- il y a 3 jours
Le 9 octobre prochain, Robert Badinter entrera au Panthéon. Par ce geste, la nation honorera l'action de celui qui fut l'artisan de l'abolition de la peine de mort en France. Un homme aujourd'hui célébré, mais dont les combats furent rudes tant il a rencontré d'opposition.
Tour à tour avocat défenseur de causes perdues, compagnon de route de François Mitterrand dont il fut le ministre de la Justice, président du Conseil constitutionnel, et sénateur, à travers les témoignages de celles et ceux qui l'ont connu ou approché, Rebecca Fitoussi propose de revenir sur une vie hors norme, faite d'un engagement humaniste qui n'a jamais vacillé.
Année de Production :
Tour à tour avocat défenseur de causes perdues, compagnon de route de François Mitterrand dont il fut le ministre de la Justice, président du Conseil constitutionnel, et sénateur, à travers les témoignages de celles et ceux qui l'ont connu ou approché, Rebecca Fitoussi propose de revenir sur une vie hors norme, faite d'un engagement humaniste qui n'a jamais vacillé.
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00:00Générique
00:00Bonjour, bonjour à tous, bienvenue sur Public Sénat.
00:14C'est une émission spéciale que nous vous proposons aujourd'hui.
00:18Spéciale car nous allons rendre hommage à une figure qui a marqué l'histoire de France
00:21et qui va faire son entrée au Panthéon, il s'agit de Robert Badinter.
00:25L'homme qui a fait abolir la peine de mort en France.
00:27L'homme qui a aidé à dépénaliser l'homosexualité.
00:30L'homme qui a lutté pour de meilleures conditions de vie en prison.
00:34Avocat, garde des Sceaux, président du Conseil constitutionnel, mais aussi sénateur.
00:39Il entre au Panthéon ce 9 octobre, date très symbolique,
00:43puisque c'est un 9 octobre que fut promulguée la loi d'abolition de la peine de mort.
00:48Étape majeure de sa vie et tournant historique.
00:51A propos duquel, il avait accepté de nous accorder un entretien exceptionnel en 2021,
00:56moment que nous vous proposons de revoir dans un instant.
01:00Je recevrai ensuite des personnalités qui l'ont côtoyé et qui nous en diront plus
01:04sur les différentes facettes de l'homme, de l'avocat, de l'élu de gauche qu'a été Robert Badinter.
01:09Enfin, nous reverrons ensemble l'abolition, ce téléfilm de Jean-Daniel Vérague,
01:14inspiré des livres de Robert Badinter lui-même, l'exécution et l'abolition.
01:18Avant tout cela, et avant que nous nous retrouvions,
01:21je vous propose donc de revoir ce bel entretien que j'ai eu le privilège d'avoir avec lui en 2021
01:26pour Public Sénat. A tout à l'heure.
01:29Avec nous pour un entretien exceptionnel à l'occasion du 40e anniversaire
01:33de l'abolition de la peine de mort.
01:35Robert Badinter, bonjour et merci de nous accueillir chez vous.
01:38Vous êtes donc le ministre à l'origine du texte.
01:40C'était le combat de votre vie déjà lorsque vous étiez avocat.
01:45Vous l'avez d'ailleurs écrit dans vos deux livres, l'exécution et l'abolition.
01:49Si vous le voulez bien, on va d'abord rester sur ce qui a été votre combat d'avocat,
01:52puisque ça a commencé comme cela.
01:54Et ce qui frappe, en tout cas dans vos œuvres, c'est le fait d'avoir été si seul,
01:58seul contre tous, seul contre les Français.
02:01Est-ce que vous vous êtes senti seul, vous, au moment où vous vous battiez
02:04pour ne pas que ces hommes soient guillotinés ?
02:07Ce que je percevais surtout, c'est à quel point il y avait
02:13dans ces procès, une tension exceptionnelle, extraordinaire.
02:23On ne mesure pas aujourd'hui ce que ça pouvait être
02:28que ces cours d'incise autour desquels il y avait une foule
02:33qui attendait l'accusé en criant à mort, à mort, à mort,
02:38disons-le très franchement.
02:40Ils avaient commis des crimes terribles,
02:43mais l'ambiance qui régnait autour du palais, dans le palais,
02:49c'est sans rapport avec ce que on peut connaître aujourd'hui.
02:53Quelquefois, j'avais le sentiment étrange que la mort,
02:59la mort, rôdée communienne, invisible, mais présente
03:04dans les salles d'audience.
03:07Tellement l'atmosphère y est étendue.
03:11Et n'oubliez pas qu'à l'époque, il n'y avait pas
03:14deux degrés de juridiction, il n'y avait pas d'appel.
03:18Tout se jouait là.
03:21Seul contrôle de la Cour de cassation,
03:24mais uniquement sur la légalité,
03:25pas sur le fond, il pouvait intervenir.
03:29Donc, sauf le droit de grâce du président,
03:33tout se jouait à l'audience.
03:37C'était certainement ce que j'ai connu dans ma vie
03:40comme tension la plus grande.
03:44Vous voyez, les jeunes avocats ne mesurent pas
03:47leurs privilèges,
03:48mais il faut appréhender
03:54entre le banc de la défense
03:59dans les cours d'assises de province
04:02et le 1er juillet, il y avait quelques mètres.
04:07Ce n'est pas Paris, ce n'est pas la cour d'assises de la Seine.
04:10Vous aviez quelques mètres aussi,
04:14les parents de la victime.
04:16Vous entendiez,
04:18à la fin des débats,
04:20au moment des loiries,
04:22vous entendiez d'abord
04:24la partie civile,
04:25vous la voyez.
04:28Et ensuite, l'avocat général,
04:30c'était pendant des heures,
04:32avec beaucoup de talent parfois,
04:35pendant des heures,
04:36qu'on demandait la tête
04:38de celui que vous entendiez respirer derrière vous.
04:43Il n'était pas enfermé
04:45dans des boxes comme aujourd'hui.
04:48Vous l'entendiez respirer
04:49et vous saviez,
04:51je savais,
04:53que si on ne trouvait pas,
04:55je ne trouvais pas
04:56les mots,
04:57les phrases
04:58qui allaient au cœur des jurés,
05:02je le trouverais lui
05:04dans la cellule
05:06des condamnés à mort
05:07à la santé.
05:09Je l'entendais respirer,
05:11celui dont on demandait la tête.
05:13Alors, pour l'avocat,
05:15qui avait connu
05:16ce parcours-là,
05:19c'était une angoisse
05:21inouïe,
05:23en tout cas pour moi.
05:24Et je suis toujours...
05:26Vous voyez,
05:27ça n'a rien à voir.
05:28Quelquefois, on me dit
05:29« Ah, j'ai éloquence... »
05:31Non,
05:31ce ne sont pas les concours d'éloquence,
05:33ce n'est pas la confiance du stage.
05:35Il faut,
05:37il fallait
05:37que
05:38vous trouviez en vous
05:40les mots
05:42que vous vous adressiez
05:44à ces femmes
05:46et à ces hommes jurés
05:47comme un homme,
05:49pas comme un avocat,
05:50pas comme un professionnel.
05:51Il fallait être
05:52celui
05:53qui leur parle
05:55comme un homme
05:56à d'autres,
05:57à d'autres êtres humains.
05:58En faisant quoi ?
05:59Et ça, c'était...
06:00Quels étaient ces mots ?
06:01Vous appuyez sur les circonstances
06:03atténuantes potentielles,
06:04sur le parcours de l'homme,
06:05de l'accusé ?
06:06C'est comme ça que vous y preniez ?
06:07Ça dépendait à chaque fois.
06:09Vous savez,
06:10après Patrick Henry,
06:12cinq autres
06:13m'ont demandé
06:14de les défendre
06:15avant l'abolition.
06:18Et cinq fois,
06:19alors qu'ils avaient été
06:20tous condamnés à mort
06:21déjà une fois
06:22et que la Cour de cassation,
06:24pour des raisons de forme,
06:26avait cassé l'arrêt.
06:27Donc, ils revenaient déjà
06:29condamnés à mort.
06:30Et bien,
06:31ces cinq fois-là,
06:32j'ai sauvé leur tête.
06:34Et j'étais dans un état
06:36de trance.
06:38Et je le dis clairement,
06:40ce n'est pas du tout
06:41l'éloquence.
06:42C'est autre chose.
06:44Ça doit venir
06:45du plus profond de vous.
06:46Les Italiens
06:47utilisent le terme
06:47de la fraccia la vata.
06:49Il fallait que vous soyez
06:51à nu,
06:52à nu,
06:53comme un homme
06:54qui s'adresse
06:55à d'autres êtres humains
06:57et qui leur parle aussi
06:58d'eux,
06:59d'eux qui jouaient
07:00à ce moment-là
07:01leur responsabilité.
07:03Oh, c'était terrible.
07:04C'était terrible.
07:05Moi, je n'ai jamais été gros.
07:07Mais dans ces moments-là,
07:10dans ces journées-là,
07:12je m'éressais à vue d'œil.
07:13D'ailleurs,
07:15je lui ai dit
07:15un jour à Elisabeth,
07:17qui était toujours là,
07:18je lui ai dit
07:20en 1981,
07:23ça devait être
07:24au printemps 81,
07:26je lui ai dit
07:26« Tu sais,
07:28ou bien
07:28Mitterrand sera élu
07:30et on l'abolira,
07:33ou bien
07:34Giscard sera élu
07:35et moi,
07:36je classerai du cœur
07:37à l'audience. »
07:38Et je le pensais.
07:39Parce que vous y laissiez
07:40votre santé ?
07:40D'ailleurs,
07:41votre femme s'inquiétait.
07:42Vous ne pouvez pas savoir.
07:43Il faut avoir mesuré
07:44ce que ça voulait dire
07:45comme tension.
07:46Je vous dis
07:47que je la sentais vivante,
07:50la peine de mort,
07:51là,
07:52comme une bête.
07:53C'est comme si
07:53vous jouiez votre vie.
07:55Ah non,
07:55ce n'est pas autre chose.
