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Code des juridictions financières
Articles L. 131-16 et L. 131-17 dans leur rédaction issue de l'ordonnance n°2022-408 du 23 mars 2022 relative au régime de responsabilité financière des gestionnaires publics
Articles L. 131-16 et L. 131-17 dans leur rédaction issue de l'ordonnance n°2022-408 du 23 mars 2022 relative au régime de responsabilité financière des gestionnaires publics
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00:00La question prioritaire de constitutionnalité 2025 1148 QPC
00:29portant sur la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles L131-16 et L131-17 du Code des juridictions financières.
00:41Madame la Gréfière va d'abord retracer les étapes de la procédure d'instruction pour cette question, instruction qui précède cette audience de plaidoirie.
00:48Madame la Gréfière, vous avez la parole.
00:51Merci, M. le Président.
00:52Le Conseil constitutionnel a été saisi le 5 mai 2025 par une décision du Conseil d'Etat d'une question prioritaire de constitutionnalité
01:00posée par M. Philippe Noyau et Arnaud Besset portant sur la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles L131-16 et L131-17
01:11du Code des juridictions financières dans leur rédaction issue de l'ordonnance numéro 2022-408 du 23 mars 2022 relative au régime de responsabilité financière des gestionnaires publics.
01:23Cette question relative au plafonnement des sanctions prononcées en cas d'infraction aux règles de responsabilité financière des gestionnaires publics
01:30a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le numéro 2025-1148 QPC.
01:38La CEDAR, le DRE associé, a produit des observations dans l'intérêt des parties requérantes les 26 mai et 10 juin 2025.
01:44Le Premier ministre a produit des observations le 26 mai 2025.
01:48La SCP-Avocat-Centre a demandé à intervenir dans l'intérêt de Mme Véronique Damour et a produit à cette fin des observations le 23 mai 2025.
01:55Seront entendus aujourd'hui l'avocat des parties requérantes, l'avocat de la partie intervenante et le représentant du Premier ministre.
02:04Merci, Mme la Greffière.
02:05Maître Didier Girard, vous êtes avocat au barreau de Paris.
02:08Vous représentez M. Arnaud Bessé et Philippe Noyau, parties requérantes.
02:12Nous vous écoutons.
02:16Merci, M. le Président.
02:18M. le Président, Mesdames et Messieurs les Hauts-Conseillers, c'est toujours un honneur d'être présent devant vous.
02:22Comme l'a mentionné Mme la Greffière, la présente question prioritaire de constitutionnalité porte sur les articles L131-16 et L131-17 du Code des juridictions financières.
02:34Ces deux dispositions déterminent le quantum de la peine applicable dans certaines infractions financières.
02:39Le premier de ces articles, le 16, vise à définir l'amende maximale qui peut être prononcée lorsque la personne poursuivie est payée sous la forme de traitement ou de salaire.
02:50Cette amende est fixée comme étant au maximum égale à 50% de sa rémunération annuelle.
02:56La seconde disposition, le 17, prévoit que par exception à cette règle générale,
03:01lorsque la personne poursuivie n'est pas rémunérée au titre de l'activité en cause sous la forme de traitement et salaire,
03:07il est déterminé un maximum de la sanction possible, déterminé par rapport à la rémunération théorique d'un très haut fonctionnaire,
03:15en l'espèce un directeur d'administration centrale.
03:17Autrement dit, quel que soit le montant de la rémunération de ces personnes,
03:22elle sera susceptible de se voir prononcer une amende qui est égale à la moitié du traitement des fonctionnaires les plus élevés dans notre hiérarchie.
03:31C'est cela qui a justifié la QPC, étant précisé que M. Besset et M. Noyau sont tous les deux agriculteurs
03:38et ont été élus en cette qualité président de chambre d'agriculture.
03:42C'est donc en cette qualité qu'ils sont poursuivis et ce sont des fonctions bénévoles
03:47qui ne donnent lieu ni à traitement ni à salaire.
03:50Je précise également qu'il s'agit de la première QPC qui est dirigée contre la nouvelle Cour des comptes,
03:58celle issue de la réforme du 23 mars 2022,
04:02mais qui remplace en réalité l'ancienne Cour des comptes à l'égard des comptables
04:05et l'ancienne Cour de discipline budgétaire et financière à l'égard des ordinateurs.
04:11Conformément à l'usage et aux règles de procédure,
04:13pour l'essentiel, je renverrai bien entendu à la procédure écrite et aux différentes pièces qui sont annexées.
04:18Je tiens toutefois à présenter quelques observations orales brèves
04:21sur un certain nombre d'éléments qui me semblent devoir faire l'objet d'une attention particulière.
04:26Tout d'abord, au titre des questions préalables.
