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Ordonnance n°58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature
Article 54

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Transcription
00:00L'audience est ouverte.
00:03Nous commençons cette audience avec la question prioritaire de constitutionnalité
00:08numéro 2025 1176 QPC portant sur la conformité aux droits et libertés
00:14que la Constitution garantit de certaines dispositions de l'article 54 de l'ordonnance numéro 58-1270
00:24du 22 décembre 1958 portant l'organique relative au statut de la magistrature.
00:32Madame la greffière va d'abord retracer les étapes de la procédure d'instruction pour ces questions.
00:38Instruction qui précède cette audience de plaidoiries.
00:41Madame la greffière.
00:42Monsieur le Président, le Conseil constitutionnel a été saisi le 2 octobre 2025
00:47par une décision du Conseil d'Etat d'une question prioritaire de constitutionnalité
00:51posée par Madame Florence Bigory portant sur la conformité aux droits et libertés
00:56que la Constitution garantit de l'article 54 de l'ordonnance numéro 58-1270 du 22 décembre 1958
01:04portant loi organique relative au statut de la magistrature.
01:07Cette question relative à la représentation du magistrat du siège poursuivi
01:11à l'audience disciplinaire du Conseil supérieur de la magistrature
01:15a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel
01:19sous le numéro 2025-1176 QPC.
01:23Maître Pierre de Comble-de-Neve, dans l'intérêt de la partie requérante
01:26et le Premier ministre, ont produit des observations le 20 octobre 2025.
01:31La SCP Anne Seveau et Paul Matonnet a demandé à intervenir
01:35dans l'intérêt du syndicat de la magistrature
01:37et a produit à cette fin des observations le 22 octobre 2025.
01:41Seront entendus aujourd'hui l'avocat de la partie requérante,
01:44l'avocat de la partie intervenante et le représentant du Premier ministre.
01:49Merci, madame la Gréfière.
01:51Maître Pierre de Comble-de-Neve, vous êtes avocat au Barreau de Paris.
01:54Vous représentez madame Florence Bigori, partie requérante.
01:58Nous vous écoutons.
02:01Merci, monsieur le Président.
02:03Mesdames, messieurs les membres du Conseil,
02:05la question dont vous êtes saisie porte donc sur l'interdiction
02:08faite au magistrat poursuivi d'être représenté
02:12au cours de l'audience de jugement, par un avocat notamment,
02:15et donc de faire valoir des moyens de défense
02:18quand son absence devant le Conseil supérieur de la magistrature
02:21n'est pas considérée comme légitime.
02:25Plus généralement, donc, la question qui est posée
02:27porte sur le droit à la représentation
02:29dans les procédures répressives.
02:32Je me permets de préciser l'objet de la question
02:33parce qu'il est vrai qu'à certains moments
02:36dans le parcours de cette question prioritaire de constitutionnalité,
02:39j'ai eu le sentiment que certains des intervenants,
02:42dont le rapporteur public devant le Conseil d'État,
02:44ne répondaient pas nécessairement à la question qui était posée.
02:47Plusieurs réponses ont été apportées sur la nécessité
02:50pour le magistrat poursuivi de comparaître.
02:53Ce n'est pas exactement la question qui est posée.
02:55La question ne porte pas sur l'obligation de comparaître,
02:57mais la question porte précisément sur le fait
03:00que le magistrat qui ne comparaît pas
03:02et qui n'a pas son absence reconnue comme légitime
03:05eu égard à ses motifs d'absence,
03:08ne peut pas produire une défense
03:11devant le Conseil supérieur de la magistrature.
03:14Et donc la question, on pourrait la reformuler
03:16en posant la question de savoir s'il est constitutionnel
03:18de priver la personne poursuivie
03:21de son droit de se défendre
03:23du seul fait de son absence devant ses juges.
03:28A ma connaissance, et d'ailleurs dans les échanges,
03:30cette question n'a pas été tranchée par le Conseil constitutionnel,
03:34que ce soit en matière disciplinaire,
03:36mais en matière pénale au sens plus large.
03:39Elle a été tranchée par d'autres cours,
03:43mais pas par le Conseil constitutionnel.
03:45Alors juste un petit rappel historique rapide,
03:48il est vrai que dans la procédure inquisitoire
03:50et dans sa conception romaine,
03:52comme le rappelle Théodore Momsem
03:54dans son traité de droit pénal romain,
03:56l'obligation de comparaître était une exigence absolue
04:00dans le cadre de la procédure criminelle.
04:02Ce qui déjà était une opposition radicale
04:05avec la procédure civile,
04:06dans laquelle il y a toujours eu la distinction
04:08entre le droit à l'assistance,
04:09donc l'avocat présent avec la partie présente,
04:13et la situation de la représentation
04:14qui, en matière de procédure civile,
04:16a toujours été reconnue.
04:18Le code d'instruction criminelle
04:20a marqué une première rupture
04:22dans cette obligation de la comparution.
04:26On l'oublie un peu,
04:27on pense toujours que le code d'instruction criminelle
04:29prévoyait l'obligation pour les parties de comparaître.
04:32C'est en partie inexact,
04:33comme le rappelle Faustin-Eli
04:35dans son ouvrage,
04:36son traité de l'instruction préparatoire,
04:39et rappelle les dispositions
04:41du code d'instruction criminelle,
04:42notamment l'article 185.
04:43Dans les affaires relatives à des délits
04:45qui n'entraînent pas la peine d'emprisonnement,
04:47le prévenu pourra se faire représenter par un avoué,
04:50le tribunal pourra néanmoins
04:51ordonner sa comparution en personne.
04:54Et donc, il y avait une première distinction
04:56qui s'opérait dans les procédures répressives,
04:58dans la situation où la personne
04:59encourait une peine d'emprisonnement,
05:01où elle n'encourait pas une peine d'emprisonnement.
05:03Et on comprend bien l'idée,
05:04c'est-à-dire que la personne
05:05devait comparaître en personne
05:06pour que, le cas échéant,
05:07elle puisse être immédiatement incarcérée
05:10si le tribunal ou la cour en décidait ainsi.
05:14Et donc, depuis 1810,
05:16dans le droit positif français,
05:19dans les procédures répressives,
05:20on peut se faire représenter par un avocat
05:23quand on n'encourt pas une peine privative de liberté.
05:26Et finalement, c'est la situation
05:27d'une procédure disciplinaire.
05:28On encourt une sanction,
05:30mais cette sanction ne peut pas être
05:32une peine privative de liberté.
05:34Et Faustin-Eli commentait,
05:36et je pense que ce commentaire,
05:37comme souvent Faustin-Eli est pertinent,
05:40précisait la chose suivante,
05:42le droit de se faire représenter
05:43dans un débat contradictoire
05:44et celui de faire défaut
05:46sont tout à fait distincts.
