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Mercredi 4 juin 2025, retrouvez Julie Pasternak (Associée, Darrois-Villey), Maria Castillo (Maître de conférences en droit public à l’université de Caen Normandie) et Claire Tergeman (Associée, De Gaulle Fleurance) dans LEX INSIDE, une émission présentée par Arnaud Dumourier.

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Transcription
00:00Générique
00:30Bonjour, bienvenue dans Lex Inside, l'émission qui donne du sens à l'actualité juridique du droit, du droit et rien que du droit.
00:38Au programme de ce numéro, on va parler de l'expertise 1592 du Code civil, comment gérer les difficultés d'interprétation avec mon invité Julie Pasternak, avocate associée au sein du cabinet d'Arwa.
00:51On parlera ensuite des différences de statut entre salarié et freelance, quelles sont les conséquences avec Claire Tegerman associée au sein du cabinet de Gaulle-Florence.
01:02Et enfin, on frappe de la prospective, quelle responsabilité des cyborgs en cas de dommage avec Maria Castillo, maître de conférence à l'université Caen-Normandie.
01:13Voilà pour les titres Lex Inside, c'est parti !
01:21Comment gérer les difficultés de l'expertise 1592 du Code civil ?
01:31On en parle tout de suite avec mon invité Julie Pasternak, associée chez Darwa.
01:35Julie Pasternak, bonjour.
01:37Bonjour Arnaud.
01:38Nous allons voir ensemble comment gérer les difficultés de l'expertise prévue à l'article 1592 du Code civil.
01:45Pour commencer, pourquoi avoir recours à une clause d'expertise prévue à l'article 1592 du Code civil ?
01:53Et quels sont les avantages de cette démarche dans le cadre d'un contrat de cession ?
01:58Alors, pour vous répondre Arnaud, je rappelle d'abord que l'expertise 1592 s'appelle ainsi par référence à l'article du Code civil qui porte le même nombre,
02:10qui est un article, une disposition en réalité très brève et qui porte sur l'un des deux éléments essentiels de la vente, le prix.
02:18L'autre étant la chose, comme vous le savez, pas de prix, pas de vente.
02:22Donc on est vraiment sur un sujet important.
02:25Cet article 1592 suit immédiatement l'article 1591 qui prévoit que le prix de la vente doit être déterminé et désigné par les parties.
02:34Et cet article 1592 complète cette disposition en prévoyant que le prix peut cependant être laissé à l'estimation d'un tiers.
02:44Si le tiers ne veut ou ne peut pas faire son estimation, alors il n'y a point de vente sauf estimation par un autre tiers.
02:51Alors ce tiers 1592, qu'est-ce que c'est ?
02:54Ça n'est pas un arbitre, c'est-à-dire qu'il n'a pas de pouvoir juridictionnel.
02:58Ça n'est pas non plus un expert judiciaire.
03:01Un expert judiciaire rend un avis, un simple avis, pour rééclairer le juge sur un aspect technique.
03:08Le tiers 1592 est là pour rendre un rapport définitif qui s'impose aux parties, sauf erreur grossière.
03:16C'est dire son importance.
03:18Et donc on constate un usage quasi systématique de cette disposition, de cet article 1592,
03:23dans les contrats de cession d'action, dès lors qu'il y a une incertitude,
03:27notamment si un complément de prix est prévu par le contrat de cession.
03:32Et pourquoi les parties ont fréquemment recours à cette disposition ?
03:36Eh bien parce que les parties recherchent ce caractère définitif du rapport de l'expert,
03:42sauf erreur grossière comme je l'ai indiqué,
03:44qui permet d'éviter des contentieux interminables autour de cette question du prix.
03:48Et deuxièmement, cela permet également d'éviter que le juge soit conduit à fixer le prix
03:54alors qu'il s'agit d'une mission financière.
03:57Alors vous venez d'exposer l'intérêt du recours à cet expert dans un contrat de cession.
04:03Les experts sont régulièrement confrontés à des difficultés d'application de ces clauses.