04:30Comme vous l'avez noté, le Conseil d'État vous a renvoyé les articles L131-16 et L131-17 dans leur globalité,
04:36sans préciser le cas échéant les membres de phrases ou les parties qui étaient susceptibles d'être discutées.
04:40Il vous appartient donc, conformément à votre office, de le préciser.
04:43Mais M. Busset, M. Noyau, eux, évidemment, sont principalement concernés par le 17,
04:48puisque c'est celui qui leur est applicable.
04:50Mais en réalité, les deux dispositions sont liées et se lisent en miroir.
04:53On ne peut pas lire l'une sans apprécier l'autre.
04:56Donc, nécessairement, il vous appartiendra de préciser cela.
05:00Deuxième petite précision qui devra être apportée, ce n'est pas une loi au sens formel.
05:04Il s'agit d'une ordonnance non ratifiée, donc théoriquement un acte à valeur réglementaire.
05:08Toutefois, votre jurisprudence désormais bien connue du 28 mai 2020 Force 5 et du 3 juillet 2020 Sofiane A autorise la présence d'une QPC en pareilles circonstances,
05:18l'usage étant que désormais le Conseil consigné précise qu'il s'agit d'une QPC dans ce cadre.
05:25En ce qui concerne l'intervention de Mme Damour, je ne peux qu'en envoyer la procédure écrite et ne peux que vous inviter à faire droit à sa demande d'admission.
05:32La quatrième et dernière question préalable est peut-être probablement la plus délicate.
05:38Il s'agit de la qualification de la Cour des comptes.
05:41En effet, cette question implicite se trouve au cœur d'une divergence de jurisprudence entre celle de la Cour de Strasbourg et du Conseil d'État et la vôtre.
05:49Le Conseil d'État, dans une formation de section, a rendu un arrêt le 30 octobre 1998, Lorenzi, confirmé ensuite par la Cour européenne des droits de l'homme par un arrêt du 26 septembre 2010,
06:01qui a qualifié la Cour des comptes dans ses attributions répressives, mais il en est de même pour la CDBF, de juridictions statuant sur le bien fondé d'accusations en matière pénale.
06:11Par votre conséquence, elles sont tenues, et c'est ce qu'elles font en pratique, d'appliquer toutes les garanties du procès équitable en matière pénale.
06:17Bien évidemment, dans le cadre du contrôle de la constitutionnalité des lois, vous n'êtes absolument pas tenu d'appliquer la Convention européenne ou tout autre texte international.
06:27C'est une jurisprudence absolue constante depuis 1975.
06:31Vous avez jugé dans ce cadre-là, par votre décision du 3 mars 2005, la décision 2598L, confirmée depuis, qu'évidemment, les juridictions administratives spécialisées ne pouvaient être regardées comme pénales.
06:44Je vous invite, à ce titre, à aligner votre jurisprudence sur la réalité.
06:51Il en résultera une conséquence très simple sur le plan organique et matériel, mais ça n'aura en pratique aucune incidence sur la procédure devant la Cour des comptes,
06:59parce qu'en réalité, ils appliquent déjà les garanties applicables en matière pénale.
07:03Ça impliquera que les exigences constitutionnelles se mettent en œuvre.
07:07Elles sont peu ou prou les mêmes que celles prévues par la Convention européenne.
07:11Et je me permets de vous rappeler que par votre décision du 23 janvier 1987, 86-224 décès, la fameuse décision Conseil de la concurrence,
07:19vous avez admis que dans le cadre d'une bonne administration de la justice, le législateur pouvait autoriser des dérogations aux voies de droit
07:26et donc, pourquoi pas, envisager qu'une juridiction répressive relève du Conseil d'État par la voie de la cassation.
07:31Ça n'aura en pratique que d'incidents sur le contentieux des contraventions de grande voirie, qui est assez théorique en pratique,
07:39quant à la mise en œuvre des garanties pénales à ce titre-là.
07:43En revanche, ça aura pour vertu de permettre, de rassurer l'ensemble des gestionnaires publics qui sont particulièrement inquiets
07:50sur la montée en vigueur du nouveau régime de responsabilité, notamment parce que cette qualification pénale
07:56impliquera pour eux le bénéfice éventuel, sauf faute intégralement personnelle, de la protection fonctionnelle.
08:02Et cela, qu'ils aient la qualité d'élu, de gestionnaire, d'ordonnateur ou de compta.
08:08En ce qui concerne le fonds, et cette fois, donc, les griefs qui sont invoqués à l'encontre de cette loi.
08:15Le premier de ces griefs, c'est l'atteinte à l'égalité.
08:18En effet, l'article 16, l'article 17 du Code des juridictions financières, enfin, 131 16, 131 17, sont applicables aux mêmes infractions.
