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Samedi 18 octobre 2025, retrouvez Virginie Calmels (Présidente, Croissance Plus) dans SMART WOMEN, une émission présentée par Marie-Claire Capobianco.
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00:00Bonjour Virginie Calmel, ravie de vous recevoir dans Smart Woman.
00:10C'est un peu particulier d'ailleurs, parce que figurez-vous que vous êtes mon centième interview.
00:17Ah, tout rond.
00:17Vraiment, pas tout rond, parce que l'émission a démarré sa quatrième année.
00:21Et donc maintenant il y a une belle galerie finalement de témoignages.
00:24Donc sans témoignages, c'est vous Virginie qui êtes le centième.
00:27Donc merci pour cela.
00:28Merci.
00:28Alors Virginie, vous avez déjà eu plusieurs vies.
00:33Vous avez commencé par les médias, vous avez été dans le Canal+,
00:38après dans le groupe Andemol, vous avez dirigé la France,
00:40vous avez été directrice déléguée, générale déléguée de Monde,
00:45au niveau d'Andemol, vous avez été, vous êtes toujours dans les bords de plusieurs grandes entreprises,
00:51vous vous êtes engagée en politique, vous étiez dans le Juppé.
00:54Vous avez après arrêté la politique.
00:56Vous avez à ce moment-là, on s'était en 2020, créé votre propre entreprise.
01:01Donc vous êtes devenu entrepreneur vous-même et vous avez créé une école, donc Futurae,
01:05qui prépare au métier du futur.
01:07Absolument.
01:08Mais comme le collectif est chez vous quelque chose d'important, vous avez été regagné par cette volonté de collectif et donc vous avez été élue présidente de Croissance Plus en juin de cette année.
01:20Donc en fait, vous avez une expérience qui est vraiment très diverse, à la fois du monde politique et du monde économique.
01:26Et c'est à la lumière de ces expériences-là que je voudrais que nous parlions de la position des femmes,
01:30de la façon dont vous envisagez la situation actuelle et finalement son évolution.
01:36Donc première question, questionnons votre histoire personnelle.
01:41Donc vous, en tant que femme, comment avez-vous vécu ces deux mondes, politique et économique ?
01:45Est-ce qu'il y a des différences ?
01:47Alors je dirais que oui, il y a des différences notables, il n'y a pas d'autres.
01:50Que moi j'ai peut-être eu de la chance par rapport à d'autres.
01:54J'ai pendant longtemps pas ressenti le plafond de verre dont on parle à chaque fois.
01:58J'ai plus ressenti le fait que c'était un problème de me donner des responsabilités très jeunes.
02:04Donc c'était plus un problème d'âge qu'un problème de sexe, me semblait-il.
02:09Jusqu'à ce que j'arrive en politique.
02:11Là en revanche, on se rend compte quand même qu'on est dans un milieu qui a évolué beaucoup plus lentement que le monde économique.
02:19Moi il me semble que le monde économique s'est assez bien acclimaté au fait qu'il y ait des femmes à des postes à responsabilité.
02:26J'avais peu de difficultés à manager des hommes.
02:30Je ne crois pas qu'ils le vivaient mal.
02:32Ça se passait plutôt bien parce que le monde économique a quand même des ressorts très méritocratiques.
02:37Donc il me semble que quand vous faites vos preuves, quand ça se passe bien, on ne questionne pas votre légitimité ou on la questionne moins.
02:46En revanche, dans le monde politique, là j'ai vu probablement lié aussi à une volonté de parité qui a été très forte.
02:53Qui a quand même conduit des hommes à devoir laisser leur place à des femmes.
02:58Ne serait-ce que parce qu'il fallait un homme et une femme sur les listes, etc.
03:03Et donc je pense que ça a créé une forme de ressentiment.
03:05Je pense qu'il y a une peur.
03:07Il y a une peur parce que les hommes se disent au fond, finalement, au poste à responsabilité, il y a essentiellement eu des hommes.
