- il y a 1 jour
Pour Cédric Villani, les mathématiques sont autant un art qu'une science. Pendant 15 ans il a dispensé des centaines de conférences sur l'art mathématique et sur l'incroyable aventure de la discipline, de façon vivante et joyeuse.
Retrouvez "La terre au carré" sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/la-terre-au-carre
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00:00Musique
00:01Aujourd'hui mathématiques dans les coulisses du chaos et de la beauté, raconté par
00:22Cédric Villani, mathématicien, professeur à l'université Claude Bernard Lyon 1, intellectuel jardinier.
00:30France Inter, la Terre au carré, Mathieu Vidal.
00:38On imagine souvent les mathématiciens penchés sur un bureau entouré de livres, de formules
00:42et de tableaux noirs.
00:43On les voit en train de calculer, de raisonner, de démontrer.
00:45Mais la réalité serait tout autre.
00:48Au cœur de leur travail, il existe un moment étrangement humain, profondément mystérieux
00:52qui échappe à toutes les règles.
00:54L'instant où une idée surgit sans prévenir.
00:56Cet instant ne n'est pas sous le regard attentif du raisonnement.
00:59Il apparaît ailleurs, dans la fatigue d'une marche, dans le balancement d'un bus, dans
01:03la distraction d'un trajet, dans l'espace intérieur de la pensée en tous les cas.
01:07Les heures de travail accumulées, les tentatives infructueuses, les pistes effondrées semblent
01:11soudain converger et alors tout bascule.
01:14Ce qui résistait depuis des jours, parfois des mois, se met en ordre en une fraction de
01:18seconde.
01:19L'intuition devient une fulgurance.
01:21Ce qui paraissait opaque se révèle d'une clarté presque brutale.
01:24La fulgurance ne remplace pas la rigueur, elle l'invite, elle donne une direction.
01:28Il appartient ensuite aux mathématiciens de la franchir, d'éclairer chaque marche, de
01:32justifier chaque pas.
01:34L'instant de lumière ne vaut que s'il devient démonstration.
01:37Et c'est précisément dans cette tension entre intuition et discipline que les mathématiques
01:41prennent toute leur humanité.
01:43Ce sont au fond des histoires de tâtonnement et d'erreurs fécondes où l'on apprend que
01:47la beauté peut surgir d'un calcul et que la poésie peut se cacher dans une équation.
01:52Les mathématiques ne sont donc pas un catalogue de résultats, mais une aventure vivante
01:56où les idées ne tombent pas du ciel, mais naissent de la persévérance et de la curiosité.
02:01Et c'est cette histoire que nous allons vous raconter.
02:08Bonjour Cédric Villani.
02:09Bonjour Mathieu Vidard.
02:10Vous publiez aux éditions du Cherche Midi, leçon de mathématiques joyeuse au singulier
02:15d'ailleurs.
02:16J'aime bien le singulier.
02:17Oui, on parle de la mathématique.
02:19Moi j'aime bien, il y a une tradition parfois considérée comme un peu pédante pour le
02:24mettre au singulier qui a toujours existé, mais après tout réfléchissez-y.
02:29Pourquoi mathématiques serait au pluriel alors que toutes les autres disciplines, l'histoire,
02:33la géographie, la philosophie, la musique seraient au singulier ?
02:37Parce qu'elles pourraient se distinguer justement de toutes les autres.
02:40Certes, elle est plus belle que tant et tant d'autres, mais je ne vais pas jusqu'à
02:45prétendre qu'elle a un statut différent des autres sciences.
02:47Est-ce qu'avec ce livre, Cédric Villani, on peut considérer que vous faites votre
02:51retour auprès du grand public avec ce sujet qui vous a fait connaître et avec lequel
02:56on vous avait un petit peu perdu de vue quand même depuis quelques temps ?
02:59C'est pas aussi simple que ça, mais il y a un peu de ça.
03:02Et le fait d'avoir, en 2022, d'être passé à un autre chapitre de ma vie sans délivrer
03:10de toutes les contraintes liées au mandat politique et d'avoir eu le temps de reprendre
03:16des projets qui me tenaient à cœur de longue date fait que vous avez cet ouvrage, fait
03:20que j'ai pu republier des articles de recherche, fait que j'ai pu reprendre un cours qui me tenait
03:27beaucoup à cœur à l'université, que j'enseigne, que j'ai commencé à l'université de Lyon
03:32et que je continue à l'université de Rennes.
03:34Et cet ouvrage en est bien l'illustration.
03:37C'est le moment de reprendre des projets qui me tiennent à cœur et qui étaient dans
03:40les tiroirs pendant quelques années.
03:42Mais ça vous a manqué en fait ? Ça correspond à un moment particulier ?
03:45J'avais de quoi m'occuper et je ne me suis jamais ennuyé ou j'ai éprouvé le manque.
03:49Mais je peux vous dire que ça m'a fait du bien de me remettre dans ces sujets avec
03:54la même capacité d'obsession que ce que j'ai pu éprouver dans le temps.
03:59C'est bien quand vous avez la chance de pouvoir vous obséder pour un sujet qui vous tient
04:04à cœur et quand vous êtes là sur une affaire où vous voulez vous réaliser, cherchez
04:08en vous les solutions et les bons mots, les bons enchaînements, la bonne œuvre qui
04:15vous fera avancer, qui fera avancer les autres.
04:17Et cette obsession, elle se traduit comment concrètement ? C'est vraiment quelque chose
04:20qui vous accompagne en permanence nuit et jour ?
04:23Ça a été l'une des choses les plus importantes dans ma vie de chercheur que d'arriver
04:28à m'obséder pour un sujet.
04:30Ce n'est pas quelque chose qui est voulu, c'est quelque chose qui est venu comme ça.
04:33Parfois on s'obsède pour un livre, parfois on s'obsède pour un résultat de recherche.
04:37Plus tard en politique, ça m'est arrivé d'être obsédé sur tel ou tel sujet, tel ou tel projet
04:42de loi, bien sûr.
04:43Mais l'obsession, elle se traduit très concrètement par le fait que du matin au soir, vous avez
04:48ce petit sujet qui est dans votre tête et qui vous dit là, il faut y penser.
04:51L'enchaînement des idées ne va pas, comment tu vas réécrire le chapitre, quel mot on
04:56va trouver pour ça ? Et une petite voix qui vous dit, tant que l'œuvre n'est pas
05:01arrivée au moment où elle devrait être, je ne vais pas te laisser tranquille.
05:04J'ai connu à plusieurs reprises de façon très aiguë.