08:29Ils prévoient des peines différentes, suivant le mode de rémunération, et non pas suivant la qualité,
08:34ce qui est quand même légèrement problématique s'agissant de gestionnaires publics.
08:37Ce qui veut dire qu'un président d'université, qui est un fonctionnaire, qui est élu,
08:42qui préside un établissement public à caractère administratif,
08:45se verra potentiellement, voire rechercher sa responsabilité avec une peine plus faible,
08:51qu'un agriculteur bénévole qui serait élu à la tête d'une chambre d'agriculture.
08:56Et ce même raisonnement est totalement transposable à toutes les fonctions bénévoles ou faiblement rémunérées.
09:02C'est donc une situation qui est particulièrement inégalitaire.
09:04Je tiens à préciser que Mme le procureur général près de la Cour des comptes a, par ses écrits et par ses oraux, relevé cette incongruité.
09:13Le rapporteur public près du Conseil d'État l'a également relevé.
09:16Il vous conviendra cependant de préciser dans le cadre de cette censure sur quelle base textuelle et donc quel principe d'égalité vous entendez mettre en avant.
09:24Est-ce qu'il s'agit du principe d'égalité devant la loi ou le principe d'égalité devant la loi pénale ?
09:28Les conséquences jurisprudentielles n'étant pas les mêmes. En pratique, elles sont identiques.
09:35Deuxième grief invoqué sur le principe de l'égalité des délits et des peines et la sécurité juridique.
09:39Le plafond de rémunération qui est visé par l'article 131-17 est fixé par référence à un traitement qui n'existe plus.
09:48Ce sont des choses qui peuvent arriver du fait de l'évolution de la loi.
09:51En l'occurrence, c'est le décret 2022-1454 du 23 novembre 2022 qui a abrogé cette référence, sauf qu'il a abrogé la veille de l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions législatives.
10:02Autrement dit, au jour d'entrée en vigueur de l'ordonnance du 23 mars 2022, la référence permettant de fixer le quantum de la peine n'existait plus.
10:10Et tant le décret ni le législateur n'ont prévu strictement aucune alternative.
10:14Ce qui veut donc dire qu'on se trouve devant une peine indéterminée.
10:18C'est donc quelque chose qui ne permet pas de déterminer cela.
10:21C'est la violation d'une garantie légale essentielle.
10:24Ça viole également le principe de sécurité juridique, le principe de l'égalité des délits et des peines.
10:29Et c'est sur ce dernier que je vous invite à vous prononcer.
10:33En ce qui concerne le principe du recours aux ordonnances de l'article 38, je renverrai à la procédure écrite.
10:39Au cas présent, cela justifie une réserve d'interprétation, mais non la censure du texte.
10:44En ce qui concerne la violation de l'article 15 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, disposition sur laquelle votre jurisprudence est beaucoup plus clairsemée,
10:53je constate qu'il existe une différence de situation.
10:55En effet, les élus locaux ne peuvent être poursuivis devant la Cour des comptes.
11:01Vous l'avez d'ailleurs jugé à la constitutionnalité de ce dispositif dans votre décision Andréani 599 QPC.
11:08Or, ici, les personnes sont aussi élues.
11:12Ce qui pose quand même une différence de traitement.
11:14Je précise qu'il s'agit de mandats locaux.
11:17Il ne s'agit pas de mandats nationaux qui, constitutionnellement, ne sont pas régis par les mêmes règles.
11:21Cela justifie, là aussi, une censure.
11:26En ce qui concerne les modalités d'entrée en vigueur de votre décision,
11:30M. le Premier ministre a sollicité à ce que vous prononciez un différé d'avogation pour permettre aux procédures actuellement pendantes devant la Cour des comptes de se poursuivre.
11:39Il se garde bien de vous dire le nombre d'affaires fondées sur une décision de renvoi invoquant l'article L131-17.
11:47Elle se compte sur les doigts d'une main.
11:48Nous n'avons pas pu avoir de chiffres précis, Mme la procureure générale n'ayant pas cette information-là à jour, et les écritures du Premier ministre ne nous l'indiquant pas.
11:57Je ne peux que vous inviter à rejeter cette demande et à prononcer une abrogation immédiate.
12:04Les requérants, en tout état de cause, bénéficieront de l'effet utile de la question prioritaire de constitutionnalité, que ce soit à titre principal ou à titre subtil.
12:12Ainsi, M. le Président, Mesdames et Messieurs les conseillers, je ne peux conclure à ce que vous admettiez l'intervention de Mme Damour, que vous constatiez l'inconstitutionnalité des articles L131-16 et L131-17 du Code des juridictions financières dans leur rédaction qui vous a été transmise,
12:29dans les limites de ce que vous préciserez quant à votre champ de contrôle.
