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  • il y a 5 heures
Depuis plus de quarante ans, il bivouaque aux quatre coins du globe, micros ouverts à l'écoute du monde sauvage et de ses trésors sonores. Une manière sensible de se faire le témoin, discret et attentif, des autres êtres vivants. L'audio-naturaliste Fernand Deroussen est l'invité au Carré.

Retrouvez "La terre au carré" sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/la-terre-au-carre

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Transcription
00:00L'invité au carré, aujourd'hui, Fernand de Rossen, audio naturaliste.
00:14France Inter, la terre au carré, Mathieu Vidard.
00:213 mars, réveil spontané comme tous les matins à 5h30 aux premières lueurs du jour.
00:26Cela fait plus de 30 ans que je n'ai plus de montres. Je me réveille instinctivement aux événements proposés par la nature.
00:32Équipé de ma parabole, je finis enfin, après un lever laborieux, par me diriger vers une belle zone d'acacia en fruits repérés hier,
00:40en espérant observer de nouvelles espèces d'oiseaux à enregistrer durant ce voyage.
00:45Cela commence difficilement par un pouillot de bonnelli, timide, puis quelques cris de fauvettes passerinettes.
00:51Pourtant, très vite, un son intéressant me parvient de l'acacia en forme de parasol situé à une centaine de mètres,
00:58un rythme tambouriné que j'ai souvent entendu dans mes voyages africains et asiatiques.
01:03Je pense quelques secondes à une tourterelle car le son est faible,
01:07mais en me rapprochant et en pointant mes jumelles dans le houppier de l'arbre,
01:11j'aperçois un petit oiseau rablé à la queue courte et au bec massif.
01:15Il est d'un joli coloris, la tête et une grande cravate sur la poitrine sont d'un beau rouge écarlate,
01:21sur fond de plumage crème grisé et jaunâtre.
01:24Ce sont, car ils sont en fait trois, des barbicans de vieillots en train de se nourrir de baies dans une liane
01:30qui parcourent le feuillage d'un acacia.
01:33Parfois, ils arrêtent leur collecte nourricière pour se rapprocher et entamer cet étonnant champ communautaire.
01:38Il était mis en plusieurs parties, les premiers cris un peu grésillants, poussés par le mâle le plus coloré.
01:44engagent les membres du groupe à se lancer dans cette mélopée martelée.
01:48C'est très stimulant, car les sons s'accompagnent d'un étrange balancement sur les pattes, de haut en bas,
01:53ainsi que des mouvements chancelants de la tête.
01:55C'est donc aussi un véritable spectacle visuel.
01:59À côté, un type flûté et aigu attire mon attention.
02:02C'est un suimanga à longue queue resplendissant,
02:05du ventre jaune citron jusqu'à la poitrine vert métallique,
02:10une longue queue fine à son extrémité.
02:12« L'Afrique tropicale n'est plus loin ».
02:15Bonjour Fernand de Roussen.
02:21Bonjour Mathieu.
02:22Ce texte est extrait de votre carnet de voyages audio naturalistes.
02:26On peut le lire dans un ouvrage qui s'appelle « Symphonie sauvage » publié aux éditions Rustica.
02:31Elle se déroule où cette scène ?
02:33Alors là, c'est en Mauritanie, c'est dans le Tagante,
02:37le sud de la Mauritanie, qui est presque à la limite avec le Sénégal,
02:40où j'avais passé avec d'autres amis naturalistes une dizaine de jours,
02:47et où on recherchait toutes ces espèces un peu tropicales, mais encore désertiques.
02:52Donc c'était un peu entre les deux.
02:54Donc lever 5h30 le matin, c'est le minimum qu'on puisse faire pour enregistrer les oiseaux.
03:00C'est le minimum, oui, oui, exactement.
03:01Et ça, c'est la description vraiment de votre travail quotidien, d'audio naturaliste ?
03:05Oui, tout à fait, oui, oui.
03:07Alors il m'a fallu longtemps quand même pour passer à l'écrit,
03:10parce que je suis un homme de microphone, c'est-à-dire que j'enregistre,
03:14et c'est mon moyen d'expression, après, de diffuser sous forme de CD, de podcast, de conférences.
03:22Voilà, et il m'a fallu 5 à 6 ans pour regrouper toutes ces anecdotes de 40 ans de carrière,
03:31pour trouver la diversité, la variété, et puis faire rêver le lecteur, auditeur,
03:39aussi avec les photos, puisqu'il y a des photos qui sont jointes.
03:42Et les sons ?
03:43Parce qu'on veut écouter les sons de votre travail, avec les QR codes qui sont à disposition pour les lecteurs.
03:48Voilà, je pense qu'il faut écouter en lisant.
03:50C'est vous qui avez inventé ce terme d'audio naturaliste ?
03:53Oui, oui, oui. Je vais vous expliquer pourquoi.
03:56En fait, c'est assez simple.
03:57On était toujours appelé chasseur de sons.
04:00Bon, la finalité du chasseur, on la connaît, c'est la mort.
04:05Ça ne me convenait pas du tout.
04:07Alors, je ne pouvais pas reprendre le terme de bioacousticien,
04:10puisque ce sont les scientifiques des sons de la nature qui travaillent dans des laboratoires
04:15avec rigueur et puis connaissons les méthodes.
04:20Alors que moi, je travaille sur l'art des sons de la nature.
04:24Et donc, naturellement, ça m'est venu audio naturaliste, parce qu'on allie les deux.
04:28Car avant tout, je suis un naturaliste.
04:31C'est-à-dire qu'un naturaliste, ça regroupe les dessinateurs, les peintres, les photographes et tout ça.
04:37Et vous êtes donc artiste aussi ?
04:38Voilà, je me définis aussi artiste, parce qu'il y a dans le choix des enregistrements,
04:44il y a dans le choix des lieux aussi où aller enregistrer,
04:48dans le matériel utilisé, dans le lever du jour, enfin des choses comme ça.
04:53Il y a beaucoup, beaucoup de circonstances qui font que c'est une œuvre, en fait.
