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  • 22/07/2025
Code général de la fonction publique
Quatrième alinéa de l'article L. 332-4
Lien vers la décision :
https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2025/20251152QPC.htm

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Transcription
00:00L'audience est ouverte.
00:09Nous commençons cette audience sur la question prioritaire de constitutionnalité 2025-1152QPC
00:17portant sur la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du 4e alinéa de l'article L332-4 du Code général de la fonction publique.
00:28Madame la Greffière va d'abord retracer les étapes de la procédure d'instruction pour cette question.
00:33Instruction qui précède cette audience de plaidoirie. Madame la Greffière.
00:37Merci Monsieur le Président.
00:39Le Conseil constitutionnel a été saisi le 30 mai 2025 par une décision du Conseil d'Etat d'une question prioritaire de constitutionnalité
00:46posée par Madame Virginie Mazoyer portant sur la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du 4e alinéa
00:53de l'article L332-4 du Code général de la fonction publique.
00:58Cette question relative aux catégories de contrats à durée déterminée des agents contractuels de l'Etat
01:03pris en compte pour l'obtention d'un contrat à durée indéterminée
01:07a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le numéro 2025-1152QPC.
01:14L'ASCP Rocheteau, Usant-Sarano et Goulet a produit des observations dans l'intérêt de la partie requérante le 1er juillet 2025.
01:22Le Premier ministre a produit des observations le 17 juin 2025.
01:26Seront entendus aujourd'hui l'avocat de la partie requérante et le représentant du Premier ministre.
01:31Merci Madame la Greffière.
01:33Maître Cédric, Usant-Sarano, vous êtes avocat au Conseil et vous représentez Madame Virginie Mazoyer, partie requérante.
01:39Nous vous écoutons.
01:44Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les membres du Conseil constitutionnel,
01:50Madame Mazoyer, que je représente donc devant vous aujourd'hui,
01:53est technicienne informatique à l'école de santé de Lyon au sein de laquelle
01:57elle a été employée sur les mêmes fonctions en contrat à durée déterminée entre 2017 et 2024,
02:03soit pour une durée supérieure à 6 ans.
02:06Elle a donc vocation à bénéficier de ce qu'il est convenu d'appeler le processus de cédéisation,
02:10principe désormais bien établi du droit des contrats des agents non titulaires de la fonction publique.
02:16Sous l'impulsion du droit de l'Union européenne, en particulier l'accord cadre du 28 juin 1999 sur le travail à durée déterminée,
02:23vous savez que le législateur a adopté dans les différentes fonctions publiques
02:27des dispositifs de lutte contre la précarisation des agents publics en leur permettant passer une certaine durée d'emploi en CDD
02:34auprès de la même administration et sur les mêmes fonctions, de solliciter la conclusion d'un contrat à durée indéterminée,
02:41d'où le néologisme de cédéisation.
02:44C'est le cas de Madame Mazoyer dont la situation a toutefois mis au jour une défectuosité des textes
02:49désormais réunie au sein du Code général de la fonction publique.
02:53Défectuosité qui prend ici la forme d'une atteinte au principe constitutionnel d'égalité
02:58garanti par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, que vous devrez donc censurer.
03:05En effet, l'article L332-4 du Code, qui est désormais le siège du principe de cédéisation à l'issue de 6 ans de CDD,
03:13omet de renvoyer, au titre des contrats courts à prendre en considération pour calculer cette durée,
03:19à ceux de l'article L332-7, soit les contrats conclus pour pourvoir à une vacance temporaire d'emploi
03:26dans l'attente du recrutement d'un fonctionnaire.
03:29Et c'est ce qui a été opposé à Madame Mazoyer au titre de ses deux premières années de recrutement
03:33pour lui refuser le bénéfice d'un CDI.
03:37Mais cette exclusion n'est absolument pas en rapport avec l'objet de la loi
03:42et ne repose sur aucun critère objectif ni rationnel,
03:46alors que sont pris en compte les contrats de l'article L332-6,
03:50c'est-à-dire ceux destinés à assurer le remplacement momentané d'agents publics.
03:56Ni intrinsèquement, ni par comparaison avec les autres contrats courts pris en compte pour la cédéisation,
04:02rien ne justifie d'exclure les contrats conclus pour faire face à une vacance temporaire.