12:33En conséquence, les abrogés, rejetez les demandes subsidiaires du Premier ministre tendant à un différé de l'abrogation, donnez un effet immédiat à votre abrogation à titre principal,
12:43à titre subsidiaire si vous deviez prononcer un différé de l'abrogation, dire qu'en tout état de cause, les parties prenantes à cette affaire pourront en bénéficier au titre de l'effet utile.
12:53M. le Président, Mesdames et Messieurs les conseillers, je me tiens à votre entière disposition pour toute question que vous auriez. Je vous remercie de votre attention.
13:04Maître Alain Tanton, vous êtes avocat au barreau de Bourges et vous représentez Mme Véronique Damour, partie intervenante. Nous vous écoutons, Maître.
13:12M. le Président, Mesdames, Messieurs, M. le Président, merci de me donner la parole. Il se trouve que, contrairement à mon confrère, c'est pour moi, dans une longue carrière,
13:25la première occasion de venir devant votre conseil pour défendre les intérêts de Mme Damour dans le cadre de cette QPC.
13:33Un mot d'abord sur la question de l'intérêt de son intervention volontaire. Mme Damour est agent comptable de la Chambre d'agriculture de Loire-et-Cher,
13:47pour laquelle, d'ailleurs, les autres personnes sont poursuivies devant la Cour des comptes. Donc, elle est également poursuivie devant la Cour des comptes en qualité d'agent comptable.
13:57Sur la base du même texte, c'est-à-dire que la faute qui lui est reprochée, c'est celle de l'article L131.9 du Code des juridictions financières,
14:06et nous sommes dans la même procédure, agent comptable ou élu de la Chambre d'agriculture concernée.
14:14Mme Damour avait, par mon intermédiaire, déposé déjà un mémoire aux fins du QPC devant la Cour des comptes.
14:22Elle était donc totalement partie à cette procédure de QPC.
14:26Il se trouve que, devant le Conseil d'État, Mme Damour n'a pas déposé de mémoire spécifique,
14:34de sorte que, dans le cadre de la procédure Conseil d'État, elle n'a pas été considérée comme partie à la procédure QPC.
14:42Ceci étant, ça lui rouvrait la possibilité, à partir du moment où la QPC vous a été transférée,
14:48ça lui rouvrait, évidemment, la possibilité d'intervenir.
14:51Et donc, c'est une intervention qui ne me semble pas poser de difficultés sur le plan du principe.
14:58D'ailleurs, le Premier ministre n'a pas évoqué de difficultés à ce sujet dans son mémoire.
15:03Pourquoi ? Parce que c'est une intervention qui est, j'allais dire, une fausse intervention.
15:09Elle était déjà, dès le départ, partie à la procédure de QPC,
15:13puisqu'elle avait déposé un mémoire devant la Cour des comptes.
15:15Et ce n'est que parce qu'en cours de procédure, elle n'a pas déposé de mémoire complémentaire devant le Conseil d'État
15:20qu'elle n'a plus été considérée comme partie à la procédure.
15:23Ceci étant, son intérêt est divido.
15:25Elle est poursuivie devant la Chambre du contentieux de la Cour des comptes
15:28de la même manière que les autres intervenants dans cette procédure.
15:33Et elle est poursuivie sur la base...
15:36Alors, j'allais dire des mêmes textes, pas exactement du même texte,
15:39puisque vous avez compris que les élus de la Chambre d'agriculture
15:44étaient poursuivis sur la base de L131-17,
15:49qui est applicable aux personnes qui ne perçoivent pas de traitement ou salaire
15:53de la part de l'établissement,
15:55alors qu'elle, percevant un salaire ou traitement, puisqu'elle est agent comptable,
15:59elle est poursuivie sur la base de L131-16,
16:03ce qui ne change pas le problème de la recevabilité de son intervention,
16:07puisque les deux textes vous sont soumis,
16:11aussi bien à L131-16 que L131-17.
16:15Et donc, je vous demande de constater et de juger
16:18que l'intervention de Mme Véronique d'Amour
16:20est parfaitement régulière, qu'elle est fondée
16:23et qu'elle a un intérêt spécial à intervenir.
16:28Sur le fond, maintenant, mon confrère intervenait tout à l'heure
16:32et il a insisté sur le caractère indissociable de ces deux textes.
16:37L131-16 et L131-17.
16:41En effet, ils sont indissociables.
16:43Parce qu'ils forment ensemble le corpus législatif,
16:48alors je mets « législatif » entre guillemets,
16:49puisque nous savons que c'est le résultat d'une ordonnance non ratifiée,
16:53mais le corpus législatif des sanctions applicables
16:57aux personnes auxquelles on reproche d'avoir commis une faute
17:02au sens de l'article L131-9 du Code des juridictions financières.
