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  • il y a 11 heures
Ce vendredi 14 novembre, Cyrille Bret, expert en géopolitique de Europe centrale -Institut Montaigne, était l'invité dans Le monde qui bouge - L'Interview, de l'émission Good Morning Business, présentée par Laure Closier. Ils sont revenus sur les enjeux de la visite du président de la République serbe en France ainsi que l'avancement de la candidature de la Serbie pour intégrer l'Union européenne. Retrouvez l'émission du lundi au vendredi et réécoutez la en podcast.

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Transcription
00:00Focus ce matin sur la Serbie. Emmanuel Macron accueillait hier soir un dîner à l'Elysée, le président de la République serbe.
00:07Cyril Brett, bonjour, vous êtes expert en géopolitique et Europe centrale et orientale, vous êtes associé à l'Institut Montaigne,
00:13le président français qui réaffirme son soutien à la perspective européenne de la Serbie.
00:17C'est quand même pas simple, quand on voit les dernières déclarations européennes, la Serbie s'éloigne, plutôt l'Union Européenne, qu'elle ne s'en rapproche.
00:24Oui, c'est un numéro d'équilibriste un peu compliqué pour le pays des droits de l'homme et pour son chef de l'État.
00:29D'un côté, effectivement, un soutien très marqué et ancien au président Vucic, dont les pratiques politiques et le respect des droits fondamentaux
00:38est quand même très largement critiqué en Europe et depuis longtemps.
00:41Et puis de l'autre côté, un soutien politique ancien, c'est la tradition française.
00:45On a soutenu la candidature serbe depuis les années 2000 et des affaires qui prospèrent, même si la Serbie est un partenaire secondaire pour la France.
00:54Quand on dit que la Serbie s'éloigne de l'Union Européenne, on lui a fait une sorte de liste de choses sur lesquelles il fallait s'améliorer.
01:03Et clairement, on n'y est pas du tout.
01:05Oui, il y a 35 items sur la liste de la Serbie.
01:10Seulement deux ont été considérés comme conclusifs depuis plus de dix ans.
01:13Ça marche comme ça, une candidature.
01:15On fait la liste.
01:16Il y en a deux qui ont été cochés et pour plus de dix ans de négociation, c'est vraiment très insatisfaisant.
01:23Et puis les points rouges dans cette liste sont très préoccupants parce qu'il s'agit de l'organisation du système judiciaire,
01:28donc liberté fondamentale, lutte contre la corruption, la même chose, préservation des droits des médias,
01:34des droits de l'opposition, des droits des minorités.
01:36Là, encore une fois, le faux, il est rouge, il n'est même pas orange.
01:39Mathilde Chaminade.
01:39Il y a aussi la question de la proximité entre la Russie et la Serbie parce que, par exemple,
01:45les deux puissances sont très proches et la Serbie, par exemple, refuse de se joindre aux sanctions européennes sur la Russie.
01:51Oui, alors ça, c'est un problème pour géopoliticiens, mais ce n'est pas un problème dans les négociations sur les 35 paquets.
01:57Mais vous avez raison.
01:58Il y a le problème de la présence de Vucic constamment à Moscou et à Pékin aussi avec le leader slovaque.
02:04C'était le seul présent début septembre pour célébrer la victoire de la Chine contre le Japon.
02:10Donc ça aussi, c'est un beau numéro d'équilibre.
02:12C'est un pied dedans, un pied dehors dans l'Union européenne, mais avec les rivaux et les ennemis de l'Union européenne.
02:18Disons, on va dire que c'est créatif, surtout pour un petit pays de 6 millions d'habitants avec un PIB limité à 80 milliards.
02:24Mais quand on vous entend, on se dit finalement, le plus grand écueil, c'est le président lui-même.
02:29Alors ça, c'est la façon dont les manifestants actuellement le voient.
02:32Mais il y a des problèmes qui sont vraiment systémiques et notamment la façon dont l'économie est organisée.
02:39Et c'est ce qui a freiné sans doute les investissements français localement.
02:44C'est-à-dire qu'il y a une opacité sur la façon dont est organisée la vie économique, sans doute pour de bonnes et sans doute pour de mauvaises raisons.
02:51Et puis plus largement, il y a un écueil énorme qui est la question du Kosovo.
02:55Qui là est indépendant de la personnalité, la pratique du pouvoir du président Vucic.
03:01Et qui a un problème structurel, puisque ça a déjà retardé la candidature serbe dans les années 2000 à cause de la guerre.
03:06C'est-à-dire ? Expliquez-nous.
03:07C'est-à-dire que la Serbie ne veut pas reconnaître le Kosovo.
03:11Plusieurs États membres de l'Union européenne ne veulent pas reconnaître l'indépendance du Kosovo.
03:15Et pour des raisons qu'on comprend bien, notamment Chypre, puisqu'elle est face à une occupation turque.