07:57C'est le sentiment inouï
07:59que la vie de celui
08:02qui est derrière vous,
08:03que vous entendez,
08:04dépend de vous,
08:06des mots,
08:07des mots,
08:08rien de plus fragile
08:09que les mots.
08:10Et s'il n'y a pas
08:11le sentiment
08:12d'une sincérité absolue,
08:14vous êtes,
08:15ou plutôt,
08:16celui que vous défendez
08:17est perdu.
08:18Qu'est-ce qui a déclenché
08:19ça en vous,
08:20cette fougue,
08:21cette ferveur
08:21pour cette cause
08:22en particulier ?
08:23Est-ce que l'exécution
08:23de bon temps,
08:24par exemple,
08:25est un déclencheur
08:26de quelque chose,
08:26une forme de traumatisme ?
08:27Oui,
08:27j'étais contre
08:28la peine de mort.
08:30Mais,
08:30je dirais,
08:31par les hasards
08:32de la vie professionnelle,
08:34je n'étais pas du tout
08:35un spécialiste
08:36de droit pénal.
08:37Je l'avais été
08:38au moment du stage
08:40des premières années
08:41avec Henri Torres,
08:43mais ce n'était pas du tout,
08:46mon métier,
08:47c'était les droits d'auteur.
08:49Ne l'oublions jamais.
08:51C'était ça,
08:52c'était le droit de la presse,
08:54c'était le droit,
08:55les droits intellectuels,
08:57c'était ça,
08:58mon métier.
08:59Je me trouvais d'ailleurs
09:00exquis,
09:01et je adorais la profession,
09:03mais ça n'avait rien à voir
09:04avec ce que j'ai connu
09:06dans ces dernières années.
09:07Non,
09:08ce qui,
09:09facteur déclencheur,
09:10ça a été
09:11d'escorter
09:13bon temps
09:14la guillotine.
09:16Je ne peux jamais l'oublier,
09:18j'ai amené
09:19la guillotine
09:20avec Philippe,
09:21qui a été admirable
09:22d'humanité,
09:23j'ai amené
09:24la guillotine
09:25un homme qui ne l'avait pas tué.
09:27Je ne sais pas
09:27si vous vous rendez compte,
09:29pour un avocat jeune encore,
09:33ce que ça signifie,
09:34amener
09:35à l'échafaud,
09:37à la guillotine,
09:38un homme
09:39dont on a pu prouver
09:40qu'il n'avait jamais
09:42versé le sang.
09:43Et en sortant de la santé,
09:46j'ai refusé toute déclaration,
09:47il y avait une foule
09:48là,
09:49de journalistes,
09:50de caméras,
09:50et je me suis dit,
09:54toute ma vie,
09:55toute ma vie,
09:57je lutte contre
09:58la peine de mort.
09:59Parce que c'est une infamie.
10:01Et c'est ce que vous allez faire.
10:02C'est ce que j'ai fait ensuite.
10:03Plus en tant qu'avocat après,
10:06ensuite en tant que ministre,
10:07avant de venir
10:07au parcours législatif
10:09de ce texte
10:10qui va faire abolir
10:11la peine de mort en France,
10:12je voudrais
10:12quelques mots de votre part
10:14sur François Mitterrand
10:14qui a quand même,
10:16j'imagine,
10:17qui vous a aidé
10:18et qu'il se prononce
10:19pour l'abolition.
10:20C'est à lui,
10:20c'est à lui,
10:21en termes politiques,
10:23qu'on doit l'abolition.
10:26Campagne de 81,
10:29la question de la peine de mort
10:31était très présente.
10:33Très présente.
10:36Même un abolitionniste
10:38comme Chirac,
10:40oui,
10:41face à l'hostilité générale
10:43du public
10:44envers l'abolition,
10:45où il avait des formules
10:47qui laissaient placer
10:50l'ambiguïté.
10:51Enfin,
10:51oui,
10:52je suis pour,
10:53mais Mitterrand,
10:55c'est lui
10:56qui a répondu
10:59aussi clairement
11:00au possible.
11:02Il a fait preuve
11:03de courage politique.
11:04Ah oui,
11:04qui a répondu
11:05aussi clairement
11:06au possible
11:06aux confrères
11:07Elkabach
11:10et Duhamel
11:11qui lui ont posé
11:14la question.
11:15Je le savais d'ailleurs.
11:17Il m'avait téléphoné
11:18le matin,
11:18il m'a dit
11:18« on me demandera
11:19Mitterrand ».
11:22Bon.
11:23Eh bien,
11:25il a répondu
11:25aussi clairement
11:26que possible.
11:26Pourquoi d'après vous ?
11:27Qu'est-ce qui fait
11:28qu'il avait pris
11:29cette position
11:30si franche,
11:30si claire ?
11:31On sait qu'il avait
11:31lui-même,
11:32j'allais dire,
11:33validé des exécutions
11:34durant la guerre d'Algérie.
11:35Est-ce qu'il avait
11:36une forme de regret ?
11:37Il avait envie de...
11:38Il faut être précis
11:39en ce qui concerne
11:41le rôle de Mitterrand,
11:43s'agissant,
11:43comme ministre de la Justice
11:45de la guerre d'Algérie.
11:47Tous les pouvoirs,
11:48tous les pouvoirs
11:50de tous les ministres
11:51avaient été transférés,
11:53y compris la justice,
11:54avaient été transférés
11:55en Algérie
11:56au ministre résident
11:58Lacoste.
11:59Donc,
12:00la chancellerie
12:01n'avait plus
12:01à traiter
12:02des affaires
12:03de cette ordre.
12:04Mais il aurait pu démissionner ?
12:05Ce qui est certain,
12:10c'est que,
12:12en ce qui concerne
12:13le moment
12:14où la commission
12:15des grâces
12:16se réunissait,
12:17Mitterrand a opiné
12:18dans un certain nombre
12:19de cas pour la grâce,
12:21et pour la peine de mort.
12:22Et c'était un souvenir
12:27pour lui,
12:31au Dieu.
12:32À chaque fois
12:33que c'était évoqué,
12:35c'était la guerre.
12:38C'était la guerre.
12:39D'autres avaient conduit
12:43cette guerre avec lui.
12:46Plus que lui.
12:48Mais,
12:50ça l'héritait profondément.
12:52Et,
12:54le matin,
12:55je lui ai téléphoné
12:56en lui disant,
12:57vous savez,
12:58la question
12:58à vous être posée,
12:59c'est toujours
13:00l'obsession
13:01que vous avez
13:02avec la peine de mort,
13:03mais laissez-moi tranquille.
13:05Bien d'autres sujets,
13:06ça n'intéresse pas
13:07les Français ce soir,
13:08ne poseront pas la question.
13:10Vous verrez.
13:11Et couru
13:11Rue de Bièvre,
13:13et j'ai posé
13:14sur son dossier
13:15une feuille
13:16de papier blanc
13:17avec uniquement,
13:18uniquement,
13:19une grande feuille comme ça,
13:20uniquement,
13:21en gros caractère,
13:22les déclarations
13:23des papes,
13:25des églises,
13:27la Ligue des droits de l'homme,
13:28d'Amnistie internationale,
13:31et,
13:31surtout,
13:32connaissant Mitterrand,
13:35les grands écrivains,
13:36les grands...
13:36Voilà.
13:37Uniquement ça.
13:38Et quand il a répondu,
13:42j'ai été...
13:44Soulagé.
13:45Ah non,
13:45plus que ça.
13:47Ah,
13:48plus que soulagé.
13:49Parce que,
13:51ce que je redoutais,
13:53c'était
13:53une phrase
13:56à la Mitterrand,
13:58élégante,
14:01très élégante,
14:02littéraire,
14:03mais...
14:04mais le sentiment
14:06d'une ambiguïté structurelle.
14:10Et là,
14:10il a été aussi clair
14:11et net
14:12que possible.
14:13Oui,
14:14je compte
14:14le coup de mort,
14:15ici, etc.,
14:16je connais...
14:17et je me suis dit,
14:20donc,
14:21ça y est,
14:22si...
14:22si il est élu,
14:25c'est fini.
14:26Et vraiment,
14:28c'est un acte de courage politique.
14:30Et puis,
14:31longtemps après,
14:32je me suis pris à penser,
14:34puis,
14:35à mon avis,
14:36il devait penser à Mazarine.
14:38Mazarine.
14:39Oui.
14:40Mazarine,
14:41je le savais,
14:42écoutait,
14:44j'étais en âge,
14:45je ne regardais pas pas
14:46la télévision
14:47dans ces émissions-là.
14:49Et ça a dû jouer
14:52quelque part.
14:54Tellement,
14:55c'était important
14:55pour lui,
14:57Mazarine.
14:58C'est longtemps après,
14:59je me suis dit,
15:00tiens, au fond...
15:01Mais en tout cas,
15:02pour Elisabeth
15:03et pour moi,
15:04c'était
15:05l'assurance
15:06que l'élection,
15:07ce serait l'abolition.
15:09Et la suite,
15:10on la connaît,
15:10il est donc élu,
15:11il vous nomme garde des Sceaux ?
15:13Non.
15:13Non,
15:14il y a un moment essentiel,
15:15c'est l'élection législative.
15:17Parce que,
15:18s'il n'y avait pas eu
15:19une majorité de gauche
15:21au Parlement,
15:23à ce moment-là,
15:24pas d'abolition.
15:26Donc,
15:27il fallait être encore
15:28le deuxième temps.
15:29Et une majorité absolue.
15:31Du coup,
15:32vous devenez garde des Sceaux.
15:33Alors,
15:34il y a le parcours législatif
15:35au niveau
15:36de l'Assemblée nationale.
15:37Revenons peut-être
15:38plus précisément
15:39sur le parcours législatif
15:41de ce texte
15:41au Sénat.
15:42Parce que ça va être
15:43un moment intéressant.
15:45D'abord,
15:46peut-être,
15:46procédons par étapes,
15:47quand le texte
15:48sort de commission.
15:50Il se trouve
15:51qu'il laisse
15:52le Sénat décider.
15:54Il ne prend pas
15:54de décision tranchée.