17:07Ils sont indissociables parce qu'ils visent les mêmes établissements.
17:12Ils visent les mêmes personnes qui y travaillent,
17:16même si elles n'ont pas le même statut juridique.
17:19Il n'empêche que ce sont les mêmes personnes qui y travaillent.
17:21Et elles visent surtout les mêmes infractions.
17:27Et donc on ne peut pas distinguer entre ces deux textes
17:30qui en réalité n'ont comme seule différence
17:33que le mode de fixation du maximum de la peine d'amende encourue.
17:40Voilà leur seule différence.
17:42Pour le reste, ce sont des textes qui en effet
17:45ne peuvent pas se lire l'un sans l'autre.
17:48C'est impossible.
17:49concerne les personnes travaillant dans les mêmes établissements
17:52ayant commis les mêmes fautes,
17:54en tout cas celles qu'on leur reproche,
17:55pardon, celles qu'on leur reproche.
17:57Et simplement, ce sont des textes qui déterminent différemment
18:01le maximum de l'amende encourue.
18:03Donc ils sont à l'évidence indissociables
18:06et ils forment un régime unique.
18:08D'ailleurs, ni la Cour des comptes ni le Conseil d'État
18:14n'ont distingué entre ces deux textes.
18:17Dans les deux cas, les juridictions ont considéré
18:20qu'étaient tout autant justifiées et sérieuses
18:23la QPC à l'égard de ces deux textes-là.
18:27Et donc, je vous demande d'ores et déjà
18:29d'avoir une vision évidemment unique et globale
18:33de ces deux textes
18:34en considérant qu'ils sont intrinsèquement liés
18:37et que toute anticonstitutionnalité de l'un
18:42entraînerait aussi l'abrogation et l'annulation de l'autre.
18:49Alors, sur le fond maintenant,
18:51quelques observations.
18:52Vous avez compris,
18:54à ce que vous a expliqué mon confrère,
18:56tout à fait précisément et brillamment,
18:58que Mme Damour, elle,
19:02est visée par l'alinéa 1er de L131-16
19:07qui détermine l'amende encourue
19:10comme étant le maximum
19:12de la rémunération qu'elle perçoit,
19:15qu'elle a perçue,
19:17pendant les six derniers mois.
19:20Ce qui pose problème,
19:22c'est le principe même
19:24de cette méthode de fixation.
19:26Ce texte fixe une peine
19:30en fonction de votre salaire.
19:34C'est tout de même contraire
19:36à un certain nombre de principes.
19:38D'abord, les principes d'égalité
19:40des citoyens devant la loi.
19:43Pourquoi est-ce que la même faute
19:44commise par deux personnes
19:47ayant un salaire différent
19:49entraînerait un maximum
19:52d'amende encourue ?
19:54La faute est la même,
19:57commise dans le même cadre
19:58et simplement,
20:00comme ces personnes n'ont pas
20:01le même traitement,
20:03l'amende encourue n'est pas la même.
20:07Il me semble que ça viole
20:08le principe de l'égalité
20:09des citoyens devant la loi
20:10qui veut que les citoyens
20:13ne soient traités qu'à raison
20:14de la faute qu'ils ont commise
20:16et non pas de leur situation
20:20financière personnelle.
20:21J'ajoute d'ailleurs que
20:22la référence au seul salaire
20:25ou traitement,
20:25puisqu'il y a eu une difficulté
20:27aussi sur ce point,
20:28puisqu'une notion de traitement
20:29a été abrogée la veille
20:31de l'entrée en vigueur,
20:32comme vous l'a indiqué,
20:32mon compréhende,
20:33mais peu importe.
20:33La référence à ce seul paramètre
20:38est curieux,
20:40puisque les personnes
20:42peuvent avoir par ailleurs
20:43une situation de fortune
20:44totalement différente
20:46les unes des autres.
20:48Et ne prendre en considération
20:50que le traitement est salaire
20:52sans prendre en considération
20:54toute autre forme de revenu
20:56de patrimoine ou autre
20:58est une méthode curieuse
21:00parce qu'elle isole simplement
21:01un critère,
21:02qui est le critère du salaire
21:04que touche la personne.
21:07Autre difficulté
21:08qui se présente
21:09pour la légalité de ce texte,
21:12c'est évidemment
21:13le principe de l'égalité des peines,
21:15de la légalité des peines.
21:17Ce principe veut qu'une peine
21:18soit définie
21:19en fonction du type
21:21d'infraction commise,
21:24de la gravité de l'infraction
21:25et du contexte
21:26dans lequel l'infraction
21:27a été commise.
