- il y a 5 mois
Loi n°78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés
Article 22
Lien vers la décision :
https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2025/20251154QPC.htm
Article 22
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00:00L'audience est ouverte.
00:11Nous commençons cette audience avec la question prioritaire de constitutionnalité numéro 2025.
00:191154 QPC portant sur la conformité aux droits et libertés que la constitution garantie de l'article 22
00:25de la loi numéro 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.
00:36Madame la Gréfière va d'abord retracer les étapes de la procédure d'instruction pour cette question,
00:41instruction qui précède cette audience de plaidoirie.
00:44Madame la Gréfière.
00:44Merci, Monsieur le Président.
00:46Le Conseil constitutionnel a été saisi le 11 juin 2025 par une décision du Conseil d'Etat
00:51d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par les sociétés Cosmospace et Télémac
00:58portant sur la conformité aux droits et libertés que la constitution garantie de l'article 22
01:02de la loi numéro 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.
01:10Cette question relative à la notification du droit de se taire à une personne faisant l'objet d'une procédure de sanction par la CNIL
01:16a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le numéro 2025-1154QPC.
01:23La SAS Dibri et Texier a produit des observations dans l'intérêt de la partie requérante le 2 juillet 2025.
01:29La Commission nationale de l'informatique et des libertés, représentée par sa présidente,
01:33madame Marie-Laure Denis Partie à l'instance, a présenté des observations le 24 juin 2025.
01:39Le Premier ministre a produit des observations le 1er juillet 2025.
01:42La SCP Spinozy a demandé à intervenir dans l'intérêt de la société Eurotitrisation,
01:47madame Edith Luçon et monsieur Julien Leleu, et a produit à cette fin des observations les 2 et 16 juillet 2025.
01:53Seront entendus aujourd'hui l'avocat des parties requérantes, l'avocat de la partie intervenante et le représentant du Premier ministre.
02:01Merci. Maître Stéphane Texier, vous êtes avocat au Conseil, vous représentez les sociétés Télémac et Cosmospace, partie requérante.
02:12Nous vous écoutons.
02:15Monsieur le Président, mesdames et messieurs les membres du Conseil constitutionnel,
02:19le droit de se taire se présente une nouvelle fois devant vous.
02:22Ce droit de se taire, je ne vous apprends rien, a connu dans votre jurisprudence de nombreux développements au cours de ces dernières années,
02:28d'abord en matière pénale, puis en matière disciplinaire.
02:31Voilà qu'il se tient désormais aux portes des autorités administratives ou publiques indépendantes.
02:38L'ACNIL aujourd'hui, l'AMF demain, l'ACNUSAS ou peu, et rien ne s'oppose à ce que vous le laissiez entrer.
02:46Déjà parce que la grille que vous avez dégagée en la matière accueille sans grande difficulté
02:50les procédures de sanctions menées par ces autorités,
02:54dès lors que la personne concernée peut être amenée à fournir des explications
02:58sur des faits pour lesquels elle serait mise en cause,
03:02avant le cas échéant de subir une sanction ayant le caractère d'une punissante.
03:07Ensuite, parce qu'il ne fait guère de doute que c'est bien aux législateurs et non aux pouvoirs réglementaires
03:13qu'il revient de prévoir les garanties fondamentales, parmi lesquelles figure le droit de se taire,
03:19qui doivent être accordées aux citoyens, ainsi que l'impose l'article 34 de la Constitution.
03:25Ce n'est en effet qu'à la condition d'un encadrement législatif strict
03:28que les autorités administratives ou publiques indépendantes
03:31peuvent exercer le pouvoir qui leur est dévolu par la loi
03:34dans le respect du principe de la séparation des pouvoirs
03:37et des autres exigences constitutionnelles.
03:41Cela ressortait déjà au moins implicitement de votre décision du 28 janvier 2022
03:46et cela ressort encore de votre décision récente du 21 mars 2025
03:50relative à la phase d'enquête administrative diligentée par les services habilités de l'AMF.
03:56Je ne m'attarderai pas davantage sur ces points.
03:59Reste que si l'on en croit le Premier ministre et la CNIL,
04:02un dernier verrou, celui de la protection accordée aux personnes morales,
04:07se dresserait devant nous.
04:10Cet obstacle n'opposera cependant qu'une faible résistance.