15:56Qu'est-ce que vous vous dites
15:56à ce moment-là,
15:57lorsque le texte
15:58sort de commission
15:59et qu'il n'y a pas
15:59de consigne précise,
16:01de conclusion
16:02forte donnée
16:03à ce texte ?
16:04À l'Assemblée,
16:06le contrat était fait.
16:08On savait tous
16:09qu'avec une majorité
16:12de gauche,
16:13ce serait l'abolition.
16:14Donc,
16:14c'était un exercice
16:16intéressant,
16:17important,
16:18émouvant,
16:19tout ce qu'on veut,
16:20mais le résultat
16:21était connu
16:21d'avance.
16:22Pas au Sénat.
16:23Et je dois dire
16:26au Sénat
16:27que c'est jouer
16:28la partie décisive.
16:31Pourquoi la partie décisive ?
16:32Parce que,
16:33pour moi,
16:35Mitterrand
16:35avait donné
16:36une session
16:37extraordinaire
16:38de 15 jours
16:38pour l'abolition,
16:40pour faire
16:40passer le texte
16:42sur l'abolition.
16:44Et,
16:44évidemment,
16:46je savais
16:46qu'à partir de là,
16:49si ce n'était pas
16:50voté dans les mêmes
16:51termes
16:52que l'Assemblée
16:53allait commencer
16:55une navette
16:56qui durerait
16:57tout au long
16:58des mois suivants,
17:00notamment,
17:01vous voyez,
17:02l'importance
17:02et la masse
17:04des textes
17:05que la Grouche
17:06avait préparés,
17:07quand,
17:08moi,
17:09je ne pouvais pas
17:09m'imaginer
17:10garder ce
17:11d'une justice
17:11qui tuait.
17:12Donc,
17:14c'était essentiel.
17:16Et,
17:16les Ongurs
17:18m'avaient dit,
17:19oh,
17:20ce sont des vieilles
17:20moustaches,
17:21qui vont vous promener,
17:23en plus,
17:23vous êtes
17:24dans ce domaine
17:25novice,
17:26ils vont vous promener
17:27avec des amendements,
17:29des peines de substitution,
17:31ils vont peut-être
17:32vous voter l'abolition,
17:33mais ça sera tellement
17:34conditionné
17:35que vous serez contraints
17:36de faire des navettes,
17:38ce ne sera pas
17:39avant le printemps.
17:41Oh,
17:41ça n'allait pas du tout.
17:43Donc,
17:43la vraie question,
17:45cette fois-ci,
17:46au Sénat,
17:47c'était
17:47convaincre.
17:48et convaincre
17:50les majorités
17:52qui s'étaient prononcées
17:54six mois plus tôt
17:55en faveur
17:56de la motion
17:57qu'avait présentée
17:58M. Perfitte.
18:00Il est temps d'attendre.
18:02C'était loin d'être gagné,
18:03face au Sénat.
18:04Il n'y avait pas eu
18:05d'élection sénatoriale.
18:07On n'avait pas renouvelé
18:08le Sénat.
18:09Comment avez-vous fait ?
18:11Je vais vous le dire,
18:14deux éléments.
18:17Le premier,
18:19je me suis dit
18:20pas de discours flamboyant
18:23comme à l'Assemblée.
18:26Non.
18:27Deuxièmement,
18:29la ligne directrice,
18:31celle qui peut conduire
18:32au succès,
18:34c'est l'Europe.
18:37C'est la communauté européenne,
18:40on disait à ce moment-là.
18:41Et le retard de la France
18:42par rapport au reste du monde.
18:44Et le fait que nous étions
18:45le dernier,
18:47avec un sujet de honte
18:49et qui paralysait aussi
18:51d'une certaine façon
18:54la justice pénale.
18:55Parce qu'en matière
18:56de grands crimes,
18:56il suffisait
18:57qu'un meurtrier
19:01en France
19:01couvert de crime
19:03passe la frontière,
19:05il était arrêté.
19:06Mais on n'extradait pas
19:08pour un pays
19:08qui exécutait.
19:10Donc,
19:10ça nuisait aussi
19:12à l'efficacité
19:13de la justice pénale.
19:14Mais sur le plan
19:15des principes,
19:16c'était clair,
19:17c'était une honte
19:18pour la France
19:19qui se veut
19:20patrer les droits de l'homme.
19:21Et ça, ça parlait aux sénateurs.
19:23Cette comparaison internationale,
19:24ça leur parlait.
19:25Il y a eu
19:25liberté de vote.
19:28Là, j'ai retrouvé
19:29les délices
19:32de la République parlementaire.
19:34J'ai compris pourquoi
19:36des hommes
19:37que j'avais connus,
19:38comme Mendes,
19:40comme Fort,
19:41comme Mitterrand lui-même,
19:43aimaient tellement
19:44la République parlementaire.
19:46Parce que là,
19:48c'était uniquement
19:50le talent,
19:52la qualité de l'argumentation,
19:54les convictions variables
19:57des différents groupes
19:59qui pouvaient décider.
20:01Ce n'était pas
20:02monolithique
20:03comme à l'Assemblée.
20:04Donc, le résultat
20:05n'était pas acquis d'avance.
20:07J'ai vu des choses étonnantes
20:08pendant...
20:09Ça a duré trois jours,
20:11enfin, deux nuits.
20:13Eh bien,
20:14j'ai vu
20:14dans la salle des pas perdus
20:16des groupes...
20:17Voilà, buvette,
20:18des groupes étonnantes,
20:19des sénateurs communistes
20:21qui se retrouvaient
20:22avec des sénateurs MRP,
20:26parfois même de la droite.
20:28Vous sentiez
20:29qu'ils étaient bousculés ?
20:30Oui.
20:30Qu'ils étaient perturbés ?
20:30Non, non.
20:31Je sentais que ce faisaient
20:33des alliances,
20:34je ne dis pas inavouables,
20:36mais que des alliances étonnantes
20:39entre les pros
20:40et les contre l'abolition.
20:43Et jusqu'au bout,
20:44jusqu'au bout,
20:45ça a été incertain.
20:47et finalement,
20:49il était très exactement
20:50quand le vote est intervenu
20:53et que l'abolition
20:55a été inscrite
20:58dans nos lois
20:58midi 25,
21:02le 30 septembre.
21:03Et qu'est-ce que vous ressentez
21:05à ce moment-là ?
21:06Est-ce que vous ressentez
21:07une grande fierté ?
21:07Est-ce que vous pensez
21:08à Victor Hugo, par exemple ?
21:09Je le dis parce que nous sommes
21:09dans cette pièce
21:10où vous êtes entouré
21:11aussi d'éléments de décors
21:13liés à Victor Hugo
21:13parce que c'était
21:14un abolitionniste convaincu.
21:15Est-ce que vous pensez
21:17à lui ?
21:18À quoi pensez-vous
21:19à ce moment-là ?
21:19C'est une victoire immense.
21:20C'est un grand abolitionniste
21:22le plus grand.
21:23Mais aussi parce que
21:26j'aime Hugo.
21:29Mais là,
21:31je me suis rapproché
21:34du pupitre.
21:37Là, il y a la médaille.
21:39Ici, si j'ai Victor Hugo,
21:41c'est à l'extrême-gauche.
21:42C'est aujourd'hui,
21:44ça fait partie
21:46des fauteuils
21:47du Parti communiste.
21:50Et,
21:51premier rang,
21:52j'ai posé ma main
21:53comme ça,
21:56symboliquement,
21:57sur la médaille
21:58qui dit,
21:59ici, si j'ai Victor Hugo.
22:02Et puis,
22:02j'ai vu le tableau s'afficher.
22:04Je me suis dit,
22:05c'est fini.
22:06Parce que tout le monde
22:07s'était voté
22:08dans les mêmes termes
22:08pendant le Sénat.
22:09Il n'y avait pas du tout,
22:11du tout,
22:11à attendre
22:13un quelconque mouvement
22:15s'agissant
22:16de saisir
22:17le Conseil Constituel.
22:18C'était fini.
22:19Et je suis sorti.
22:20Je reviendrai toujours ça.
22:21Le brouillard du matin,
22:23très dense,
22:24ce jour-là,
22:25s'était dissipé.
22:27Et,
22:27j'ai dit
22:29à mon directeur
22:31de cabinet,
22:32je lui ai dit,
22:32non,
22:33je ne vais pas
22:34à la chancellerie,
22:35je vais rentrer chez moi.
22:36Et je suis resté
22:37un moment
22:38au jardin
22:39de Luxembourg
22:40et j'ai regardé
22:42les enfants
22:42qui jouaient,
22:43je vais toujours ça.
22:45Et c'est très beau.
22:47Et puis,
22:47je suis reparti déjeuner
22:48chez moi
22:49et je me suis dit,
22:49c'est fini,
22:50la peine de mort.
22:51Et c'était fini.
22:52Est-ce qu'il vous arrive
22:53de craindre
22:54qu'elle revienne,
22:55cette peine de mort ?
22:56Non.
22:56Pourquoi ?
22:58Pour de multiples raisons.
23:00La première,
23:02ce qu'il ne faut jamais oublier,
23:04que le président Chirac,
23:07qui avait voté l'abolition,
23:10a tenu à ce que l'abolition
23:12soit inscrite
23:13dans la Constitution
23:14comme principe constitutionnel.
23:17C'est ça.
23:18Donc,
23:19à partir de ce moment-là,
23:20l'abolition est devenue
23:21un principe constitutionnel.
23:24Et vous savez combien
23:25il est difficile
23:26de modifier la Constitution.
23:28Mais indépendamment de cela,
23:31la France a signé
23:32de multiples accords internationaux
23:35qui interdisent
23:38le recours à la peine de mort.
23:40La peine de mort,
23:41elle est bannie
23:42de la majorité des États
23:44et de toute l'Union européenne,
23:47le Conseil de l'Europe
23:48plus généralement.
23:49Donc,
23:50ça voudrait dire en clair
23:51qu'il faudrait que le président
23:53de la République française,
23:55la République française
23:56qui s'honore
23:57d'être toujours
23:57la patrie des droits de l'homme,
23:58le président
23:59a dénoncé
24:01la Convention européenne
24:03des droits de l'homme,
24:04que le président
24:05dénonce
24:06le deuxième protocole
24:08annexe
24:08de la Convention
24:09des Nations Unies,
24:10etc.,
24:11s'agissant des droits similes
24:12et politiques.
