Passer au playerPasser au contenu principalPasser au pied de page
  • il y a 7 semaines
Ce lundi 4 août, Gaspard Estrada, politologue et membre de l'unité Sud Global à la London School of Economics, était l'invité de Caroline Loyer dans Le monde qui bouge - L'Interview, de l'émission Good Morning Business, présentée par Erwan Morice. Ils sont revenus sur le Salvador qui vient de réformer sa constitution et permet ainsi au président Nayib Bukele de se représenter indéfiniment. Retrouvez l'émission du lundi au vendredi et réécoutez la en podcast.

Catégorie

📺
TV
Transcription
00:00Et ce matin, nous prenons la direction du Salvador.
00:02L'État d'Amérique centrale vient de réformer sa constitution,
00:05permet ainsi au président Bukele de se représenter indéfiniment.
00:09Bonjour Gaspard Estrada.
00:10Bonjour.
00:10Merci d'être sur notre plateau.
00:12Politologue, membre de l'unité du Sud Global à la London School of Economics.
00:15Avec moi pour vous interroger, Caroline Loyer.
00:17Bonjour Caroline.
00:17Bonjour Erwann.
00:18Le président Bukele au pouvoir depuis 2019.
00:20On remet un petit peu de contexte avec vous pour commencer.
00:23Qui tire sa popularité de la guerre sans merci,
00:25qu'il mène contre les maras,
00:27ces gangs ultra-violents qui terrorisent la population.
00:30D'abord, Gaspard Estrada, c'est vraiment ce qui a fait sa notoriété là récemment.
00:34Oui, je pense que ce qu'il caractérise, c'est d'abord sa jeunesse,
00:40puisqu'il a été élu président à 37 ans,
00:43par rapport à une classe politique qui, elle, était plutôt dans le passé,
00:47et notamment les vestiges de la guerre civile qui a eu lieu au Salvador.
00:52Son usage aussi, deuxièmement, des réseaux sociaux.
00:55C'est quelqu'un qui est extrêmement actif sur les réseaux,
01:00mais qui, parallèlement, a aussi des méthodes très vieilles en Amérique latine.
01:05Et je pense que cette réforme qui vise à lui permettre d'être réélu indéfiniment
01:10fait partie, en fait, de ce genre de vieilles méthodes.
01:13Il a des soutiens quand même à l'international,
01:15et notamment Donald Trump, qui a salué le fait qu'il ait réussi à faire sortir le Salvador
01:20des pays les plus dangereux au monde.
01:22C'est quand même un allié de taille.
01:23Sans aucun doute.
01:26Il est clair qu'aujourd'hui, le président du Salvador a, à Washington, un véritable allié,
01:33même s'il ne faut pas oublier qu'il a, à plusieurs reprises,
01:37cherché à se rapprocher de la Chine,
01:38notamment lorsque les démocrates étaient à la Maison-Blanche.
01:43Donc, de ce point de vue-là, il est aussi très flexible dans ses alliances.
01:47Et voilà, donc, le président Bukele a la possibilité de rester à la tête de l'État,
01:52s'il est réélu, ad vitam aeternam, grâce à une modification express de la Constitution.
01:58Vous diriez qu'il profite, là, de sa popularité pour porter un coup à la démocratie ?
02:02Oui, et de toute façon, je pense que c'est un processus qui vient de loin,
02:07dans le sens où, déjà en 2021, il était intervenu à l'Assemblée du Salvador,
02:15il était accompagné de soldats pour intimider les parlementaires
02:20et pour obtenir le fait que le Parlement change les règles
02:27et surtout que la Cour suprême, les membres de la Cour suprême,
02:31soient limogés, ce qu'il avait obtenu à l'époque.
02:3557 députés pro-Bukele ont voté en faveur de cette réforme.
02:40Les trois seuls élus d'opposition ont voté contre.
02:43Trois contre sept, on est dans un système à partie unique, aujourd'hui, on peut le dire ?
02:48De fait, oui. Certes, il y a un multipartisme lors des élections,
02:53puisqu'il y a plusieurs candidats de plusieurs partis,
02:55mais de fait, il y a une formation, le parti du président Bukele,
03:00Nuevas Ideas, et de ce point de vue-là, on est clairement dans un régime