04:14La CNIL soutient que le droit de se taire n'aurait vocation qu'à protéger les personnes physiques
04:19contre l'exercice d'une contrainte ou de pression
04:21pour l'obtention de preuves la conduisant à s'auto-incriminer.
04:25Mais si les personnes morales sont dépourvues de chair et de sang,
04:29elles n'en ont pas moins des organes.
04:30Elles peuvent même parler par la bouche de leur représentant légal qui, lui, est une personne physique.
04:36Celui-ci n'est bien sûr pas à l'abri des contraintes ou des pressions dont on vient de parler.
04:41Et tout ce qu'il dit, en sa qualité de représentant légal,
04:44pourra être retenu contre la personne qu'il est venu représenter.
04:48Aussi fictives soient-elles, les personnes morales sont au même titre que les personnes physiques
04:53des sujets de droit auxquels on applique d'ailleurs des sanctions
04:58qui sont généralement financièrement plus lourdes que celles que l'on inflige aux personnes physiques.
05:04Elles bénéficient, procéduralement parlant, des mêmes garanties fondamentales
05:07que n'importe quelle justiciable personne physique.
05:11La Cour de cassation l'a bien compris, qui, en matière pénale, a déjà, et dès 2016,
05:15fait application du droit de se taire à une personne morale,
05:18censurant la décision d'une Cour d'appel qui n'avait pas pris la peine
05:21de procéder à la notification de ce droit à son représentant.
05:25La Cour de justice de l'Union européenne n'a pas dit autre chose
05:27dans sa décision d'ébée contre Consob.
05:31La société, visée par la procédure de sanction, ne saurait, nous dit-elle,
05:35se voir imposer l'obligation de fournir des réponses
05:38par lesquelles celles-ci seraient amenées à admettre l'existence d'une infraction.
05:42Et le fait que la Cour européenne des droits de l'homme n'aurait pour l'heure, en tout cas,
05:46pas consacré de protection pour les personnes morales,
05:48et n'aurait consacré qu'une protection au profit des personnes physiques
05:51sur le fondement de l'article 6 de la Convention,
05:54cela ne vous retiendra pas.
05:56La Cour de Strasbourg n'a pas le monopole des décisions de principe
05:58en matière de droits fondamentaux.
06:00Vous pourrez donc aisément la précéder.
06:02En vérité, ce qui effraie la CNIL, c'est que votre décision d'aujourd'hui
06:08vienne entraver demain ses pouvoirs d'enquête,
06:12en s'opposant à ce que les personnes morales visées soient tenues
06:14de communiquer tout document de nature à révéler un manquement
06:18à la loi informatique et liberté.
06:20Mais un tel risque n'existe pas.
06:23Premièrement, le droit de se taire, c'est que votre jurisprudence
06:26ne s'applique pas à la phase d'enquête administrative,
06:28phase au cours de laquelle les enquêteurs sont à même d'obtenir
06:31la production de tout document qui leur paraisse utile.
06:35Deuxièmement, l'obligation pour les personnes soumises à l'enquête
06:36de communiquer les documents qui sont demandés n'est pas contraire,
06:39c'est aussi votre jurisprudence au droit de ne pas s'auto-accuser.
06:44C'est une chose que de fournir des documents objectifs
06:46à la charge pour les enquêteurs de mener les investigations qu'ils souhaitent
06:49et le cas échéant d'en faire émerger un manquement.
06:52C'en est une autre que d'attendre que la personne poursuivie
06:55fournisse des réponses précises de nature à lui faire avouer
06:57ce manquement.
06:59Votre décision rappellera donc ce subtil mais nécessaire équilibre
07:02entre la protection des droits des justiciables
07:04et l'efficacité de l'action des autorités administratives
07:07ou publiques indépendantes.
07:10Vous l'avez donc compris, rien ne s'oppose.
07:12Au contraire, tout commande que les personnes morales
07:14se voient accorder le droit d'une passe auto-accusée
07:16au cours de procédures susceptibles de conduire
07:18à de lourdes sanctions pécuniaires.
07:21Cela implique naturellement qu'elles se voient notifier
07:22avant l'audition de leurs représentants le droit de se taire.