04:07Disons-le tout net, le suspense constitutionnel est ici très faible,
04:14puisque le gouvernement reconnaît en défense l'absence totale de justification de cette différence de traitement
04:19porteuse d'une rupture d'égalité,
04:21ce d'autant que les contrats en question étaient bien visés dans la version des textes avant leur codification,
04:27ce qui confirme, si besoin était, qu'il n'y a aucune justification objective à leur exclusion aujourd'hui.
04:32Le problème vient donc d'une malfaçon lors de la codification qui devait se faire à droit constant.
04:40On rappellera d'un mot que cette codification résulte de l'ordonnance du 24 novembre 2021
04:44qui n'a pas été ratifiée alors que le délai d'habilitation a expiré
04:48et qui a donc incontestablement valeur législative au titre de votre contrôle en QPC.
04:54Vous devrez donc déclarer les dispositions qui vous sont déférées contraires aux droits et libertés garanties par la Constitution.
05:00Et la question qui se pose à vous alors, c'est celle du remède approprié que vous devrez apporter.
05:06Le gouvernement vous invite en effet, sauf changement de dernière minute,
05:13à purger le vice de la loi par une réserve d'interprétation.
05:16Face au caractère manifeste de la carence du texte,
05:21la solution, expédiante, a les attraits de la célérité et de la facilité
05:27en évitant la lourdeur d'une intervention législative,
05:30a fortiori dans une période d'activité parlementaire quelque peu troublée.
05:34Mais je veux dire très simplement ici qu'il est impossible et qu'il serait dangereux
05:39que vous vous engagiez dans cette voie plus qu'escarpée.
05:42Pour que vous puissiez procéder à une réserve d'interprétation,
05:46encore faut-il que le texte de la loi comporte des dispositions, des termes,
05:50un syntagme dont l'imprécision ou la contradiction interne
05:54est source de l'inconstitutionnalité constatée,
05:57que vous pouvez alors effectivement purger
05:59en formulant une interprétation conforme ou neutralisante.
06:04En revanche, vous excéderiez votre office
06:06en comblant vous-même à la place du législateur
06:09sous couvert de réserve d'interprétation
06:11un manque pur et simple dans les dispositions légales.
06:15C'est d'ailleurs ce que relevait M. Pichon de Vendeuil
06:16dans ses conclusions devant le Conseil d'État
06:18en faveur du renvoi devant vous de la QPC
06:20lorsqu'il réagissait à la suggestion de réserve d'interprétation
06:24déjà formulée par le gouvernement au stade du filtre,
06:27ce qui était évidemment d'autant plus exclu.
06:30Soulignant que le renvoi de la QPC s'imposait
06:32pour que vous puissiez censurer les dispositions déférées,
06:35M. Pichon de Vendeuil ajoutait, je cite,
06:37« S'agissant d'un texte clair, nous serions très dubitatifs
06:41quant aux effets que pourrait avoir en pratique
06:43une simple réserve d'interprétation. »
06:46On ne peut que souscrire à cette circonspection
06:50du rapporteur public,
06:52élégamment exprimé, mais sans la moindre équivoque.
06:55Et l'on doit y ajouter une inquiétude,
06:58celle d'un risque important d'insécurité juridique
07:00pour les citoyens, les justiciables,
07:03les administrations devant appliquer les textes en cause,
07:05et même les juridictions, dès lors que le texte
07:08resterait en l'état, dans l'ordonnancement juridique,
07:11avec le manque qu'il affecte au risque
07:13de nouvelles applications inconstitutionnelles.
07:16Même si la carence ici en cause résulte d'une malfaçon
07:19qui aurait aisément pu être évitée
07:20lors de la rédaction de l'ordonnance de 2021,
07:23la sagesse et la prudence,
07:26y compris sur la conception que vous entendez
07:28donner à voir de votre office,
07:30commandent donc d'en passer ici par une abrogation.
07:32A cet égard, et pour conclure,
07:35M. le Président, Mesdames, Messieurs,
07:36les membres du Conseil constitutionnel,
07:39il va de soi que la correction de l'atteinte
07:41aux principes d'égalité dont est affectée la loi
07:43ne doit pas faire disparaître purement et simplement
07:46de l'ordonnancement juridique,
07:47même temporairement,
07:49le dispositif de cédéisation,
07:51protecteur des droits des agents non contractuels.