04:57Ce que l'on apporte, ce que l'on offre à écouter, devient une œuvre.
05:01Et quelle œuvre, effectivement, en ce qui vous concerne, charnon de Roussen ?
05:04Quatre décennies dont nous allons parler ensemble.
05:07L'occasion de remonter le fil de votre histoire,
05:09pour comprendre comment vous avez été amené à devenir, justement,
05:13l'un des plus grands audio naturalistes de la planète.
05:16Si on l'a, si, vous savez, on n'hésite pas sur les superlatifs.
05:20Si l'on en revient à vos racines, dans quel environnement, justement, vous avez grandi ?
05:25Ça a été difficile. Je vous avoue que ma jeunesse a été très, très difficile.
05:30Je ne suis pas né avec une cuillère en argent dans le bec.
05:33Ça, c'est une évidence.
05:35J'étais à la DAS.
05:37Donc, j'ai été placé à la DAS.
05:39Et j'ai eu mes premières années qui ont été en pensionnats,
05:43manque de liberté totale, mais vraiment totale,
05:45alors que j'avais toujours le regard vers le ciel,
05:49toujours l'oreille à l'écoute.
05:53Il me manquait quelque chose.
05:55Et c'est à l'âge de 13-14 ans que j'ai pu m'émanciper.
05:58Enfin, quand la DAS m'a dit « Qu'est-ce que tu veux faire plus tard ? »
06:02Je leur ai dit « Je vais être dans la nature, je vais étudier les oiseaux. »
06:05Ils m'ont dit « Tu veux être dans la nature, tu seras jardinier. »
06:08Donc, j'ai été jardinier, paysagiste pendant 20 ans.
06:11J'ai fait trois ans d'hériture.
06:12Pendant 20 ans ?
06:13Oui, oui, quand même.
06:14Jusqu'à les années 60...
06:1680...
06:17Oui, 92, oui, 92, exactement.
06:20Mais je faisais les deux activités.
06:22C'est-à-dire que j'étais aussi passionné d'oiseaux
06:26et donc membre de l'Association Parisienne Ardithéologique,
06:29qui est devenu ensuite le Corif,
06:31et qui est aujourd'hui le LPO Île-de-France.
06:34Donc, il y avait quand même cet enfermement,
06:36qu'on comprend bien pour vous,
06:38et en même temps, ce regard toujours tourné vers l'extérieur,
06:41c'était votre échappatoire, finalement ?
06:43Ah, totalement.
06:44Et des rêves qui commençaient à se construire en regardant par la fenêtre ?
06:47Totalement, totalement.
06:48Je dois, en fait, et ma carrière, et ma vie, en grande partie,
06:52à la nature.
06:54À la nature sauvage.
06:55C'est-à-dire qu'en étant paysagiste,
06:57j'étais dans une certaine nature,
06:59mais une nature déjà domestiquée.
07:02Je préconisais toujours de ne jamais mettre de traitement,
07:05je faisais mettre des nichoirs,
07:06enfin, j'avais déjà quand même...
07:09Cette conscience ?
07:10Cette conscience.
07:10Très tôt, alors ?
07:11Oui, oui.
07:11Et ce désir, en fait,
07:14que le client comprenne que son jardin,
07:18c'était aussi un lieu de vie pour d'autres êtres vivants.
07:21Donc, c'est pour ça qu'il y avait souvent beaucoup d'oiseaux,
07:24beaucoup d'insectes dans ces jardins.
07:26Il paraît que vous passiez beaucoup d'heures aussi
07:27à noter les oiseaux au Muséum National d'Histoire Naturelle.
07:30Oui, oui, oui.
07:32Comment vous avez conduit ça ?
07:33Oui, oui, effectivement,
07:34je passais des heures à faire de la systématique.
07:37J'allais au jardin des plantes,
07:39aux eaux de Vincennes,
07:40et je notais tous les noms d'oiseaux sur des carnets,
07:43enfin, les noms des animaux,
07:44la systématique, l'ordre, la famille.
07:47Ça, j'ai toujours adoré ça.
07:49Pourquoi vous aimiez ça, en fait ?
07:51Parce qu'on peut considérer ce travail
07:52comme un peu rébarbatif.
07:54Qu'est-ce qui vous plaisait ?
07:55Il y a peut-être le côté collection un peu derrière ça, oui.
08:00Peut-être collectionneur.
08:01C'est vrai que j'aimais mettre des mots, des chiffres.
08:06Et puis, le latin, par exemple,
08:08m'a toujours beaucoup plu dans les noms latins des animaux,
08:12qui est un langage universel, du coup,
08:14que toutes les langues peuvent comprendre, en fait.
08:17Tous les scientifiques de la planète comprennent
08:18le nom latin de chaque espace.
08:22Ça, ça m'a toujours attiré.
08:23C'est toujours fantastique.
08:24Et est-ce qu'en faisant, justement, ces listes,
08:26vous aviez, en même temps,
08:27vous nourrissiez des rêves de voyage
08:29pour aller peut-être aussi sur place ?
08:31Totalement.
08:31Pour voir de quoi il s'agissait ?
08:32Oui, c'est évident.
08:34Combien de fois j'ai rêvé de Borneo,
08:36de l'Indonésie, de l'Afrique,
08:39même dans mes premiers croquis,
08:41mes premières notes et tout,
08:42je dessinais déjà des choses
08:44un peu comme le douanier Rousseau,
08:47c'est-à-dire sans jamais y être allé.
08:49Je dessinais déjà des feuilles d'arbre,
08:51des plumes, des choses comme ça.
08:54Mais bon, très vite,
08:56après avoir essayé le dessin,
08:58après avoir essayé la photographie,
09:00après même l'écriture,
09:03j'ai eu la révélation le jour
09:05où j'ai pointé mon microphone sur un oiseau
09:08qui était une rousserelle,
09:09turdoïde d'ailleurs, en Lorraine.
09:11mais grâce aussi à un ancien ami,
09:15François Charon,
09:17je voudrais le citer quand même,
09:18qui m'a emmené vers ma voie
09:23de la prise de son nature.
