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  • il y a 2 jours
Ce mercredi 19 novembre, Sébastien Abis, directeur du Club Déméter, chercheur associé à l'IRIS, était l'invité de Caroline Loyer dans Le monde qui bouge - L'Interview, de l'émission Good Morning Business, présentée par Laure Closier. Ils sont revenus sur la forte réduction de la production de l'opium en Afghanistan, ce qui a relancé la production dans d'autres pays asiatiques, notamment en Iran. Retrouvez l'émission du lundi au vendredi et réécoutez la en podcast.

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Transcription
00:00Alors là on va apprendre plein de choses parce qu'en matière de culture du pavot, Sébastien Abyss, on ne connaît strictement rien, on a besoin de vous.
00:05J'ai appris en préparant cette interview que l'Afghanistan était sous pression du régime taliban et aussi des Américains pour faire baisser sa culture du pavot et que ça fonctionnait.
00:16Vous êtes directeur du club Déméter, chercheur associé à l'Iris. Il n'y a que vous pour nous parler de ce type de sujet. Qu'est-ce qui se passe sur le sujet du pavot en Afghanistan ?
00:25L'Afghanistan a toujours été un pays ces dernières années où le pavot à opium, c'est-à-dire ce pavot somnicère, c'est une plante en fait, donc c'est une culture agricole, a été utilisée pour permettre à des agriculteurs, des producteurs de zones enclavées, de zones parfois contestataires du pouvoir en place.
00:42On sait que l'Afghanistan a connu beaucoup de remous politiques ces dernières années. On utilise cette production pour générer beaucoup de revenus puisqu'elle est évidemment sur le marché international revendue à prix d'or et souvent illégale.
00:53Et on a eu souvent une estimation que la moitié de l'agriculture afghane venait de la culture du pavot et que le pavot à opium représentait parfois jusqu'à 10-15% du PIB de l'Afghanistan.
01:06Et donc les talibans ont toujours utilisé cette culture pour financer parfois leur combat intérieur et leur reconquête du pouvoir.
01:13Évidemment, une fois qu'ils sont au pouvoir, comme en 2001 ou comme depuis 2022, ils l'interdisent au nom de la charia et au nom des principes de l'islam.
01:22Et en même temps, ça pose des questions sur les revenus des territoires puisqu'évidemment, des producteurs sont privés de cette ressource qui est encore une fois exploité parfois à des fins contestataires ou de reconquête politique.
01:33Et qu'est-ce qui prend le relais comme culture quand on ne fait plus de pavot ?
01:36Précisément, souvent des cultures parfois plus traditionnelles à condition qu'elles sont agronomiquement et climatiquement compatibles avec le territoire,
01:44mais en générant évidemment beaucoup moins de revenus puisque la drogue qui provient de productions agricoles la plupart du temps,
01:51la coca, l'opium, le cannabis, sont des cultures agricoles à très très haute valeur ajoutée.
01:57C'est rare d'avoir des cultures qui soient aussi rentables à l'échelle internationale.
02:00Alors, il y a une histoire incroyable révélée par le Washington Post qui raconte que la CIA a envoyé des graines de pavot génétiquement modifiées
02:09qui ne produisent pas le pavot pour faire de la drogue pour changer les cultures afghanes.
02:14Et ils ont envoyé ça par avion.
02:15Oui, les Etats-Unis ont toujours eu un rapport en fait depuis 50 ans assez intime entre agriculture et drogue.
02:21Ils l'ont appris à leur dépendre lors de la guerre du Vietnam puisque beaucoup de soldats américains
02:25ont découvert les plaisirs de ces substances psychotropes pour s'occuper.
02:33Et c'est vrai qu'on a eu ces révélations.
02:35Il faudra regarder de près, sachant encore une fois qu'il faut bien avoir conscience
02:40que ce pavot somnifère qui fait de l'opium génère par sa substance naturelle,
02:46l'opium depuis la graine, génère des médicaments et rentre sur le terrain de la santé.
02:52C'est important de le rappeler pour faire notamment de la morphine.
02:55Je pense que ça peut parler à tout le monde.
02:57Et quand c'est transformé de manière semi-synthétique, on a évidemment derrière ce qu'on appelle l'héroïne.
03:04Et donc, on sait bien que ces drogues ont parfois été utilisées en terrain de guerre
03:08pour occuper des populations, évidemment les détourner de capacités physiques ou mentales.
03:14Et évidemment, l'histoire est riche ces dernières années d'exemples de ce type.