07:54La QPC se transformerait sinon en un canon
07:56non seulement au calibre beaucoup trop large,
07:59mais qui en plus tirerait à l'envers.
08:02Comme vous le faites toujours dans ce type de situation,
08:05il convient donc de faire en sorte
08:06que le dispositif légal perdure,
08:08mais corrigé de son vice,
08:09le temps que le législateur y apporte
08:11le complément pérenne requis.
08:14Et comme toujours également,
08:16en cas de différé d'abrogation,
08:17vous prendrez soin de réserver les instances en cours
08:19et au premier chef,
08:21la situation de Mme Mazoyer,
08:23auteur de la QPC,
08:24qui doit donc profiter des effets
08:26de votre décision à venir
08:27dans le cadre du litige principal,
08:29ayant donné prise à la question prioritaire
08:31de constitutionnalité.
08:35Merci, Maître.
08:38Je donne la parole maintenant
08:39à M. Benoît Canguilhem,
08:41chargé de mission au secrétaire général du gouvernement
08:43pour le Premier ministre.
08:44Nous vous écoutons.
08:45Merci, M. le Président.
08:46Mesdames et Messieurs les membres
08:47du Conseil constitutionnel,
08:49les dispositions contestées sont issues
08:50de l'ordonnance du 24 novembre 2021,
08:53portant partie législative du Code général
08:55de la fonction publique,
08:56ordonnance prise sur le fondement
08:57de l'habilitation,
08:58donnée par l'article 55
08:59de la loi du 6 août 2019.
09:02Il était particulièrement question ici
09:04de la codification de l'article 6 bis
09:06de la loi du 11 janvier 1984.
09:10Cet article prévoyait qu'au terme
09:12d'une durée de 6 ans,
09:13un contrat ne pouvait être conclu
09:15avec un agent public
09:16que pour une durée indéterminée,
09:18à condition que les contrats
09:19à durée déterminée antérieures
09:20aient été conclus
09:22sur l'un des 6 fondements textuels
09:23expressément mentionnés
09:25par cet article 6 bis.
09:27Il était notamment renvoyé
09:28à l'article 6 qu'inquiète
09:30de la loi du 11 janvier 1984
09:31qui permettait de comptabiliser,
09:33au titre de cette durée de 6 ans,
09:36les services effectués
09:36par les agents contractuels
09:37recrutés pour faire face
09:38à une vacance temporaire d'emploi
09:40dans l'attente du recrutement
09:41d'un fonctionnaire.
09:43Cet article 6 qu'inquiète
09:44est aujourd'hui codifié
09:45à l'article L332-7
09:47du Code général de la fonction publique.
09:49L'article 6 bis renvoyait également
09:51à l'article 6 sexiès
09:52de la loi du 11 janvier 1984
09:54qui, lui, prévoyait
09:55le recrutement de contractuels
09:56pour faire face
09:57à un accroissement temporaire
09:58ou saisonnier d'activité.
10:00Cet article 6 sexiès
10:02a, lui, été codifié
10:03à l'article L332-22
10:05du Code général de la fonction publique.
10:08Or, le quatrième alinéa
10:09de l'article L332-4 du Code,
10:12qui devait codifier
10:13l'article 6 bis
10:14de la loi du 11 janvier 1984,
10:16ne renvoie ni à l'article L332-7
10:19ni à l'article L332-22
10:21du Code général de la fonction publique.
10:24Il s'agit d'une erreur matérielle
10:26de renvoi
10:27dont il résulte
10:29une codification
10:30à droit non constant
10:31en méconnaissance
10:33donc de l'habilitation
10:34de la loi du 6 août 2019
10:36et donc en méconnaissance
10:37de la volonté du législateur.
10:41Or, lorsque l'omission législative
10:43dont il résulte
10:44une atteinte au principe d'égalité
10:45est contraire
10:46à l'intention du législateur,
10:48il vous est arrivé
10:49de préférer
10:51la formulation
10:51d'une réserve
10:52à l'abrogation
10:54des dispositions en cause.
10:56Vous avez procédé ainsi
10:58à plusieurs reprises
10:59en matière électorale
11:01et récemment,
11:02ce qui concerne
11:03la liste des incompatibilités
11:04figurant au premier alinéa
11:05de l'article LO141
11:06du Code électoral,
11:07voyez votre décision
11:081073 QPC
11:09du 1er décembre 2023.