04:09Quelles sont les principales difficultés qu'ils rencontrent lors de l'application de ces clauses ?
04:13Ces principales difficultés peuvent être de nature très diverse.
04:16On l'a vu, l'article 1592 est un texte qui est très bref.
04:21Et la jurisprudence, en tout cas de la Cour de cassation rendue sur le fondement de cet article, est très rare.
04:27Donc la mission et le déroulement de ces expertises procèdent en réalité essentiellement du contrat,
04:34de ce que les parties ont prévu dans la clause contractuelle relative à cet article 1592.
04:39C'est l'intention des parties ?
04:40Absolument, on va y venir, mais c'est absolument ça.
04:43Voir dans la lettre de mission qui est signée avec l'expert au moment de sa désignation.
04:49Alors les difficultés vont dépendre, et j'y reviendrai tout à l'heure,
04:53de la précision avec laquelle ces clauses ont pu être rédigées.
04:56Elles sont de diverses natures.
05:00On peut en trouver dès la désignation de l'expert sur les questions d'indépendance,
05:05notamment auxquelles il faut veiller très précisément,
05:09vérifier les missions que l'expert a pu avoir par le passé pour les sociétés en présence
05:16ou d'autres sociétés du groupe.
05:17Puis avoir des difficultés sur la fixation de ces honoraires.
05:20Combien ? Qui doit payer ? Comment doivent se répartir les choses ?
05:23Et puis pendant l'expertise, d'autres difficultés peuvent se poser.
05:28Tenant au respect du principe du contradictoire,
05:31si les parties ont choisi de se soumettre à ce principe.
05:34Tenant à la communication des pièces à l'expert,
05:38des pièces que celui-ci estime nécessaires.
05:40Et puis enfin, j'y arrive,
05:42tenant à l'interprétation des clauses que l'expert va devoir appliquer dans sa mission.
05:46Puisque c'est ça, l'expert, qui est le mandataire commun des parties,
05:49doit appliquer ce qu'ont voulu les parties.
05:52Si en général, il s'agit d'appliquer une formule de prix.
05:55Que se passe-t-il si les parties ne donnent pas le même sens aux clauses que l'expert doit appliquer ?
06:01S'il y a un sujet d'interprétation,
06:02est-ce que l'expert peut interpréter lui-même ou pas ?
06:05C'est toute la question.
06:07Alors justement, on va s'intéresser à l'attitude des experts dans cette situation.
06:11En cas de difficulté d'interprétation,
06:13quelle est la pratique en général des experts ?
06:16Alors, pour la comprendre, Arnaud, il faut que je rappelle immédiatement
06:20que la Cour de cassation a rendu récemment deux arrêts sur ce sujet très spécifique.
06:25Le dernier en date est vraiment tout frais, puisqu'il date du 7 mai 2025.
06:29Et il a suivi un précédent arrêt du 17 janvier 2024,
06:34qui portait sur le même thème.
06:35Arrêts qui ont apporté deux précisions très importantes
06:38concernant la pratique des experts en matière d'interprétation.
06:41La première chose que dit très clairement la Cour de cassation,
06:44c'est que seul le juge peut, s'il y a lieu,
06:48rechercher la commune d'intention des partis.
06:50Autrement dit, seul le juge peut interpréter une clause contractuelle.
06:54Ça ne relève pas du pouvoir de l'expert, en principe en tout cas.
06:59Donc la frontière est vraiment très claire et ces arrêts ont le...
07:02Ce n'est pas à l'expert de déterminer quelle est la bonne formule, c'est ça ?
07:04Exactement, quel est le sens ?
07:06Si les partis ne sont pas d'accord sur le sens d'une clause,
07:08ce n'est pas lui qui doit trancher.
07:09C'est le juge qui doit le faire.
07:12Et deuxième chose qu'apportent ces arrêts de la Cour de cassation,
07:15porte sur la conduite à adopter par l'expert
07:18en présence d'une difficulté d'interprétation.
07:21Que doit-il faire ? Que peut-il faire ?
07:23Eh bien, la Cour de cassation lui donne plusieurs options à son choix.