05:48Dans le premier cas,
05:49le prévenu accepte le débat
05:51et se fait défendre par un mandataire.
05:54Dans le second cas, au contraire,
05:55il ne l'accepte pas,
05:56il ne se défend pas
05:58et ne se fait pas défendre.
06:00Donc l'idée selon laquelle
06:01on peut se défendre
06:02par l'intermédiaire d'un avocat
06:03est dans notre droit pénal,
06:07notre droit répressif,
06:09depuis maintenant plus de 200 ans.
06:12J'en profite pour dire par ailleurs
06:14que depuis ce texte,
06:15il y a quand même plusieurs fenêtres
06:17de non-comparution
06:18qui se sont dégagées
06:19dans le cadre de la procédure répressive.
06:21C'est le cas notamment,
06:22ça peut être contre-intuitif,
06:24mais parce que pendant tout le temps
06:25de la question prioritaire de consignalité,
06:27on m'a dit que du côté du ministère de la Justice
06:30que la comparution était une obligation, etc.
06:33Mais d'un autre côté,
06:34on fabrique des mécanismes de non-comparution.
06:36C'est-à-dire que quand le prévenu veut comparaître,
06:38en tout cas la personne poursuivie veut comparaître,
06:41on l'empêche de comparaître.
06:42C'est notamment le cas
06:43devant la Chambre de l'instruction
06:44sur toutes les mesures de contrainte,
06:46puisque le président de la Chambre de l'instruction
06:47a un pouvoir de ne pas admettre
06:49la comparution de la personne détenue.
06:51C'est le cas sur les mesures de contrôle judiciaire,
06:54où le débat se déroule
06:55hors la présence de la personne poursuivie.
06:59Et c'est le cas dans l'après-procès,
07:00sur toutes les décisions d'appel
07:03qui portent sur les décisions
07:05des juges d'application des peines
07:06et des tribunaux d'application des peines.
07:08Il y a donc là quand même un paradoxe,
07:10paradoxe qui d'ailleurs se révèle
07:11à travers votre dernière décision
07:13sur le narcotrafic,
07:15qui est que le législateur,
07:16il est plutôt dans une tendance
07:18à vouloir empêcher la comparution physique.
07:22Et là, on est dans un mécanisme inverse,
07:24c'est-à-dire qu'on est dans un mécanisme
07:25dans lequel il porte obligation
07:27de cette comparution physique.
07:29Évidemment, la grande rupture
07:30dans l'évolution de la procédure
07:32criminelle française,
07:36c'est le tournant des années 2000,
07:37avec les décisions de la Cour européenne
07:39des droits de l'homme,
07:39qui, même dans les décisions,
07:42dans les situations dans lesquelles
07:43la personne est privée de sa liberté,
07:46la Cour européenne impose la possibilité
07:50d'être représentée par un avocat
07:51et que les tribunaux et les cours
07:53statuent sur les moyens
07:55qui sont soulevés par les avocats,
07:56hors la présence des personnes poursuivies.
07:59Ces décisions du milieu des années 90
08:01jusqu'au début des années 2000
08:02ont ensuite entraîné des modifications
08:04de la position de la Chambre criminelle
08:05de la Cour de cassation,
08:06puis une modification législative
08:08avec la loi du 9 mars 2004
08:09qui, aujourd'hui, permet
08:11devant les juridictions correctionnelles
08:12et les juridictions criminelles
08:14que les personnes poursuivies
08:16soient représentées par un avocat
08:18et donc puissent faire valoir
08:20ces moyens de défense.
08:21J'attire l'attention du Conseil
08:23sur le fait que les décisions
08:24de la Cour européenne des droits de l'homme
08:25ont été prononcées au visa combiné
08:27de l'article 6, paragraphe 3,
08:29qui touche à la matière pénale,
08:30et de l'article 6, paragraphe 1,
08:32qui touche au droit au procès équitable
08:34en général, dont font partie
08:37les procédures disciplinaires
08:38des magistrats qui nous occupent aujourd'hui.
08:41Et donc, on est dans une situation
08:42où, aujourd'hui, il y a un principe général
08:44du droit, si j'ose dire,
08:45qui, d'ailleurs, résulte des articles
08:474 et 6 de la loi de 71,
08:48qui permet aux avocats
08:49de représenter les parties.
08:51Ce mécanisme, on le trouve
08:52dans toutes les branches du droit,
08:54en procédure civile,
08:55en procédure pénale, on vient de le voir,
08:57en procédure disciplinaire,
08:58puisque c'est un principe général
09:00qui est dégagé par le Conseil d'État,
09:01et qui, par ailleurs, est prévu par des textes spécifiques,
09:04la fonction publique,
09:05les poursuites disciplinaires
09:06pour les magistrats du Conseil d'État,
09:08pour les magistrats des tribunaux administratifs
09:10et des cours administratifs d'appel,
09:11pour les magistrats des juridictions financières,
09:13pour les commissaires au compte,
09:14pour les médecins, pour les chirurgiens,
09:16pour les avocats au Conseil,
09:17pour les greffiers des tribunaux de commerce,
09:19pour les notaires,
09:20pour les commissaires de justice,
09:22bref, pour tout le disciplinaire,
09:23M. le Président, Mesdames, Messieurs,
09:25les membres du Conseil.
09:26Quand on va un peu à côté du disciplinaire
09:28et qu'on est toujours dans les procédures expressives,
09:30ce droit à la représentation,
09:32il est aussi assuré devant les autorités administratives indépendantes,
09:35l'autorité des marchés financiers,
09:36l'autorité de la concurrence,
09:38l'ARCEP, la CPR, la CREU, l'ARCOM, l'ART, l'ASN,
09:41toutes ces autorités administratives indépendantes,
09:45dans leur procédure de sanction,
09:48dans la procédure de jugement,
09:49le droit à la représentation est prévu
09:52par un avocat ou un père.
09:56Tous, sauf les magistrats de l'ordre judiciaire,
09:59en application de l'article 54 de l'ordonnance de 58,
10:02qui n'a pas été déféré à votre Conseil,
10:04qui n'a pas été modifié depuis 1958,
10:06c'est, à mon sens, mais peut-être que je me trompe,
10:08mais en tout cas, je n'ai pas vu dans les observations
10:10des uns et des autres d'autres situations,
10:12si ce n'est celle des avocats,
10:13sur laquelle je vais revenir dans quelques instants,
10:16mais c'est la seule exception
10:17à ce principe général du droit à la représentation,
10:21et donc, indirectement,
10:22à la question du droit de la défense,
10:24sur laquelle je vais revenir en deux, trois mots,
10:29j'en ai retrouvé une belle définition
10:31dans l'ouvrage de Garrault.
10:34Le droit de défense n'est pas formulé par nos lois
10:37en une déclaration générale
10:38pouvant servir de base,
10:40comme l'obligation de motiver une décision judiciaire,
10:43à un moyen de recours visant un texte déterminé.