24:12Bref,
24:13un ensemble de conventions,
24:15ce n'est pas possible.
24:16On ne peut pas être
24:17à la fois le président
24:18de la République française
24:19et dénoncer
24:20ces conventions-là.
24:21Et pourtant,
24:22vous entendez
24:22cette petite musique,
24:23vous entendez
24:24ce débat qui revient,
24:25vous entendez
24:26ces personnalités politiques
24:27qui remettent
24:28ce sujet sur la table
24:29en disant qu'ils sont contre.
24:31gardent,
24:31ils se gardent toujours
24:32de dire comment.
24:35Ils se disent favorables,
24:38mais ils ne disent pas
24:38comment ils le feraient.
24:40Et c'est impossible.
24:42Tant a passé,
24:43on l'a vu,
24:44qu'avec Ousson,
24:44la peine de mort
24:45ne changeait rien
24:47à l'évolution
24:48de la criminalité sanglante.
24:50C'est ailleurs
24:51qu'elle trouve ses sources
24:52et pas dans la disposition
24:54du code pénal,
24:56croyez-moi,
24:57et que ça ne permet pas.
24:59Et le seul fait
24:59de savoir
25:00que les mentalités
25:01ont évolué
25:02un peu dans ce sens
25:03que certains Français...
25:04Pas un peu, beaucoup.
25:05Et que certains Français
25:06voudraient revoir
25:07venir la peine de mort.
25:08Le seul fait
25:08de savoir cela,
25:09qu'est-ce que ça vous fait,
25:10vous,
25:10qui avez tellement combattu
25:11cette peine de mort ?
25:13Ça me fait que
25:15je me dis
25:17la vieille bête
25:22n'est pas encore
25:24complètement
25:25morte
25:27ni éteinte,
25:29mais
25:29et c'est fini.
25:32Sauf un cas.
25:35Historiquement
25:36et constamment
25:37exact.
25:39Si la France
25:41redevenait
25:42une dictature
25:43comme à certains
25:45moments
25:45de son histoire,
25:47difficile,
25:48parfois tragique,
25:50à ce moment-là,
25:51le lien
25:52qui existe,
25:54qui est partout
25:55est historiquement
25:57vrai
25:57entre la peine
25:58de mort
25:59et la dictature,
26:01j'aurais...
26:02D'ailleurs,
26:03il n'y aurait pas
26:03que simplement
26:05le retour
26:06à la peine de mort.
26:07C'est l'ensemble
26:08des libertés
26:09qui seraient soumis
26:10à
26:11les dictateurs.
26:13Il y a
26:14entre la dictature
26:16et la peine
26:18de mort
26:18un lien
26:19secret
26:21mais
26:22absolu.
26:25Donc,
26:26je refuse
26:27cette hypothèse
26:28pour la France
26:28et je dis
26:30clairement
26:30République
26:33constante,
26:35même
26:36avec
26:36des poisons de droite,
26:38des poisons de gauche,
26:39République
26:40constante,
26:41et je n'imagine pas
26:43d'un autre régime
26:44pour la France,
26:46la peine de mort,
26:47c'est du passé,
26:48ça relève du musée.
26:51– Bonjour Dominique Missica,
26:52merci d'avoir accepté
26:53notre invitation,
26:54éditrice,
26:55journaliste,
26:55historienne.
26:56Vous avez écrit
26:56avec Maurice Safran
26:57cette biographie
26:58« Robert Badinter,
26:59l'homme juste »
27:00paru en 2021
27:01aux éditions Taillandier,
27:02réédité en poche depuis.
27:04Noël Lenoir,
27:05bienvenue à vous également,
27:06avocate,
27:06ancienne ministre
27:07des Affaires européennes,
27:08membre du Conseil constitutionnel
27:10entre 1992 et 2001,
27:11vous êtes la première femme
27:12à y être entrée
27:13et précisément
27:14c'était lorsque
27:15Robert Badinter
27:16présidait l'institution.
27:18Pour tout le monde
27:18et pour toujours,
27:19Robert Badinter
27:20est l'homme
27:20de l'abolition
27:21de la peine de mort,
27:22il est salué pour cela,
27:23c'est l'une des raisons
27:24si ce n'est la raison
27:25pour laquelle
27:26il entre au Panthéon.
27:27Cela semble une évidence
27:28aujourd'hui,
27:29pourtant ce combat
27:30s'est fait contre l'avis
27:31de trois Français
27:32sur quatre à l'époque
27:33et probablement
27:34contre pas mal de Français
27:35encore aujourd'hui.
27:37Est-ce que sa panthéonisation
27:38est une manière
27:39de reconnaître
27:40une humanité
27:40que peut-être
27:41nous n'avons pas tous,
27:43dont nous ne sommes pas tous
27:44capables,
27:44Dominique Missica ?
27:45Oui, c'est étrange
27:46de penser à quel point
27:48il a été impopulaire.
27:50Il était présenté
27:52comme l'avocat
27:53des assassins,
27:56honnit pour son laxisme
27:58dans les prisons.
28:00Il était impopulaire,
28:01mais réellement impopulaire.
28:02Il faut se rappeler
28:03de la manifestation
28:04des policiers
28:06sous ses fenêtres
28:08aux places Vendôme
28:09en février 1983,
28:11où il est hué.
28:13C'est assez paradoxal
28:15aujourd'hui
28:15de voir à quel point
28:16sa figure est consensuelle,
28:18alors qu'il a été
28:19à contre-courant,
28:21qu'il n'a jamais
28:22baissé les bras.
28:25Au fond,
28:26il le savait
28:26qu'il était impopulaire,
28:27il était injurié,
28:29insulté.
28:30Conspué.
28:31hué.
28:33Eh bien, non.
28:35Il savait que la France
28:37se devait d'abolir
28:38la peine de mort,
28:39que c'était le combat
28:40de sa vie.
28:42Il avait dit
28:43si je n'y arrive pas,
28:44je claquerai à l'audience.
28:46Donc, je crois
28:48que c'est assez incroyable
28:50qu'aujourd'hui,
28:51et heureusement,
28:52que la France reconnaît
28:53ce qu'elle lui doit.
28:55Noël Lenoir,
28:56vous y voyez un paradoxe.
28:57Vous aussi,
28:57il y a une quasi-unanimité
28:58politique aujourd'hui
28:59à le panthéoniser.
29:00Bien sûr.
29:02Bon, c'est un grand juriste.
29:04Alors, moi,
29:04j'ai été administrateur
29:05au Sénat
29:06lorsque le projet de loi
29:09d'abolition
29:09de la peine de mort
29:10a été voté
29:12à une immense majorité.
29:14C'était d'ailleurs
29:14très émouvant.
29:15Il y a eu une émission
29:16sur ce texte
29:18chez vous,
29:19un public Sénat.
29:20En fait,
29:21il y avait quand même
29:21un courant.
29:23Moi, je retiens surtout
29:24de Baninter,
29:25c'est vrai que
29:26comme garde des Sceaux,
29:28ça a un petit peu,
29:29disons,
29:30chahuté,
29:32mais c'était quand même
29:33une icône
29:33de son vivant.
29:35C'était une icône
29:36de la gauche.
29:37C'était la conscience morale
29:38de la France.
29:40Et la France
29:41a été un peu en retard
29:43sur l'abolition
29:44de la peine de mort.
29:45C'était un des arguments
29:46qu'il avançait d'ailleurs
29:47au Sénat.
29:47Voilà.
29:48Montré au Sénateur.
29:48Et donc,
29:49beaucoup de gens de droite
29:50ont voté pour l'abolition
29:51et je crois
29:54qu'il était,
29:55on y reviendra peut-être,
29:56pour moi,
29:57un homme de son époque
29:58et je pense que
29:59sa vision du monde
30:00est peut-être
30:01un petit peu datée
30:02au regard des enjeux
30:03d'aujourd'hui,
30:04notamment sur ce qu'on appelle
30:06la défense pénale,
30:08c'est-à-dire
30:09comment est-ce qu'on peut
30:11défendre des accusés
30:13essentiellement
30:15et aussi
30:17un peu leur pardonner
30:18et penser avant tout
30:20à la rééducation,
30:21à l'amendement de l'homme
30:22ou de la femme
30:23et moins à la sanction.
30:25Et je pense que ce mouvement
30:26qui a été illustré d'ailleurs
30:27par diverses décisions
30:29du Conseil constitutionnel
30:31auquel j'adhérais,
30:34auquel j'adhère un peu moins maintenant...
30:36Et vous dites
30:37l'époque a changé.
30:38Et l'époque a changé.
30:39Mais ça reste quelqu'un
30:41qui mérite d'être
30:42un personnage historique,
30:43ça c'est certain.
30:44Dominique Messica ?
30:45Oui et non,
30:47parce que l'administration pénitentiaire
30:48est confrontée
30:49toujours aux mêmes questions,
30:52à la même question
30:53de la surpopulation carcérale,
30:57qu'on doit à Robert Badinter
31:00cette réflexion sur la prison.
31:05Et l'après.
31:06Et l'après-prison, surtout.
31:07La réinsertion.
31:08La réinsertion.
31:10D'ailleurs, il avait une formule
31:11que je trouve très forte.
31:13Il disait
31:13les prisons,
31:15la prison,
31:16il faut agir
31:17mais n'en parler jamais.
31:18Et il disait
31:19qu'il faisait
31:19de l'anticommunication.
31:21C'était extrêmement intelligent.
31:23C'est-à-dire
31:24qu'il avait
31:25en effet
31:26transformé
31:27et réformé,
31:28humanisé
31:29les prisons.
31:30Mais il savait
31:31que c'était mal vécu.
31:33Il disait
31:33qu'il y avait
31:33une loi des reins
31:34qui fait,
31:35et je crois
31:35que c'est toujours vrai,
31:36que les Français
31:40ne veulent pas
31:40que les détenus
31:42soient mieux lotis
31:43qu'eux-mêmes.