03:18Ce qui est révélé là montre aussi que les États-Unis, avec le terrain afghan,
03:22ont toujours eu conscience que cette culture agricole était à ses clés pour faire ou défaire les pouvoirs.
03:28Annalisa ?
03:29Donc l'Afghanistan choisit d'interdire la culture du pavot.
03:32Il y a d'autres États qui choisissent de faire exactement l'inverse.
03:34C'est le cas de l'Iran qui vient de légaliser la culture du pavot à usage médical.
03:38Est-ce que c'est aussi une réponse à ce choix de l'Afghanistan ?
03:42Oui, alors il y a deux choses.
03:43D'abord, comme vous l'avez dit, l'Iran légalise pour la première fois
03:47depuis la révolution islamique de 1979 la culture du pavot à opium
03:52et le fait pour des raisons médicales.
03:54Je rappelle qu'en France, nous cultivons du pavot somnifère
03:57pour raisons médicales et pour l'industrie pharmaceutique.
04:00Donc la France fait depuis longtemps ce que l'Iran s'apprête à faire.
04:03Pourquoi l'Iran le fait ?
04:04Parce qu'il y a à peu près 900 kilomètres de frontières avec l'Afghanistan
04:08et en fait ces productions qui venaient beaucoup d'Afghanistan,
04:11parfois aussi sur le terrain médical,
04:13c'est contrarié par la chute de la production en Afghanistan.
04:17L'estimation c'est entre moins 70 et moins 80% de production aujourd'hui
04:23de pavot à opium en Afghanistan depuis 2022.
04:27Donc c'est une chute importante au niveau mondial
04:28parce que l'Afghanistan c'était un peu le bastion principal de cette culture agricole.
04:33Et l'Iran qui est sous sanction internationale,
04:36c'est difficile d'acheter parfois des médicaments aussi
04:38dans le commerce et sur la scène internationale.
04:41Donc l'Iran, pour pouvoir avoir à domicile ses productions à destination médicale,
04:47se tourne vers cette culture.
04:51D'autant plus que les productions agricoles iraniennes sont contrariées par du stress hydrique.
04:56On a une crise de l'eau considérable en Iran.
04:58La bombe hydrique en Iran, c'est la bombe principale dont on devrait parler plus.
05:02Et donc comme la culture du pavot et de ce pavot somnifère a moins besoin d'eau,
05:09ça fait partie aussi de cultures qui peuvent occuper des populations rurales et agricoles en Iran.
05:14Et donc on voit bien que c'est aussi un choix politique
05:16qui va sans doute au-delà du médical et du terrain médical.
05:20Et qui parmi les voisins de l'Afghanistan du coup se met sur la culture du pavot aussi
05:26pour fabriquer de la drogue et ça profite à qui ?
05:28Aujourd'hui, en fait, dans le monde, quand on prend cette culture agricole
05:32qui peut générer ces drogues et faire de l'héroïne et ces opioïdes à partir du pavot,
05:38l'Afghanistan de très loin,
05:42pas sous-estimer la culture importante aussi que réalise la Birmanie, le Laos,
05:47le Mexique un peu dans la catégorie des pays qui en produisent,
05:51le Pakistan, voisin de l'Afghanistan, même si, encore une fois,
05:56on estime qu'il y aurait à peu près dans le monde 50-60 pays
06:00qui produisent du pavot à opium, principalement, encore une fois,
06:03pour des raisons médicales, je l'ai dit, la France le fait,
06:06avec des surfaces très limitées.
06:08Il faut avoir en tête que les Nations Unies,
06:10l'Office qui suit les productions de drogue dans le monde,
06:13estime qu'il y a environ 100 000 hectares aujourd'hui dans le monde
06:16cultivés pour faire du pavot à opium.
06:18C'était à peu près 400 000 hectares avant 2020,
06:21et en fait, la chute vient de la réduction en Afghanistan.
06:25100 000 hectares, juste pour que tout le monde comprenne,
06:27100 000 hectares, c'est 10 fois la superficie de Paris-Intramuros.
06:30Donc, on voit que ce n'est pas une superficie colossale
06:32à l'échelle internationale, mais en tout cas,
06:33ça fait des surfaces importantes, et encore une fois,
06:35ça génère beaucoup de revenus pour des zones rurales et agricoles
06:38qui sont parfois oubliées des pouvoirs publics,
06:40et donc, on utilise ces cultures pour avoir les moyens
06:42de s'auto-financer et finalement survivre.
06:45Merci beaucoup Sébastien,
06:46vis-à-vis ce matin dans la Matinat de l'économie.

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