21:30Pas une autre disposition
21:31du code pénal
21:33ne prévoit
21:34une peine d'amende
21:36proportionnelle
21:37au salaire
21:38perçu par celui
21:39qui a commis l'infraction.
21:42Alors,
21:43bien sûr,
21:45on me dira,
21:45mais
21:45la linéa 2
21:48de l'article 131-16
21:50permet au juge
21:51de moduler
21:52en fonction
21:54des circonstances
21:56dans lesquelles
21:56l'infraction a été commise
21:57ou pas.
21:57oui,
21:59bien sûr,
22:00mais il n'en reste pas moins
22:02que ce qui vous est soumis,
22:04ce n'est pas le pouvoir
22:05de modulation du juge,
22:06il existe,
22:07comme devant
22:07toute juridiction.
22:10Ce qui vous est soumis,
22:11c'est le principe
22:12de détermination
22:13de la peine
22:14maximale
22:15encourue.
22:17C'est cela
22:17qui est critiquable.
22:19que le juge
22:21puisse ensuite
22:21amender,
22:25rabaisser
22:26la peine
22:27effectivement
22:28prononcée,
22:28bien sûr,
22:29bien sûr.
22:30Mais la détermination
22:32du maximum
22:32de l'amende
22:33encourue
22:33doit reposer
22:34sur de simples critères
22:36liés
22:37à la nature
22:38d'infraction,
22:38au type d'infraction,
22:39à sa gravité
22:40et aux circonstances
22:41dans lesquelles
22:42elle a été connue.
22:42Alors,
22:43il y a tout un débat,
22:43évidemment,
22:44sur la question
22:44de savoir
22:44si nous sommes
22:46en matière
22:46de textes répressifs
22:48ou pas.
22:51La juridiction,
22:52la Chambre du contentieux
22:53de la Cour des comptes
22:53est-elle une juridiction
22:54répressive ou pas ?
22:55Mais j'ai presque
22:57envie de dire
22:58entre guillemets
22:59peu nous importe.
23:00Pourquoi ?
23:01Parce que ce qui est certain,
23:03c'est que le texte
23:05L131-16,
23:07les textes
23:07et L131-17,
23:09eux sont des textes
23:10de nature répressive
23:11puisqu'ils condamnent
23:12à une amende.
23:14Ils sont donc
23:14des textes
23:15de nature répressive.
23:17Sont-ils appliqués
23:18par une juridiction
23:20répressive ou pas ?
23:22Ce n'est presque pas
23:22le débat.
23:23Le débat,
23:24c'est qu'il s'agit
23:25de textes
23:26de nature répressive
23:27et que ces textes
23:28doivent respecter
23:29les grands principes
23:29de l'égalité
23:30des citoyens
23:31devant la loi
23:31et notamment
23:32devant la loi répressive
23:33et le principe
23:34de la légalité
23:35des peines
23:37qui sont
23:38encourues.
23:40Alors,
23:41vous avez bien compris
23:42aussi que
23:43cette discrimination
23:46entre salariés
23:47ou non-salariés
23:49n'a pas de sens.
23:52Voilà des personnes
23:53auxquelles on reproche
23:55les mêmes infractions
23:56dans le même établissement
23:57pour les mêmes années
23:59à raison
24:00de la même comptabilité
24:01et il y a
24:02cette discrimination
24:03entre les salariés
24:04et les non-salariés.
24:06Ça n'a évidemment
24:06pas de sens
24:08et là aussi,
24:09c'est une rupture
24:09de l'égalité
24:10devant les dispositions
24:12légales.
24:13Voilà les éléments
24:15principaux
24:16que je voulais
24:17rappeler.
24:19Pour en terminer,
24:22je m'associe
24:23évidemment
24:23à la remarque
24:24faite
24:24par mon confrère
24:26sur la question
24:28du différé
24:29d'entrée en vigueur
24:30de votre décision.
24:32Pourquoi ?
24:34J'entends bien
24:35qu'il y a,
24:36paraît-il,
24:36un certain nombre
24:37de dossiers.
24:37Alors,
24:38le chiffre varie
24:39entre 88 dossiers
24:41selon
24:41le mémoire
24:42du Premier ministre
24:43et 5 dossiers
24:45qui seraient
24:46strictement liés
24:47à ces deux textes-là.
24:49Mais au-delà
24:49du nombre
24:50de dossiers,
24:52imaginez
24:53que l'on puisse
24:54appliquer
24:54un texte
24:55répressif
24:56à des justiciables
24:58à qui l'on dirait
25:00par ailleurs
25:00mais rassurez-vous,
25:01ce texte
25:02vient d'être
25:03déclaré
25:04non conforme
25:05à la Constitution
25:06par le Conseil
25:07constitutionnel.