05:07Je me souviens du moment où j'étais sur des gros bouquins de recherche comme mon ouvrage
05:12sur le transport optimal, où littéralement, j'en étais à me demander le matin, le soir,
05:20comment je vais faire.
05:22Je me souviens de cette fois où je me suis retrouvé, comme dans un film de Cédric
05:27Clapiche, mais c'était avant que le film de Cédric Clapiche soit là, tellement obsédé
05:31par le fait de réviser et taper mon ouvrage et dans un train en panne de batterie, que
05:35la seule solution que j'avais, c'était de m'enfermer dans les toilettes pour profiter
05:40de la batterie secteur.
05:41Ce qui n'est pas la chose la plus agréable dans un train, surtout français d'ailleurs.
05:43Ce qui n'est pas la chose la plus agréable, mais c'était un tel besoin de pouvoir travailler
05:48encore sur l'ouvrage, exactement comme le héros de ce film de Cédric Clapiche quelques
05:52années plus tard.
05:53Et cette faculté d'obsession, elle m'a accompagné, parfois avec succès, parfois
06:01moins, mais elle a été une partie très importante de ma carrière de chercheur.
06:04Oui, donc vous êtes un obsédé chronique quand même, Cédric Villani.
06:07C'est des chroniques et le terme.
06:08Voilà, que ce soit les mathématiques, la politique ou même le jardin, parce qu'on
06:11pourra en parler, ça se manifeste.
06:14Le jardin, tout se manifeste.
06:15Ces temps-ci, depuis trois ans, je fréquente activement un club de récitation poétique,
06:20le club des poètes tenu par Blaise Ronay dans le septième arrondissement.
06:23Et bien, là aussi, ça occupe maintenant mes transports.
06:27Quand je suis dans le métro ou dans le train, avec un moment à perdre dans une correspondance,
06:31je révise mes poèmes, ceux du moment, ceux que je suis en train d'apprendre, ceux que
06:36je suis en train de perfectionner.
06:38Ça participe à l'obsession.
06:39Et vous savez quoi ? On se sent bien quand on est comme ça.
06:41Est-ce que vous êtes en repos, parfois, ou pas ?
06:44Heureusement.
06:45Mentalement.
06:45Heureusement.
06:46Heureusement.
06:47Est-ce que votre cerveau fait une petite pause ?
06:50Il faut dormir, c'est important.
06:51Et si un des regrets que j'ai, pas beaucoup de regrets par rapport à l'ensemble de ma vie,
06:55mais à un moment, je n'ai pas assez dormi et je le regrette, il faut dormir la nuit.
07:01C'est important pour le fonctionnement des idées, c'est important pour l'assimilation
07:07des souvenirs, donc il faut prendre ça.
07:09Et puis, je ne connais rien de mieux pour le repos que d'avoir son jardin que vous cultivez.
07:13C'est quelque chose aussi en quoi je me suis mis il y a quelques années.
07:17C'est ça, c'est nouveau quand même, ça aussi.
07:18C'était en 2022, c'était un plan né dans la tension du confinement et du Covid.
07:25Finalement, ça serait bien quand même, on voit comme on a besoin de se raccrocher
07:30à un lopin de terre, à voir les choses pousser, à planter, à pousser, à regarder
07:34évoluer, à soigner et à voir, alors, je n'ai pas un bien grand jardin, mais j'ai
07:39mes 1300 mètres carrés, de quoi planter ici et là, de quoi avoir quelques animaux
07:45qui sont installés et qui peuvent se balader dans le jardin et observer les animaux.
07:50Ça fait partie des choses qui vous raccrochent à la vie, qui vous permettent de vous reposer
07:56tout en gardant votre admiration pour la poésie de la vie.
08:00Donc, l'intellectuel jardinier, terme que vous utilisez tout à l'heure dans votre
08:04présentation.
08:04Jardinier au sens des idées et puis au sens de la terre.
08:06Au sens propre, là aussi, pour le coup.
08:08Votre première émotion avec les mathématiques, Cédric Villani, vous vous en souvenez exactement
08:13ou pas ? C'est un point précis dans votre vie ?
08:14Non, ce n'est pas un point précis, mais tout gamin, c'était déjà là, disons.
08:18Ce n'était pas forcément une passion ou une obsession, mais un intérêt.
08:23Je trouvais ça intéressant, je trouvais ça drôle, je trouvais ça amusant.
08:28Et puis, que ce soit même des activités très élémentaires à l'école primaire, classer
08:33des formes, écrire des figures et ainsi de suite.
08:36Et je fais partie de ces gamins qui sont tout de suite dit, bah oui, c'est intéressant,
08:42c'est ludique et continuons.
08:45Et puis, j'ai eu la chance d'avoir des enseignants qui m'ont bien accroché.
08:50Je me souviens encore du nom de tous mes professeurs de mathématiques et de certains
08:57moments particuliers.
08:58Je me souviens de ce cours de quatrième où notre professeur, pour la première fois,
09:03nous a parlé de ce que c'était qu'une démonstration, une preuve mathématique, sans
09:08soupçonner que ma carrière professionnelle, ma carrière mathématique en tout cas, ça
09:12allait être écrire des preuves, transmettre des preuves, perfectionner des preuves et
09:16ainsi de suite.
09:17Et chaque année des preuves plus compliquées que l'année précédente.
09:20Je me souviens de telle ou telle fois où je suis allé timidement dire au prof,
09:27à la prof, est-ce qu'il n'y a pas un problème dans le cours parce que tel argument, j'ai
09:31l'impression que là j'ai un contre-exemple et vous savez la mathématique c'est la seule
09:35discipline où vous avez les moyens de contester ce que dit votre professeur parce que vous
09:40avez avec vous les ingrédients, les outils, les figures, les idées.
09:44La première fois que ça vous est arrivé, ça vous aviez quel âge ?
09:47Je ne sais plus.
09:48Honnêtement, je ne sais plus.
09:49Honnêtement, je ne sais plus.
09:50Je me souviens que la prof a très bien réagi, a dit, ah bon, c'était au lycée ça
09:57je pense.
09:58C'était au lycée.
09:59Je me souviens que la prof a très bien réagi, a dit, ah bon, je vais vérifier.
10:01Elle est revenue le lendemain en disant, oui, vous aviez raison, ici il y a quelque
10:03chose et a dit, et a expliqué à la classe, attention, là j'ai dit un truc mais ce n'est
10:07pas exactement ça, etc.
10:09A corriger.
10:10Plus tard, ça m'est arrivé dans ma carrière professionnelle, le même genre de figure.