09:26Alors on va l'écouter,
09:27cette rousserelle turdoïde en dombe,
09:30c'est extrait justement de votre livre,
09:32ça fait partie de ces oiseaux
09:34qu'on peut découvrir avec vous.
09:36Donc on va l'entendre sous notre voix.
09:41Donc ça, c'est en quelle année,
09:43cette révélation sonore dont vous parlez ?
09:44En 1985.
09:46Auparavant, j'ai toujours eu l'oreille sensible,
09:49mais je dessinais beaucoup.
09:51J'étais avec un autre ami,
09:53Jean Chevalier,
09:54qui se reconnaîtra,
09:55qui est devenu l'un des plus grands peintres
09:57et dessinateurs animaliers de France.
10:00Ça, c'est une évidence.
10:03Mais comment lutter devant la beauté
10:06de ce qu'il faisait par rapport à ce que je faisais ?
10:09Donc ce n'était pas ma voie.
10:10Et c'est plutôt ce cher François Charon
10:14qui m'a accompagné,
10:15emmené vers le son
10:17et qui m'a fait découvrir cette voix.
10:19Alors ce chant d'oiseaux
10:21qu'on entend sous notre voix,
10:24pourquoi est-ce que ça crée autant d'émotions
10:25chez vous, Ferdinand de Roussen ?
10:27Qu'est-ce qui se passe en fait à ce moment-là ?
10:29C'est vivant, c'est la vie.
10:32Je me dis toujours comme ça,
10:34on est sur une planète qui chante.
10:36C'est-à-dire que c'est la seule planète de l'univers,
10:38enfin connue pour le moment,
10:39par rapport à nos recherches astronomiques.
10:42C'est vrai.
10:42Tout ça.
10:44Il y a des milliers d'espèces,
10:46presque des centaines de milliers d'espèces
10:48qui émettent des sons
10:49et on les ignore.
10:51Mais quand on commence à ouvrir ses oreilles
10:53à ces autres êtres vivants,
10:56on se trouve petit en tant qu'humain.
10:59On se dit, on a notre place là-dedans,
11:01mais qu'est-ce qu'on est en train de faire ?
11:03Qu'est-ce qu'on est en train de proposer aux autres ?
11:07Rien du tout. On ne fait que proposer destruction
11:10et exploitation.
11:12Et ça, c'est le côté sensible en fait.
11:15Il paraît que votre myopie a joué un rôle justement
11:17dans le fait de développer ce sens de l'audition.
11:22J'en suis persuadé, oui.
11:23La myopie et une perte d'odorat pendant un certain temps
11:26ont développé effectivement, je pense,
11:29le sens de l'écoute.
11:30Après, c'est un entraînement.
11:32Il faut vraiment, vraiment écouter.
11:35Et on apprend beaucoup en simplement écoutant.
11:37Alors justement, vous allez nous raconter
11:39dans un instant ce qui vous a conduit vraiment
11:41vers ce métier, parce que c'est devenu ensuite
11:43votre métier.
11:45On va rentrer avec vous dans cette pratique
11:46assez unique quand même,
11:48celle d'audio naturaliste.
11:49Fernand de Roussen, vous êtes aujourd'hui
11:52notre invité au Carré.
11:53Ma poitrine fait que t'es étonnant
11:57Que je sois avec Baby ou Solo
12:01Même proche de tout chez le gros lot
12:05Je porte en moi cent mille mots
12:09C'est pas glorieux de faire de son mieux
12:14Je porte en moi cent mille mots
12:17Je prie mon dieu
12:20Témoin des immondices
12:22Soulage la peine qui dort
12:25Maman j'arrête les études
12:36Même si ton coeur est en pierre
12:38Je pars faire des écus
12:40Pour me sentir moins mal qu'hier
12:42J'ai pris l'habitude
12:43De me faire du mal de m'oublier
12:46Pour la solitude
12:47Pour me sentir moins mal qu'hier
12:50On a grandi avec
12:52Moins de câlins que la médiane
12:54Si je te passe mon coeur
12:56C'est pas pour de la dépanne
12:58Toi t'es qu'un trou de balle
13:00Sponsorisez pas du baby cal
13:02J'me à Londres
13:03C'est Paris
13:04Combien de mots au moins ?
13:06Trente-cinq heures avec
13:08Week-end et caldère
13:10Sa mère me justifiait
13:12Auprès du mairage
13:14C'est pas la boîte de ton père
13:16Que je vais foutre avec
13:18Caroline et Gérard
13:20Après le taf
13:22Maman j'arrête les études
13:24Même si ton coeur est en pierre
13:26Je pars faire des écus
13:28Pour me sentir moins mal qu'hier
13:30J'ai pris l'habitude
13:32De me faire du mal de mon bie
13:34Voilà zolicité
13:36Pour me sentir moins mal qu'hier
13:38Me s...
13:39Mi sentir mes befins
13:40Qu'elle me sentir
13:40Qu'elle me sentir
13:41Qu'elle se fasse
13:42Qu'elle ne거� l'autre
13:43Qu'elle sentir
13:44Qu'elle n'a cité
13:44N'estilli qu'elle nul
13:45Qu'elle ne止시에
13:46D'abord
13:48Qu'elle n'a Männer
13:49Et quelle qui est
13:50La� n'est pas
13:51Qu'elle n'est rien
13:52Qu'elle n'est pas
13:53Je vais
13:54Jveloppe
13:55Le ma pelo
13:56Il n'a jamais
13:57Elle ne veut
13:58La وهique
13:59Le diator
14:01En
14:01Il
14:02Inter
14:03C'est parti.
14:33C'est parti.
15:03C'est parti.
15:33C'est parti.
16:03C'est parti.
16:33C'est parti.
17:03C'est parti.
17:04Vous avez souvent croisé sur votre route ou pas ?
17:07Pas très souvent.
17:08Vous êtes des vieux loups solitaires en plus.
17:10Voilà, exactement.
17:12C'est ça.
17:12Puis on avait une approche un peu différente.
17:14C'est-à-dire que, par exemple, moi, la pratique de la repasse, je ne la fais pas du tout.