25:07Donc,
25:08les suivants
25:09ne se verront pas
25:10appliquer ce texte.
25:11Rassurez-vous.
25:13Non.
25:15Le principe
25:16de l'égalité
25:16des peines
25:17veut que l'on
25:17n'applique
25:18que des peines
25:18légales.
25:20Et toute décision
25:21favorable
25:22à l'anticonstitutionnalité
25:24que vous prononceriez
25:25doit évidemment
25:26être appliquée
25:27immédiatement
25:27au risque
25:29sans cela
25:29d'appliquer
25:30à des justiciables
25:31une peine
25:31qui serait
25:33d'ores et déjà
25:34déclarée
25:34non conforme
25:35à la Constitution
25:35et qu'on
25:36prendrait la précaution
25:38de ne pas appliquer
25:39aux personnes
25:40qui commettraient
25:41les infractions
25:42dans le futur.
25:43Eh bien,
25:43non.
25:45Il me semble
25:45que c'est même
25:46contraire
25:47à votre
25:48mission même
25:50qui est
25:51de vous assurer
25:52que dans l'état
25:53de droit
25:53qui est notre pays,
25:55dans cet état
25:56de droit
25:56ne sont appliquées
25:57que des peines
25:58légales.
26:00Voilà pourquoi
26:00il me semble
26:01que si vous faites
26:02droit à cette
26:03QPC,
26:04je vous demande
26:05évidemment,
26:05je m'associe
26:06à mon frère
26:06pour vous demander
26:07évidemment
26:07que l'entrée
26:09en vigueur
26:10de votre décision
26:11soit immédiat
26:12au risque
26:13sinon
26:14de condamner
26:15les personnes
26:15sur la base
26:16de textes
26:17à une peine
26:18sur la base
26:18de textes
26:19qui sont déclarés
26:20non conformes
26:21à la Constitution.
26:22Voilà les observations
26:23que je voulais formuler.
26:24Merci, Maître.
26:26Je donne maintenant
26:27la parole
26:27à M. Benoît
26:28Canguilhem,
26:29chargé de mission
26:29au secrétariat
26:30général du gouvernement
26:31pour le Premier ministre.
26:33Monsieur,
26:34nous vous écoutons.
26:35Merci, M. le Président.
26:36Mesdames et Messieurs
26:36les membres
26:37du Conseil constitutionnel,
26:39l'ordonnance du 23 mars 2022
26:40qui a été ratifiée
26:41par la loi d'orientation
26:42pour la justice
26:43du 20 novembre 2023
26:44a créé un nouveau régime
26:46de responsabilité
26:46des gestionnaires publics
26:48qui sont justiciables
26:49devant la Chambre
26:50du contentieux
26:50de la Cour des comptes.
26:52Il s'agit d'un régime répressif
26:53dont la finalité
26:54est la protection
26:55de l'ordre public financier
26:56par la sanction
26:58de faute de gestion
26:59d'une certaine gravité.
27:01Les amendes
27:02qui peuvent être infligées
27:03dans ce cadre répressif
27:05sont plafonnées
27:06selon des règles
27:07qui reprennent d'ailleurs
27:08celles qui étaient applicables
27:10devant la Cour
27:11de discipline budgétaire
27:12et financière.
27:13Ainsi,
27:14au terme de l'article
27:14L131-16
27:15du Code des juridictions
27:16financières,
27:17ce plafond
27:18correspond à 6 mois
27:19de rémunération annuelle
27:20de la personne sanctionnée
27:21lorsqu'elle perçoit
27:22une rémunération.
27:23L'article L131-17
27:25du même code
27:25prévoit
27:26qu'en l'absence
27:27de rémunération
27:29ayant le caractère
27:29d'un traitement
27:30ou d'un salaire,
27:30le plafond
27:31correspond à la moitié
27:33de la rémunération annuelle
27:35correspondant à l'échelon
27:36le plus élevé
27:36afférent à l'emploi
27:38de directeur
27:38d'administration centrale.
27:41Il est principalement soutenu
27:43que ces différences
27:43de plafond
27:45seraient contraires
27:45aux principes
27:46d'égalité.
27:48Mais avant d'examiner
27:49le fond de ce grief,
27:50il est nécessaire
27:51de préciser
27:51que cette situation,
27:53la situation
27:54qui est visée
27:55par les requérants
27:56et intervenants
27:57correspond à une hypothèse
27:59d'école.
28:01En effet,
28:02ce qui est visé,
28:03c'est l'hypothèse
28:03dans laquelle
28:04une faute particulièrement grave
28:05justifie
28:06d'infliger
28:07le maximum
28:08de l'amende
28:09à deux personnes
28:10dont l'une relèverait
28:11du plafond
28:12du L131-16
28:13et l'autre
28:14du plafond
28:15du L131-17.