31:45Donc le budget
31:45pour améliorer
31:47le quotidien
31:47des détenus
31:48ne pourra jamais
31:49véritablement
31:51être accepté.
31:52Et donc,
31:53il disait
31:53pour penser
31:55comme Victor Hugo
31:57qu'un homme
31:58peut toujours
31:59devenir meilleur,
32:01eh bien,
32:01aidons-les,
32:02aidons ces détenus.
32:03Moi,
32:03je crois
32:04que ça n'a pas
32:05vieilli.
32:06Il a même
32:07inspiré
32:07la prison
32:08de Mossack
32:09qui existe
32:09aujourd'hui,
32:10à propos
32:10de laquelle
32:11il considérait
32:12les détenus
32:12qui allaient
32:13venir dans cette prison.
32:14Il fallait,
32:14je le cite,
32:15éviter qu'ils soient
32:15déresponsabilisés,
32:17qu'ils soient infantilisés
32:18et incapables
32:18d'affronter
32:19ce qu'est la réalité
32:20de la société
32:21des hommes libres.
32:22Là aussi,
32:23son combat,
32:23éviter la déshumanisation,
32:25préparer l'après.
32:26Alors moi,
32:27je ne vais pas juger,
32:28j'ai été directeur
32:29de cabinet
32:29du successeur
32:31comme garde des Sceaux
32:32de Robert Badinter
32:33qui était Pierre Arpaillange,
32:36un très grand magistrat
32:37qui a construit
32:38d'ailleurs
32:38énormément
32:39de prisons
32:39modernes
32:41pour essayer
32:42d'humaniser
32:42un petit peu
32:43le cadre pénitentiaire.
32:45Et donc,
32:46évidemment,
32:47je pense que
32:47donner des moyens
32:48à la justice
32:49c'est aussi important
32:49que de prévoir
32:51des réformes.
32:52Moi,
32:52ce qui,
32:53rétrospectivement,
32:54me paraît peut-être
32:55une petite erreur
32:56d'appréciation,
32:57c'est que Robert Badinter
32:58n'était pas d'accord
32:59sur le travail
33:00d'intérêt général.
33:01Il y avait cette idée
33:02que le travail forcé,
33:03ce n'est pas bien.
33:04Et je trouve que
33:04le travail d'intérêt général,
33:05surtout pour la délinquance
33:06des mineurs,
33:07c'est quelque chose
33:08de très précieux.
33:09Et ça demande des moyens.
33:11Et je pense qu'un ministre
33:12de la justice
33:12doit aussi se battre
33:14pour ses moyens matériels
33:15de la justice.
33:17Comme président
33:17du Conseil constitutionnel,
33:19il a quand même
33:20entamé un mouvement
33:21que l'on paye
33:23aujourd'hui,
33:24à la fois sur
33:25le pénal
33:26et à la fois
33:28sur l'immigration.
33:30Et je me rappelle
33:31essentiellement
33:33de la décision
33:34du Conseil constitutionnel
33:35du 13 août 1993
33:36qui a ouvert les vannes
33:38du regroupement familial
33:40et du droit d'asile
33:41dans des conditions
33:43qui peuvent être jugées
33:45aujourd'hui,
33:46à l'aune de nos enjeux
33:47civilisationnels
33:49liés à une immigration
33:50qui n'est pas contrôlée,
33:52comme assez gravissimes.
33:54L'homme d'une certaine époque
33:55est un homme de gauche aussi,
33:56rappelons-le.
33:57Un homme de gauche.
33:58Oui, mais alors,
33:58parlons par exemple,
34:01parce que 40 ans après,
34:02on peut...
34:03C'est vrai que,
34:04évidemment,
34:05en tant qu'historienne,
34:05je peux le dire,
34:0640 ans après,
34:07évidemment,
34:07les...
34:07Tirer les enseignements.
34:09Voilà, les enjeux
34:09ne sont peut-être
34:10plus les mêmes.
34:11En revanche, par exemple,
34:13moi, ce qui m'amuse,
34:14c'est que la seule loi
34:14qui porte son nom,
34:16c'est la loi Badinter.
34:18Et ça, c'est assez étonnant
34:19et paradoxal.
34:21C'est une loi
34:22qui prévoit
34:24l'indemnisation des victimes
34:26des accidents de circulation
34:27et les délais
34:28dans lesquels
34:29les victimes...
34:30Eh bien, ça,
34:31je trouve que c'est quelque chose
34:33qui touche de très près
34:34les Français.
34:36Et ce qui montre
34:36qu'à la fois,
34:38il était sans doute
34:38un grand juriste
34:39et qu'il avait aussi senti
34:41à quel point
34:42il fallait se préoccuper
34:45des victimes
34:46du quotidien des Français.
34:49C'est aussi preuve
34:50d'un grand humanisme,
34:52d'un sens
34:52du droit de l'homme.
34:55Je trouve que
34:56ça l'illustre autant
34:59et ça fait partie
35:00de ce que j'appelle
35:01ces combats méconnus.
35:03Oui, il y en a certains,
35:04notamment d'avoir aidé
35:06à dépénaliser l'homosexualité.
35:07Ce n'est pas forcément
35:08si connu, ça.
35:08Exactement.
35:10Et à l'époque,
35:11il va à contre-courant.
35:12C'est ça que je trouve
35:13extraordinaire.
35:15Il est aussi...
35:16Vous diriez qu'au contraire,
35:17il est moderne.
35:18Moi, je trouve qu'il a été
35:20moderne à son époque
35:21parce que l'homosexualité,
35:22à l'époque,
35:23était vraiment
35:23source d'opprobre,
35:25de honte...
35:27Et de discrimination.
35:28Et de discrimination.
35:29Eh bien, lutter contre
35:30la discrimination en 82,
35:32je trouve ça
35:33assez admirable.
35:34Certes,
35:35toutes ces positions
35:37n'ont pas toujours été
35:38peut-être comprises
35:39ou mal expliquées.
35:42Mais par exemple,
35:43le fait de s'être battu
35:45pour qu'en tant que sénateur
35:48au Mont-Valérien,
35:50on rende hommage
35:51aux 1 008 fusillés
35:53dans la clairière,
35:55ce qui n'existait pas,
35:57eh bien, je trouve
35:58que c'est un attachement,
36:01ça montre sa soif
36:03de justice,
36:05de lutter contre l'injustice.
36:07Chevillé au corps.
36:08Chevillé au corps.
36:09C'était rendre un nom
36:10à ces fusillés
36:11du Mont-Valérien,
36:13résistants,
36:14otages,
36:15juifs,
36:16communistes,
36:17gaullistes ou autres,
36:18mais dont personne
36:19n'avait eu l'idée
36:20de retenir les noms
36:21et d'en faire la liste.
36:22C'est vrai que l'abolition
36:23de la peine de mort
36:23a un peu masqué
36:24les autres combats
36:25de Robert Badinter
36:26et ses autres victoires aussi,
36:27de Lenoir.
36:28Alors, au Conseil constitutionnel,
36:31c'est un climat particulier.
36:33À mon époque,
36:33c'était un climat
36:34très familial.
36:36Puisqu'on était neufs,
36:37ils sont toujours neufs,
36:40moi, mes collègues
36:41avaient au moins
36:4230 ans de plus que moi,
36:45c'était très familial.
36:46Et donc,
36:47il a créé
36:48cette atmosphère familiale
36:49avec quand même
36:51un sentiment
36:51d'être,
36:53non pas primus inter pares,
36:54mais un peu
36:54au-dessus des autres.
36:55– Je sais que c'était
36:56le comité Badinter.
36:57– Voilà.
36:57– Le Conseil constitutionnel
36:58était le comité Badinter.
36:58– Alors, ça, c'est quelque chose
37:01que je n'ai pas connu
37:02avec les présidents suivants,
37:04Roland Dumas,
37:05qui est resté assez peu de temps
37:06pour les raisons que vous savez,
37:07et Yves Guénat.
37:08il n'était pas collégial,
37:10mais il avait une hauteur de vue
37:12suffisante pour changer de pied,
37:14c'est-à-dire qu'il ne voulait
37:15pas être battu.
37:16Et il avait cette élégance
37:17qui était quand même
37:18de voir qu'il devait changer de pied.
37:21– Un autre combat
37:22qu'on lui connaît aussi,
37:23mais dont on parle moins,
37:24c'est celui contre l'antisémitisme.
37:26Et dans un entretien
37:27à Maurice Safran,
37:28pour Challenge,
37:29après le pogrom du 7 octobre
37:30en Israël
37:31et face à l'explosion
37:31de l'antisémitisme en Europe,
37:33il avait confié ceci,
37:35je n'ai jamais cru
37:35à la disparition
37:36de l'antisémitisme,
37:38jamais,
37:38j'ai toujours été persuadé
37:39qu'il pouvait ressurgir
37:40à tout moment
37:41sous une forme ou sous une autre.
37:42L'islamisme politique
37:43est une variante,
37:45rien d'autre.
37:45Voilà ce qu'il avait déclaré.
37:46– Oui, et son combat
37:47pour lutter contre l'antisémitisme
37:50a été toute sa vie.
37:52Et lutter contre l'antisémitisme
37:54et le négationnisme,
37:56il faut se souvenir du procès
37:58contre Robert Faurisson,
38:01militant négationniste,
38:05où il a réussi
38:07a permis à le combattre
38:09avec les armes du droit
38:11dans l'enceinte
38:12du palais de justice.
38:16L'antisémitisme,
38:17il faut s'en souvenir,
38:18il en a été victime
38:20en tant qu'adolescent
38:22sous l'occupation.
38:23L'arrestation de son père
38:25lors de la rafle
38:26de la rue Sainte-Catherine
38:27en février 1943
38:29l'a marqué à vie.
38:30Et c'est le sentiment
38:32d'une injustice,
38:33d'autant plus que quand
38:34il rentre à Paris,
38:36puisqu'il avait été caché
38:37dans un petit village
38:38de Savoie,
38:40quand il rentre à Paris,
38:42sa mère est obligée
38:43de faire un procès
38:44à des occupants
38:46qui ont considéré
38:48que leur appartement
38:49de la rue Rénoir,
38:51ils ne reviendraient pas,
38:52donc c'était des occupants
38:53de leur appartement.