10:46Mais ce droit est tellement substantiel
10:48au régime accusatoire,
10:50il en constitue tellement l'âme et la raison d'être,
10:53que sa violation,
10:55même dans les cas où la loi est muette,
10:56sous quelque forme et dans quelques conditions
10:59que cette violation se produise,
11:00emporte la nullité de la procédure.
11:03Donc, je disais, le seul cas, à part les magistrats,
11:05c'est la situation des avocats, non-avocats au Conseil,
11:10dont la procédure disciplinaire de nature réglementaire,
11:14elle, prévoit aussi ce même dispositif.
11:17Mais il faut dire qu'en pratique,
11:18M. le Président, Mesdames, Messieurs,
11:20les membres du Conseil constitutionnel,
11:21les conseils de discipline des ordres des avocats,
11:23j'ai cité quelques exemples,
11:25admettent la représentation par un avocat,
11:29de l'avocat poursuivi.
11:31Donc, le magistrat judiciaire se retrouve
11:33dans une situation complètement isolée
11:36et une situation qu'il place en difficulté
11:40sur l'exercice de droit de la défense
11:41pour une double raison.
11:42La première raison, on l'a bien compris,
11:43c'est qu'il se trouve privé de la possibilité
11:46de faire valoir ses moyens de défense,
11:48mais la deuxième difficulté,
11:50c'est qu'il n'apprend qu'il est privé
11:51de la possibilité de faire valoir ses moyens de défense
11:54que le jour de l'audience.
11:55On ne le prévient pas à l'avance
11:56qu'on va rejeter son motif
11:58qu'on va considérer comme illégitime.
12:00Donc, il se retrouve dans une situation
12:01dans laquelle il apprend,
12:03a posteriori, si je veux dire,
12:04le jour où le CSM rend sa décision
12:06que son motif d'excuse a été reconnu
12:08comme non valable
12:09et qu'il ne peut pas faire valoir
12:11ses moyens de défense.
12:12Et on se retrouve dans une situation
12:14absolument paradoxale.
12:15Prenons le cas de la requérante
12:17qui était présente à l'audience
12:18du Conseil supérieur de la magistrature,
12:20contrairement à ce que j'ai pu lire
12:22dans les observations
12:23en intervention volontaire.
12:25Elle était présente
12:26au Conseil supérieur de la magistrature.
12:28Et d'ailleurs, si elle avait été absente
12:31et que son motif d'absence
12:33avait été reconnu comme non légitime,
12:37je n'aurais pas pu déposer
12:38la question prioritaire de cautionnalité.
12:41J'aurais été irrecevable
12:42à déposer une question prioritaire
12:44de cautionnalité
12:44puisque j'aurais été irrecevable
12:46à la représenter.
12:47C'est-à-dire que si elle avait été
12:48dans la situation précisément
12:50prévue par le texte,
12:51elle n'aurait pas pu faire valoir
12:52l'inconstitutionnalité du dispositif.
12:55Comme d'ailleurs,
12:56elle n'aurait pu faire valoir
12:57strictement aucun moyen de défense.
12:58Et la vraie question centrale,
13:00et elle est juste là en fait,
13:02c'est est-ce que l'obligation
13:05de comparaître qui est légitime ?
13:07Et d'ailleurs,
13:07c'est le raisonnement
13:08de la Cour européenne des droits de l'homme.
13:10Le raisonnement de la Cour européenne
13:11de l'homme,
13:11vous avez le droit de dire
13:12qu'il faut que les gens comparaissent.
13:14C'est tout à fait acceptable.
13:15En revanche,
13:16que la sanction ce soit
13:17de les priver substantiellement
13:19de toute possibilité
13:21de se défendre
13:22devant les juridictions répressives,
13:23c'est le raisonnement
13:25de la Cour européenne.
13:26Ça, ce n'est pas possible.
13:27Et donc, dans cet arbitrage
13:29entre l'obligation de comparaître
13:31et la nécessité d'assurer
13:32les droits de la défense,
13:33je demande au Conseil constitutionnel
13:35de faire prévaloir
13:36l'exercice des droits de la défense.
13:38Et c'est en ce sens
13:39que j'ai été,
13:40on va dire,
13:42surpris ou frappé
13:43d'une forme d'incompréhension
13:44à la lecture des conclusions
13:45du rapporteur public
13:46devant le Conseil d'État.
13:48Bon, ça arrive parfois
13:50que je ne comprenne pas toujours
13:51ce qui se passe
13:51devant les juridictions administratives.
13:53Mais j'ai le sentiment
13:55que le positionnement
13:56est un peu moralisateur.
13:59C'est-à-dire,
13:59il consiste à dire
13:59qu'il faut que le magistrat soit là.
14:01Je ne suis pas certain
14:02que le fait que
14:03l'argumentaire
14:04qui consiste à dire
14:05qu'il faut que le magistrat soit là
14:06soit un raisonnement
14:08sur le plan juridique
14:09qui soit extrêmement convaincant.
14:11Je dis privé
14:12de manière substantielle
14:14l'exercice des droits de la défense,
14:15à mon sens,
14:17porte atteinte
14:17à l'article 16
14:18de la déclaration
14:19des droits de l'homme
14:19et du citoyen.
14:20Et c'est la raison
14:20pour laquelle je vous demande
14:21de bien vouloir
14:22déclarer
14:23les mots concernés
14:26de l'article 54
14:27inconstitutionnels,
14:28M. le Président,
14:29Mesdames, Messieurs,
14:29les membres du Conseil.
14:31Merci, Maître.
14:33Maître Paul Mâtonnet,
14:35vous êtes avocat au Conseil
14:36et vous représentez
14:37le syndicat
14:38de la magistrature,
14:39partie intervenante.
14:40Nous vous écoutons.
14:44Merci, M. le Président.
14:45Mesdames, Messieurs,
14:47les membres du Conseil.
14:49J'interviens pour le nom
14:50du syndicat
14:51de la magistrature
14:52à raison de ce que
14:54les dispositions législatives
14:56contestées mettent en cause
14:57les intérêts collectifs
14:58de la profession de magistrat,
15:01remettent en cause
15:02les garanties procédurales
15:03dont ces magistrats judiciaires
15:05peuvent bénéficier
15:06devant le Conseil supérieur
15:07de la magistrature,
15:08notamment celle d'être assistée
15:09par un avocat
15:11ou par leur père.
15:12et de manière
15:15peut-être plus fondamentale
15:17affectent l'indépendance
15:19de l'autorité judiciaire.