03:20Et l'Espagne, qui a aussi des mouvements sécessionnistes.
03:23Les Européens ne sont pas d'accord entre eux sur le Kosovo.
03:26Les Serbes ne veulent pas céder sur l'indépendance du Kosovo.
03:30Et puis n'oublions pas, toc à la porte de l'Union européenne, aussi l'Albanie,
03:33qui a un rôle très important pour le Kosovo, puisque le Kosovo est disputé entre des populations qui sont albanophones ou albanaises
03:41et des populations qui sont serbes.
03:43Et ça, ça n'a rien à voir avec le président Vucic.
03:46Et ça n'a rien à voir avec les positions du président Macron.
03:49Mais ça paraît insoluble quand vous le racontez comme ça.
03:51Disons que c'est un obstacle qui est très important sur le chemin vers l'accession à l'Union européenne de la Serbie.
03:57C'est toute une génération qui s'est mobilisée contre l'indépendance du Kosovo.
04:03Et c'est toute une population qui a subi les bombardements de l'OTAN en raison des opérations au Kosovo.
04:09Mathilde ?
04:10Et cette génération, donc la génération qui se mobilise contre le regroupement, contre le Kosovo,
04:16elle est d'une opinion tout à fait différente de la génération qui manifeste actuellement en ce moment contre le président Aleksandar Vucic ?
04:24Alors, elle est en profond désaccord sur le régime Vucic, mais elle n'est pas en profond désaccord avec l'identité nationale,
04:30avec la question... Le Kosovo, c'est l'Alsace Sorène.
04:33C'est vraiment le berceau de la nation serbe.
04:37C'est un berceau dans lequel la population serbophone ou serbe est minoritaire quantitativement,
04:42mais qui a un poids historique énorme.
04:45Et la génération Z, celle qui refuse la corruption, celle qui refuse les mauvaises pratiques,
04:51elle a une fibre nationaliste qui est évidemment très importante,
04:54comme dans toute cette région où l'indépendance, la souveraineté nationale
04:58sont finalement des phénomènes qui sont assez récents et qu'on n'est pas prêts à abdiquer,
05:03ni en faveur de l'Union Européenne, ni en faveur d'autres instances.
05:07Et en tout cas, les serbes, quel que soit leur âge, ne sont pas prêts à ce que la communauté internationale leur dise
05:11« le Kosovo, ce n'est pas la Serbie ».
05:13Cyril Brett, en préparant cette interview, je me suis aperçue qu'on reçoit de l'argent
05:17quand on est candidat à l'Union Européenne.
05:20La Serbie en reçoit 872 millions d'euros pour travailler à son adhésion.
05:25Ça fonctionne comment ?
05:26C'est plusieurs années, bien entendu.
05:27Mais oui, quand vous êtes candidat, quand vous êtes officiellement candidat,
05:30c'est pour ça d'ailleurs que c'est si difficile de devenir officiellement candidat,
05:33il y en a neuf actuellement, l'Union Européenne vous donne des fonds.
05:37Alors ce n'est pas des fonds pour vous acheter des bottes ou pour vous acheter des trains,
05:40c'est des fonds pour moderniser votre administration,
05:43pour qu'en face des négociateurs européens, vous ayez des agents publics,
05:46vous ayez des associations, vous ayez des interlocuteurs
05:49qui puissent se consacrer intégralement et avec efficacité,
05:54par exemple en ayant des ordinateurs qui fonctionnent ou des systèmes de transport
05:58qui permettent de mener ces négociations, pour avancer progressivement.
06:02Ce n'est pas de l'argent de poche, ce n'est pas une subvention, c'est une aide administratrice.
06:06Mais l'UE finance les efforts en fait ?
06:09Il y a des tranches ?
06:10Mais bien sûr, oui, oui, tout à fait, et les paiements sont modulés selon les progrès ou non.
06:16C'est un processus qui est très long, qui pour nous nous semble un petit peu disproportionné
06:20et surtout très coûteux, mais qui pour les pays qui sont candidats,
06:24demande des efforts réels, des efforts financiers, des efforts politiques
06:27et des efforts administratifs qui sont très très importants.
06:31À la fin, on se dit que ça n'arrivera pas, non ?
06:33La Serbie dans l'Union Européenne, ça paraît très très éloigné.
06:36Évidemment, ça arrivera, la Serbie...
06:38Si vous dites que ça arrivera !
06:39Oui, mais la question c'est quand ?
06:42Puisque la Serbie est déjà voisine de quatre États de l'Union Européenne
06:47et est la clé pour aller en Grèce.
06:49Donc en fait, elle est déjà au centre de l'Europe,
06:52c'est simplement que les obstacles à surmonter sont très importants
06:55et demandent un effort collectif extrêmement important.
06:57Merci d'avoir regardé cette vidéo !

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