07:27Ce sont des alternatives.
07:28D'abord, l'expert peut tout à fait sursoir à statuer,
07:31sursoir à finaliser sa mission d'expertise
07:34et renvoyer les partis à saisir d'abord un juge
07:37pour trancher la difficulté d'interprétation.
07:40Vous voyez un peu ce que ça a comme conséquence,
07:43notamment sur le calendrier et la célérité des opérations d'expertise.
07:47Et puis, deuxième possibilité,
07:49et ça, c'était l'arrêt du 17 janvier 2024,
07:51l'expert a aussi la possibilité,
07:53pour ne pas retarder ses opérations d'expertise,
07:56de rendre un rapport avec deux évaluations distinctes
07:59qui reprennent chacune les interprétations respectives des partis,
08:02aux partis ensuite d'aller faire trancher leur désaccord sur l'interprétation par un juge.
08:07Alors, ces arrêts ont le mérite d'apporter des réponses assez concrètes
08:12sur des sujets que se posaient beaucoup les praticiens.
08:15Néanmoins, les solutions ne sont pas totalement satisfaisantes
08:17eu égard à l'objectif de célérité de l'article 1592,
08:22que recherchent les partis en ayant recours à cette disposition,
08:25puisque dans un cas comme dans l'autre,
08:27eh bien, on voit bien qu'un nouveau procès va s'ouvrir,
08:30avec, vous le savez, un calendrier qui peut être potentiellement très long,
08:35et on ne répond donc pas à ce sujet de célérité.
08:38Et puis, autre chose,
08:39à partir de quand l'expert doit-il considérer qu'il y a un sujet d'interprétation ?
08:42Est-ce qu'il suffit que les partis disent qu'elles ne sont pas d'accord sur une clause ?
08:46Est-ce que ça suffit à le priver de son pouvoir d'appliquer les clauses du contrat ?
08:50Le contentieux risque de se nouer autour de ces sujets-là.
08:54Alors, vous avez évoqué la célérité dans ce type de situation,
08:57et l'efficacité, ce sont deux objectifs qui sont difficiles à concilier.
09:02Concrètement, comment on peut faire pour concilier célérité et efficacité ?
09:06Alors, en l'état du droit positif que j'ai rappelé,
09:10il existe des solutions pour concilier ces objectifs,
09:14et je crois que la principale chose à faire,
09:17la principale recommandation, en tout cas, à faire,
09:20c'est d'avoir des clauses qui soient le plus claires et le plus précises possible.
09:24Ces fameuses clauses 1592 qui sont insérées dans les contrats,
09:28notamment les contrats de cession,
09:29elles doivent être très claires à tout point de vue.
09:32D'abord, pour encadrer le déroulement de la mission,
09:35quel expert va-t-on choisir ?
09:38Comment doit-il être choisi ?
09:39Est-ce qu'il faut le nommer précisément ou pas ?
09:42Est-ce que le principe du contradictoire doit être appliqué ?
09:45Il faut le préciser dans le contrat,
09:47et c'est important, évidemment, de le faire pour éviter à l'expert
09:50de réaliser une expert grossière.
09:53Quel va être le calendrier de l'expertise ?
09:55Comment la communication des pièces doit-elle s'opérer ?
09:58Tout ça peut être prévu dans cette clause-là.
10:01Et puis, il faut aussi, pour éviter les difficultés d'interprétation
10:05qui, en général, se nouent autour des formules de prix
10:09qui doivent être appliquées par l'expert
10:10et des définitions qui rentrent en jeu dans l'application de ces clauses,
10:15il faut encourager à avoir des descriptions très précises de ces formules,
10:19et notamment en donnant des exemples concrets.
10:22Voilà.
10:22Et ça, cela permet à l'expert d'avoir une mission bien cadrée.
10:26On peut enfin envisager de donner à l'expert le pouvoir d'interpréter lui-même
10:31les clauses qui rentrent dans sa mission,
10:34et cela pourra peut-être permettre d'éviter ces contentieux judiciaires interminables.