10:14Moi, jeune Thésard, rencontrant un professeur bien, avec une carrière déjà bien établie
10:22et lui dire, ah là j'ai l'impression d'avoir trouvé un bug, c'était avec Giuseppe Toscani
10:27de l'université de Pavie et non seulement il a reconnu qu'il y avait une faute mais
10:31il m'a invité dans la suite à l'université de Pavie, on a fait une excellente collaboration
10:34ensemble et c'était le début de tout un pan de mon activité de recherche.
10:37Est-ce que vous avez des élèves par contre qui, comme vous, sont venus vous dire, pardon
10:41mais professeur Villani, vous êtes planté sur cette équation et il faudrait revoir
10:45un petit peu.
10:45Ça m'est arrivé très souvent.
10:46Ah d'accord.
10:47Très souvent, aussi bien dans mes cours d'université, et c'est un peu normal,
10:51cours d'université, on ne s'attend pas à ce qu'il soit aussi bien léché qu'un
10:54cours de lycée et ça m'est arrivé, là, telle hypothèse, telle...
10:58Il y a des petits bugs et encore la semaine dernière à l'université de Rennes, des étudiants
11:03me demandant, là, les quantificateurs, etc.
11:05Et c'est bien même, c'est une façon d'engager davantage les étudiants quand ils ont le
11:12moyen comme ça de vérifier, de corriger.
11:14Du temps que je faisais un cours en ligne, un MOOC, comme on dit, une formation en ligne
11:18ouverte à tous, j'ai pu voir ce que c'est la force du nombre quand vous avez 1000 ou
11:2310 000 personnes qui suivent votre cours et qui font des retours.
11:26Le moindre petit problème, ils vont vous le signaler, ça c'est la force du nombre.
11:30Et vous le vivez toujours bien, ça ?
11:32Et ça, je le vis toujours bien, quand c'est de bonne foi.
11:34Et avec mes étudiants en thèse, ça m'est arrivé à plusieurs reprises.
11:38D'abord, j'ai énormément appris de mes étudiants.
11:39Je n'aurais jamais décroché la médaille file sans la coopération et le soutien
11:43actif de mes élèves ou anciens élèves, en particulier Clément Mouhou, qui avait été
11:46mon premier élève en thèse et qui avait joué un rôle, qui avait été mon partenaire
11:52de cordée, si je puis dire, à l'assaut de l'amortissement lambda.
11:55Oui, ça m'est arrivé avec plusieurs de mes anciens élèves.
11:58J'en ai eu des très très fortiches, comme Alessio Figali qui a reçu la médaille
12:04Fields en 2018, avec une grande carrière maintenant professeur à l'université de
12:08Zurich.
12:09On apprend toujours beaucoup de ses élèves quand on prend l'enseignement d'une façon
12:15ouverte.
12:16Cédric Villani, vous revendiquez donc, c'est le titre de votre livre, une mathématique
12:21joyeuse.
12:22Est-ce que vous pensez que c'est facile justement de transmettre à la fois le plaisir
12:26de comprendre la joie intellectuelle, alors qu'on associe souvent les maths à de la souffrance ?
12:33Souffrance, grisaille, désert.
12:36Voilà.
12:36Ce sont les mots, les qualificatifs peut-être, qui viennent là pour parler de mathématiques.
12:42Il y avait un peu de ça d'ailleurs, il y a dix ans j'avais publié un ouvrage qui
12:46était une sorte de journal de bord sur l'élaboration d'un théorème mathématique.
12:49Et je l'avais appelé « Théorème vivant ».
12:52C'était chez Grasset.
12:52Chez Grasset.
12:54En partie, en référence à un ouvrage de mon enfance qui me fascinait, « Désert
12:58vivant ». C'était un ouvrage de Walt Disney, ouvrage illustré.
13:01On voyait, et vous voyez, vous avez les illustrations, les petits gerboises, les fenecs, les araignées
13:07du désert, les fleurs et tout ça.
13:09Et un désert, ça semble morne et aride.
13:12Et on sait bien qu'il y a des moments quand on sait où regarder, quand, telle oasis, telle
13:16période où ça devient quelque chose de magnifique, de luxe.
13:18Encore, quand j'étais en colloque récemment à Thamanra 7, elle a pu voir une de ces
13:24oasis qui, dans le désert, vous apportent tellement, tellement de bonheur.
13:30Mathématiques, c'est comme ça.
13:31On peut croire que c'est le désert, mais quand on sait où et comment regarder, c'est
13:34plein de vie.
13:36Et ce n'est pas facile de convaincre des gens qui ont eu une expérience traumatique,
13:40mais combien j'en ai vu qui viennent me voir en fin de conférence grand public en me disant
13:45« Je regrette, je suis passé à côté de quelque chose et je n'avais pas réalisé
13:48à quel point la mathématique, c'est passionnant, à quel point c'est incrusté dans l'histoire
13:54humaine, à quel point il y a de l'aventure derrière. »
13:56Et donc c'est ça que j'essaie de faire passer dans ces leçons de mathématiques joyeuses,
13:59le fait que la mathématique, ce n'est pas un truc désincarné, inventé pour se faire
14:04du mal.
14:04C'est quelque chose qui a accompagné l'humanité dans toutes ses réalisations
14:07et ses évolutions, tant du côté philosophique que du côté technologique, que du côté
14:11des grands mouvements sociaux et politiques.
14:14Et la mathématique, c'est quelque chose qui est plein d'aventures, avec des coups
14:17de théâtre.
14:18À n'importe quel âge, on peut s'y remettre, même si on a loupé la première marche.
14:21À n'importe quel âge, on peut s'y remettre.
14:23Il ne s'agit pas de devenir mathématicien ou mathématicienne professionnelle à tout âge,
14:27mais de l'apprécier de la même façon que vous pouvez, à n'importe quel âge, vous mettre
14:30à cultiver votre jardin, pas pour devenir agriculteur professionnel, mais pour profiter
14:34du plaisir de cultiver son jardin.
14:36À la même façon, à n'importe quel âge, on peut se remettre au plaisir de manipuler
14:39des concepts mathématiques, de faire des petits exercices, de comprendre de quoi il
14:43s'agit.
14:43Ça participe de la culture et à se sentir bien.
14:46Et la mathématique, ce n'est pas seulement une discipline scientifique, c'est aussi
14:49une école de pensée, un apprentissage pour la rigueur, pour l'imagination, pour la
14:54ténacité, machine à enbrancher les concepts qui font du bien dans toutes les activités
14:58intellectuelles.
14:59Le son de mathématiques joyeuse, c'est aux éditions du Cherche Midi.