07:25Et faute de prévoir une telle notification au cours de la procédure suivie
07:28devant la formation restreinte de la CNIL,
07:30laquelle peut d'ailleurs tout aussi bien concerner des personnes morales
07:32que des personnes physiques,
07:34l'article 22 de la loi du 6 janvier 1978
07:36est contraire à la Constitution.
07:38Vous l'abrogerez donc en prévoyant les modalités temporelles
07:41qui permettent d'assurer immédiatement
07:43la protection effective des personnes visées par une procédure de sanction.
07:47Et la CNIL nous indique à cet égard, dans cette observation écrite,
07:51que les procédures concernées sont au nombre de 26,
07:53ce qui exclut toute conséquence excessive
07:56si vous deviez évidemment ordonner l'application du droit de se taire
08:01aux procédures en cours, ce que vous ne manquerez pas de faire.
08:04Je vous remercie.
08:04Merci, Maître.
08:07Maître Patrice Spinozy, vous êtes avocat au Conseil,
08:11vous représentez la société Eurotitrisation.
08:13Madame Edith Luçon et M. Julien Leleu, partie intervenante,
08:18nous vous écoutons.
08:19Partie intervenante, car elles sont,
08:22devant votre Conseil, en ce qui concerne la QPC parallèle
08:25qui a été évoquée par mon confrère,
08:26relative à l'autorité des marchés financiers.
08:28Et évidemment, la décision que vous rendrez s'agissant de la CNIL
08:31et qui concerne l'ensemble des autorités administratives indépendantes
08:34déclinera très certainement sur vos autres affaires
08:38qui sont actuellement pendantes, qu'il s'agisse de l'AMF
08:40ou de la CNUSA.
08:42La question dont vous êtes saisie est objectivement complexe.
08:46Il est difficile de le nier.
08:48Et il vous appartient de prononcer une décision
08:50qui sera une décision, mon confrère vous l'a dit,
08:53d'équilibre, qui vous permettra d'assurer tout à la fois
08:55la garantie de droit au silence et, de l'autre,
08:59l'efficacité du contrôle et de la régulation
09:01qui est opérée par les autorités administratives indépendantes.
09:04Et cela est parfaitement possible,
09:06contrairement à ce que l'on vous plaidera peut-être,
09:08en gardant en tête quelques repères jurisprudentiels.
09:11D'abord, certes, nous sommes en matière de répression administrative,
09:15puisque nous sommes face à une procédure de sanctions
09:17en matière économique et financière.
09:19Pour autant, il est absolument acquis et jugé
09:22que les garanties qui sont accordées aux personnes mises en cause
09:26ne sauraient être moindres dans cette hypothèse
09:28que celles dont peuvent bénéficier les accusés en matière pénale.
09:33C'est le sens de votre jurisprudence,
09:34c'est le sens de la jurisprudence d'un cours européen des droits de l'homme,
09:37c'est le sens de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union
09:39et il est parfaitement clair.
09:41Et je n'arrive pas à comprendre
09:43comment les autorités administratives indépendantes,
09:45comme la CNIL, continuent de prétendre
09:47systématiquement que la spécificité de leur action
09:50et de leur mission devraient aboutir
09:53à ce que les garanties du procès équitable
09:55s'appliquent différemment à elles.
09:57C'est encore aujourd'hui le cas avec la CNIL,
10:01qui reprend d'ailleurs les arguments
10:02qui avaient été développés par l'AMF
10:04lors de votre précédent de mars, il y a quelques mois,
10:07et qui continue à mettre en avant
10:09l'obligation de coopération, de collaboration
10:12qui pèse sur toute entreprise intervenant
10:15sur le secteur qu'elle régule
10:16pour tenter de vous convaincre
10:18qu'il ne faut pas les soumettre au droit commun
10:20qui impose le droit au silence.
10:23Eh bien, malgré les nombreuses décisions
10:26qui sont rendues sur ce point,
10:27les AI continuent de vous demander
10:29une forme de totem d'immunité
10:30en matière de droits fondamentaux
10:32et on serait bien en peine de savoir
10:34et de comprendre pourquoi.
10:36Dans ces conditions, il n'y a aucun doute
10:38sur le fait que vous devez imposer
10:40le droit au silence aux autorités administratives indépendantes.
10:44Reste à savoir comment ce droit au silence
10:46a matière à être mis en application
10:49devant ces autorités administratives indépendantes.