38:54Et le président du tribunal,
38:57l'avocat a dit
38:58mais Simon Badinter
39:00est absent,
39:02il est porté
39:03pour l'instant disparu.
39:04Et le tribunal a répondu
39:06cela n'intéresse pas
39:07le tribunal.
39:08Et cette phrase,
39:10il a 16 ans,
39:12l'a blessé à mort
39:13et il s'est au fond
39:14promis de réparer
39:16toute l'injustice
39:17dont il avait été victime.
39:18Et dans ce même entretien,
39:19il ajoutait
39:20la violence de l'antisémitisme
39:21d'aujourd'hui
39:22n'a rien de commun
39:23avec ce que j'ai connu
39:24et subi
39:24dans les années 30 et 40.
39:26Ne pas tout confondre.
39:27La société française,
39:28la société européenne
39:29sont moins antisémites
39:30aujourd'hui qu'à l'époque.
39:31Ce serait absurde
39:32et dangereux,
39:33disait-il,
39:34de ne pas le reconnaître.
39:35Alors moi,
39:35je crois que c'est peut-être
39:37sous cet aspect
39:38qui nous manque.
39:40Je crois que l'antisémitisme
39:41ne se développerait pas
39:44aujourd'hui.
39:46C'est-à-dire que
39:47on peut considérer
39:49que les Juifs de France
39:50sont collectivement
39:51en danger de mort.
39:53Puisque vous ne pouvez pas
39:53vous promener dans le métro
39:55avec une képa
39:55quand vous êtes un homme
39:56sur la tête
39:57sans risquer votre vie
39:59ou votre intégrité physique.
40:02Et je crois que sur ce plan-là,
40:04il a fait preuve
40:04d'un courage inouï.
40:06Il a revendiqué
40:07sa judaïté,
40:08même s'il n'était pas du tout
40:09religieux.
40:09religieux.
40:11Et je pense que sa parole
40:13manque politiquement.
40:16Il n'aurait jamais admis
40:17l'attitude actuelle
40:18du Parti socialiste
40:19sur ce terrain,
40:21qui est quand même
40:21extrêmement ambiguë.
40:23Il n'aurait jamais admis
40:24qu'il n'y ait pas
40:25une réaction politique
40:27au niveau le plus haut,
40:29c'est-à-dire du président
40:31de la République
40:31et du gouvernement,
40:33pour lutter contre
40:33l'antisémitisme.
40:35Et de ce point de vue-là,
40:36il était très visionnaire.
40:37Je pense que l'ouvrage
40:38qu'il a écrit sur sa grand-mère
40:39est quelque chose
40:40de fantastique.
40:41On ne peut pas lire
40:42cet ouvrage sans pleurer.
40:43C'est quelque chose
40:44de magnifique.
40:45Et je crois qu'il a porté
40:46cette cause,
40:47qui est reprise d'ailleurs
40:48par son épouse,
40:49enfin reprise,
40:51c'est un peu partagée,
40:52plutôt,
40:53merci Dominique,
40:55par Elisabeth Badinter.
40:57Et on a besoin de cela.
40:59Et malheureusement,
41:00ce sont les gens
41:01de cette génération
41:02qui portent ce flambeau-là.
41:03Et ça, c'est magnifique.
41:04Et de ce point de vue-là,
41:05je le salue
41:06et je lui rends hommage
41:07et il nous manque.
41:10Il nous manque.
41:10Oui.
41:11Il disait qu'il était républicain,
41:13laïc et juif.
41:15Et je me souviens
41:17de l'hommage
41:18qu'il a rendu
41:18à Samuel Paty
41:19après son assassinat,
41:22destiné au collège
41:22et au lycée.
41:24Et j'ai trouvé
41:25que de s'adresser
41:26à la jeune génération,
41:28c'était son art
41:29de transmettre
41:30ses combats.
41:32Merci.
41:32Merci à toutes les deux
41:34d'avoir participé
41:35à cette émission
41:35hommage.
41:36Merci à vous
41:37de nous avoir suivis.
41:37On va poursuivre nos échanges
41:38avec Bernard Cazeneuve,
41:40ancien Premier ministre,
41:41qu'il a également bien connu,
41:42notamment sur les dernières années
41:43de sa vie.
41:44On le retrouve juste
41:45après ce court extrait
41:46de l'entretien exceptionnel
41:47qu'il nous avait accordé
41:48en 2021.
41:48Quelquefois,
41:50j'avais le sentiment étrange
41:54que la mort,
41:56la mort rôdait,
41:58comme une vienne invisible,
42:00mais présente
42:01dans les salles d'audience
42:03tellement l'atmosphère
42:05y est étangue.
42:06Bernard Cazeneuve,
42:07bonjour.
42:08Merci d'avoir accepté
42:09notre invitation
42:10dans cette émission spéciale,
42:11cette émission hommage.
42:12Ancien Premier ministre,
42:13vous avez bien connu
42:14Robert Badinter
42:14sur les 10,
42:1612 dernières années
42:17de sa vie particulièrement.
42:18Dans cette émission spéciale,
42:19nous avons évoqué
42:20son combat
42:21pour l'abolition
42:21de la peine de mort,
42:22pour des conditions
42:23de détention dignes également.
42:25Nous avons rendu hommage
42:26à l'avocat,
42:27au président
42:28du Conseil constitutionnel.
42:29Je voudrais que l'on parle
42:30avec vous
42:30de l'homme de gauche
42:31qui était Robert Badinter.
42:34Sa place sur l'échiquier politique
42:36n'a jamais fait aucun doute
42:37pour lui.
42:38Est-ce que c'est un homme
42:39qui a beaucoup apporté
42:40à la gauche française ?
42:42Il a beaucoup apporté
42:43à la gauche française
42:43par son combat
42:44auquel il s'est identifié,
42:47auquel la gauche française
42:48s'est identifiée.
42:50Lorsque l'on pense
42:51au bilan
42:52de l'alternance
42:53en 1980,
42:54on pense bien entendu
42:55à toutes les grandes
42:56réformes sociales,
42:57mais la réforme la plus
42:58symbolique
42:59qui s'inscrit
43:00dans la grande tradition
43:01de l'universalisme français
43:03que la gauche
43:04a portée
43:06depuis les Lumières
43:07jusqu'à la consécration
43:09de ses valeurs
43:10dans les institutions
43:11de la Troisième République,
43:12Robert Ballinter
43:13incarnait tout cela
43:14magnifiquement.
43:15Le combat qu'il avait mené
43:16pour l'abolition
43:17de la peine de mort
43:18était un combat
43:19qu'il avait exposé
43:20à la haine,
43:22à la haine de ceux
43:24qui, devant le palais
43:26de justice,
43:27au moment du procès
43:28de bon temps,
43:29dans l'aube,
43:31criaient à mort
43:31et criaient à mort
43:33peut-être aussi
43:34à l'avocat
43:34qui essayait
43:35de sauver son client
43:36de la peine capitale.
43:38Il racontait
43:39qu'il avait été
43:40souvent obligé
43:41d'être exfiltré
43:42par les forces de police
43:44en raison de cette haine
43:45que certaines forces politiques
43:48ou certains citoyens
43:49exprimaient contre lui
43:51en raison de ce qu'il défendait.
43:53C'était un homme
43:53qui avait des convictions
43:55très solides,
43:57ses convictions
43:58s'enracinait
43:58dans une histoire,
44:00celle des Lumières,
44:01celle de l'universalisme français
44:04et pour ses convictions,
44:06il s'est battu
44:07avec un courage
44:08qui lui a permis
44:09de convaincre
44:10et de convaincre
44:12les Français
44:13de la justesse
44:14de sa position
44:15aidé en cela
44:16par un autre homme
44:17qui a été extrêmement courageux
44:18et auquel il ne faut pas oublier
44:20d'en rendre hommage
44:20qui est François Mitterrand.
44:21Car si François Mitterrand
44:22dans l'émission
44:24je crois de mars 1980,
44:27Car Sur Tam
44:27n'avait pas déclaré
44:29allant à l'encontre
44:30de ce qu'était
44:31l'opinion dominante
44:31des Français,
44:32c'était une époque
44:33où les grands leaders
44:34de gauche
44:35n'hésitaient pas
44:36à aller à l'encontre
44:36de l'opinion dominante
44:38des Français
44:38pour marquer
44:39leur identité,
44:40pour convaincre.
44:42Si Mitterrand
44:42n'avait pas pris
44:43cette position,
44:45je pense que les choses
44:46eussent été différentes
44:48et il fallait avoir
44:48du courage
44:49pour le faire
44:49alors qu'on était
44:50à quelques semaines
44:51d'une élection
44:52qui n'était pas gagnée.
44:53Et il avait été
44:54jusqu'à convaincre
44:55les sénateurs
44:55ici, la droite sénatoriale,
44:57ce qui n'était pas
44:58une mince affaire.
44:59Il y avait à droite
45:00des abolitionnistes
45:01également.
45:01C'était l'abolition
45:02de la peine de mort
45:03rassemblait toute la gauche
45:04mais sa nombre
45:07de personnalités
45:08de droite
45:08étaient depuis très longtemps
45:09abolitionnistes
45:10et on rejoint
45:11Robert Badinter
45:12dans le combat
45:13qu'il a mené
45:13et bien entendu
45:14l'ont soutenu
45:15au moment où
45:15il a fait voter
45:16la loi d'abolition.
45:17Un homme de gauche
45:18profondément de gauche
45:19mais d'une certaine gauche.
45:20J'ai toujours été
45:21un républicain de gauche
45:22un social-démocrate
45:23proche de Mendès France
45:24sa gauche
45:25c'était la mienne
45:26disait-il.
45:27Alors ça c'était
45:28le grand sujet
45:29de nos conversations
45:29notamment lorsque
45:30en 2022
45:32j'ai fait le choix
45:33de quitter
45:34le parti socialiste
45:34en raison de l'alliance
45:36qui avait été
45:37contractée avec Mélenchon
45:38et qui heurtait
45:38tout ce à quoi
45:39je croyais
45:40précisément
45:41parce que je m'inscrivais
45:42dans cette tradition-là.