15:22Plus précisément,
15:23comme cela vous a été exposé,
15:24il vous est demandé de juger
15:25à l'aune de l'article 16
15:27de la déclaration
15:27des droits de l'homme
15:28des citoyens
15:28qu'en réservant
15:31avec l'article 54
15:32de l'ordonnance
15:32du 22 décembre 1958
15:34le droit pour le magistrat
15:36qui ne comparait pas
15:37devant le Conseil supérieur
15:38de la magistrature
15:39d'être défendu
15:41par un avocat
15:41ou par un père,
15:42à la condition
15:43que son absence
15:45soit excusée,
15:46le législateur
15:47n'a pas procédé
15:47à une conciliation équilibrée
15:49entre, d'une part,
15:50les droits de la défense
15:50et, d'autre part,
15:52d'autres impératifs
15:53comme les impératifs
15:53de la répression disciplinaire
15:55ou la bonne administration
15:56de la justice.
15:57La logique qui sous-tend
15:59la solution
15:59qui vous est proposée
16:00et dont il a été souligné
16:02qu'elle vient directement
16:03de l'accord de Strasbourg
16:04est la suivante.
16:07Premièrement, certes,
16:09s'il existe un droit
16:11de comparer devant les juges,
16:13il n'existe aucun droit
16:14de ne pas comparer
16:15car, effectivement,
16:17la présence
16:18de la personne poursuivie
16:19peut présenter
16:20un intérêt certain
16:21pour la bonne administration
16:22de la justice.
16:24Mais, deuxièmement,
16:25les mesures
16:25qui peuvent être prises
16:26pour décourager
16:27les absences injustifiées
16:28doivent demeurer proportionnées,
16:30ne peuvent pas aller
16:30jusqu'à priver
16:31les droits,
16:32les personnes concernées
16:33de la substance
16:34du droit
16:35de se défendre.
16:36Or, priver
16:37la personne
16:38d'être défendue
16:39à raison de son absence
16:40ou même à raison
16:41d'une absence injustifiée
16:42entraîne
16:43une atteinte
16:44à la substance même
16:45du droit de se défendre,
16:46une atteinte disproportionnée,
16:49une atteinte
16:49qui ne saurait être considérée
16:50comme résultant
16:51d'une conciliation
16:52équilibrée
16:53par le législateur.
16:55On regarde cette solution.
16:56Premièrement,
16:58force est de constater
16:58que cette logique
16:59peut s'inscrire aisément
17:00dans votre jurisprudence
17:01puisque vous contrôlez
17:02vous-même
17:02la conciliation
17:03entre les différents
17:04intérêts en présence
17:05et qui sont opposés
17:06à l'exercice
17:06des droits de la défense,
17:08que deuxièmement,
17:09la solution
17:10qui vous est proposée
17:10est parfaitement ancrée
17:12en matière pénale
17:13au sein de la jurisprudence
17:14des cours suprêmes,
17:15de l'achat criminel,
17:17au sein même
17:17de la législation
17:18qui l'a reprise
17:20en modifiant
17:21la procédure criminelle
17:21et la procédure correctionnelle
17:23au sein de la doctrine,
17:24de sorte que
17:25ne pas constitutionnaliser
17:27cette solution
17:27entraînerait
17:28un regrettable décalage
17:30entre ce que le législateur,
17:32ce que tous les acteurs
17:33du monde judiciaire
17:33semblent considérés
17:35comme fondamentales
17:36et entre ce qui serait
17:38d'autre part
17:38protégé constitutionnellement
17:40de votre part.
17:42Et troisièmement,
17:43retenir cette solution
17:44au terme de laquelle
17:45ne pas permettre
17:47à l'absent non excusé
17:49de se défendre
17:50par l'intermédiaire
17:50d'un avocat
17:51ou d'un père
17:51serait contraire
17:54au droit de la défense.
17:55Cette solution
17:56est en cohérence
17:57avec votre jurisprudence,
17:58avec le niveau
17:59d'exigence
17:59que vous placez
18:00sur le terrain
18:01de droits au recours effectif
18:02et des droits
18:03de la défense
18:03qui en découlent,
18:04car fondamentalement,
18:05il ne peut pas y avoir
18:06de garantie des droits
18:07si une personne
18:08est sanctionnée
18:09sans avoir pu être entendue
18:11ou se faire entendre
18:13par ses défenseurs.
18:15Dès lors que le procès
18:16peut avoir lieu
18:17en l'absence
18:19de la personne poursuivie,
18:20dès lors que cette absence
18:21ne fait donc pas échec
18:22au cours de la justice,
18:23dès lors que c'est en réalité
18:25le principal intéressé
18:26qui subira
18:27les conséquences
18:28de son absence,
18:29il n'existe aucune
18:30justification raisonnable
18:31de le priver
18:32du droit
18:33d'être défendu
18:33en son absence,
18:34quand bien même
18:35cette absence
18:35ne serait pas excusée.
18:38Reste la question
18:40de la transposition
18:40de cette solution
18:41à une procédure disciplinaire
18:42comme celle qui est menée
18:43devant le Conseil supérieur
18:44de la magistrature.
18:46Cette transposition
18:46s'impose au regard
18:47de votre jurisprudence
18:48puisque nous sommes
18:49en présence de sanctions,
18:50en tout cas que le Conseil
18:51supérieur de la magistrature
18:52est un organe amené
18:53à prononcer des sanctions
18:55ayant le caractère
18:56d'une commission,
18:57ce qui s'évince,
18:58la sévérité des sanctions
18:59qui sont susceptibles
19:00d'être prononcées
19:00parmi lesquelles,
19:01vous le savez,
19:02la révocation.
19:04D'autre part,
19:04et je voudrais souligner
19:06cet élément,
19:07la procédure en cause
19:08menée à l'encontre
19:10du magistrat du siège
19:11devant le Conseil supérieur
19:12de la magistrature
19:13représente évidemment
19:14un enjeu essentiel
19:15pour l'indépendance
19:16de l'autorité judiciaire,
19:17ce qui appelle,
19:18à mon sens,
19:18une protection constitutionnelle
19:19plus élevée
19:20que dans tout autre
19:21contentieux disciplinaire.
19:24Car la garantie
19:24que représente
19:25le jugement
19:25des poursuites disciplinaires
19:26par un organe constitutionnel
19:28tel que le Conseil supérieur
19:29de la magistrature
19:30n'est effective
19:31que si la procédure
19:32menée devant cet organe
19:34respecte les droits
19:35de la défense.
19:36Toute poursuite disciplinaire
19:38à l'encontre
19:38d'un magistrat du siège
19:39est susceptible
19:40de remettre en cause
19:41l'indépendance
19:42du magistrat concerné.
19:43C'est moins le sort
19:44de ce dernier
19:44qui importe
19:46que la part d'indépendance
19:47de l'autorité judiciaire
19:48dont il est le dépositaire.
19:50Or,
19:50l'indépendance statutaire
19:51du Conseil supérieur
19:52de la magistrature
19:53qui est assurée
19:54par le processus
19:55de nomination
19:55de ses membres
19:56et par le statut
19:56de ces derniers
19:57ne fait pas tout.