17:18Du tout.
17:18Qu'est-ce que c'est exactement ?
17:20C'est repasser le champ de l'oiseau, pour l'attirer et pour l'exciter.
17:25C'est ça. Pourquoi vous ne le faites pas ? Pour des questions éthiques, tout simplement ?
17:28Totalement éthiques.
17:30Ce qui est un peu gênant, c'est que je sais que mon travail est utilisé par des photographes,
17:36par d'autres naturalistes ou même par d'autres gens, des promeneurs, pour la faire la repasse.
17:43Pourquoi vous vous opposez à ce principe ?
17:45Parce que c'est le dérangement.
17:46Vous voyez, là, j'arrive du Pérou, il y avait un groupe d'Anglais qui était avec moi dans le même lodge.
17:52Un matin, ils ont passé le champ d'une gralère.
17:55C'est un tout petit oiseau qui est en sous-bois.
17:57Donc, ils ont photographié tout ça, la gralère était super.
18:01Mais après, ils sont partis, donc ils avaient leur coche, ils avaient leurs photos.
18:05Mais deux heures, trois heures après, la gralère cherchait encore.
18:08Elle tournait, elle tournait, elle cherchait désespérément qui était venu sur son territoire.
18:14Donc, il y a un dérangement.
18:17Et d'ailleurs, ça se voit sur les photos où il y a de la repasse qui est passée.
18:21Vous voyez, l'oiseau souvent ébouriffé ou alors qui est interrogé.
18:26Donc, voilà.
18:26Et si je me souviens bien, c'est aussi du braconnage.
18:31Faire de la repasse, c'est considéré comme du braconnage.
18:33Parce qu'évidemment, on attire une espèce vers soi.
18:36Et c'est beaucoup plus facile de la prélever, entre guillemets, comme disent les chasseurs.
18:40Est-ce qu'il y a beaucoup de pratiques qui vous font bondir, d'ailleurs, dans le milieu naturaliste, Fernando Roussen ?
18:47Je dirais que...
18:49Sur la façon dont on peut justement manipuler le vivant pour faire des photos ou des films.
18:56Voilà, c'est surtout par rapport des photos ou des films.
18:59Les animaux imprégnés, notamment, ça se comprend que prendre du temps pour faire des films comme le prochain film de Vincent Munier,
19:09qui va sortir...
19:10Dans la forêt.
19:11Voilà, où là, il n'y a aucun animal imprégné, où tout est fait d'une façon incroyable.
19:16Je dirais que ça me gêne.
19:19Mais comment faire autrement pour avoir des comportements ?
19:22Enfin, j'ai le souvenir encore au Kenya, là, d'être arrivé pour enregistrer des paysages et puis des sons de nature là-bas.
19:32Le guide m'emmène directement sur un lion.
19:35Bon, j'ai dit, d'accord, il fait du bruit.
19:38Bon, mais d'un seul coup, je vois mes 15, 20 voitures arriver tout autour et ça, ça photographie de partout.
19:44Je dis, attendez, moi, je ne suis pas là du tout pour ça.
19:46On va aller dans un petit coin faire les hippopotames à l'abri.
19:50On va prendre notre temps et tout.
19:51Mais vous auriez vu le visage du guide.
19:54Et c'était extraordinaire parce qu'il dit, enfin, quelqu'un qui ne va pas me laisser des heures devant une panthère ou devant un lion.
20:02Et donc, moi, je lui ai dit, moi, je préférerais aller voir l'aigle pêcheur parce qu'il a un cri extraordinaire.
20:08Et en plus, si en même temps, il y a les souffles d'hippopotame, vous voyez le concert, la symphonie qui va naître.
20:14Et il a bien compris.
20:16Et puis après, ça a été formidable pendant plusieurs jours.
20:18Vous êtes solitaire, d'ailleurs.
20:20C'est vraiment quasiment une caractéristique intrinsèque de votre pratique, la solitude.
20:24Voilà, l'audionaturiste est un solitaire.
20:27Par contre, il n'aime pas la solitude.
20:29C'est-à-dire que la présence des autres, des autres êtres vivants, est importante.
20:34Je ne vais pas chercher spécialement le silence, si ce n'est le silence des hommes.
20:38Je ne cherche que le silence des hommes.
20:41Tout le reste, moi, je vais toujours chercher le contact avec les autres êtres vivants de la planète.
20:46C'est important.
20:48Bon, j'aime bien aussi me retrouver de temps en temps parmi les hommes.
20:50N'ayez crainte.
20:51Et vous emmenez de temps en temps des bipèdes humains avec vous ou pas ?
20:55Oui, oui.
20:55Là, j'arrive du Pérou avec un ami, Olivier Pichard, avec qui on a passé trois semaines merveilleuses à collecter.
21:03Et je fais aussi partie d'une association, l'association Sonatura, des audionaturalistes francophones.
21:11On se regroupe une à deux fois par an pour écouter toutes nos découvertes, toutes nos merveilles sonores.
21:20Avant de commencer l'émission, Fernand Roussen, vous m'avez dit,
21:22« Bon, évidemment, je voyage beaucoup, je n'ai pas eu d'empreintes carbone terribles, terribles, mais on me le pardonne. Pourquoi ? »
21:29C'est simple. Il n'y a pas très longtemps que ça, dans une conférence, toujours pour plaisanter, mais avec un peu de remords,
21:36je dis « Oui, mon bilan de carbone n'est pas terrible avec les avions. »
21:39Et quelqu'un s'est levé dans la salle et me dit « Mais non, monsieur de Roussen, imaginez, on est 70 dans la salle,
21:45si on devait tous aller sur les endroits où vous allez enregistrer,
21:50mais le bilan de carbone serait terrible. »
21:53Et vous nous faites rêver. Vous nous faites rêver à écouter tous ces beaux sons, ces compositions, ces réalisations.
22:01Donc, ça m'a vraiment ému ce jour-là.
22:05Et j'ai compris qu'en fait, j'avais un rôle, le témoin, un rôle de témoin.