03:06qui est de plus en plus autoritaire.
03:08Et donc, de fait, on pourrait s'attendre à ce qu'ils se maintiennent au pouvoir,
03:12puisqu'il n'y a pas vraiment d'opposition.
03:13Il aimerait aussi coupler les élections législatives, régionales,
03:17avec le mandat présidentiel,
03:19ce qui lui assurerait une majorité constante, finalement.
03:22Oui, oui, je pense qu'il y a un projet autoritaire
03:27qui est très clairement mis en place.
03:29Je tiens à souligner que ce n'est pas un phénomène nouveau.
03:32Bukele a d'ores et déjà violé la constitution salvadorienne,
03:37d'ores et déjà pour pouvoir être réélu,
03:39ce qui était interdit par la constitution.
03:41Et donc, de ce point de vue-là, on est dans une succession d'événements
03:45et ce n'est pas un phénomène nouveau pour nous.
03:47Mais visiblement, Gaspar Estrada, en dehors de l'opposition,
03:50qui est aujourd'hui quand même très minoritaire,
03:53on voit aussi qu'il a été réélu très favorablement aux dernières élections,
03:57ça n'empêche pas la population de le soutenir ?
04:04C'est un fait, il faut le reconnaître.
04:07Les scrutins ont donné une vraie avance et des scores,
04:12je dirais, quasi staliniens.
04:14Les dernières élections, 85%.
04:16Donc, c'est quand même des chiffres qui sont très parlants.
04:20Et cela part du constat qu'avant Bukele,
04:25le Salvador vivait une vraie crise de sécurité.
04:29Il y a eu une politique qui a été mise en œuvre par le président salvadorien
04:34pour réduire ces violences.
04:38Certains critiquent, notamment dans les milieux des ONG
04:42et de la presse indépendante, si elle existe encore,
04:45au Salvador, que le président Bukele aurait noué des pactes
04:50avec les dirigeants des gangs,
04:53justement pour obtenir cette diminution de la violence.
04:56Il est clair qu'aujourd'hui, c'est ça qui donne véritablement
05:03du pouvoir au président salvadorien.
05:06Qui parlerait la même langue que les gangs, finalement,
05:09dans ces négociations.
05:10Est-ce que c'est-à-dire que le Salvador est en train
05:15de prendre la même voie que le Venezuela ?
05:17De fait, oui.
05:18C'est un régime qui se situe beaucoup plus à droite,
05:22avec des politiques qui sont très différentes du voisin vénézuélien,
05:32d'autant plus parce qu'il n'y a pas de pétrole,
05:34comme dans le cas du Venezuela.
05:36Néanmoins, il est clair qu'il s'agit d'un régime très clairement autoritaire.
05:40Justement, un mot supplémentaire sur cette lutte contre les gangs.
05:43Les résultats sont spectaculaires, effectivement.
05:45Du coup, soutient la population,
05:46qui est quand même plutôt satisfaite d'être peut-être plus en sécurité.
05:49mais des dizaines de milliers d'arrestations arbitraires,
05:54de disparitions forcées.
05:55C'est ce que dénoncent les ONG.
05:57Absolument.
05:57Lui, il ne le reconnaît pas.
05:58Ou il dit que c'est un mal nécessaire, finalement.
06:02Absolument.
06:03Et d'autant plus qu'il y a aussi d'autres critiques des milieux des ONG
06:07quant à la fiabilité des données qui sont produites par le gouvernement.
06:13Et donc, de ce point de vue-là,
06:14on peut s'attendre aussi à ce que, du point de vue des données,
06:18la réalité qui est présentée par les autorités
06:22soit en fait beaucoup plus maquillée et beaucoup plus nuancée
06:25que ces chiffres triomphalistes,
06:27même s'il existe véritablement une perception d'amélioration
06:31des conditions de sécurité,
06:33ce qui explique en partie ces résultats électoraux.
06:36Gaspard Estrada, politologue,
06:38membre de l'Unité du Sud Global à la London School of Economics.
06:40Merci beaucoup pour votre analyse avec nous ce matin sur BFM Business.
06:44Merci beaucoup.
06:44Merci beaucoup.
06:44Merci beaucoup.
06:44Merci beaucoup.

Recommandations