15:03Vous êtes notre invité cet après-midi, Cédric Villani, pour nous en parler.
15:06Cédric Villani
15:36Bébé, oui, cette énergie, mon mec ou mon ennemi, d'après tes actes, mon ennemi.
15:44Je me rappelle quand tu bombais avec moi, je le constate, je dormais avec le jab.
15:49Tu te rends compte que maintenant j'ai trop de rares, je n'ai pas la laine dans ma bouche.
15:54Cédric Villani
17:41Et bien ces sentiments sont constamment présents dans la création mathématique, évidemment sous une forme, faut-il dire, plus subtile, plus cachée, peut-être pas, car les éléments que le mathématicien agence, la peinture qu'il étale, qu'est-ce que c'est ?
17:57Ce ne sont que des pensées, ce sont des mouvements de pensée. Mais les mouvements de pensée mis dans n'importe quel ordre, ça n'est pas satisfaisant.
18:04Et c'est la voix du mathématicien Georges Théodule Guilbault en 1965, avec lequel d'ailleurs Cédric Guilani vous partagez d'avoir fait l'école normale supérieure, lui en 1932 et vous en 1992.
18:17Comme il a bien parlé.
18:18Est-ce que vous êtes d'accord avec le mouvement de la pensée ?
18:21Complètement d'accord. Ce regard esthétique sur la mathématique, c'est dans une grande tradition. Déjà Aristote disait que la mathématique était la forme la plus belle d'expression de la pensée humaine.
18:34Et il trouvait les trois qualités fondamentales qui, selon lui, déterminaient la beauté, savoir l'ordre, la précision et la commensurabilité.
18:43Et donc, quand Guilbault parle de l'ordre dans lequel les pensées doivent être agencées, certains qui sont beaux, d'autres pas, on retrouve ce souci qu'avait Aristote.
18:51Aussi bien l'ordre, la façon d'ordonner le monde, d'ordonner les pensées, que la commensurabilité, la façon dont les idées ou les nombres vont se répondre les uns aux autres.
18:59On est très sensible à ça en mathématiques. Il y a une démarche poétique dans la mathématique. Il s'agit de recréer un monde, un monde qui s'inspire de la réalité, un monde dans lequel les choses vont se répondre harmonieusement avec des éléments de surprise aussi qui participeront à la beauté esthétique.
19:18Vous publiez donc Leçon de mathématiques joyeuse. Vous racontez que la géométrie du triangle vous fascinait au lycée. De quoi il s'agit exactement ?
19:27Le lycée 1, c'était la géométrie du triangle, mon grand amour. La géométrie dont on a l'habitude. Vous avez des triangles, des cercles, des droites qui se rencontrent.
19:39Le théorème de Pascal avec lequel vous construisez à partir d'une conique, trois points qui vont se retrouver comme miraculeusement alignés.
19:47La droite, le théorème de Ménélaüs et ainsi de suite.
19:51C'est un sujet sur lequel il n'y a plus de recherche. C'est un sujet qui, en termes universitaires, est un sujet complet, mort.
19:58Mais c'est un sujet passionnant pour l'apprentissage du raisonnement.
20:02Et vous y apprenez l'une des leçons fondamentales, qui est une leçon valable en mathématiques mais pour toutes les sciences.
20:08On part d'un émerveillement par rapport à quelque chose qui semble une coïncidence.
20:12Tiens, trois points qui sont toujours alignés.
20:13Et on arrive, on remplace cet émerveillement par l'admiration devant un beau raisonnement.
20:21Il n'y a pas de miracle en science.
20:23Vous partez de quelque chose qui semble incroyable, une régularité.
20:26Ça, ça peut être vrai en physique ou en biologie, quelque chose d'incroyable.
20:29Et vous le remplacez par une belle explication.
20:31Il n'y a pas de miracle.
20:32Il n'y a pas de miracle.
20:33Chaque fois que quelque chose vous semble miraculeux, c'est qu'il y a un beau raisonnement derrière.
20:36Et à vous de trouver le bon raisonnement ou le bel enchaînement d'idées.
20:40Donc, c'était la géométrie du triangle, mon grand amour de collège, de lycée.
20:45J'avais ces petits carnets dans lesquels je notais des théorèmes.
20:48La formule de Al-Kashir, du grand mathématicien arabe, Al-Kashir était ma préférée.
20:55C'est la généralisation du théorème de Pythagore quand l'angle n'est pas droit.
20:58Plus tard, ça a été mon grand amour pour l'algèbre.
21:00Puis, ça a été l'analyse.
21:01Puis, la physique mathématique.
21:04Et aujourd'hui, j'ai fait ma carrière de recherche en physique mathématique et physique statistique.
21:09Et puis, un domaine à l'interface entre probabilité et analyse et un peu de géométrie.
21:14Est-ce que vous êtes spécialisé, justement ?
21:15On doit se spécialiser en mathématiques ou au contraire, le champ est très ouvert ?
21:18Et on peut aller explorer tout un tas de choses très différentes où c'est mieux, justement, de préciser les choses ?
21:23Si vous voulez aller profond en sciences aujourd'hui, il faut spécialiser.
21:26C'est vrai en mathématiques comme dans toutes les autres sciences.
21:30On dit qu'Henri Poincaré...
21:30Est-ce que ce n'est pas dommage, ça, justement ?
21:32Est-ce que ça ne vous coupe pas de tout un tas de choses qui ont fait aussi la culture du gentilhomme, quoi ?
21:37Dommage ou pas, c'est la vie.
21:39Rien ne vous empêche d'avoir votre domaine de spécialité et de vous intéresser à tout le reste.
21:46Et je ne sais pas...
21:47Aujourd'hui, tout à l'heure, je ferai un séminaire en visioconférence avec Nathée de Rodgers,
21:53dont le nom sera Fisher Information Estimates and Boltzmann Collisions, un truc hyper spécialisé.
21:59Et puis, je présiderai une séance dans la foulée de la Fondation de l'écologie politique
22:04où on parlera de sujets bien plus généraux, bien plus en lien avec des choses de société et autres.
22:10Rien ne vous empêche, dans votre parcours, d'être très spécialisé sur certains domaines
22:15et en même temps curieux de tout.
22:16C'est même recommandé.
22:17Oui, parce que les grandes figures qui étaient à la fois mathématiciens, philosophes, théologues, astronomes,
22:23il y en a eu beaucoup dans l'histoire.
22:25Il y en a eu, je ne sais pas, il y a quelques années, on fêtait les 400 ans de Blaise Pascal,
22:30l'esprit universel.