10:53Et il y a là deux points
10:55qu'il vous appartient de trancher,
10:56qui sont d'ailleurs invoqués par l'ACNIL
10:59et par le secrétaire général du gouvernement,
11:02qu'il s'agisse d'abord de la question
11:04du caractère factuel ou incriminant
11:07des questions qui sont posées aux personnes morales,
11:12et de l'autre, la distinction qui peut exister
11:14entre personnes morales et personnes physiques.
11:17Le premier argument, donc,
11:18qu'il vous appartient de trancher,
11:21c'est celui qui est avancé par l'ACNIL,
11:23qui vous propose de distinguer
11:24les déclarations des personnes mises en cause
11:26dont certaines ne seraient pas susceptibles
11:29de justifier la notification du droit au silence.
11:34Il est avancé ainsi une distinction
11:36entre des renseignements qui seraient d'un ordre
11:38purement factuel,
11:39auxquels le droit au silence ne saurait être opposé,
11:42et les strictes aveux de culpabilité
11:44qui seraient seuls concernés par ce droit au silence.
11:48Et le régulateur, pour essayer de vous convaincre,
11:51s'appuie sur la jurisprudence
11:52de la Cour de justice de l'Union,
11:53en particulier une décision hors qu'aime
11:55contre Commission de 1989,
11:58par laquelle il a été jugé que la Commission
11:59est en droit d'obliger l'entreprise
12:01à fournir tous les renseignements nécessaires,
12:04portant sur des faits dont elle peut avoir connaissance,
12:07et à lui communiquer, au besoin,
12:08les documents y afférents,
12:10même si ceux-ci peuvent servir à établir à son encontre
12:12l'existence d'un comportement anti-concurrentiel,
12:16serait alors uniquement interdit,
12:17je cite,
12:18« d'imposer à l'entreprise l'obligation
12:20de fournir des réponses par lesquelles
12:22elle serait amenée à admettre l'existence de l'infraction ».
12:24Deux remarques à cet égard.
12:27D'abord, la jurisprudence hors qu'aime
12:28concerne une personne morale mise en cause
12:31pour ne pas avoir fourni des renseignements
12:33qui étaient sollicités par le régulateur
12:35lors d'une enquête.
12:37Nous sommes donc dans cette hypothèse-là
12:39avant la notification du GRIES,
12:42et donc dans l'hypothèse procédurale
12:44de votre précédente décision ADAP,
12:47et non pas dans l'hypothèse procédurale
12:49qui nous concerne,
12:50où il y a d'ores et déjà eu
12:52une mise en cause
12:53de la personne qui bénéficie du droit au silence.
12:57La distinction qui est proposée par la CGE
13:00entre, d'un côté, les éléments purement factuels
13:03et, de l'autre, les prétendus aveux de culpabilité
13:06n'a donc pas la portée que la CNIL entend lui donner.
13:11Ensuite, il ne vous est nul besoin
13:14d'aller chercher dans la jurisprudence
13:15de la Cour de justice
13:16des artificiels critères de distinction
13:20quand vous avez votre propre jurisprudence
13:24et des précédents qui sont parfaitement topiques
13:28qu'il vous suffit de transcrire.
13:30On vous l'a dit, vous venez de retenir
13:31le 21 mars dernier, c'est votre QPC 2025, 1128,
13:36que l'obligation de notification du droit de ce terre
13:39avait vocation à s'appliquer uniquement
13:42pour, je vous cite,
13:44le recueil par les enquêteurs de l'autorité des marchés financiers
13:47des explications d'une personne sur des faits
13:51pour lesquels elle serait mise en cause.
13:54Le commentaire de cette décision précise que vous illustrez ainsi,
13:58je cite encore, la ligne de partage que vous aviez tracée
14:00dans votre précédent 2024, 1111 QPC,
14:04entre des situations qui justifiaient la notification du droit de ce terre
14:07et celles qu'il ne l'imposait pas.
14:09Si les mots ont un sens et si vous voulez être en cohérence
14:13avec la décision que vous venez de rendre il y a trois mois,
14:16on ne voit guère pourquoi vous vous départiriez
14:19dans votre motivation de cette formulation
14:22que vous avez d'ores et déjà retenue.