19:59Comme l'énoncent
19:59différents travaux
20:00du Conseil de l'Europe,
20:01charte européenne
20:02sur le statut des juges,
20:04avis de la commission
20:04de Venise
20:05ou recommandations
20:06de groupes d'État
20:07contre la corruption
20:08gréco,
20:09l'indépendance
20:10de l'autorité judiciaire
20:11est garantie
20:12non seulement
20:13par l'intervention
20:13dans le processus disciplinaire
20:15d'un organe
20:16lui-même indépendant
20:16mais également
20:17par le caractère équitable
20:19des procédures
20:19menées devant cet organe.
20:21C'est donc
20:22une négligence accrue
20:23en termes
20:23de garantie procédurale
20:24qui s'impose
20:25lorsque vous avez examiné
20:26un contentieux disciplinaire
20:28devant le Conseil supérieur
20:29de la magistrature.
20:31Dès lors que l'article 57
20:32de l'ordonnance
20:33prévoit que l'absence
20:35du magistrat
20:35ne fait pas obstacle
20:36à l'examen
20:37de sa responsabilité disciplinaire
20:39laquelle est
20:40au demeurant
20:40à ce stade
20:41parfaitement documentée
20:42au regard du rapport
20:43qui a pu être établi
20:43par le rapporteur
20:44après en principe
20:46audition
20:46du magistrat concerné.
20:48Dès lors que le cours
20:48de la procédure
20:49peut avoir lieu
20:50en cette absence
20:50nous ne voyons
20:51aucune justification
20:52raisonnable
20:53à priver l'intéressé
20:54en cas d'absence
20:55et même en cas d'absence
20:56non excusé
20:57de la capacité
20:58de se défendre
20:59par l'intermédiaire
21:00d'un défenseur
21:01avocat ou père.
21:03Ni le respect
21:03dû à l'autorité
21:04du Conseil supérieur
21:05de la magistrature
21:05que certains pourraient
21:06voir affecté
21:07par cette non-comparition
21:08ni l'obligation
21:09qu'à tout magistrat
21:10de rendre des comptes
21:11en cas de manquement
21:12de professionnels.
21:13De son audature
21:14à justifier
21:14que l'absence
21:15doit attendre
21:16de voir son absence
21:17excusée
21:17pour pouvoir être défendu
21:19dans les conditions
21:20que prévoit l'article 54
21:22c'est-à-dire
21:22par un avocat
21:23ou par un de ses pairs.
21:25Alors il a pu être invoqué
21:27au cours de l'instruction écrite
21:28que l'excuse
21:30que peut reconnaître
21:31le Conseil supérieur
21:33de la magistrature
21:33constituerait
21:34une garantie suffisante.
21:36Mais cette garantie
21:37ne semble illusoire
21:39puisque d'abord
21:40elle est exclue
21:40par l'arbitraire
21:41comme le montre
21:41d'ailleurs
21:42la décision
21:43du Conseil d'État
21:43du 26 décembre 2012
21:44que le secrétaire général
21:46du gouvernement
21:47cite dans ses conclusions
21:48qui a annulé
21:49une décision
21:50du Conseil supérieur
21:50de la magistrature
21:51à raison de l'irrigularité
21:52de la procédure
21:53pour une excuse
21:54qui aurait dû être considérée
21:56comme justifiée.
21:57Là où au demeurant
21:58le contrôle de pleine juridiction
21:59du Conseil d'État
22:00n'est absolument pas assuré
22:01puisque ce dernier
22:02intervient comme juge
22:03de cassation.
22:04Et en outre
22:04comme le reconnaît
22:05le secrétaire général
22:06du gouvernement
22:06le magistrat
22:08ne connaît la décision
22:09l'excusant
22:10ou refusant
22:11d'excuser son absence
22:12que le jour de l'audience
22:13sans être en capacité
22:15de se retourner.
22:16Que l'on se représente
22:17la situation
22:18d'un magistrat
22:19autant respectueux
22:20de l'autorité
22:21du Conseil supérieur
22:22de la magistrature
22:22et de son obligation
22:23de rendre des comptes
22:24devant ce dernier
22:24qui sous cieux
22:26de sa charge
22:27hésite à comparaitre
22:28devant l'organe disciplinaire
22:30le jour où est programmé
22:31une audience importante
22:32qu'il préside
22:33et qui ne pourrait
22:34être déprogrammée
22:35qu'au prix d'un retard
22:36accentuant la durée
22:38d'une procédure
22:39déjà longuement écoulée.
22:41Qu'on représente
22:42cette situation
22:42dans laquelle
22:43ce magistrat
22:44peut hésiter
22:45et au terme
22:46de ses hésitations
22:47estimer
22:48qu'il vaut mieux
22:49qu'il renonce
22:49au droit de comparaitre
22:50en présentant
22:51cet empêchement
22:52au Conseil supérieur
22:54de la magistrature
22:55et une fois excusé
22:56d'être défendu
22:56par un avocat
22:58ou par ses pairs.
22:59Et bien c'est ce magistrat
23:00qui a pris
23:01toutes les précautions
23:02demandera à ses avocats
23:04de se présenter
23:04à l'audience
23:05et ces dernières
23:06devront attendre
23:07d'observer
23:08si l'excuse
23:09est admise
23:10ou n'est pas admise
23:11et si elle n'est pas admise
23:11ne feront qu'assister
23:13spectateurs
23:14à une audience
23:14à laquelle
23:15ils ne pourront
23:15prendre pas la parole.
23:17La garantie
23:18n'est pas effective
23:19mais plus fondamentalement
23:20il me semble
23:21que la discussion
23:22qui porte sur cette garantie
23:23est en réalité inopérante
23:24dès lors que rien
23:26dans les principes
23:27ne justifie
23:27que l'on prive
23:28un défenseur
23:29du droit
23:30de prendre la parole
23:31au nom
23:31de la personne poursuivie
23:33fut-elle absente
23:34fut-elle
23:36cette absence
23:37non excusée
23:38dès lors
23:39que la procédure
23:40peut de toute façon
23:41avoir lieu
23:42en dépit de cette absence.
23:43Que cette absence
23:45soit motivée
23:45par des bonnes
23:46ou par des mauvaises raisons
23:48le principal concerné
23:50a le droit
23:50de renoncer
23:51à se comparaître
23:51mais ne peut pas
23:52en revanche
23:53être privée
23:54de tout
23:55l'exercice
23:56des droits
23:56de la défense
23:57qui devrait
23:58pouvoir être exercée.
24:00L'indépendance
24:00de la magistrature
24:01judiciaire
24:02impose
24:02à notre sens
24:03que les mêmes standards
24:04que ceux du procès pénal
24:05soient appliqués
24:06aux contentieux
24:06disciplinaires
24:07des magistrats.