22:32On peut penser au XVIIe siècle, vous aviez des Newton, des Leibniz,
22:37qui avaient une culture universelle.
22:41C'est juste impossible aujourd'hui d'être à la pointe du progrès scientifique dans toutes les disciplines,
22:46même en mathématiques, ce n'est pas humainement possible d'être à la pointe sur plus que quelques pourcents.
22:51Quand je dis humainement possible, c'est juste le volume.
22:53Imaginez, chaque année, rien qu'en mathématiques, il se publie quelque chose comme 100 000 ou 200 000 nouveaux théorèmes.
22:59Chaque année !
23:00Et dans les autres disciplines, c'est encore plus gros.
23:03C'est-à-dire que les Newton de l'époque avaient moins finalement de matière sur lesquelles réfléchir ?
23:09Beaucoup moins, beaucoup, beaucoup moins.
23:11Alors, ce qui est possible aujourd'hui, c'est à la fois d'être à la pointe ou dans le mouvement du front de la connaissance sur certains sujets particuliers
23:23et, dans le même temps, de s'intéresser à une large panoplie de sujets, de questionner les collègues.
23:32Il y a tout un ensemble d'institutions qui savent très bien faire des séminaires interdisciplinaires, des actions de rencontres entre disciplines.
23:41Moi-même, je co-organise chaque année, en Crète, au mois de juillet, un festival qui s'appelle Festumpi,
23:47dans lequel il y a de la mathématiques et de la musique,
23:50et où pendant deux semaines se retrouvent et discutent aussi entre eux des mathématiciens, des musiciens,
23:56aussi bien en format de recherche qu'en format d'école d'été qu'en format de conférences grand public.
24:01Tout ça est recommandé.
24:02Mais c'est juste devenu humainement impossible d'être à la pointe de la recherche universitairement dans plusieurs domaines.
24:10Cédric Villani, vous revenez dans votre livre sur la remise de votre médaille Fields en 2010.
24:15On va écouter à ce sujet-là une archive de TF1.
24:17C'était le 19 août 2010, en l'occurrence.
24:20Ngo Bao Chao et Cédric Villani, deux Français, récompensés aujourd'hui en Inde de la médaille Fields,
24:27une sorte de prix Nobel pour les maths.
24:29Alexia Maier a eu en ligne Cédric Villani, l'un des deux lauréats.
24:34C'est un peu comme un rêve. J'ai été extrêmement ému ce matin.
24:37J'ai très peu dormi.
24:38Évidemment, le sentiment, c'est un mélange, une grande fierté pour la récompense des efforts
24:44qui ont été accomplis pendant des longues années.
24:46La curiosité, c'est une des principales qualités du mathématicien.
24:50La curiosité, l'inventivité.
24:52Voilà, c'était il y a 15 ans.
24:53Et ça a été un vrai changement de statut pour vous, cette médaille, Cédric Villani ?
24:57Changement considérable.
24:58Pas tellement au sein de la communauté mathématique.
25:01Vous savez, quand c'est ultra regardé,
25:07quand vous êtes dans le pool des fils d'Isab,
25:09puisqu'il y a une limite d'âge à 40 ans,
25:11il n'y a pas tant de candidats potentiels.
25:14Donc, vous avez déjà une grande notoriété avant de recevoir la médaille Fields.
25:17Mais en revanche, par rapport à tout le reste de la société,
25:19ça a été un changement majeur.
25:21On était deux, le reportage, je le rappelle bien.
25:23Mon collègue Ngo Bao Chao, franco-vietnamien, a reçu la médaille Fields en même temps.
25:28Le fait qu'on était deux sur quatre Français à l'époque.
25:31Le fait aussi, vous savez, les congrès internationaux des mathématiciens,
25:34ça revient tous les quatre ans et s'est aligné sur le contrat de la Coupe du Monde.
25:37Et il se trouve qu'en 2010, l'équipe de France avait fait de piètres résultats.
25:44Et alors, les Français blessés dans leur orgueil par les mauvais résultats des footballeurs
25:50se sont dit « Au moins, en mathématiques, il y a ça ! »
25:53Et donc, ça a été un embrasement.
25:55Alors, la France est un pays qui a une relation passionnelle avec la mathématique,
26:01avec parfois de la souffrance, comme on l'évoquait tout à l'heure.
26:04Beaucoup trop de pression, bien sûr, et trop d'angoisse, mais aussi de très grands résultats,
26:08de grands succès en recherche.
26:10Les médailles Fields, il y en a 14 Français l'ont reçue sur 64 lauréats.
26:15C'est pas mal, là !
26:16C'est considérable.
26:17C'est numéro un mondial avec les États-Unis ex-éco.
26:20La France, depuis le XVIIe siècle, est l'un des pays les plus au fait de la recherche mathématique.
26:26C'est même la mathématique et la discipline universitaire
26:29dans laquelle la France a le plus d'impact à travers le monde.
26:31Et ça, il faut en être fier et se dire, voilà, il y a une tradition mathématique
26:36et aussi parce que la mathématique, ça va bien peut-être avec l'esprit français,
26:41un peu d'abstraction, d'universalisme, parce qu'il y a une culture, une école,
26:45des écoles avec aussi un brassage des idées.
26:49Mais il faut aussi savoir relâcher la pression sur une discipline
26:53qui est associée à tellement d'angoisse pour nos jeunes.
26:57Ça veut dire quoi, relâcher la pression ?
26:59De quelle pression vous parlez en fait ?
27:00C'est la pression qui est mise par la société, par le système.
27:07C'est dur à dire, mais nos gamins, on le sait, on a les études,
27:12sont parmi les plus anxieux de toute l'OCDE
27:15quand il s'agit d'être dans un cours de mathématiques.
27:18Et en plus, on a un différentiel d'angoisse entre les filles et les garçons
27:22qui est l'un des plus forts.
27:22Donc la France, c'est ce pays où les clichés ont la vie dure
27:26et où les gamins sentent, parfois, on leur a dit explicitement,
27:29parfois confusément, que ce qui va se passer en maths,
27:32ça peut être inquiétant, ça peut être déterminant.
27:34Les filles arrivent avec de l'appréhension et c'est un handicap.
27:37Alors le cliché, les maths c'est pour les garçons et pas pour les filles,
27:41c'est un cliché à la noix qui est cause de souffrance considérable
27:45et qui est démenti par tout ce qu'on a pu trouver et établir
27:48comme étude dans de bonnes conditions.
27:51Mais ce qui est fou, Cédric Villani, c'est que vous disiez exactement la même chose il y a 15 ans.
