, le dépôt légal est venu s'enrichir de différentes évolutions de l'édition.
01:15Et comment l'idée a évolué, a fait son chemin de se dire que le jeu vidéo, au même titre que la littérature, que le cinéma, que la musique, avaient sa place dans les travées de la BNF ?
01:26C'est un processus qui se fait petit à petit. Il n'y a pas qu'un seul élément déclencheur. Il y en a des multiples.
01:35Il y a l'évolution de l'édition. On voit apparaître des jeux vidéo dans les magazines. Il commence à y avoir des livres.
01:43Ce processus de patrimonialisation se fait petit à petit. À un moment, il devient une évidence qu'il faut qu'il intègre les collections de la BNF
01:52puisqu'on a vocation à donner une image de l'ensemble de l'édition.
01:57J'avais vu passer une information il y a quelques semaines à propos du jeu Final Fantasy VII que j'ai cité en tout début de séquence.
02:04Le code source de la version d'origine a été perdu. Ça souligne exactement la raison d'être de ce programme.
02:13Absolument. Nous ne gardons pas les codes sources.
02:17C'est les jeux souvent matériels.
02:19Parce que ça, c'est une œuvre de l'esprit. Et effectivement, Square Enix a malheureusement, pas qu'une seule fois d'ailleurs...
02:26Oui, à l'époque, on avait moins conscience peut-être que c'était des produits qui méritaient d'être conservés en fait.
02:31C'était consommable, périssable.
02:34Absolument, oui.
02:35Là, vous avez à peu près combien de... Le stock, j'imagine, à disposition à la BNF ? Il ressemble à quoi ?
02:4123 000, 24 000 jeux.
02:43Notre collection s'enrichit de 1 000 jeux par an. En fait, on a un dépôt légal qui a à peu près de 2 000 titres par an.
02:52Alors, quand on connaît la vivacité de l'industrie vidéoludique, on sait que ce n'est pas représentatif.
03:02Est-ce que tous les éditeurs ne déposent peut-être pas avec la même célérité ?
03:06Et malheureusement, non. Certains s'y confortent.
03:10Certains gros, ils ne déposent pas.
03:12Et certains gros ne déposent pas.
03:15Si on peut citer...
03:17Nintendo, par exemple.
03:18Nintendo, par exemple, qui ne déposent pas depuis 2016, ce qui est un peu embêtant.
03:23Donc Breath of the Wild, Tears of the Kingdom, pour l'instant, ne sont pas dans vos collections, ce qui est dommage.
03:27Et non, c'est malheureux.
03:30Et donc là, il y a un dialogue quand même avec eux pour résoudre le...
03:33Pas vraiment.
03:35Pas encore.
03:35Pas vraiment, mais je ne doute pas que...
03:38Dans la conservation du jeu vidéo, vous disiez qu'on ne garde pas les codes sources.
03:42Parce que vous n'aviez pas la possibilité de retravailler les jeux, par exemple.
03:45Mais il y a un gros mouvement de dématérialisation du jeu vidéo.
03:49Ça a quel impact, vous, sur votre travail ?
03:52Alors, à la fois, ça change beaucoup de choses, et à la fois peu.
03:57Mais en tout cas, aujourd'hui, ça crée une rupture dans le dépôt légal.
04:02Puisque, en fait, ce que nous demandons aux éditeurs, c'est de nous déposer une version sans DRM.
04:06Les DRM, c'est quoi ?
04:07C'est ce qui bloque, en fait, l'utilisation sans...
04:10C'est-à-dire, enfin, par exemple, on prend la différence entre Steam, où vous devez être connecté à Internet pour jouer,
04:15ou à une plateforme comme GOG, où le jeu, techniquement, vous appartient, il est sur le disque dur.
04:20C'est ça la différence ?
04:20C'est ça la différence, absolument.
04:22Donc, dans ce cas-là, et c'est vrai que c'est quelque chose qui n'est pas toujours facile à faire pour les éditeurs.
04:29Ils n'ont pas le temps de le faire.
04:32Et ils n'ont souvent pas conscience qu'ils ont à le faire.
04:35Parce qu'on parlait tout à l'heure du dépôt légal.
04:37C'est vrai que les gros éditeurs connaissent l'existence du dépôt légal,
04:40mais un certain nombre d'éditeurs l'ignorent encore.
04:41J'ai lu deux, trois choses en préparant cette interview.
04:44Il y a des jeux qui sont peut-être plus durs à conserver que d'autres.
04:47C'est notamment les jeux de service en ligne.
04:50Pourquoi c'est plus compliqué avec cela ?
04:52Eh bien, parce qu'il est très peu probable qu'on soit capable de recréer toute l'infrastructure avec les serveurs.
04:59Tous ces jeux s'appuient sur des serveurs tiers que nous ne récupérons pas, par définition,
05:04parce qu'en fait, on ne récupère que le jeu en lui-même.
05:06Et on n'a pas vraiment les moyens et vocations à le faire.
05:10Alors, du coup, ça nous amène à avoir des stratégies un peu détournées
05:13et qui consistent à documenter, en fait, le jeu, récupérer...
05:18Garder une trace.
05:19Voilà, garder une trace, des vidéos, d'interviews.
05:23On va faire plutôt orienter le travail dans ce sens.
05:26Donc, devoir de mémoire sur ces jeux.
05:29Merci Laurent Dupuis.
05:30Je le rappelle, chef du service multimédia à la BNF.
05:33C'est une équipe de combien de personnes, à peu près ?
05:35On est 19 en tout.
05:3619 pour préserver le patrimoine vidéoludique et pas seulement,
05:39puisque c'est un service beaucoup plus large avec le cinéma, la musique.
05:43Et j'ai vu que quand on va voir les consoles, les vieilles consoles,
05:46il y a aussi de très vieux appareils de musique d'une autre époque qui sont exposés.
05:51Absolument.
05:52Merci beaucoup.
05:53On continue PlaySmart.
05:54On va s'intéresser à l'éducation de nos enfants, à la bonne pratique du jeu vidéo.
05:58Parce que oui, le jeu vidéo, ça peut être un danger,
06:01mais c'est avant tout une activité de passion avec des avantages.
06:07Mais pour que ce soit un avantage et pas un problème, le jeu vidéo,
06:10c'est bien que les parents accompagnent.
06:12Et il faut accompagner avec certaines bonnes pratiques.
06:15On va en parler tout de suite avec Sarah El Haery et Catherine Roland.
06:17On va en parler tout de suite avec Sarah El Haery et Catherine Roland.
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