03:15Même si maintenant de plus en plus on a des gouvernements paritaires.
03:19Il y a quand même sur les très gros ministères, l'exposition est quand même très masculine.
03:26Et du coup je pense qu'il y a une crainte de se dire, oulala, mais un jour ce sera une femme.
03:30Donc au fond, je crois que ça rend la chose plus complexe finalement pour les femmes aujourd'hui, alors qu'on pourrait se dire que ça va dans le bon sens.
03:39Moi j'ai l'impression qu'il y a encore beaucoup de chemin à faire en politique pour considérer que la parole des femmes vaut celle des hommes.
03:47Et je l'ai vécu à titre très personnel.
03:50Moi en fait c'est Alain Juppé qui me fait rentrer en politique parce que je suis bordelaise.
03:54Mon père est enterré à Bordeaux, ma soeur y vit toujours, c'est mes racines.
03:58Du coup, j'accepte la proposition qui m'est faite, avec beaucoup de renoncement, puisque je renonce à toute ma vie dans le privé,
04:06pour être premier adjoint maire de Bordeaux, vice-président de la métropole, puis tête de liste régionale.
04:12Et puis vous vous rappelez, il y a eu cette primaire Juppé-Sarkozy-Fillon,
04:16et puis est sorti vainqueur de la primaire François Fillon.
04:19Et c'était les règles de la primaire, c'est-à-dire que quel que soit le vainqueur, normalement on continuait avec le vainqueur.
04:26Donc moi j'ai continué avec François Fillon, comme si Alain Juppé avait gagné,
04:30j'aurais bien aimé que les Sarkozy-Sarkozy-Sarkozy-Sarkozy-Sarkozy suivent Alain Juppé.
04:34Et là on m'a fait un procès en trahison.
04:38Et ce qui est intéressant derrière ça, c'est qu'on ne l'a pas fait aux hommes.
04:42Les hommes c'était, alors vraiment il n'y avait aucun problème, la preuve, Edouard Philippe allait chez Emmanuel Macron, c'était pas grave.
04:49D'autres sont allés, ont changé, et il y en a même qui ont changé de camp pendant, enfin je veux dire en cours.
04:56Moi c'était pas le cas, je veux dire Alain Juppé avait perdu, et lui-même d'ailleurs a dit qu'il soutiendrait François Fillon.
05:03Donc simplement on dénie un peu, je trouve aux femmes, le droit d'exister par elles-mêmes.
05:09Et en fait on vous considère vite la chose de quelqu'un.
05:13Donc moi on considérait que j'étais la chose entre guillemets d'Alain Juppé, et donc je ne pouvais pas, alors qu'en fait il se trouve que moi je suis plutôt libérale économique,
05:23je viens du monde de l'entreprise, donc j'étais une femme d'entreprise engagée en politique.
05:28J'avais certes toujours été à droite, mais pour le coup je gardais mes convictions qui n'étaient finalement pas forcément celles que d'Alain Juppé,
05:39enfin je veux dire le projet Fillon au fond était très pro-entreprise, et correspondait plutôt à mes convictions.
05:46Sauf que quand vous êtes femme, on a l'impression qu'en fait vous êtes la chose d'un homme.
05:52Et c'est très frappant, parce que je pense que sur les idées notamment, on nie complètement le fait que vous pouvez avoir votre propre corpus idéologique,
06:02votre propre réflexion, votre propre parcours, parce que pour le coup moi je devais rien à personne, j'arrivais d'ailleurs,
06:08enfin je veux dire ceux à qui je dois, c'est ceux qui m'ont fait confiance en me donnant des responsabilités très jeunes.
06:13à Alain Juppé bien sûr de m'avoir fait venir à Bordeaux, mais c'est pas pour ça, et d'ailleurs même lui-même n'était pas choqué
06:20que je ne sois pas forcément d'accord avec toutes ces prises de position.
06:24Et je pense que ça, on le dénie davantage aux femmes qu'aux hommes.