24:09C'est donc
24:09en ayant à l'esprit
24:10tant ces considérations
24:11à l'aune
24:12desquelles se mesure
24:13l'attachement
24:14que vous portez
24:15au respect
24:15des droits
24:15de la défense
24:16que de l'enjeu
24:17sous-jacent
24:17que constitue également
24:18l'indépendance
24:19des magistrats
24:20judiciaires
24:20que vous déclarerez
24:21les dispositions législatives
24:22contestées
24:23contraires
24:23à la Constitution.
24:26Merci, Maître.
24:27Je donne maintenant
24:28la parole
24:28à M. Thibaut Kessial,
24:29chargé de mission
24:30au secrétariat général
24:32du gouvernement
24:33pour le Premier ministre.
24:34Monsieur,
24:35nous vous écoutons.
24:35Monsieur le Président,
24:38Mesdames, Messieurs,
24:39les membres
24:39du Conseil constitutionnel,
24:41l'article 54
24:42de l'ordonnance
24:43du 22 décembre 1958
24:45portant loi organique
24:46relative au statut
24:47de la magistrature
24:48détermine les conditions
24:49de comparution,
24:50d'assistance
24:50et de représentation
24:51des magistrats du siège
24:52au cours de l'audience
24:53disciplinaire
24:54devant le Conseil supérieur
24:55de la magistrature.
24:57Il prévoit que,
24:57je cite,
24:58le magistrat cité
24:59est tenu de comparaître
25:01en personne,
25:02il peut se faire assister
25:03et, en cas de maladie
25:04ou d'empêchement reconnu
25:05justifié,
25:06se faire représenter
25:07par l'un de ses pairs,
25:08par un avocat
25:09au Conseil d'État
25:10et à la Cour de cassation
25:10ou par un avocat
25:12inscrit au barreau.
25:13Il résulte de ces dispositions
25:15que, en dehors des cas
25:17de maladie
25:18ou d'empêchement justifié,
25:19le magistrat
25:19qui ne comparait pas
25:20à l'audience
25:21ne peut se faire représenter
25:22par un avocat
25:23ou l'un de ses pairs
25:24pour assurer la défense
25:25de ses intérêts.
25:26Pour cette raison,
25:27le requérant
25:27et la partie intervenante
25:29soutiennent que les dispositions
25:30contestées
25:30méconnaissent à la fois
25:31le droit au recours juridictionnel
25:33effectif,
25:33le droit à un procès équitable
25:35et les droits de la défense.
25:37Vous jugez de manière constante
25:38que la garantie des droits
25:39implique notamment
25:40qu'aucune sanction
25:41ayant le caractère
25:41d'une punition
25:42ne puisse être infligée
25:43à une personne
25:43sans que celle-ci ait été
25:44mise à même
25:45de présenter ses observations
25:46sur les faits
25:47qui lui sont reprochés
25:48et que les principes
25:49des droits de la défense
25:50s'imposent aux autorités
25:51disposant d'un pouvoir
25:52de sanction
25:52sans qu'il soit besoin
25:53pour le législateur
25:54d'en rappeler l'existence.
25:56S'agissant des procédures
25:57juridictionnelles,
25:58vous jugez également
25:58que le respect des droits
25:59de la défense
26:00implique en particulier
26:01l'existence
26:02d'une procédure juste
26:03et équitable
26:03garantissant l'équilibre
26:05des droits des parties.
26:06En ce qui concerne
26:07la matière pénale,
26:08vous avez reconnu
26:09dès 1980
26:10le droit à l'assistance
26:12d'un avocat
26:12lors de l'audience
26:13de jugement.
26:15L'exigence de respect
26:16des droits de la défense
26:16dans les procédures
26:19répressives non juridictionnelles
26:20implique,
26:21dans certains cas,
26:22l'assistance d'un avocat.
26:24C'est le cas en principe
26:25lorsque la procédure
26:26repose sur la suspicion
26:27de la commission
26:27de l'infraction
26:28et qu'elle comporte
26:29une privation
26:29de liberté individuelle.
26:30C'est le cas
26:31et vous l'avez jugé
26:31pour la garde à vue
26:32ou encore la retenue douanière.
26:34En revanche,
26:35les droits de la défense
26:35n'imposent pas
26:36une telle assistance
26:37lorsque le suspect
26:38est entendu librement.
26:40Cela a été rappelé,
26:41la Cour européenne
26:41des droits de l'homme
26:42a dégagé
26:44des exigences plus strictes.
26:46Sur le fondement
26:46de l'article 6,
26:47paragraphe 3 de la Convention,
26:48applicable à la seule
26:49procédure pénale,
26:50elle juge, je cite,
26:51que le droit
26:52de tout accusé
26:53à être effectivement
26:54défendu par un avocat
26:55figure parmi les éléments
26:56fondamentaux
26:57du procès équitable.
26:58Un accusé
26:59n'en perd pas le bénéfice
27:00du seul fait
27:00de son absence au débat.
27:02Même si le législateur
27:03doit pouvoir décourager
27:04les abstentions injustifiées,
27:07il ne peut les sanctionner
27:08en dérogeant au droit
27:09à l'assistance d'un défendeur.
27:10Les exigences légitimes
27:12de la présence
27:12des accusés au débat
27:13peuvent être assurées
27:14par d'autres moyens
27:15que la perte
27:16du droit à la défense.
27:18La Chambre criminelle
27:18a tiré les conséquences
27:19dans son arrêt d'entico
27:20d'Assemblée plénière
27:21du 2 mars 2001
27:22en jugeant qu'un accusé
27:24ne perd pas le bénéfice
27:25du droit à être défendu
27:26par un avocat
27:26du seul fait
27:27de son absence au débat.
27:29Et le législateur,
27:29cela a été également rappelé,
27:31en a tiré toutes les conséquences
27:32en modifiant l'article 410
27:34du Code de procédure pénale
27:35qui prévoit désormais
27:36que, en cas de non-comparution,
27:39je cite,
27:39« si un avocat se présente
27:41pour assurer la défense du prévenu,
27:42il doit être entendu
27:43s'il en fait la demande ».
27:45Pour votre part,
27:45vous ne vous êtes jamais prononcé
27:47sur des dispositions
27:48qui excluraient la possibilité
27:49d'être assisté par un avocat
27:51devant une juridiction
27:52civile ou administrative.
27:54La question qui vous est posée
27:56est double.
27:57En premier lieu,
27:58il s'agit de savoir
27:59si le respect des droits
28:00de la défense
28:00protégés par l'article 16
28:01de la déclaration de 1789
28:03implique un droit
28:04à l'assistance d'un avocat
28:05au cours de toute procédure
28:06juridictionnelle
28:07ou de toute procédure répressive.