22:09Et l'audionaturaliste, comme le photographe ou comme le dessinateur naturaliste, a un témoin, celui de mettre en valeur les beautés de la nature
22:19et ces êtres vivants qui vivent avec nous, autour de nous.
22:23Et qui arrivent à résister aux assauts des activités humaines, tant bien que mal.
22:27Oui, c'est difficile.
22:29Ça, vous l'avez entendu, le changement sur quatre décennies de pratique ou pas ?
22:34Oui, oui, oui, totalement. Notamment, je fréquente beaucoup le bois de Vincennes, donc à Paris.
22:39Ça, c'est bien pour l'empreinte carbone, oui.
22:41Voilà. Et donc, là, on est passé d'une époque où c'était les merles, c'était les griffes, c'était beaucoup de passereaux.
22:50À l'époque d'aujourd'hui, où c'est des bernaches du Canada, c'est des perruches à collier qui braillent.
22:57Ça braille, là, pour le coup, c'est vraiment pas un beau son.
23:00Et puis, beaucoup de corneilles, beaucoup de pilles.
23:03L'environnement sonore a totalement changé, totalement.
23:07Vous préférez le chamac à croupion blanc, par exemple, Fernand de Roussen.
23:12Ça, c'est un oiseau que vous avez enregistré au Sri Lanka.
23:15Non, en Inde.
23:16En Inde, oui.
23:19Qu'est-ce qu'il a de particulier, cet oiseau ?
23:21Justement, comme disait Jean Rocher, c'est un des oiseaux phares dans la mélodie des oiseaux.
23:33Il l'avait, d'ailleurs, sur un de ses CD.
23:36En l'occurrence, c'est un enregistrement qu'il a réalisé lui-même.
23:39C'est pour ça que je parlais du Sri Lanka.
23:41Parce que c'est lui qui l'a fait là-bas, au Sri Lanka.
23:44Mais c'est un enregistrement, justement, qui a beaucoup compté pour vous, apparemment.
23:47Oui, tout à fait.
23:48Ça fait partie de ces virtuoses dont chaque audionaturaliste a une petite liste.
23:56Il se dit, tiens, celui-là, il faudrait qu'un jour je l'enregistre.
23:59C'est votre diva absolu.
24:01Voilà.
24:02Dans chaque pays, il y a toujours un virtuose comme ça, qui est un fil conducteur.
24:07Le chamac à croupion blanc.
24:10Le chamac.
24:10Chama, pardon.
24:11Chama à croupion blanc.
24:12Exactement, oui.
24:13Vous parlez souvent de monde sauvage plutôt que de nature, d'ailleurs.
24:16Oui, tout à fait.
24:17La nuance, elle est importante pour vous ?
24:19Oui, très importante.
24:20Du fait d'avoir été paysagiste, de la nature, j'en ai eu domestiqué pendant des années et des années.
24:26Le sauvage, c'est autre chose.
24:28Le sauvage, on ne le contrôle pas.
24:31Le sauvage, il est libre.
24:33Ce n'est pas vous qui décidez de ce que vous allez enregistrer vraiment.
24:40C'est l'oiseau qui est en face ou l'animal qui est en face.
24:45Non, c'est très, très important de faire la différence.
24:47Parce que là, l'homme est en train de domestiquer la planète.
24:51Oui.
24:51Totalement.
24:52Et il nous faut, et c'est indispensable, il nous faut conserver du sauvage.
24:56Et comment vous choisissez les lieux, ou les moments d'ailleurs, pour poser vos micros ?
25:00Comment ça se passe dans votre travail ?
25:03C'est beaucoup d'expérience.
25:05C'est-à-dire que...
25:06Il y a de l'intuition ?
25:06Il y a beaucoup d'intuition.
25:08Je dis toujours, c'est 40% de matériel, de qualité de matériel.
25:1240% de connaissances naturalistes et 20% de chances.
25:16La chance est vraiment importante.
25:18Mais j'ai remarqué que beaucoup de naturalistes attirent les animaux.
25:23Ah bon ?
25:23Oui, c'est peut-être un sens inné, en fait, qui les amène dans des situations où les animaux se présentent, apparaissent.
25:35Mais ça, j'en suis persuadé qu'il y a un peu de ça.
25:38Et vous avez vécu des moments où vous avez eu le sentiment d'échanger avec eux,
25:41qui est presque une conversation avec certains d'entre eux ?
25:44Oui, oui, j'ai encore le souvenir, je ne l'ai pas mis dans le livre,
25:48mais d'un ours noir au Canada, où je me suis retrouvé en face de lui.
25:52Il s'est dressé, surpris et tout.
25:54Et je lui ai parlé, je lui ai dit, attends, ne t'inquiète pas, je ne suis pas là pour t'embêter.
25:59Je suis là pour les petits oiseaux.
26:01Je lui ai parlé.
26:02Et ça marche ?
26:03Et ça a marché.
26:04Vous avez eu la chance quand même.
26:05Ça, c'est les 20% de chance, non ?
26:07Non, mais je crois que l'ours noir n'est pas très...
26:10Ça aurait été un gris-lis, je pense que là, je ne serais peut-être plus de ce monde.
26:13Et alors, il s'est levé ?
26:15Il s'est levé, bon, il a compris que je lui ai causé,
26:19enfin, que je n'étais pas du tout négatif ou quoi que ce soit.
26:22Il s'est reposé, il a commencé à manger un haut de brin d'herbe,
26:26et puis il s'est retourné, puis il est parti tranquillement.
26:28Et moi, j'ai continué à enregistrer ma petite paroline dans un arbre.
26:32Il s'est dit, celui-là, il est sympa, il a une bonne tête.
26:34Voilà, ce que j'ai...
26:35Il n'y a pas de danger.
26:37Disons ça, disons ça.
26:38Il n'y a pas de danger.
26:39Alors, les animaux, d'accord, mais les environnements aussi,
26:43les montagnes, les volcans, par exemple.
26:45On va écouter, par exemple, la captation de l'Ecuna en activité.
26:51Quel souvenir !
