00:00Good morning business, parole de patron.
00:03Notre invité ce matin c'est Olivier Ducatillon, bonjour.
00:06Vous êtes président de l'Union des Industries Textiles, membre du Comex de la CPME.
00:10Vous étiez à la tête du tisseur de lin, le maître de Mester, j'espère que je dis correctement.
00:16C'est parfait jusque là.
00:17J'aimerais bien vous faire réagir sur une actualité qu'on a eue ce matin,
00:20c'est Primark qui lance son nouveau magasin à Montpellier.
00:23C'est le deuxième gros flagship qu'ils ouvrent en France avec des culottes,
00:2710 culottes à 6 euros, 3 paires de chaussettes à 5 euros, des t-shirts à 3 euros, des pulls à 12 euros.
00:33Qu'est-ce qu'on fait dans le moyenne gamme ? On arrête ? Qu'est-ce que tu veux qu'on fasse ?
00:37Ce qu'on fait justement, est-ce qu'on est résigné ou est-ce qu'on essaye réellement d'agir ?
00:43Pas dans les incantations et dans les espoirs et dans les volontés.
00:47Il faut agir, savoir que les gens qui font ça aujourd'hui,
00:50qui peut décemment penser qu'en achetant à ce prix-là ?
00:53Les gens peuvent être payés décemment, travailler dans des bonnes conditions
00:56d'un point de vue environnemental, social, c'est juste pas possible.
00:58Mais si les gens veulent des culottes à 3 centimes ?
01:00Alors les gens doivent être éduqués, il ne faut surtout pas blâmer les gens,
01:05ils n'ont pas forcément la culture, mais il faut qu'ils aient conscience
01:08de l'impact de leurs achats et de leurs actes.
01:11Et ça, ça prend du temps.
01:13Donc en attendant, on ne va pas attendre de faire la pédagogie,
01:16en attendant, il faut réagir.
01:17Il faut réagir au niveau des arsenaux législatifs qu'on peut avoir
01:26sur des frais par rapport.
01:28Alors Primark, c'est européen, vous allez me dire,
01:30les plateformes chinoises, on en parle depuis longtemps.
01:32Mais c'est made in China.
01:34Oui, mais c'est made in China.
01:35Mais vous avez remarqué qu'on en parle depuis longtemps,
01:37mais il ne se passe pas grand-chose.
01:38Il y a eu les projets de loi, il y a les projets.
01:41L'Europe met trois ans pour prendre une décision,
01:43pour supprimer les minimis à 150 euros.
01:45là où les Etats-Unis ont réagi en très peu de temps.
01:48Et on voit l'impact.
01:49Dès qu'on met des taxes ou des frais,
01:52parce qu'on est dans ce problème-là,
01:54le business chute.
01:55Alors comme ça a chuté aux Etats-Unis,
01:56maintenant ça se renforce en Europe.
01:58Et nous, c'est nous qui payons les pots cassés de tout ça.
02:00Donc vous dites qu'il faut augmenter le prix.
02:02Mais est-ce que vous faites partie de ceux
02:04qui pensent que pour le made in France,
02:06il faut monter en gamme type Saint-James
02:08et qu'on n'a pas le choix,
02:09parce que c'est là où on a de la valeur ajoutée,
02:11de la différence,
02:12ou vous faites partie plutôt de l'équipe slip française
02:13qui dit « je peux faire du moyenne gamme,
02:16fabriquer en France,
02:17peut-être en baissant un peu la qualité,
02:18parce que c'est ce qu'il a fait,
02:19et en même temps,
02:20je peux réussir à avoir un marché
02:22et à vendre chez Carrefour ? »
02:23Je vais vous faire une réponse de Normand
02:24qui ne va pas vous plaire.
02:25Les deux, vous aimez bien.
02:26Je vais vous dire les deux si tout simplement pourquoi.
02:29Parce qu'il y a une chose qui est incompréhensible,
02:31c'est que 100 euros de valeur ajoutée en France,
02:34et on va bientôt sortir les résultats
02:35d'une étude sur le sujet,
02:37100 euros de valeur ajoutée produit en France,
02:40c'est 338 euros dans les caisses de l'État.
02:42Et là, l'État doit prendre conscience de ça
02:45pour pouvoir donner un coup de pouce
02:47et favoriser la production.
02:50Parce qu'aujourd'hui, le mal français,
02:51le mal du financement de notre modèle social,
02:54c'est qu'il y a moins de production,
02:56moins de natalité, moins de production.
02:57Mais les consommateurs, ils s'en foutent de ça ?
02:59Le consommateur ?
03:00Pas tous, heureusement,
03:01et c'est là où je parle de pédagogie.
03:04Un des mots de notre économie aujourd'hui,
03:06c'est cette culture du pas cher,
03:08cette culture de moins en moins cher et du pas cher.
03:10Vous allez me dire comment on fait ?