06:28Alors ça c'était le constat sur la partie politique, si on revient sur notre domaine de prédilection, en l'occurrence au domaine économique,
06:38donc là, en la matière, bon, à la fois votre propre expérience, mais à la fois le fait que vous soyez maintenant présidente de Croissance Plus,
06:46donc qui rassemble quand même un nombre d'adhérents importants, puis qui est une parole forte dans le milieu économique.
06:53Donc comment vous voyez les choses ? D'ailleurs, comment ça se passe dans Croissance Plus,
06:58le pourcentage d'adhérents de femmes ? Enfin bon, on connaît un petit peu les chiffres, mais...
07:01Alors c'est vrai que si on regarde l'entrepreneuriat en général, les femmes sont moins représentées que les hommes,
07:07ce qui est quand même un problème.
07:10Si on va un peu plus loin dans le détail, on a quelques chiffres.
07:14À la tête des micro-entreprises, on trouve 26% de femmes, mais dès qu'on est sur les PME, on tombe à 19%.
07:22Si on est sur des sociétés encore un peu plus grosses, et notamment les ETI, on n'est plus qu'à 17%.
07:27Et les très grandes entreprises, c'est simplement 10%, si on prend le CAC 40 et le FSB 120.
07:34Donc on voit bien que, malheureusement, on n'a pas une représentativité des femmes à la tête des entreprises
07:41en corrélation avec ce qu'elles représentent dans la population globale.
07:46Alors il y a aussi peut-être, on le dit souvent, une aversion au risque, c'est possible.
07:50La femme, elle est dans sa culture peut-être liée aux enfants, liée à la famille, plus protectrice.
07:56Et peut-être qu'elle a une aversion au risque plus importante.
08:00On voit aussi que sur les levées de fonds, c'est plus difficile apparemment pour les femmes que pour les hommes.
08:05Les chiffres le démontrent.
08:07Et puis après, on a toujours ce sacro-saint problème des femmes dans la tech.
08:13Parce qu'alors là, vraiment, là, ça baisse considérablement.
08:16C'est simplement 7% de femmes qui sont à la tête d'entreprises de technologie.
08:21Donc on voit que quand même, les problèmes de genre ont encore la vie dure et qu'on a du chemin à faire.
08:29Alors c'est surprenant parce que, donc les chiffres que vous citez, oui, malheureusement, ce sont les bons chiffres.
08:35Et il y en a d'autres qui sont toutes dans le même sens.
08:38Mais ce qui est surprenant, c'est que quand même, à la fois la prise de conscience de la nécessité de parité ou d'équilibre,
08:46du moins, puisque c'est ce qu'il faut rechercher, je pense qu'aujourd'hui elle est faite.
08:50Il y a eu quand même beaucoup de choses qui ont été décidées, déclinées pour y arriver.
08:56Et malgré tout, ça ne bouge pas beaucoup.
08:57Moi, ça fait très longtemps que je suis engagée dans cette cause.
09:01Et c'est vrai que malheureusement, ça ne bouge pas ou à la marge.
09:04Comment vous expliquez ça ?
09:06Je pense qu'il y a deux phénomènes.
09:08D'abord, je pense que les femmes, comment je dirais, ont un sujet plus fort de légitimité encore.
09:16On veut toujours peut-être se sous-évaluer-t-elle, elle-même.
09:22C'est-à-dire que moi, je l'ai vu quand je dirigeais en démol.
09:25C'était un bon exemple.
09:26À un moment donné, je me rends compte, mais un peu fortuitement, qu'au COMEX, j'avais plus de femmes que d'hommes.
09:33Et je dis, tiens, c'est incroyable.
09:34Au fond, ce n'est pas du tout parce que j'avais fait une politique volontariste pour cela.
09:39C'est simplement parce que, encore, moi, je suis très attachée à la méritocratie.
09:43Il se trouve que j'avais des meilleurs profils féminins.
09:46Et que, de facto, j'avais recruté plus de femmes que d'hommes.