28:18La probabilité
28:19de la réalisation
28:20d'une telle hypothèse
28:21est extrêmement peu probable.
28:23En tout cas,
28:23à ce jour,
28:25elle ne s'est jamais rencontrée.
28:26Sous le nouveau régime
28:29de responsabilité,
28:30il n'y a pas eu
28:30encore d'amende
28:31au plafond.
28:33Sous le régime antérieur,
28:34la Cour de discipline
28:35budgétaire et financière
28:36n'avait fixé
28:37qu'à deux reprises
28:38des amendes
28:39au plafond
28:40et sans que la situation
28:41des personnes concernées
28:43ne nécessite
28:43l'application
28:44combinée
28:45des deux articles.
28:46Donc,
28:47hypothèse
28:47extrêmement
28:49hypothétique.
28:51Cette différence
28:52de traitement
28:53alléguée,
28:54donc,
28:54plus qu'hypothétique,
28:56n'est pas
28:57constituée
28:58par une différence
28:59de nature
29:00de la sanction.
29:00Il s'agit dans les deux cas
29:01d'une sanction pécuniaire.
29:03Elle n'est pas constituée
29:03par une différence
29:04de nature
29:05du plafond
29:06qui est toujours
29:06fonction d'une rémunération.
29:08La différence
29:09tient à la rémunération
29:10qui est prise en compte
29:11pour déterminer
29:12l'un et l'autre
29:12de ces plafonds.
29:14Cette différence
29:15de traitement
29:15repose
29:16sur une différence
29:17de situation
29:18en lien avec l'objet
29:19de la loi.
29:20Cet objet,
29:21nous l'avons dit,
29:21c'est la préservation
29:22de l'ordre public financier.
29:23Il était donc
29:25nécessaire
29:26pour le législateur
29:27de prévoir
29:28un dispositif
29:29pour que les personnes
29:31qui ne perçoivent pas
29:32de rémunération
29:34ayant le caractère
29:35de salaire
29:35ou de traitement
29:36puissent tout de même
29:37être sanctionnées
29:38et que cette sanction
29:39soit plafonnée.
29:41Il était donc
29:42loisible au législateur
29:43de se fonder
29:44sur un indice
29:45de rémunération
29:46par définition extérieure
29:47à la rémunération
29:48de la personne
29:49concernée
29:50qui n'en perçoit pas
29:52pour que cette personne
29:53puisse être
29:53légalement sanctionnée.
29:57Toutefois,
29:58comme cela a été dit,
29:59si vous deviez
29:59censurer
30:00les dispositions contestées,
30:01il vous serait
30:02effectivement demandé
30:03de faire usage
30:03du pouvoir
30:05de modulation
30:05que vous tenez
30:06de l'article 62
30:07de la Constitution
30:07dès lors que
30:09la bourgation immédiate
30:10aurait des conséquences
30:11manifestement excessives.
30:12Manifestement excessives,
30:13pourquoi ?
30:14Parce qu'elle serait
30:14susceptible
30:15de paralyser totalement
30:16l'activité
30:17de la Chambre
30:18du Compte en Cheux
30:20qui se verrait ainsi
30:20empêcher
30:21d'infliger des amendes
30:23aux personnes
30:23ayant pourtant
30:25commis des infractions
30:25prévues aux articles
30:26L131-9
30:28à L131-14
30:29du Code
30:31des juridictions financières.
30:33Ainsi,
30:33en cas de censure,
30:34il y aurait lieu
30:35de reporter
30:35la date de l'abrogation
30:37de ces dispositions
30:37et d'accorder
30:38au législateur
30:39un délai suffisant
30:40pour lui permettre
30:41de remédier
30:42à l'inconstitutionnalité
30:43constatée
30:45sous cette réserve.
30:46Je vous invite
30:46à déclarer
30:47les dispositions
30:47des articles
30:48L131-16
30:49et L131-17
30:50du Code
30:50des juridictions financières
30:51conformes à la Constitution.
30:55Merci, monsieur.
30:55Nous avons entendu
30:56les observations
30:57des partis présents.
30:58L'un des membres
30:59du Conseil
30:59souhaite-t-il poser
31:01une question
31:01à l'une ou l'autre
31:02des partis ?
31:04Pas de questions.
31:08Donc, cette question
31:08prioritaire
31:09de constitutionnalité
31:10est mise en délibéré.
31:13La décision sera publique
31:14le 18 juillet 2025.
31:17Vous pourrez en prendre connaissance
31:18en vous connectant
31:19sur notre site Internet.
31:21sur notre site Internet.