03:11Oui, il faut effectivement aider
03:13pour qu'il y ait cette prise de conscience,
03:15mais il faut aussi que les gens,
03:17non seulement il y a la prise de conscience
03:18sur les conditions de travail,
03:20mais ça peut aussi atteindre la santé et la sécurité,
03:22puisque vous importez parfois des produits
03:24complètement hallucinants.
03:25Et comment on peut accepter d'importer en France
03:29des pays qui ne sont pas soumis aux mêmes normes
03:31que nos acteurs locaux ?
03:32Ça, c'est toute l'aberration du système
03:34de la surtransposition et des lois européennes
03:37qu'on va appliquer.
03:38On va appliquer, par exemple, des lois en France
03:39et les importateurs font ce qu'ils veulent.
03:42À un moment, vous ne luttez pas sur un pied d'égalité.
03:44Mais vous voyez, le patron des tables, lui, il dit
03:46« Moi, je produis en Chine avec des qualités
03:49qu'il considère, lui, être les bonnes,
03:51avec du coton bio, etc.
03:52Mais je privilégie mes boutiques qui sont en France. »
03:55Et lui, il se bat sur l'aspect retail,
03:56pas sur l'aspect « made in France ».
03:58Est-ce que le « made in France » a un sens sur ces gammes-là ?
04:01Ou est-ce qu'il ne faut pas lâcher l'affaire ?
04:03Le « made in France », je pense qu'il ne faut pas lâcher l'affaire.
04:05Si on lâche l'affaire, on lâche l'affaire de la prod.
04:07L'industrie arrive à moins de 10% du PIB.
04:09Est-ce que tout le monde se rend compte ?
04:11On ne peut pas dire à un moment,
04:12faire supporter à toutes les entreprises
04:14le financement de notre modèle social,
04:16qu'on supporte la retraite, le chômage.
04:18Pas de problème.
04:19Qu'on supporte la famille et la maladie.
04:22« Excusez-moi, ça devient de plus en plus compliqué ».
04:25Donc le patron d'Étame, il a ses convictions, ses valeurs.
04:29Et je ne fais pas partie de ceux qui disent
04:30« Ah, si ce n'est pas fait en France, la qualité n'est pas bonne ».
04:32Ce n'est pas vrai.
04:33Il y a des choses qu'on trouve qui sont de qualité tout à fait acceptable.
04:36Maintenant, il faut lutter contre ces gens qui font n'importe quoi.
04:39On ne peut pas décemment défendre
04:40au prix que vous avez mentionné.
04:42Et si on parle de Chine, de Temu, d'Ali Express,
04:44on a des prix où on ne peut pas défendre
04:46que ça soit fait dans de bonnes conditions
04:48et que la qualité soit acceptable.
04:50Forcément, à ce prix-là,
04:51vous ne pouvez pas acheter quelque chose de décent.
04:52En revanche, il y a des exemples de nos distributeurs
04:55qui se battent sur le retail,
04:57qui ont effectivement peut-être lâché l'affaire
04:59sur la partie production et lieu de production.
05:02C'est notre combat.
05:02Notre combat à la fois au niveau du textile,
05:04mais aussi à la fois de la CPME en général
05:06sur l'ensemble des business.
05:08Parce que là, on fait un focus textile.
05:10Avec ce qui se passe chez Intemu,
05:12c'est tout le commerce français
05:14dans tous les secteurs qui est en danger.
05:16Donc à un moment, il faut quand même bien se battre là-dessus
05:18et faire prendre conscience
05:19que la production peut être un vecteur de richesse,
05:23de recréer de la richesse en France
05:25pour financer notre modèle social.
05:26On ne peut pas continuer.
05:27Nous, on est tout à fait pour préserver un modèle
05:29qui est unique au monde
05:30et que tout le monde nous envie,
05:32mais on ne peut pas continuer à financer ce modèle
05:34si on ne fait pas quelque chose.
05:35Aujourd'hui, nos boîtes, elles ont besoin d'activité.
05:37Il leur faut de la commande.
05:39Privé au public.
05:41La commande publique peut être un levier également.
05:43Et la commande privée,
05:44c'est un travail de fourmi
05:45qu'on est en train de faire
05:46à la fois avec la CPME
05:47et avec l'Union des industries textiles
05:49de prendre chaque donneur d'or,
05:51les gros donneurs d'or
05:52qui pourraient mettre 1%, 2% de leur business
05:55en réfléchissant sur comment essayer de le faire
05:58en produisant en France.
06:00Il ne faut pas remettre en cause leur modèle économique.
06:04Mais il faut essayer d'envisager.
06:06Ça dépend aussi des valeurs et des convictions
06:08que les actionnaires et les dirigeants vont avoir.
06:10Je respecte les convictions de chacun.
06:12Merci beaucoup Olivier Ducatillon
06:13d'être venus ce matin dans la matinale de l'économie.