45:44Je pouvais comprendre
45:44les contingences tactiques
45:46et électorales
45:47mais lorsque
45:47l'essentiel est en jeu
45:49lorsqu'il s'agit
45:50des valeurs
45:51on ne peut pas transiger
45:53et d'ailleurs
45:53les événements
45:54qui se sont produits
45:54après ont montré
45:56que la prise de distance
45:57était inéluctable
45:58et que si
45:58on n'allait pas
45:59à son terme
46:00on finirait par se perdre.
46:02Il y avait
46:03chez Robert de Ballinter
46:03cette conviction
46:04qu'on ne transige pas
46:06avec l'essentiel.
46:07Il avait été
46:08avant d'être proche
46:08de François Mitterrand
46:09il m'a raconté ça souvent
46:10très proche
46:11de Pierre Mendès France
46:12à un moment
46:13où Pierre Mendès France
46:14posait sous
46:15la IVème République
46:16un certain nombre d'actes
46:18prenait des positions
46:19extrêmement fortes
46:20qui le conduisaient
46:21d'ailleurs parfois
46:22comme de Gaulle
46:23à être excommunié
46:24par un système
46:26où chacun se tenait la main
46:27parfois pour entretenir
46:28une grande médiocrité
46:30et Mendès
46:31qui avait engagé
46:32la décolonisation
46:33qui avait eu le courage
46:34de prendre les positions
46:35qui avait été
46:37les siennes
46:37sur l'Indochine
46:38qui avait pris
46:39les positions
46:40sur la décolonisation
46:41en Afrique du Nord
46:41était haï
46:43par une partie de la droite
46:44et Robert Ballatin
46:45m'a raconté très souvent
46:46une promenade
46:46qu'il avait faite
46:47avec Pierre Mendès France
46:49dans le jardin
46:50du Rhin de Lague
46:51où Mendès France
46:52et lui
46:52avaient été obligés
46:53de rentrer
46:53en raison de la violence
46:55des insultes
46:57antisémites
46:59dont Mendès France
47:00avait fait l'objet
47:01au moment de cette promenade
47:02c'est des choses
47:03qui l'avaient beaucoup marquées
47:04et lorsqu'il évoquait
47:06d'ailleurs cette période
47:07et qu'il évoquait aussi
47:09la période des années 30
47:10celle
47:11me disait-il
47:12où il voyait fleurir
47:13sur les murs
47:14de la ville de Lyon
47:15des slogans
47:16mort à Blum
47:17mort aux Juifs
47:18et qu'il voyait ressurgir
47:20un nouvel antisémitisme
47:22en France
47:22il m'expliquait
47:24au grand âge
47:24qui était le sien
47:25qu'il n'imaginait pas possible
47:26d'être un jour confronté
47:28à la résurgence
47:29d'une haine
47:30qu'il avait marquée
47:31dans sa chair
47:32il avait perdu son père
47:33qui était mort
47:34dans les camps de concentration
47:35et qui avait sans doute
47:37présidé cette haine
47:38à une grande partie
47:40du combat humaniste
47:41dans lequel il s'était engagé
47:42et avec la gauche radicale
47:44d'aujourd'hui
47:44il était sans concession
47:45je le cite encore
47:46ce qui me trouble
47:47c'est cette alliance
47:48entre l'islamisme politique
47:49et une partie de la gauche
47:50une gauche à la recherche
47:51d'un prolétariat
47:52de substitution
47:53puisque la majorité
47:55des ouvriers
47:55votent désormais
47:56en faveur
47:57du Rassemblement National
47:58et de Mme Le Pen
47:59pour lui
48:00Jean-Luc Mélenchon
48:00que vous avez évoqué
48:01et qu'il avait connu
48:02sur les bancs du Sénat
48:03faisait de la petite politique
48:04en tous les cas
48:06en tous les cas
48:07le discours de Jean-Luc Mélenchon
48:08a beaucoup évolué
48:09sur ces questions
48:10Jean-Luc Mélenchon
48:11avait été
48:11à une époque
48:12de sa carrière politique
48:15un laïc ardent
48:16ayant des positions
48:17que je partageais
48:19en tout point
48:20sur la question
48:21de la laïcité
48:22des signes religieux
48:22à l'école
48:23etc
48:23et c'est par cynisme
48:25qu'il a changé de position
48:27entretenant un communautarisme
48:29destiné à rimer
48:30à son parti
48:32et à sa personne
48:33puisque c'est ça
48:34qui semble compter
48:35avant tout pour lui
48:36un électorat
48:37considéré comme une clientèle
48:39ce qui est d'ailleurs
48:40une manière
48:40de ne pas respecter
48:42les musulmans en France
48:43parce que si on les respecte
48:45on n'a qu'une aspiration
48:46c'est de les intégrer
48:48à la nation
48:49et de les croire capables
48:51de partager
48:52les valeurs universelles
48:53que nous avons toujours
48:54eu en partage
48:55Est-ce que sur les dernières années
48:56de sa vie
48:57Robert Badinter
48:57a exprimé ses craintes
48:59sur l'avenir du pays
49:00est-ce qu'il vous a confié
49:01ses craintes
49:01et quelles étaient-elles
49:02s'il y en avait ?
49:03Nous partageons des craintes
49:04nous sentions que
49:05le système institutionnel
49:07s'affaissait
49:07nous sentions que
49:09le sens de la nation
49:11entendu au sens des valeurs
49:13s'abîmait
49:15nous sentions que
49:17l'universalisme
49:19qui nous a conduits
49:21à considérer
49:22par-delà
49:23leur appartenance
49:23philosophique, religieuse, politique
49:25leur préférence sexuelle
49:27des individus
49:28comme étant semblables
49:30les uns aux autres
49:31disparaissaient
49:33précisément pour laisser place
49:35à un communautarisme
49:37où chacun
49:38se positionnait
49:40en fonction de son identité
49:42dans une hostilité
49:43parfois par rapport à l'autre
49:45là où l'universalisme
49:46avait été le grand instrument
49:48de l'altérité
49:49tout ça nous le sentions
49:50nous le ressentions
49:51plus profond de nous-mêmes
49:52ça présidait
49:53à nos débats
49:54mais ça présidait aussi
49:55aux choix que nous faisions
49:56à la complicité
49:58qui pouvait exister
49:59entre nous
50:00à la passion
50:02que nous avions
50:03en commun du droit
50:03parce que finalement
50:05cet universalisme
50:06il est porté
50:07par une certaine conception
50:08du droit
50:09et de l'état de droit
50:10vous êtes avocat aussi
50:11je précise
50:11absolument
50:12de l'égalité
50:13et ce qui était
50:16très agréable pour moi
50:17quand j'allais
50:18à son contact
50:18c'était de repartir
50:21lorsque les temps
50:23nous poussaient
50:23au pessimisme
50:24avec au coeur
50:25l'idée que
50:26finalement
50:27une lumière
50:27était possible
50:28et c'était un pessimiste
50:30c'était pas
50:30du tout
50:31un optimiste
50:33B.A.
50:33c'était quelqu'un
50:34qui portait un regard
50:35extrêmement lucide
50:36sur la nature humaine
50:38et pourtant
50:38vous repartiez
50:39de ces entretiens
50:40avec de la lumière
50:40oui
50:40parce que
50:42le regard lucide
50:44qu'il portait
50:44sur les choses
50:45était
50:46l'instrument
50:48d'une force
50:48qu'il galvanisait
50:51en lui
50:51et c'est ce qui
50:51d'ailleurs
50:52l'avait conduit
50:52à gagner la bataille
50:53pour l'abolition
50:54il était très lucide
50:56sur ce qu'étaient
50:57les instincts des foules
50:58il était très lucide
50:59sur ce qu'étaient
51:00les forces conservatrices
51:01à l'oeuvre
51:02mais cette lucidité
51:04était ce à quoi
51:06il s'adossait
51:06pour trouver en lui
51:07la force
51:07de mener le combat
51:09et moi
51:09j'aimais beaucoup
51:10cette exigence
51:11intellectuelle
51:12cette lucidité
51:13sur les choses
51:15et cette capacité
51:18à partir de là
51:19d'aller chercher
51:20au plus profond
51:20de lui-même
51:21mais aussi
51:21au coeur
51:23d'une immense culture
51:24d'une grande densité
51:25les mots
51:26les idées
51:27les convictions
51:28pour enverser
51:30le cours des choses
51:30il avait par exemple
51:31fait une conférence
51:32qui m'avait beaucoup marqué
51:33en 2015
51:34à Sciences Po Paris
51:36où il était à la rencontre
51:37des étudiants
51:38qui étaient venus
51:39vraiment
51:39pour voir
51:40une icône
51:42c'était très impressionnant
51:44de voir
51:44l'immense respect
51:46l'admiration
51:47le respect
51:47réel
51:48profond
51:48et il avait évoqué
51:50son pessimisme
51:52il avait dit
51:52combien le combat
51:53avait été difficile
51:54pour l'abolition
51:55il avait dit
51:56combien il s'était battu
51:57pour que
51:58l'abolition
51:59devint
51:59universelle
52:01et qu'après
52:02l'abolition
52:03de la peine de mort
52:03en France
52:04il fallait
52:05ajouter
52:06des protocoles
52:07à la convention
52:07européenne
52:08des droits
52:08de l'homme
52:08au pacte
52:11pour les droits
52:11civils et politiques
52:12des Nations Unies
52:13pour faire en sorte
52:13que ce que nous avions
52:15gagné en France
52:16en ayant été
52:16le dernier
52:18des pays européens
52:18à abolir
52:19et dans l'année
52:21de l'abolition
52:22les tribunaux
52:23prononcent
52:248 peines de mort
52:25dans les quelques mois
52:26qui précèdent
52:28et qui suivent
52:29le débat
52:31sur l'abolition
52:31donc
52:32ils avaient conscience
52:33de tout cela
52:34et en même temps
52:36il allait puiser
52:38dans cette lucidité
52:39une forme
52:40d'ardeur
52:42à changer le cours
52:42des choses
52:43qu'il empruntait
52:44aussi à la pensée