28:09Si vous deviez affirmer
28:10qu'il existe un tel droit,
28:12il vous appartiendrait alors
28:13de déterminer la portée
28:14de ce droit
28:15et d'apprécier
28:16si les limites apportées
28:17par les dispositions contestées
28:18sont justifiées
28:19par d'autres exigences
28:20de valeur constitutionnelle.
28:22C'est ce que vous avez fait,
28:23par exemple,
28:23dans votre décision
28:24numéro 2014-428-QPC
28:26du 21 novembre 2014
28:28où vous avez admis
28:29que le respect
28:31des droits de la défense
28:32devait être concilié
28:34avec l'ordre public
28:35et la recherche
28:35des auteurs d'infractions
28:36et vous avez admis
28:37dans une telle hypothèse
28:38le report de l'intervention
28:39de l'avocat
28:40en garde à vue
28:41lorsqu'il s'agit d'infractions
28:43qui sont relatifs
28:43à la criminalité organisée.
28:46En second lieu,
28:49il s'agit d'apprécier
28:49si le législateur peut,
28:51sans priver de garantie légale
28:52les exigences
28:53qui découlent
28:53du respect des droits
28:54de la défense,
28:55prévoir que ce droit cesse
28:56dans l'hypothèse
28:57où la partie ne respecte pas
28:58sans motif légitime
29:00l'obligation
29:00qui lui est faite
29:01de comparaître.
29:02Et si vous deviez,
29:03dans cette seconde hypothèse,
29:04vous limiter
29:05à un contrôle
29:06de cohérence interne
29:07de la procédure disciplinaire,
29:08vous devriez également
29:09apprécier le motif
29:10d'une telle limitation.
29:11Dans les deux cas,
29:13il peut être relevé
29:14que l'obligation de comparution
29:15du magistrat poursuivi
29:16apparaît justifiée
29:17par les exigences
29:18de l'article 15
29:19de la déclaration de 1789
29:20au terme duquel,
29:21je cite,
29:22« la société a le droit
29:23de demander compte
29:24à tout agent public
29:25de son administration.
29:26La privation du droit
29:27à l'assistance d'un avocat
29:28en cas de méconnaissance
29:29de cette obligation
29:30a pour objet
29:31d'en assurer le respect. »
29:33Par ailleurs,
29:34le magistrat conserve
29:35la possibilité
29:35d'être représenté
29:36en cas d'absence
29:37pour un motif légitime,
29:38ce qui couvre
29:39les situations
29:39de vulnérabilité physique
29:40ou psychique
29:41et les cas de force majeure.
29:42Et cette garantie
29:44est assurée
29:45par le contrôle exercé
29:46par le Conseil d'État
29:47comme juge de cassation
29:48sur le caractère légitime
29:49du motif invoqué.
29:50Cela a été rappelé
29:51tout à l'heure.
29:52Toutefois,
29:54d'une part,
29:54ce caractère ou non légitime
29:56n'est apprécié
29:57qu'au moment de l'audience.
29:58Le magistrat
29:59qui ne s'est pas présenté
30:00à l'audience disciplinaire
30:01peut ainsi n'avoir connaissance
30:02du rejet de sa demande
30:03de dispense de comparution
30:04qu'à son issue
30:04dans des délais
30:05qui ne lui permettent pas
30:06d'apprécier les conséquences
30:07qu'il convient d'en tirer
30:08sur l'exercice de sa défense.
30:11D'autre part et surtout,
30:12quand même le défaut
30:13de comparution
30:13sans motif légitime
30:14serait susceptible
30:15d'être sanctionné,
30:16la privation du droit
30:17à l'assistance de l'avocat
30:18n'en découle pas nécessairement.
30:20Or,
30:21elle affecte l'exercice
30:22des droits de la défense.
30:23Compte tenu de ces éléments,
30:24j'ai l'honneur
30:25de m'en remettre
30:25à la sagesse
30:26du Conseil constitutionnel.
30:28Si vous deviez censurer
30:29ces dispositions,
30:30il serait alors demandé
30:31d'encadrer les effets
30:32de votre décision
30:33en faisant usage
30:34du pouvoir de modulation
30:35dont vous disposez
30:36en application
30:36de l'article 62
30:37de la Constitution
30:38et de préciser
30:39que les mesures prises
30:40avant la date d'abrogation
30:41ne peuvent être contestées
30:42sur le fondement
30:43de cette inconstitutionnalité.
30:47Merci, monsieur.
30:48Nous avons entendu
30:48les observations
30:49des parties présentes.
30:51L'un des membres du Conseil
30:52se fait poser une question
30:54à l'une des parties.
30:55Madame Véronique Malbecq.
30:57Merci, monsieur le Président.
30:58Tout d'abord,
30:59peut-être des éléments
31:00qui seraient utiles
31:01à la procédure.
31:02Maître de Compte de Neve,
31:04on dispose peut-être
31:04de la lettre de saisine
31:06du garde des Sceaux
31:07de votre client
31:09devant le CSM.
31:11Oui, voilà, parfait.
31:15Et, monsieur Kessial,
31:17des statistiques,
31:19si on pouvait disposer
31:20de statistiques
31:20sur les saisines
31:22du Conseil supérieur,
31:23le nombre de décisions
31:25rendues à la fois
31:26par le ministre de la Justice,
31:28mais également
31:28par les chefs de cour
31:29et également
31:31la saisine du justiciable
31:32qui est maintenant possible
31:33de voir les décisions
31:35qui ont été rendues.
31:36Ça, c'est une première demande,
31:37monsieur le Président.
31:38Après, j'ai une petite question
31:40pour mettre de compte
31:41de neve, vous avez évoqué
31:42tout à l'heure
31:42dans votre plaidoirie
31:43le droit à la représentation
31:46en matière disciplinaire
31:47en disant qu'il était
31:48quasi général,
31:51à l'exception,
31:52vous avez dit,
31:53je crois, des avocats.
31:55De mémoire,
31:55mais peut-être
31:56est-ce une erreur de ma part,
31:58je crois que c'est aussi
32:00un droit qui n'existe pas
32:02pour les juges consulaires,
32:03vous avez évoqué les greffiers,
32:05également pour les conseillers prud'hommes.
32:07Donc, est-ce que je me trompe
32:09ou est-ce qu'en effet,
32:10il y a aussi dans ces deux cas
32:12un droit à la représentation
32:13qui n'est pas celui
32:14que vous avez évoqué ?
32:15Je pense que vous avez une réponse
32:19mais que je n'ai pas.
32:21C'est peut-être effectivement le cas.
32:25J'indique simplement
32:26qu'il y a eu,
32:27comme vous le savez,
32:28des rénovations
32:28de procédures disciplinaires
32:30pour une grande partie,
32:31d'ailleurs,
32:31des professions que j'ai évoquées.