14:24Ainsi, pour assurer l'effectivité du droit au silence,
14:28il vous suffit de retenir que celui-ci doit être systématiquement notifié
14:32à toute personne qui, et je reprends vos mots-mêmes,
14:37est confrontée à des enquêteurs, d'un régulateur
14:41dont la mission peut avoir pour effet de permettre le recueil
14:45par cette même personne d'explications sur des faits
14:49pour lesquels elle serait mise en cause.
14:52Rien de plus, mais rien de moins que ce que vous avez d'ores et déjà jugé.
14:58La deuxième proposition, qui est avancée par la CNIL comme le SGG
15:03pour essayer de vider de sa substance l'effectivité du droit au silence
15:07dans les procédures de sanction, est tirée de la distinction
15:10que l'on vous propose d'opérer entre, d'un côté,
15:13les personnes physiques et les personnes morales.
15:16On s'appuie encore une fois sur le droit européen
15:18et on vous invite à retenir, au pire, que le droit au silence
15:22ne s'applique tout simplement pas aux personnes morales
15:25et au mieux, si c'est le cas, que ce ne peut être
15:28qu'un droit dégradé et limité.
15:32Là encore, la distinction qui est proposée
15:35ne trouve aucun fondement dans notre jurisprudence nationale.
15:41On a peine à rappeler ici que l'obligation
15:43de la notification du droit de ne pas s'auto-incriminer,
15:48lequel ne nous est pas naturel,
15:50puisqu'il n'est absolument pas issu
15:53de notre tradition juridique française, vous le savez,
15:56a été introduit dans notre législation
15:59en considération des règles relatives au procès équitable
16:03en matière d'accusation en matière pénale
16:06à laquelle est assimilée la répression administrative.
16:10Le droit au silence que l'on découvre depuis peu au Palais-Royal
16:14est depuis maintenant plusieurs années
16:17appliqué quotidiennement de l'autre côté de la scène,
16:20tant par la Cour de cassation que par le Parlement en matière répressive.
16:24Or, il n'a jamais été fait une quelconque distinction
16:28à cet égard entre d'un côté les personnes morales
16:30et de l'autre les personnes physiques mises en cause.
16:34Je vous renvoie sur ce point aux différents développements
16:36de la procédure écrite qui précisent l'état de la jurisprudence
16:42comme les conditions d'application par la Cour de cassation
16:45de l'article 406 du Code de procédure pénale
16:48qui impose qu'une personne mise en examen ou prévenue
16:51doive à peine de nullité se voir informée de son droit de se taire
16:55et de pouvoir répondre si elle le souhaite uniquement
17:00aux questions qui lui se posaient.
17:02Et à ce titre, la Chambre criminelle précise régulièrement
17:06et casse régulièrement des décisions
17:09en rappelant que ce texte, je cite,
17:12« n'opère pas de distinction entre les personnes morales
17:16et les personnes physiques ».
17:19Au risque d'énoncer une tautologie,
17:20les personnes morales sont des personnes juridiques
17:22au même titre qu'une personne physique
17:24et doivent bénéficier des mêmes droits
17:27par le truchement de leurs représentants.
17:30On l'a dit, il n'y a là aucune difficulté particulière
17:33contrairement à ceux dont essaye de vous convaincre
17:36le secrétariat général du gouvernement.
17:37Ce dernier fait valoir que la détermination
17:39du champ d'application de l'exigence de notification
17:42du droit au silence aux personnes morales,
17:44je cite, poserait d'insurmontables difficultés.
17:48Car, toujours selon le secrétariat général du gouvernement,
17:50s'il était reconnu, il devrait, je cite toujours,
17:52être notifié à tout salarié, à tout représentant
17:56dès lors qu'il serait entendu sur des faits
17:58pouvant fonder une sanction de la personne morale
18:00qu'il emploie ou qu'il représente.
18:03Difficulté à ce point surmontable pour le Premier ministre
18:06qu'il en déduit radicalement que, pour ces raisons,
18:09les personnes morales sont insusceptibles
18:12d'être elles-mêmes entendues
18:13et n'entrent pas dans le champ du droit
18:16de ne pas s'auto-incriminer.
18:19Objectivement, aux pénalistes que je suis,
18:21les bras m'en tombent.