09:50Ou certaines dans l'entreprise avaient mieux progressé.
09:53Et donc, se retrouver au COMEX.
09:55Il y a, je pense, le fait que les femmes elles-mêmes savent que ça va être possible.
10:02Je pense que les hommes, eux, pensent que ça ne va pas être possible, forcément.
10:05Parce qu'ils projettent sur les femmes la difficulté de gérer des multivies.
10:10Les femmes, en termes de charge mentale, oui, elles sont à une charge mentale maximale.
10:15Parce que, pour peu qu'elles aient des enfants, le mari, une maison, il y a beaucoup de choses à gérer en parallèle.
10:22Et je pense que les femmes n'ont pas de problème avec ça.
10:25La preuve, elles l'ont démontré.
10:27Mais dans le regard des hommes, je pense qu'il y en a un certain nombre à qui ça pose problème.
10:31Où ils se disent que la charge mentale est telle que, sur des postes à responsabilité, elles ne vont peut-être pas y arriver.
10:38Et moi, je me rappelle, assez jeune, ça m'avait un peu dégoûtée.
10:42Tout de suite, on m'avait dit, vous allez nous faire des enfants.
10:44Comme si le fait de tomber enceinte, c'était...
10:47Le nom était déjà important.
10:47C'était vraiment...
10:50J'étais en cabinet d'audit à l'époque et je m'étais dit, oh là là, c'est ringard.
10:54Et j'ai quitté l'audit, même si j'ai été diplômée d'expertise comptable et commissariat au compte, pour aller en entreprise.
11:01Parce que j'avais été très choquée par cette remarque.
11:03Surtout que je n'étais pas du tout prête à faire des enfants.
11:06Mais c'était...
11:06Voilà, on projetait tout de suite une image.
11:08Après, je pense que les femmes, elles-mêmes, ont une part de responsabilité.
11:11Parce qu'elles ne se projettent pas à des postes à responsabilité.
11:15Parce que parfois, elles se disent, non, je ne serai pas capable.
11:19Ou je n'y arriverai pas.
11:20Ou elles se mettent elles-mêmes des freins.
11:22C'est pour ça que je crois beaucoup au rôle modèle.
11:24Je crois que les femmes sont les mieux placées pour promouvoir des femmes.
11:28Pour leur dire...
11:29Je pense que les entreprises dirigées par des femmes, je l'ai expérimenté moi-même.
11:34Souvent, naturellement, on va faciliter la carrière de femme.
11:40Moi, j'en ai une qui a fait une très belle carrière depuis, qui est patronne de YouTube aujourd'hui.
11:44qui était chez Andémol et qui avait eu des enfants.
11:47Et elle arrive un jour dans mon bureau en larmes.
11:51Et en me disant, je suis enceinte.
11:53Je lui dis, mais c'est une super nouvelle.
11:54Il ne faut pas pleurer.
11:55Tout va très bien.
11:57Oui, mais bon, là, c'était le troisième.
11:58Alors, c'est vrai qu'elle avait beaucoup de congés maternité.
12:01Je lui dis, écoute, on ne va pas recruter quelqu'un pour te remplacer.
12:04On a évidemment...
12:06Ça a été assez lourd.
12:07Parce qu'il fallait absorber son job.
12:09Mais quand elle est revenue, elle a récupéré son poste.
12:12Et derrière, elle a fait une très belle carrière.
12:14Bon, écoutez, je crois que la conclusion, c'est que le chemin continue.
12:17Enfin, il faut le continuer.
12:19Il faut le poursuivre avec conviction.
12:20Donc, merci pour ce témoignage et pour ce double regard.
12:24C'est toujours intéressant de voir le double regard.
12:26Et puis, merci pour ce combat que vous continuez à mener, vous aussi.
12:29Pour les entrepreneurs.
12:30Et les livres, les entrepreneurs aux féminins également.
12:33Et les livres aux féminins aussi.
12:34Voilà.
12:34Merci Virginie.
12:35Sous-titrage Société Radio-Canada
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