27:54Moi, je me souviens parfaitement de ça.
27:55C'est d'ailleurs aussi une des raisons de votre engagement médiatique.
27:58Vous disiez, moi, j'ai aussi envie d'être très présent dans les médias
28:00parce que j'ai envie que les choses changent.
28:02Or, force est de constater que 15 ans plus tard, on en est toujours au même point.
28:06La pression, elle est toujours la même.
28:07La pression, ça fait partie de ces choses qui sont dans l'air,
28:11nourries avec des biais, des choses profondément ancrées dans les sociétés.
28:16C'est juste considérable de se battre contre cela.
28:19Et nous sommes dans une époque où la pression a tendance à augmenter,
28:24ne serait-ce que par le jeu, par les facilités offertes par la communication à distance,
28:29par l'augmentation, l'explosion médiatique.
28:32L'explosion des images fait aussi que les préjugés et les biais cognitifs
28:37qui se propagent beaucoup par l'image ont tendance à augmenter.
28:40Nous sommes plutôt dans une époque d'augmentation des préjugés
28:43que dans une époque de diminution.
28:44Ce qui fait qu'aujourd'hui, comme il y a 15 ans, il faut toujours continuer
28:48à répéter toujours la même chose.
28:50Mathématiques, ne soyez pas anxieux.
28:53Prenez le temps de vous immerger dans un de ces traités,
28:57ouvrages qui vous parlent de grands projets mathématiques culturels.
29:00Vous n'en avez pas marre, franchement, de répéter les mêmes discours depuis 15 ans
29:03et que rien ne change fondamentalement,
29:05alors que vous êtes quand même une des images aujourd'hui des maths, quand même ?
29:08Si j'en avais marre, je n'aurais pas publié le livre et je ne continuerais pas à faire tant et tant de conférences.
29:14Ce qui vous fait tenir, ce qui vous soutient, ce qui vous continue à vous faire briller quand vous faites ça,
29:20à vous faire briller aux yeux, c'est quand vous voyez justement dans les yeux de certaines personnes
29:25qui écoutent la petite lumière et les gens qui viennent vous voir vous dire
29:27« Ah ben enfin, je vais pouvoir régler un de mes vieux comptes avec la discipline » et ainsi de suite.
29:31Et c'est justement l'objet de ce livre, puisque vous regroupez un certain nombre de conférences
29:35que vous avez menées ces dernières années, ça s'appelle « Leçons de mathématiques joyeuses ».
29:38On reste ensemble, Cédric Villani.
30:10Cédric Villani
30:40Cédric Villani
31:10Cédric Villani
31:40Cédric Villani
32:10Cédric Villani
32:12Cédric Villani
32:14Cédric Villani
32:16Cédric Villani
32:18Cédric Villani
32:20Cédric Villani
32:22Cédric Villani
32:24Cédric Villani
32:26Cédric Villani
32:28Cédric Villani
32:30Cédric Villani
32:32Cédric Villani
32:34Cédric Villani
32:36Cédric Villani
32:38Cédric Villani
32:40Cédric Villani
32:44Cédric Villani
32:46Cédric Villani
32:48Cédric Villani
32:50Cédric Villani
32:52Cédric Villani
32:56Cédric Villani
32:58Cédric Villani
33:00Cédric Villani
33:02Cédric Villani
33:04Cédric Villani
33:06Cédric Villani
33:08Cédric Villani
33:10Cédric Villani
33:12symétrisées permet de tracer les jonctions.
33:14Et enfin, une équation à base de cercle
33:16permet de tracer les pattes. Notez
33:18que les grosses racines carrées permettent de renier
33:20les courbes. L'extrait de la chaîne YouTube
33:22Kobe P, l'équation de Batman.
33:24Cédric Villani, vous qui dans cette
33:26leçon de mathématiques joyeuse,
33:28dans ces leçons, parlez
33:30justement beaucoup de chauve-souris. Cette
33:32équation de Batman, c'est du lard ou du cochon ?
33:35C'est du... c'est de la
33:36chauve-souris, mais là, c'est du Batman.
33:38Alors c'est drôle, je me souvenais
33:40en écoutant à l'instant l'équation, je me suis
33:42souvenu, quand j'étais en terminale,
33:44c'était l'époque où on voyait les
33:46premières calculatrices
33:48avec des cristaux liquides et à grand écran.
33:50Vous pouviez afficher les équations. Et je me
33:52souviens d'avoir bidouillé
33:54pour essayer de trouver une équation qui
33:56justement affichait le Batman. C'était aussi une époque
33:58où il y avait la folie des grands films hollywoodiens de Batman.
34:01Donc elle existe vraiment
34:02cette équation ? Ah oui, n'importe quelle
34:04forme, vous pouvez toujours trouver une équation, un graphe
34:06qui s'en approche
34:07quitte à faire des tâtonnements. Vous trouvez
34:10vous savez, n'importe
34:12quel domaine de la vie,
34:14des idées, du monde réel, il y a toujours
34:16des équations derrière. Mon ami
34:18hongrois Gabor Domokos passe
34:20son temps à chercher des formes
34:22géométriques singulières
34:24dans des choses aussi
34:26différentes que la forme des plaques
34:28tectoniques
34:30sur le globe, ou
34:32les rochers,
34:35les galets, et vous
34:36trouvez toujours quelque chose d'intéressant.
34:38parfois avec un accord qui est
34:40faible, parfois avec un bel accord.
34:42Pourquoi cette passion chauve-souris ?
34:44Chauve-souris,
34:45bon, sont des animaux fascinants,
34:46juste fascinants
34:47en tant qu'être biologique. Vous savez,
34:50même si je me suis retrouvé
34:52mathématicien et passionné par la carrière
34:54mathématique, mon grand sujet de cœur, celui qui
34:56m'a toujours fait le plus vibrer, c'est
34:58la biologie évolutive et
35:00le pouvoir regarder
35:02et contempler le monde vivant,
35:04toute sa diversité. Charles Darwin était l'un des héros de mon
35:06enfance. Charles. Charles.
35:08C'est chier. Charles.
35:10Charles, comment vous l'appelez-vous ?
35:12Charles. Charles, ouais.
35:13Non, non, mais c'est très très bien.
35:15J'avais en tout cas cet ouvrage
35:16de Life,
35:19La vie sur terre,
35:21je l'ai toujours, je me souviens, ça me fascinait
35:23quand j'étais gamin, j'ai des aventures
35:25de Charles sur le
35:27Beagle, et son grande aventure,
35:29les Galapagos, les Pinson
35:31et ainsi de suite. Les vers de terre.