18:23J'ai hâte d'aller expliquer à la chambre criminelle
18:25de la Cour de cassation,
18:27comme d'ailleurs à la Cour européenne des droits de l'homme,
18:28qu'en réalité, parce que le droit au silence
18:30est trop compliqué à mettre en œuvre pour une personne morale.
18:33Il est tout simplement plus simple de ne pas le lui reconnaître.
18:37L'argument avancé par le secrétaire général du gouvernement
18:41et évidemment repris par la Cline,
18:43n'est qu'un écran de fumée qui est destiné à troubler votre jugement
18:47là où, en réalité, il y a d'autant moins de difficultés
18:51que la notification du droit au silence aux personnes morales
18:53s'opère quotidiennement maintenant depuis près de 20 ans
18:57devant les juges répressifs et les jurisprudences européennes
19:01Fung contre France et John Murray,
19:03l'une de 1993 et l'autre de 1996.
19:07En pratique, lorsqu'est mise en cause une personne morale,
19:10la notification de son droit au silence
19:11s'opère par le truchement de ces représentants légaux
19:15lesquels l'incarnent physiquement durant la procédure.
19:18Ces représentants désignés de la personne morale
19:20sont les bénéficiaires indirects du droit au silence,
19:23non pour eux-mêmes.
19:25Ils ne sont d'ailleurs pas nécessairement mis en cause
19:26à titre personnel, mais bien au nom de la personne morale
19:30qui les a mandatées à cette fin
19:31et qu'ils engagent par leur déclaration.
19:34Et c'est bien la raison pour laquelle, en matière pénale,
19:37il est interdit de faire prêter serment à ces représentants.
19:42Ainsi, contrairement à ce qui est prétendu de l'autre côté de Babar,
19:45il n'y a aucune raison objective de distinguer
19:48entre personne morale et personne physique
19:51pour faire l'objet de la notification du droit
19:54de ne pas répondre aux interrogations des enquêteurs.
19:57Il faut tout simplement adapter ces exigences
20:00à la fiction juridique de la mise en cause
20:03d'une personne morale en transposant ces garanties
20:06à ses représentants objectivement.
20:09Il n'a rien là d'extraordinaire.
20:12Il ne reste en réalité que le refus quasi-pavlovien
20:15de toute autorité administrative indépendante
20:18de se voir appliquer les garanties processuelles fondamentales
20:22qui ont déjà cours depuis de nombreuses années
20:25devant le juge répressif
20:26et auxquelles elle ne peut structurellement s'habituer
20:30à être soumise.
20:31Je ne doute pas que vous ayez à cœur de le lui expliquer
20:35et le cas échéant de l'y contraindre.
20:37Je vous remercie.
20:39Merci, Maître.
20:41La Commission nationale de l'informatique et des libertés
20:43représentée par sa présidente, Mme Marie-Laure Denis,
20:47partie à l'instance, a fait savoir qu'elle s'en rapportait
20:49à ses écritures.
20:51Je donne maintenant la parole à M. Benoît Canguilhem,
20:53chargé de mission au secrétariat général du gouvernement
20:56pour le Premier ministre.
20:58Nous vous écoutons.
20:59Merci, M. le Président.
21:00Mesdames, Messieurs les membres du Conseil constitutionnel,
21:02vous voilà à l'orée d'une nouvelle étape
21:04de la stabilisation de votre jurisprudence
21:06sur le droit de ce terre.
21:08Votre récente décision 2025-1128 QPC
21:11avait rappelé vos principes en la matière
21:13en jugeant qu'au stade de l'enquête
21:15menée par l'autorité des marchés financiers,
21:17la notification du droit de ce terre ne s'imposait pas.
21:20Et vous êtes désormais confronté
21:22à la question suivante
21:24de l'exigence de notification du droit de ce terre
21:26au cours de la procédure disciplinaire
21:28proprement dite
21:29devant les autorités administratives indépendantes.
21:32La QPC qui nous occupe ce matin
21:34porte sur la procédure prévue à l'article 22
21:36de la loi du 6 janvier 78.
21:39Mais, et cela a été dit,
21:41d'autres vous attendent relative aux procédures de sanctions
21:43menées devant l'autorité des marchés financiers
21:46ou devant l'autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires.
21:50En l'espèce, la décision de renvoi
21:51vous invite à prendre position
21:52sur une question qui affleure depuis un certain temps
21:55sans avoir été tranchée,
21:56ni par le Conseil d'Etat, ni par vous.