11:13En l'espèce,
11:14la conformité
11:14à la constitution
11:15du 4e alinéa
11:16de l'article L332.4
11:17suppose donc
11:19qu'il soit interprété
11:20comme prévoyant
11:21la prise en compte
11:21des emplois
11:22occupés en application
11:24de l'article L332-7
11:27et de l'article L332-22
11:29du même Code
11:29pour la comptabilisation
11:31de cette durée
11:31de 6 années.
11:34Si toutefois,
11:35vous deviez préférer
11:36la voie de la censure
11:38à celle de la réserve,
11:40il vous serait alors demandé,
11:41et cela a déjà été fait,
11:43de reporter les effets
11:44de cette abrogation.
11:45L'abrogation immédiate
11:46entraînerait évidemment
11:47des conséquences
11:48manifestement excessives
11:50car elle mettrait fin
11:50immédiatement
11:51à la possibilité
11:52pour les agents
11:53qui justifiaient
11:54de 6 années de service
11:55conclues sur les autres contrats,
11:57c'est-à-dire
11:58ceux prévus
11:58à l'article L332-1,
12:01L332-2,
12:02L333-6 du Code
12:04de conclure
12:05un contrat
12:05à durée indéterminée,
12:06passé cette durée
12:07de 6 années.
12:07Il aurait ainsi lieu,
12:09si était décidée
12:10une censure
12:11de ces dispositions,
12:12de reporter
12:12leur abrogation
12:13et d'accorder
12:13au législateur
12:14un délai suffisant
12:15lui permettant
12:16de remédier
12:17à cette inconstitutionnalité.
12:19Merci, monsieur.
12:21Nous avons entendu
12:22les observations
12:23des parties présentes.
12:25L'un des membres
12:25du Conseil
12:26souhaite-t-il poser
12:27une question
12:28à l'une des parties ?
12:28Merci, monsieur le Président.
12:35Je voudrais demander
12:36et à M. Ruzan-Sarano,
12:37même s'il me semble
12:38avoir déjà répondu,
12:39et à M. Corguilhem
12:40s'ils n'ont vraiment
12:41aucun doute
12:42sur le fait
12:43qu'une disposition
12:44d'une ordonnance
12:44non ratifiée
12:45qui se trouve être
12:47contraire
12:47à l'habilitation
12:49donnée par le législateur
12:50peut être regardée
12:52comme un acte législatif
12:54au sens du contrôle
12:56sur la QPC.
12:57Maître ?
13:01Pour vous répondre,
13:02monsieur le conseiller,
13:03oui,
13:04nous n'avons pas
13:05de doute à ce sujet
13:06quand on lit
13:06la jurisprudence
13:07à la fois du Conseil d'État
13:08et la vôtre.
13:09Je pense qu'en termes
13:11de pragmatisme
13:11et de cohérence
13:12de ces jurisprudences,
13:14même s'il y a contrariété,
13:15c'est le motif
13:16d'inconstitutionnalité,
13:17mais je ne crois pas
13:17que ça rétroagisse
13:18sur la nature législative
13:20au sens de votre contrôle QPC.
13:23C'est comme ça, d'ailleurs,
13:24que M. Pichon-de-Vandeuil
13:25a pris la précaution,
13:26évidemment,
13:27dans ses conclusions
13:28de renvoi de la QPC
13:29d'examiner la question.
13:31Merci.
13:32M. Tanguilhem.
13:35Je m'associe
13:36à ce qui vient d'être dit.
13:37Alors, aucun doute,
13:37non,
13:38parce que la question
13:38est quand même complexe
13:40et on aurait peut-être
13:41pu imaginer
13:41autre chose,
13:43mais dès lors
13:44qu'effectivement,
13:44on est dans le cadre
13:45d'un grief
13:46relevant du champ
13:48de la QPC,
13:49il me semble,
13:49effectivement,
13:50comme vient
13:51le dire maître
13:52Ruzon-Sarado,
13:52qu'on est vraiment
13:53dans le champ
13:53de la jurisprudence.
13:54Merci.
13:57Pas d'autres questions ?
14:00Bien,
14:00nous poursuivons
14:01cette audience
14:02avec la question...
14:03Merci.

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