26:52C'est vrai ? C'était quand ? Dans quel contexte ?
26:54Alors, c'était en an 2000, à peu près.
26:57Donc, j'étais avec une équipe de volcanologues,
27:00et l'objectif, c'était de réaliser un futur CD sur les sons de volcans.
27:06Et donc, je me suis retrouvé au sommet de l'Etna,
27:09où, c'est incroyable, entre les sons et le sommet qui bouge,
27:15parce que tout tremble.
27:17Donc, vous étiez sur le cratère ?
27:18Oui, au sommet, oui.
27:19Bon, on avait quand même des distances de sécurité par rapport aux bombes volcaniques.
27:24Au souffle et à tout ce qui se passait.
27:28Mais, je peux vous dire, j'étais pas fier.
27:32J'étais pas fier parce que ça tremblait.
27:34Je me disais, mais bon, tout va s'effondrer, je vais partir dans le cratère avec.
27:38Mais non, ça s'est bien passé.
27:41Et puis, bon, ça faisait rire un peu du volcanologue derrière, qui était habitué.
27:46Mais là, vous aviez le sentiment de prendre un risque pour enregistrer le son du volcan ?
27:50Non, parce que j'étais quand même accompagné.
27:52Et j'essaye de jamais, jamais mettre ma vie en danger par rapport à des sons nature.
27:58Ça m'arrivait deux, trois fois, sans que je le fais, enfin, inconsciemment.
28:02Notamment, le coup des éléphants, à chercher le chama à Groupillon Blanc, en Inde,
28:08où je suis rentré sur des chemins, mais hypnotisé par l'oiseau.
28:13C'est-à-dire que je le suivais avec ma parabole, sans prendre conscience que j'étais en train de m'éloigner de la route et tout.
28:19Et puis, il m'a fait tourner en rond.
28:20Et puis, à un moment, je me disais, je suis perdu, qu'est-ce que je fais ?
28:22Donc, j'attends.
28:23J'ai dit, il y a peut-être une voiture qui va passer sur la route et je retrouverai la direction.
28:28Donc, c'est ce qui s'est passé.
28:29Puis, après, en rentrant au lodge, j'explique mon aventure.
28:33Mais je vois le propriétaire pâlir et me dire, mais vous êtes fou.
28:39Vous êtes rentré sur le territoire des éléphants.
28:41Et tous les sentiers que vous avez pris, c'est les sentiers des éléphants.
28:45Vous auriez pu vous faire écraser sans aucun problème.
28:48Oui, mais vous auriez entamé la conversation comme avec l'eau.
28:50Et ça se serait très, très bien passé, Fernand de Roussen.
28:53Peut-être, peut-être.
28:54Pas si sûr.
28:55Pas si sûr.
28:55On va écouter le chant des baleines, parce que vous allez aussi sous l'eau.
28:59Oui, le bazariel.
29:00Vous allez dans tous les milieux, Fernand de Roussen.
29:03On va écouter un petit peu cette baleine.
29:12Alors là, en l'occurrence, comment se passe un tel enregistrement ?
29:15Alors là, nous sommes en Guadeloupe.
29:17Et puis, à la bonne saison, au mois d'avril, début avril,
29:21quand la migration des baleines à bosse a lieu.
29:26Et c'est l'association OMAG qui m'avait invité.
29:30Et donc, en bateau, on est arrivé sur les lieux que eux connaissaient parfaitement pour les champs des baleines.
29:40Et donc, c'était terrible.
29:41Il y avait une houle.
29:42Enfin, vraiment, c'était...
29:43Bon, il y a la moitié de l'équipe qui était malade à bord.
29:49Et alors, quel miracle !
29:51Quel miracle !
29:52C'est-à-dire que vous êtes dans des conditions presque de tempête.
29:55Vous laissez couler l'hydrophone et soudain, tout change.
29:59Soudain, c'est le chant des sirènes.
30:02C'est ce chant merveilleux qui apparaît.
30:05Et là, vous êtes dans un autre monde.
30:08Vous avez plus du tout mal au ventre ou quoi que ce soit.
30:11Là, vous respirez.
30:14Vous vivez le moment intensément.
30:17Et là, j'essaye de ne pas oublier d'appuyer sur le bouton.
30:19Oui, parce qu'il y a toujours cette idée quand même de rapporter ensuite...
30:23Exactement, un témoignage.
30:25C'est quand même votre boulot aussi, de ramener le fruit de ces écoutes.
30:29Fernande Roussen, vous êtes notre invité au Carré aujourd'hui avec ce livre, Symphonie sauvage.
30:35Puisque les sons que nous écoutons, on peut également les retrouver dans cet ouvrage aux éditions Rustica.
30:39Et on se retrouve dans un instant.
31:10C'est parti !
31:40C'est parti !
32:10C'est parti !
32:40Spoon, guess I'm falling in love sur France Inter.
32:47France Inter
32:49La Terre au Carré
32:56Le sommeil des limicoles paraît bien illusoire.
33:03Ils n'ont pas le luxe de la déconnexion complète.
33:06Même s'ils sont relativement rares, ici, quelques rapaces spécialisés viennent parfois se servir dans les rangs.
33:15Le nombre est bien évidemment un atout.
33:20Chacun ne dort que d'un oeil.
33:22Il y en aura toujours un pour donner l'alerte.
33:26Extrait d'un documentaire « Les oiseaux, la vase et moi » de Yannick Chérel en 2015, dont vous avez été Fernande de Roussen, le preneur de son, c'est ça ?
33:35Exactement, oui, oui. Yannick m'a fait confiance sur ce film et j'ai tourné pendant 15 jours dans les côtes d'Armor, dans la baie de Saint-Brieuc.
33:46J'ai collecté effectivement beaucoup de sons, la mer, les limicoles.
33:49Et comment ça se passe quand vous travaillez comme ça pour être documentaire ?
33:52Est-ce que ça change un petit peu de ce que vous faites habituellement en solitaire ou c'est le même boulot exactement ?
33:57Non, c'est le même travail parce qu'en fait, les gens de l'image s'occupent de l'image totalement.