35:32Les vers de terre, son dernier essai
35:34était sur les vers de terre, son dernier livre.
35:38Un personnage fascinant.
35:39J'aime bien rappeler que Darwin
35:42a attendu des années,
35:44des années, je ne sais plus c'est dix ou vingt ans
35:46avant de publier ses conclusions
35:48avec l'origine des espèces,
35:50en écho à Copernic, qui lui aussi
35:52avait attendu des années et des années avant de publier
35:54ses conclusions sur
35:55le système solaire. Donc les deux plus grandes
35:58révolutions scientifiques
35:59dans notre histoire, à chaque fois
36:01ça a été des lents processus de maturation
36:03des années. Pour en revenir à
36:05la chauve-souris, je fais régulièrement
36:07cette conférence mathématique de la chauve-souris.
36:09J'avais faite au début en 2011, qui était
36:11l'année internationale de la chauve-souris. Je m'étais dit
36:13si c'est l'année de la chauve-souris, je vais faire
36:15une conférence de mathématiques sur la chauve-souris.
36:17En préparant la conférence, je m'étais rendu compte
36:19qu'il y avait encore plus de maths que je croyais dans la chauve-souris.
36:21Alors pourquoi ?
36:22Dans le vol de la chauve-souris et la façon
36:24de l'appréhender. D'ailleurs, il y a une équipe
36:26interdisciplinaire qui s'occupe de
36:28programmer, comprendre comment programmer un robot
36:29pour qu'il puisse voler aussi bien que la chauve-souris, ce qui est très difficile.
36:32Mais aussi la façon
36:34qu'a la chauve-souris d'analyser le signal.
36:35Du grand art, avec
36:37ce système d'écolocation, de sonar,
36:41façon d'intégrer
36:42les informations qui viennent de plusieurs endroits,
36:44en jouant sur l'effet Doppler, en jouant
36:46sur le retard du son. La chauve-souris
36:48fait presque aussi bien
36:50que l'optimum théorique,
36:52aussi bien que les calculs de nos plus savants ingénieurs.
36:55Elle fait ça dans le cerveau de quelques grammes,
36:56façonnée par les merveilles de l'évolution des espèces.
36:59Chapeau.
36:59Chapeau pour la chauve-souris. Alors vous parlez beaucoup de
37:01nature dans ce livre.
37:04On y évoque par exemple aussi le pollen,
37:06Robert Brown, avec son grain de pollen.
37:08Alors ça, c'est aussi intéressant.
37:10Le botaniste Robert Brown.
37:11C'est ça, la nature et les maths.
37:12Qui a donné son nom au mouvement brownien et qui a compris
37:15que ce petit mouvement dans les pollens
37:16était dû à des lois physiques
37:19qu'il a observé au microscope, cette agitation.
37:21Mais ça, c'est fondamental pour comprendre la nature,
37:23par exemple ?
37:24Fondamental, c'est pas une idée nouvelle.
37:26On monte à Galilée, à Newton, à d'autres.
37:28Le livre du monde
37:31est écrit en langage mathématique.
37:32C'est pas la seule façon
37:34qu'on a d'appréhender le monde.
37:38Comme disait
37:38le poète turc
37:41Hikmet, comprenant le monde
37:42comme un livre, le sentant comme un champ d'amour,
37:45s'étonnant comme un enfant.
37:46Il y a toujours ces trois dimensions.
37:48Comprendre intellectuellement,
37:50ressentant les choses
37:51et le perspétuel interrogation,
37:54la curiosité.
37:55Mais si vous voulez vous interroger,
37:56par exemple,
37:57mieux comprendre le monde, le vivant,
37:59si vous intéressez à la sauvegarde de la planète,
38:02si vous intéressez aux questions
38:03de développement durable,
38:03vous avez besoin de mathématiques à plein de niveaux.
38:05Ah bon ?
38:06Vous en avez besoin pour les études scientifiques.
38:08Le GIEC fait grosse consommation
38:10de toutes les sciences,
38:11y compris des questions statistiques,
38:13des modélisations.
38:14Vous avez même des gens qui construisent des...
38:16Comme les gens de Data for Good, par exemple,
38:19sont impliqués là-dedans,
38:20des grands modèles de langage
38:22à destination du GIEC
38:24pour mieux se repérer,
38:26pour mieux visualiser,
38:27pour mieux se repérer dans la littérature,
38:29pour mieux convaincre le décideur.
38:31Vous avez aussi besoin
38:32de la culture mathématique
38:33pour apprécier les ordres de grandeur.
38:35Aucun plan de développement durable
38:37ne peut se faire sans des bons ordres de grandeur.
38:39Et puis, ça participe
38:40à votre émerveillement devant le monde.
38:41Une fois que vous avez vu la quantité de merveille
38:44qu'il y a dans la chauve-souris,
38:45vous la regardez plus du même oeil.
38:46Vous dites, là, il y a quelque chose de précieux
38:48qui est important de préserver.
38:50Donc, on est un meilleur écolo
38:50quand on maîtrise les maths,
38:52Cédric Villani ?
38:53Il y a plein de façons d'être écolo,
38:55mais maîtriser les maths
38:56ne peut pas faire de mal.
38:57Vous savez qu'il y a une figure tutélaire
38:58emblématique
38:59et de part et d'autre
39:00que vous connaissez bien, je pense.
39:01Alexandre Grotendi,
39:02qui est à la fois
39:03mathématicien de légende
39:05et un écologiste des fonds...
39:07Sauf que lui, il a séparé les deux.
39:08C'est-à-dire qu'il y a un moment
39:09où il a dit...
39:10Il a séparé les deux.
39:11Il a dit, j'abandonne l'un pour l'autre.
39:13Mais dans sa façon exigeante
39:15de remettre en question le système
39:17et de s'engager à fond là-dedans,
39:19il y avait des réflexes
39:20et des habitudes
39:21de sa carrière mathématique.
39:22Allez, on passe aux questions
39:23des auditeurs et auditrices.
39:24Cédric Villani.
39:25Ah tiens, une question d'ailleurs
39:30qui va vous intéresser
39:31autour de l'intelligence artificielle
39:33puisque vous avez fait
39:34tout un travail sur la question.
39:35Cédric Villani, c'est Marc
39:35qui vous demande
39:36si l'IA va remplacer
39:37le travail des mathématiciens.
39:40L'IA va faire une partie
39:42du travail des mathématiciens
39:43bien sûr, de la même façon
39:45que vous avez aujourd'hui
39:46des calculatrices
39:47qui font toutes les opérations
39:48de calcul qu'on n'a plus besoin de faire.