52:45des grands ancêtres
52:46il racontait
52:47avec beaucoup d'émotion
52:48dans cette séance
52:49à Sciences Po
52:50qu'il allait régulièrement
52:52avec Elisabeth
52:53porter une corbeille
52:55de rose
52:55au Panthéon
52:57sur la tombe d'Hugo
52:59et qu'il avait conscience
53:01que
53:02ce qu'avait dit Hugo
53:04lorsqu'il avait fait
53:05cette très belle phrase
53:06on ne doit jamais renoncer
53:08on ne doit rien faire
53:10qui empêche un homme
53:11de devenir meilleur
53:12et qu'il est épuisé
53:13aussi
53:13dans cette idée
53:16qu'on ne doit pas réduire
53:18les individus
53:18à leur faute
53:19une certaine conception
53:22de la condition pénitentiaire
53:23une certaine conception
53:25de ce qu'est
53:26la politique pénale
53:28et un étudiant
53:29qui lui disait
53:30pourquoi est-ce que
53:31vous n'avez pas
53:31substitué
53:32la peine de mort
53:34la prison à perpétuité
53:35il a répondu
53:37on ne
53:37on ne
53:39remplace pas
53:39un supplice épouvantable
53:41par
53:42un supplice épouvantable
53:44enfermer
53:44un individu
53:46dans une cellule
53:46de 10 mètres carrés
53:47pour le reste de sa vie
53:49c'est priver
53:50un être humain
53:51à tout jamais
53:51de l'espérance
53:53de pouvoir devenir meilleur
53:54toujours la même
53:55référence
53:55à Hugo
53:56non on ne fait pas ça
53:58on supprime
53:59la peine de mort
54:00un point c'est tout
54:01il y a un combat
54:02qu'on lui connaît moins
54:03c'est le parquet européen
54:04je crois
54:04ardent défenseur
54:05du parquet européen
54:07c'est d'ailleurs comme ça
54:07que nous sommes connus
54:08c'est à dire que
54:10lorsque j'ai été
54:11nommé au ministère
54:13des affaires européennes
54:14j'ai reçu
54:16deux appels
54:17qui m'ont marqué
54:19qui m'ont conduit
54:19d'ailleurs
54:20à entretenir
54:21ensuite des relations
54:22avec ces deux personnages
54:23jusqu'à la fin de leur vie
54:25le premier c'était
54:26un appel de Michel Rocard
54:27qui me disait
54:27je suis ambassadeur
54:29en charge des pôles
54:29vous êtes mon ministre
54:30de tutelle
54:31je voudrais recevoir
54:32ma feuille de route
54:33je lui ai répondu non
54:34je suis un jeune ministre
54:35qui vient d'arriver
54:35vous êtes un monument européen
54:36je vous verrai volontiers
54:38mais c'est vous
54:38qui allez me donner
54:39ma feuille de route
54:40à partir de ce moment là
54:41nous sommes vus régulièrement
54:42avec Michel Rocard
54:43avec lequel j'avais une relation
54:45aussi très affectueuse
54:46et puis
54:46Robert Bannater
54:48est venu me parler
54:48du parquet européen
54:49de la nécessité
54:51de faire en sorte
54:51dans un marché intérieur
54:54où la lutte contre la corruption
54:56devait être
54:56l'instrument
54:57du level playing field européen
55:00mais aussi
55:01l'instrument
55:02d'une certaine conception
55:03de ce que devait être l'Europe
55:05en fidélité
55:06à l'héritage
55:07des pères fondateurs
55:07dire que nous avions besoin
55:09d'un instrument
55:10cet instrument
55:11pour lutter
55:11contre les organisations
55:12criminelles internationales
55:14contre tout ce qui pouvait aller
55:16à l'encontre
55:16des principes
55:18qui avaient fondé
55:18l'Union Européenne
55:19que cet instrument
55:20était nécessaire
55:20et il s'est engagé
55:22dans ce combat
55:22moi j'ai pris une part
55:24beaucoup plus modeste
55:24que lui
55:25comme les affaires européennes
55:26mais il m'a beaucoup inspiré
55:27et nous avons beaucoup parlé
55:28de ce sujet
55:29à ce moment-là
55:29c'est à partir de ces discussions
55:31que nous nous sommes vues
55:32pendant les 12 années suivantes
55:33et que vous êtes devenu
55:34alors non pas ami
55:35mais enfin que vous avez
55:36eu une relation privilégiée
55:37avec lui
55:37en tous les cas
55:38j'ai eu une relation
55:38qui m'a beaucoup marqué
55:40et qui était
55:40faite de beaucoup
55:43de complicité
55:44de nombreux échanges
55:45et d'une
55:46grande affection
55:48quel est votre regard
55:50sur cette panthéonisation
55:51de Robert Bannater
55:53je pense que
55:55le panthéon
55:58est la maison
55:59de ceux
55:59qui ont réussi
56:01à faire la démonstration
56:02tout au long
56:03de leur vie
56:03que la France
56:05était plus grande
56:05qu'eux
56:05et Robert Bannater
56:08parce qu'il a porté
56:09notamment
56:10de pensée universelle
56:11et non pas
56:14par narcissisme
56:15mais par
56:16ardeur
56:17par conviction
56:18par engagement
56:19à apporter
56:21la démonstration
56:21que
56:22la France
56:23dans les valeurs
56:25qu'elle portait
56:26par Delalais-Siecle
56:27méritait
56:28qu'on consacre
56:29à ces valeurs
56:30toute sa vie
56:30parce qu'elle était
56:31infiniment plus grande
56:33par le message
56:33qu'elle portait
56:34que ce que nous
56:35pouvions être
56:35individuellement
56:36y compris
56:37lorsque par nos
56:39actions militantes
56:40nous y consacrions
56:42toute notre vie
56:43je pense que
56:44sa panthéonisation
56:45elle est la matérialisation
56:46de cette humilité
56:48face à quelque chose
56:50qui nous dépasse
56:51et face
56:52auquel on s'engage
56:54de toutes ses forces
56:55pour rendre
56:56possible
56:57ce qui paraissait
56:58inaccessible
56:59à l'entendement
56:59c'est ça Robert Bannater
57:01la république
57:02faite homme
57:02a dit Emmanuel Macron
57:04la république
57:04faite homme
57:05l'engagement
57:07fait ardeur
57:11la volonté
57:13n'arrêtant plus
57:15le mouvement
57:16du progrès humain
57:18c'est tout cela
57:19Robert Bannater
57:20et vous
57:20qu'est-ce que
57:21vous retiendrez
57:22de cet homme
57:23quelle est la leçon
57:24peut-être que vous
57:24retiendrez de cet homme
57:25la phrase d'Hugo
57:27on ne doit jamais
57:28rien faire
57:28qui empêche
57:29un homme
57:29de devenir meilleur
57:30on est dans une période
57:32où on juge
57:34les individus
57:34avant même
57:35que la justice
57:35ne se soit exprimée
57:36où on les annule
57:39après que
57:39la faute
57:40a été commise
57:41où on réduit
57:43les individus
57:43à leur faute
57:44on ne leur laisse
57:44aucune autre chance
57:45en pensant que tout ça
57:47est un progrès
57:48de la civilisation
57:49alors que
57:50Robert Bannater
57:52dans les conversations
57:52que nous avions
57:53m'expliquait
57:54combien sa préoccupation
57:56de garde des sceaux
57:57mais aussi d'avocat
57:58avait consisté
57:59à réfléchir
58:00dans l'architecture
58:02de la politique pénale
58:03à ce qui pouvait
58:04permettre par la peine
58:05d'améliorer
58:06l'individu
58:08de faire en sorte
58:09que la peine
58:09ne soit pas
58:10une manière
58:10de l'annuler
58:11de le rayer
58:12de l'exclure
58:13et au contraire
58:13de lui donner
58:14une possibilité
58:15d'être meilleure
58:15c'est ça la justice
58:17quand on est de gauche
58:18c'est les principes
58:21de droit
58:21le respect
58:22des principes
58:22de droit
58:23le respect
58:24des principes
58:25des droits
58:25de la défense
58:26la volonté
58:27de ne pas voir
58:27imposer à ses adversaires
58:29ce qu'on aimerait
58:30pas voir imposer
58:30à ses amis
58:31le positionnement
58:32sur ces questions
58:33par rapport
58:34à des principes
58:35et non pas
58:35par rapport
58:36à l'intérêt politique
58:37d'atteindre
58:38tel ou tel
58:38c'est tous ces principes
58:40de droit
58:40et la volonté
58:42de faire en sorte
58:42que par le respect
58:43du droit
58:43les individus
58:44soient protégés
58:45de l'arbitraire
58:46qui fait la grandeur
58:47aussi du combat
58:48de Robert Banater
58:48et de tous ceux
58:49qui sont attachés
58:50aux principes
58:51de l'état de droit
58:52il manque à la France
58:53bien sûr qu'il manque
58:55à la France
58:56comme manque à la France
58:57tous ceux
58:57dont la pensée
58:59la parole
58:59l'engagement
59:01ont eu une vertu
59:02qui a permis
59:04au pays d'entrer
59:05dans des progrès
59:06encore une fois
59:07qu'ils n'auraient pas
59:07imaginés possibles
59:08et surtout
59:09qui ont une vertu
59:10sur des tas d'êtres
59:11qui par la fréquentation
59:13d'une pensée
59:14d'un individu
59:16d'un comportement
59:17d'une manière d'être
59:18ont changé
59:19leur propre regard
59:20sur le monde
59:20et sont devenus
59:22un peu meilleurs
59:22Merci Bernard Cazier
59:24de nous avoir accordé
59:25cet entretien
59:26dans cette émission
59:26hommage à Robert Badinter
59:27merci infiniment
59:28d'avoir été avec nous
59:29émission spéciale
59:30qui continue
59:31puisque je vous propose
59:31à présent de voir
59:32ou de revoir
59:33l'abolition
59:34c'est un téléfilm
59:35de Jean-Daniel Vérag
59:36qui avait été inspiré
59:37des livres
59:38de Robert Badinter
59:39lui-même
59:39à savoir
59:40l'exécution
59:41et l'abolition
59:42bon film
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