34:02Et vous pouvez vous dire qu'à 90%, tous les films animaliers sont doublés ensuite d'un point de vue sonore.
34:09Et là, on fait appel à nos compétences pour la véracité, pour la vérité des sons employés et éliminer les fonçonnores humains.
34:21Vous faisiez tout à l'heure la distinction entre l'audio naturaliste que vous êtes, donc l'artiste naturaliste et les bio-acousticiens qui sont des scientifiques comme Jérôme Seur, qu'on a reçu de très nombreuses fois à ce micro, mais qui vous citent aussi en permanence.
34:35Donc, votre travail, il est aussi scientifique d'une certaine manière ?
34:39Oui, puisque j'ai déposé en fait, et je dépose encore, l'ensemble des sons à la Sonatech du Muséum d'Histoire Naturelle de Paris.
34:48C'est une grande bibliothèque de sons, c'est ça ?
34:50Voilà, tout à fait.
34:50De tous les sons de la Terre ?
34:52Oui, c'est-à-dire que tous les chercheurs, tous les audio naturalistes qui le souhaitent peuvent déposer à cet endroit leur collecte et puis tous les sons et les ambiances.
35:02Combien il y a de sons dans cet endroit, c'est incroyable !
35:04Oh là, il y a 100 ou 200 000, mais c'est rien à côté du site Xenocanto qui en a près de 10 millions maintenant, près de 10 millions de sons.
35:13Dans lequel vous avez aussi déposé des choses ?
35:14J'ai déposé aussi des sons, il y a assez longtemps quand même, parce que comme je dépose des choses de qualité, c'est toujours les choses qui, enfin les sons qui viennent en premier, et là c'est très très utilisé en fait par tout le monde.
35:26Alors ça, c'est utilisé pour quoi en fait ? Ces banques de données là, elles servent à quoi ? À qui ?
35:30Là, ça sert à la détermination des espèces dont l'IA se nourrit énormément, puisque maintenant on a des sites comme Burnett ou Merlin qui permettent de déterminer directement de son smartphone le champ des oiseaux.
35:46C'est assez incroyable ! Donc ça sert à ça. Et puis il y a le droit scientifique pour la Saint-Dothèque du Muséum, où là les chercheurs qui font des études spécifiques sur un accent, sur une espèce, sur un lieu, vont trouver en fait matière à travail.
36:04Et l'intelligence artificielle, ça a bouleversé aussi votre façon de travailler ou pas ?
36:07Ben c'est tout nouveau. C'est-à-dire que moi qui suis de la vieille école, qui ai commencé avec le magnéto à bande, avec les petites bandes de 12 minutes.
36:15Qui fallait changer donc très souvent.
36:17Sans arrêt, les piles qu'il fallait emmener. Enfin, en Afrique, j'ai le souvenir, j'avais autant de poids de piles que de magnétophones.
36:24Ça a tout chamboulé. C'est-à-dire que tous les enregistrements que j'avais réalisés dans les années 80-90, non déterminés, grâce à l'IA actuellement, en repassant les champs, pouf, il me met des noms.
36:40Et c'est à 90-95% exact.
36:42C'est-à-dire que tout ce que vous avez enregistré, vous ne connaissiez pas forcément toutes les espèces que votre micro captait ?
36:48Tout à fait, oui.
36:48Donc vous aviez des trous dans vos listes. Et ça, l'IA a pu les remplir ?
36:52Exactement. Contrairement à la bioacoustique, qui va travailler sur un sujet très précis, donc connaître exactement le comportement et le nom des espèces.
37:02Nous, on est un peu des généralistes. On arrive sur le terrain, on enregistre tout ce qu'on peut, ce qui se présente, qui est beau, qui va composer de la mélodie, qui va composer nos créations.
37:15On va écouter un autre extrait que vous avez enregistré, Fernand de Roussen. C'était en Mauritanie, dans un oasis.
37:23Exactement, de Todd.
37:24Qu'est-ce qu'on entend là ?
37:26Des gangas, des gangas couronnés, tachetés.
37:28Ça discute, hein ?
37:34Oui, oui. Oui, oui, mais il y a une raison. Parce qu'en fait, ils viennent tous les matins à un point d'eau s'abreuver. Et après le reste de la journée, on ne les voit plus. Et souvent, il y a des prédateurs autour qui attendent pour venir en croquer un ou deux. Donc il y a beaucoup de méfiance et beaucoup de relations en fait à un terrain individu.
37:56Quel type de prédateur, en l'occurrence ?
37:58Ça peut être un chacal, ça peut être une mangouste, ça peut être d'autres animaux comme ça, mais un serpent, pourquoi pas ?
38:05Donc ça, c'est 1999.
38:07Voilà, oui.
38:08C'est un son que l'on peut à nouveau entendre dans vos carnets de voyage.
38:11Voilà. Qui en ce temps-là a été réalisé sur des DAT, Digital Audio T.
38:17On a connu ça, mon bon monsieur, également, ici à Radio France.
38:21Vous rentrez donc d'un mois de voyage au Pérou. Qu'est-ce qui vous a marqué à l'occasion de ce séjour en Amérique latine ?
38:27L'altiplano, c'est-à-dire un plateau qui est entre 3006 et 4000 mètres d'altitude, où là, le sauvage est maître.
38:39C'est partout. L'humain est très peu présent. Il y a beaucoup de lagunes, beaucoup d'oiseaux, beaucoup de sons que je n'avais jamais entendus.
38:51Après, en descendant au lac Titicaca, par exemple, on a découvert, avec mon collègue Olivier Pichard, on a découvert un oiseau.
38:59Oiseau, c'est d'ailleurs, je n'ai pas pu vous l'amener, qui faisait un tick-tick-tick-tick-tick-tick-tick-tick.
39:06Enfin, assez incroyable. Et on aurait cru plus un insecte ou un batracien qu'un oiseau.
39:12Donc c'était le jonchero troglodyte. Voilà, le jonchero troglodyte. Incroyable.
39:19Vous l'avez jamais entendu, ce chan d'oiseau ?