39:50Il y a eu une époque
39:50où vous avez besoin de savoir faire
39:52des gros calculs
39:53pour être mathématicien.
39:54ce temps n'est plus.
39:55Maintenant, la mathématique
39:57c'est pas seulement
39:58démontrer des choses
40:00c'est pas seulement
40:00avoir des vérités
40:02c'est aussi comprendre
40:03c'est aussi transmettre
40:05quelle est l'idée de la preuve
40:06qu'est-ce qui est important là-dedans
40:09et ça c'est un travail
40:09qui est par définition humain.
40:11C'est un art qui se cultive.
40:13Pour ce qui est de l'IA
40:13j'ai depuis longtemps déterminé
40:16que je continuerai à faire
40:18de la mathématique
40:18avec les moyens du bord
40:20papier, crayon, table noire, cerveau
40:23matière grise
40:24on semble privé cependant
40:26d'utiliser les moteurs de recherche
40:27pour interroger
40:28la littérature
40:29et les connaissances.
40:31Michel dit
40:31j'aime les mathématiques
40:32le problème c'est que nous n'avons pas tous
40:33la même vitesse d'assimilation
40:35à l'école tout est chronométré
40:36tu suis c'est bien
40:37tu ne suis pas
40:37tant pis pour toi.
40:38Il est vrai que le rythme
40:41peut être quelque chose
40:42de difficile
40:43et de paralysant
40:45pour autant
40:47on a aussi des exemples
40:48de scientifiques
40:49et de mathémédecins
40:49qui ont fait une grande carrière
40:50alors qu'ils avaient besoin
40:51de temps pour assimiler
40:52de mûrir très longuement
40:54les exemples que je vous ai donné
40:55tout à l'heure
40:55avec Darwin ou Copernic
40:56doivent nous garder en tête
40:58parfois des choses
40:59que ce soit personnellement
41:00ou pour toute la société
41:01qui mûrissent longuement
41:02en sont d'autant mieux
41:04et si vous avez besoin
41:07de plus de temps
41:08prenez le temps.
41:11Florence dit
41:11les physiciens
41:12exaspèrent souvent
41:13les mathématiciens
41:13par leur manque
41:14de rigueur mathématique
41:15notamment sur les bornes
41:16des intégrales
41:17savez-vous si des erreurs
41:18importantes médiatiques
41:20dans votre milieu
41:20ont été faites
41:21à cause de ça ?
41:23Il est arrivé
41:24oui qu'il y ait des erreurs
41:25importantes
41:27je n'irai pas jusque là
41:28mais des erreurs
41:30des vraies erreurs
41:31qui ont été faites
41:31de ci de là
41:33par le manque de rigueur
41:34les mathématiciens
41:36ça leur arrive
41:37de chambrer les physiciens
41:38pour leur manque de rigueur
41:39les physiciens
41:40au contraire
41:41de chambrer les mathématiciens
41:43en disant
41:43que c'est l'art
41:43de couper les cheveux en quatre
41:45à la fin des fins
41:46on a besoin de tout le monde
41:47et ça dépend des occasions
41:49Einstein est l'exemple
41:50le plus célèbre
41:51de quelqu'un
41:52qui à un moment
41:52passionné par la mathématique
41:54passionné par la géométrie du triangle
41:55très fier d'avoir retrouvé
41:57tout seul
41:57une nouvelle démonstration
41:58du théorème de Pythagore
41:59quand il était gamin
42:00il aimait bien corriger
42:01ses profs lui d'ailleurs aussi
42:01il aimait bien corriger ses profs
42:03et il avait une admiration
42:04pour la mathématique
42:05mais après il s'en est un peu détourné
42:06puis il est revenu
42:07et il a bien parlé
42:09de la relativité générale
42:10comme étant un sujet
42:11où il avait besoin
42:12des développements mathématiques
42:14les plus théoriques
42:15et les plus en pointe
42:16à son époque
42:16en physique mathématique
42:18on a le plaisir
42:19parfois
42:19ça m'est arrivé
42:20c'est vraiment une pépite
42:21que vous savouerez
42:22de découvrir
42:23quelque chose
42:25soit une loi
42:25en tout cas une règle physique
42:27qui avait échappé aux physiciens
42:28je ne dirais pas
42:29une question de manque de rigueur
42:30mais en mathématiques
42:31le fait de devoir gérer la rigueur
42:33vous oblige
42:33à trouver des chemins
42:35de traverse
42:36là
42:36la contrainte
42:37vient avec la créativité
42:39vous me disiez tout à l'heure
42:40hors antenne
42:41que vous aviez du mal
42:42à cultiver des champignons
42:43dans votre jardin
42:44Cédric Vidalni
42:44très dur pour le coup
42:45alors profitez d'ailleurs
42:46de l'antenne
42:47il y a peut-être des spécialistes
42:47qui pourraient vous aider
42:48mais est-ce que les maths
42:49pourraient vous guider
42:50sur la voie d'une bonne culture
42:51de champignons ?
42:52là j'en doute
42:52j'ai trouvé de bonnes sources
42:54et de bonnes entreprises
42:56là-dessus
42:57pour les semences
42:58de champignons
42:58mes essais pour
42:59ensemencer des souches
43:02dans la partie
43:03la plus humide de mon jardin
43:04n'ont pas abouti
43:05mais qu'est-ce qu'on va dire ?
43:06on ne parle pas d'espoir
43:07rigueur et persévérance
43:08ténacité
43:09c'est ce que la recherche
43:11m'a appris
43:11et que je mettrai en oeuvre
43:12là aussi
43:12merci beaucoup à vous
43:13leçon de mathématiques joyeuse
43:16c'est aux éditions
43:17du cherche midi
43:17puis je voudrais renvoyer
43:18également sur le livre
43:19d'un autre mathématicien
43:20Roger Mansuy
43:21excellent livre
43:21le grand almanac mathématique
43:24l'indicible foisonnement mathématique
43:26raconté en 367 jours par an
43:28c'est aux éditions
43:29Albin Michel
43:30merci beaucoup à vous
43:31d'être venu
43:32micro de la terre au carré
43:33à bientôt
43:33merci Mathieu Vida
43:35merci beaucoup
43:36à Élise Christophe
43:37qui était à la technique aujourd'hui
43:38Jérôme Boulet
43:39à la réalisation
43:40Jean-Philippe Véret
43:42qui nous accompagnait également
43:43et Lucie Safati
43:44pour la coordination
43:45de l'émission
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