21:58L'exigence de notification du droit de ce terre
22:01trouve-t-elle à s'appliquer
22:02lorsque la personne faisant l'objet
22:04de la procédure de sanction
22:05est une personne morale ?
22:07En l'état actuel de votre jurisprudence,
22:10rien ne l'impose
22:11et c'est même l'inverse.
22:14Quand on s'intéresse aux finalités
22:15et à la raison d'être du droit de ce terre
22:18selon votre jurisprudence,
22:21alors il apparaît avec la force de l'évidence
22:23que cette exigence ne peut être transposée
22:25aux personnes morales.
22:28En effet, selon votre jurisprudence,
22:29à quoi sert ?
22:30Quelle est la finalité
22:31de la notification du droit de ce terre ?
22:34Cette notification sert à protéger
22:35la personne interrogée
22:36du risque de s'auto-incriminer.
22:39En conservant le silence,
22:41elle se prémunit du risque
22:42de révéler des éléments
22:44sur lesquels elle pourrait être sanctionnée
22:46et la notification préalable
22:48de son droit de conserver le silence
22:50lui permet d'éviter
22:51de se sentir obligé à des révélations.
22:53Il s'agit donc d'une protection
22:56de la personne interrogée.
22:59Or, par nature,
23:01une personne morale n'est jamais
23:02directement interrogée,
23:03elle ne l'est évidemment que par
23:04l'entremise de ses représentants.
23:08Et comme l'ont fait remarquer
23:09des auteurs avisés,
23:11nous citons,
23:11une personne morale ne peut être contrainte
23:13à s'auto-incriminer
23:14de la même manière
23:15qu'un suspect
23:16lors d'un interrogatoire.
23:18cela est tout simplement impossible.
23:22L'extension du droit de se taire
23:24aux personnes morales
23:26aurait donc un objet distinct
23:28de celui qui lui est aujourd'hui reconnu
23:32et la notification du droit de se taire
23:33changerait alors de nature.
23:36En effet, la personne physique
23:37qui se verrait effectivement notifier
23:40le droit de conserver le silence
23:41ne l'exercerait pas
23:43pour se prémunir
23:44de sa propre incrimination,
23:45mais pour protéger
23:47un tiers, en l'occurrence,
23:49la personne morale
23:50pour laquelle elle agit.
23:52Ce n'est jusqu'à aujourd'hui
23:53absolument pas la portée
23:55du principe
23:56selon lequel nul n'est tenu
23:57de s'accuser
23:58qui résulte de l'article 9
24:00de la déclaration de 1789.
24:02Vous pourrez donc écarter
24:03ce grief.
24:06Toutefois, si vous deviez censurer
24:07les dispositions contestées,
24:08une abrogation immédiate
24:09aurait évidemment des conséquences
24:12manifestement excessives.
24:13Il y aurait ainsi lieu
24:14s'il était décidée
24:15à une censure
24:15des dispositions contestées
24:16de reporter leur abrogation
24:18en accordant au législateur
24:19un délai suffisant
24:20du permettant de remédier
24:21à cette inconstitutionnalité.
24:24Merci, M. Canguilet.
24:27Permettez-moi également
24:28de saluer votre présence ici
24:30pour une dernière séance
24:31vous concernant,
24:33puisque nous savons
24:34que vous allez voguer
24:34vers d'autres cieux.
24:36Et vous remercier
24:36pour votre assiduité,
24:39votre abnégation
24:40et vos nombreux éclairages
24:42donnés à notre Conseil.
24:44Nous avons entendu
24:47les observations
24:47des parties présentes.
24:49L'un des membres du Conseil
24:50souhaite-t-il poser
24:51une question
24:52à l'une des parties présentes.
24:55Y a-t-il des questions,
24:56chers collègues ?
24:58Il n'y en a pas.
25:00Donc cette question prioritaire
25:01de constitutionnalité
25:03est mise en délibéré.
25:04La décision sera publique
25:06le 8 août 2025.
25:07Vous pourrez en prendre connaissance
25:10en vous connectant
25:11sur notre site internet.
25:12sur notre site internet.
25:13Je vous remercie.
25:13Je vous remercie.
25:14Je vous remercie.
25:14Je vous remercie.