39:20Ah non, jamais. On ne pensait même pas qu'il existait, en fait. On l'a découvert par hasard.
39:27Et s'il y a un deuxième ouvrage, il rentrera dedans, ça c'est presque sûr.
39:31Et là au Pérou par exemple, vous cherchez des espèces particulières ou pas ?
39:35Il y a beaucoup d'endémismes, et puis surtout il y a une diversité de milieux entre 0 mètres d'altitude et 4600 mètres d'altitude.
39:45Donc il y a de la forêt des nuages, vous avez l'Amazonie d'un côté, vous avez le Pacifique de l'autre.
39:49Et là à chaque fois on change toutes les espèces, et tous les sons, et toutes les ambiances.
39:53Alors c'est ça qui est important, ce qui est intéressant, c'est de collecter toute la diversité de ce monde sauvage,
40:01pour témoigner de ce que c'est encore, ce qui est encore présent, en souhaitant que ça continue.
40:09Mais ça devient difficile, on a vraiment beaucoup de mal à trouver des endroits calmes, silencieux de toute présence humaine, ça devient très très très difficile.
40:18Et comment vous ressortez d'une séance d'enregistrement précisément ?
40:22Parce que vous pouvez passer des heures dans la nature, donc avec votre casque sur les oreilles, à écouter ce qui vous entoure.
40:28Il y a quelque chose qui est presque un petit peu hypnotique, non ?
40:32Plus que ça, c'est presque une religion. Je suis en religion quand je suis en contact à la nature, mais tout naturaliste est comme ça.
40:41On ressent des choses, on perçoit, on devient la bête, quelque part.
40:48On devient le paysage, on devient l'espace.
40:51Et on se fond, et on entend des choses, et on comprend des choses.
40:57C'est presque miraculeux.
41:00Oui, je suis en contemplation.
41:02Et d'ailleurs, maintenant, on...
41:05Mais c'est plus qu'en contemplation, parce que vous dites, on a l'impression de faire partie d'eux, donc la contemplation, c'est presque un peu extérieur.
41:11Nous faisons, chacune de nos cellules a été autre chose auparavant, et sera autre chose ensuite.
41:17Ce sera un animal, ce sera une plante, enfin, voilà, on va se disperser.
41:21Ça, j'en suis convaincu, et vivre ça, mais on n'a pas de dépression quand on écoute la nature.
41:28Ça, c'est une évidence.
41:30En quoi vous aimeriez vous réincarner, Fernando Roussen ?
41:33En oiseau.
41:34Si on vous donnait la possibilité.
41:35En oiseau chanteur.
41:36Lequel ?
41:36Oh là là !
41:3712 000 espèces, peut-être en rossignol, mais le progné, pas le rossignol philomène.
41:44Ça, ce serait le comble pour vous du bonheur, alors ?
41:47Si vous avez une garantie sur l'avenir ?
41:49Un joli champ de rossignol-progné, oui.
41:52Donc, il y a une espèce d'immersion comme ça qui vous fait presque perdre vos repères quand vous êtes en enregistrement ?
41:59Oui, oui, oui.
41:59Des fois, on est loin de tout.
42:03On se disperse.
42:06Et depuis 5-6 ans maintenant, j'ai un siège.
42:10C'est-à-dire que j'emmène même un siège sur le terrain, je pose mes micros.
42:15Vous vous en brancheusez, Fernando Roussen.
42:17Oui, mais il faut le porter, il faut le porter quand même.
42:20Et là, vous rentrez complètement là, c'est extraordinaire.
42:24Donc, j'habite une petite vallée du Haut d'Ivoire, dans la Drôme, où j'ai été m'installer maintenant il y a 20 ans.
42:30Mais quel plaisir, quel plaisir de se retrouver face à l'espace, face aux éléments, face aux plantes, et de contempler toute cette vie.
42:41C'est en permanence, sa vie, sa vie, sa vie, c'est extraordinaire.
42:45Et ça, vous vous dites ça encore 40 ans après ?
42:47Ah oui, toujours, chaque jour.
42:48Vous éprouvez la même émotion ?
42:51Toujours, toujours, oui.
42:52On va écouter pour ce qui était la griffe des bois, si vous êtes d'accord.
42:56Extrait toujours de votre collection sonore.
43:00On va l'entendre.
43:03On va s'incruster dans un silence.
43:07Qu'est-ce qui vous évoque ce son ?
43:10C'est un très très beau souvenir, parce que je n'y croyais plus.
43:15Vous voyez, c'est un des sons que j'avais notés en allant au Québec.
43:21Mais je n'y croyais plus, c'était le dernier jour, enfin le dernier soir.
43:26Je pensais que ce son-là, je ne l'entendrai pas cette fois-ci, peut-être une autre fois.
43:31Et puis soudainement, en avançant, d'ailleurs c'est un raton laveur qui va diriger vers l'oiseau.
43:38Merci à lui.
43:39Et puis, d'un seul coup, of miracle, cette ouïe qu'on a développée en tant qu'audiot naturaliste,
43:46très fine et très lointaine, m'a permis de découvrir cet oiseau.
43:50Voilà, la griffe des bois pour se quitter.
43:52Et vous remercier aussi beaucoup, Fernando Roussen.
43:55Merci beaucoup, c'était très agréable de passer cette heure avec vous pour démarrer le week-end.
43:59Je renvoie sur votre ouvrage, Symphonie sauvage, carnet de voyage d'un audio naturaliste.
44:04On peut écouter, il y a deux heures d'écoute avec des QR codes dans ce livre.
44:0759 enregistrements.
44:08Pour s'immerger dans la nature, c'est chez Rustica Édition.
44:12Merci beaucoup à vous d'être venu à notre micro.
44:15Merci beaucoup également à Emma Bouvier qui a réalisé ce dossier,
44:18Julien Dumont à la technique,
44:20Élise Christophe et Mathias Saléon qui étaient à la vidéo,
44:22et à Mazir Amadaïn, guest, qui réalisaient Notre Terre au carré dans un instant à faire sensible.
44:26Merci beaucoup.
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