32:33Sauf erreur de ma part,
32:34les professions que vous venez d'évoquer
32:36n'ont pas fait partie
32:37de ces évolutions récentes,
32:41comme c'est le cas notamment
32:42des greffiers,
32:43des commissaires de justice,
32:45des notaires.
32:48Une dernière, M. le Président.
32:51Vous avez évoqué les uns et les autres
32:53le fait que le motif de l'absence
32:56pouvait être reconnu comme justifié
33:00uniquement lors de l'audience.
33:03En tout cas, c'est ce que vous avez dit,
33:04je crois, en tout cas,
33:06du côté de la défense.
33:08Alors, là aussi,
33:10j'ai une question à vous poser.
33:11Quand la procédure est terminée,
33:15le Conseil supérieur de la magistrature
33:17va envoyer un courrier au magistrat
33:21qui est poursuivi en indiquant la date
33:23à laquelle l'audience va avoir lieu.
33:25Rien n'empêche le magistrat,
33:29maître Matone faisait donner un exemple,
33:32s'il a une audience particulièrement importante,
33:36d'en demander le renvoi.
33:37Et rien ne dit,
33:39en tout cas,
33:39je n'ai pas trouvé de disposition législative
33:42ni de jurisprudence
33:44qui indique que le CSM
33:48va rendre son avis
33:49sur la justification
33:51de la demande de représentation
33:53uniquement à l'audience.
33:54Donc, ça peut très bien être
33:55de manière anticipée,
33:57si le magistrat, justement,
33:58a fait état de justification possible,
34:00que le CSM en fasse part.
34:02En tout cas, rien
34:03dans les dispositions législatives,
34:05à mon sens,
34:06ne va dans le sens
34:07que vous avez évoqué
34:08dans votre plaidoire.
34:10Une réponse plus précise.
34:16En pratique,
34:18le CSM,
34:19il y a des audiences
34:20où le CSM statue
34:22à proprement parler
34:24sur les poursuites.
34:26Et puis, il y a des audiences,
34:26comme vous le savez,
34:27qui sont des audiences
34:28de prorogation de délai, par exemple.
34:30Par exemple,
34:31le magistrat est tenu de comparaître,
34:33y compris, là, par exemple,
34:34la requérante,
34:35elle est convoquée la semaine prochaine
34:36pour une prorogation de délai
34:37dans l'attente de votre décision.
34:39Elle doit comparaître.
34:41Et systématiquement,
34:42à chacune de ces audiences,
34:44le CSM,
34:45quand c'est le cas,
34:46parce que j'ai déjà eu
34:46des magistrats poursuivis
34:47qui ont fait valoir leurs motifs,
34:49systématiquement,
34:50le CSM se retire pour délibérer,
34:53statue sur le motif d'absence,
34:55se prononce sur le motif d'absence
34:56et poursuit ou ne poursuit pas
34:58l'audience
35:01en ayant ou en n'ayant pas reconnu
35:03le motif d'absence comme justifié.
35:06Donc, en pratique,
35:07j'entends bien ce que vous dites,
35:08s'agissant des textes.
35:10En pratique,
35:11il y a bien une décision
35:12qui est prise
35:13et cette décision,
35:14elle est prise par le CSM
35:15collectivement
35:17quand il est réuni.
35:21Je n'ai pas connaissance,
35:22mais de la possibilité
35:24qu'aurait le CSM
35:25de se prononcer
35:27sans audience
35:28sur la possibilité
35:29d'excuser l'absence
35:31d'une partie.
35:32Vous êtes d'accord avec moi
35:35qu'il n'y a pas de texte là-dessus ?
35:37Pour moi,
35:38le texte,
35:39c'est que
35:40le CSM
35:42doit se prononcer
35:45sur le motif.
35:46Donc,
35:46il doit forcément
35:47se prononcer
35:47au cours d'une audience.
35:48Je ne vois pas
35:48à quel moment
35:49il pourrait se prononcer
35:50autrement
35:50qu'au cours d'une audience
35:51ou au cours d'un débat.
35:53Parce qu'il faut bien
35:53que le motif soit évoqué,
35:55il faut bien
35:56que la direction
35:56des services judiciaires
35:57en fasse...
35:57Il faut bien
35:59qu'il y ait un débat
35:59contradictoire
36:00sur ce motif.
36:01Donc,
36:02je ne vois pas
36:02à quel autre moment,
36:03parce qu'il n'y a pas
36:03d'autre moment
36:04qui est prévu
36:05dans le statut
36:06des magistrats
36:07sur une espèce
36:08d'audience
36:09de mise en état.
36:10Et je constate simplement
36:11que les audiences
36:11de mise en état,
36:12il s'avère que les magistrats
36:13sont convoqués
36:14et qu'on paraissent.
36:17Merci.
36:17Y a-t-il d'autres questions ?
36:19Oui,
36:19M. Mézard.
36:21Une question
36:22à M. le représentant
36:23du Premier ministre
36:24pour satisfaire
36:25ma curiosité.
36:26Je vois que
36:28le 3 juin dernier,
36:30le garde des Sceaux
36:31envoyait des observations
36:34à M. le Premier Président,
36:36président du CSM
36:38en lui indiquant
36:39que les conditions
36:40de renvoi
36:41de cette QPC
36:43considéraient
36:46que cette QPC
36:46ne présentaient pas
36:47un caractère sérieux.
36:50Or,
36:50aujourd'hui,
36:51le gouvernement,
36:53le Premier ministre,
36:53s'en rapporte
36:54à la sagesse
36:54du Conseil constitutionnel.
36:56Alors, je voulais savoir
36:56s'il y avait eu
36:57un élément nouveau
36:58où il est tout à fait possible
37:01que le Premier ministre
37:03ne soit pas d'accord
37:04avec le garde des Sceaux.
37:05Ça, c'est déjà vu
37:06dans l'histoire.
37:07Mais est-ce qu'il y a
37:08une raison particulière
37:09dans ce dossier ?
37:11M. le Président,
37:16M. le Président,
37:16Mesdames et Messieurs,
37:17les membres du Conseil constitutionnel,
37:18comme vous le savez,
37:19la défense est assurée
37:20par des autorités différentes
37:22au stade,
37:23devant les juridictions du fond,
37:24au stade du filtre
37:25et devant le Conseil constitutionnel.
37:27Par ailleurs,
37:28une telle situation
37:29n'est absolument pas inédite
37:30et a pu se reproduire
37:32par le passé.
37:33et les raisons
37:36et les stratégies
37:37de défense
37:37du gouvernement
37:38lui appartiennent
37:39et par conséquent,
37:40je n'en dirai pas plus
37:41sur ce point.
37:52Cette question prioritaire
37:54de constitutionnalité
37:56est mise en délibéré.
37:58La décision sera publique
37:59le 5 décembre 2025.
38:02Vous pourrez en prendre
38:02connaissance
38:03en vous connectant
38:04sur notre site internet.
38:05Merci.

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