10:38On va conclure là-dessus.
10:40Merci Julie Pasternak d'être venue sur notre plateau.
10:42Je rappelle que vous êtes associée au sein du cabinet d'Arwa.
10:45Merci beaucoup Arnaud.
10:46Tout de suite, on passe à la deuxième partie de l'émission.
10:49Salariés ou freelance, quelles sont les conséquences pour les entreprises ?
10:52Salariés ou freelance, quelles sont les conséquences de ce choix ?
11:07On en parle tout de suite avec mon invité, Claire Tergeman,
11:09associée au sein du cabinet de Gaulle-Florence.
11:12Claire, bonjour.
11:13Bonjour.
11:14Alors, ces dernières années, nous avons observé l'arrivée de nouveaux acteurs économiques
11:18et avec ces nouveaux acteurs, de nouvelles formes de travail.
11:22Il y a la frontière du coup entre le salariat et le prestataire de service
11:29a tendance à s'amenuiser.
11:31On va essayer ensemble d'y voir plus clair.
11:34Tout d'abord, quelles sont les principales différences
11:36entre le statut de salarié et celui de prestataire de service ?
11:41Alors, la principale différence, c'est qu'un salarié doit conclure un contrat de travail.
11:47Il doit apercevoir une rémunération et en contrepartie de cette rémunération,
11:53il va exercer un travail.
11:57Et surtout, le critère le plus important, c'est qu'il va être sous lien de subordination juridique de son employeur.
12:03A l'inverse, le freelance ou le prestataire de service, lui, doit conclure un contrat de prestation de service,
12:09donc un contrat commercial.
12:11Il est en principe libre de ses agissements et donc n'est surtout pas sous lien de subordination juridique
12:17du client ou du bénéficiaire de cette prestation de service.
12:21Donc, l'enjeu pour les entreprises, c'est de bien faire attention et de distinguer les deux statuts
12:25pour éviter justement qu'un freelance se retrouve dans une situation de lien de subordination juridique
12:31et donc de réclamer un statut de salarié.
12:35Alors, on va s'intéresser maintenant aux formalités à respecter
12:38quand on a recours à un freelance ou un prestataire de service.
12:43Quelles sont les obligations déclaratives à la charge des entreprises
12:46pour recruter un freelance pour avoir recours à ses services ?
12:52Alors, parmi les principales obligations, c'est lorsque la mission excède un montant
12:56de 5 000 euros hors taxes, eh bien, l'entreprise bénéficiaire de la prestation de service
13:02doit demander des documents justificatifs, donc notamment un extrait CABIS
13:09auprès du registre du commerce et des sociétés pour s'assurer de l'immatriculation du freelance.
13:15Et puis, deuxième document qui est très important, c'est l'attestation URSAF
13:19pour s'assurer qu'ils justifient du paiement des cotisations sociales.
13:26Alors, on vient de voir les formalités.
13:28On va s'intéresser aux risques pour les entreprises qui ont recours à un freelance
13:32au lieu d'un salarié.
13:34Quels sont-ils ?
13:35Alors, le risque principalement, c'est surtout d'éviter une confusion
13:39entre les deux statuts de salarié et de freelance.
13:42Et donc, les bonnes pratiques ou les recommandations à avoir, c'est tout d'abord au moment de la relation,
13:50de la conclusion du contrat, eh bien, s'assurer que le freelance va être tout à fait libre,
13:58en fait, dans la négociation des clauses de son contrat.
14:04Et puis, au moment de l'exécution, évidemment, du contrat, eh bien, s'assurer que le freelance
14:09ne soit pas sous lien de subordination.
14:11Et donc, s'assurer que de ne pas donner des instructions, sanctionner disciplinairement le freelance.
14:19Et donc, voilà, de le laisser totalement libre de la réalisation de sa mission.
14:25Parce que sinon, le risque, c'est la requalification d'un contrat de freelance en contrat de travail.
14:31Et concrètement, quels sont les éléments qui permettent, soit à l'URSAF, soit au juge, en cas de contentieux,
14:37de requalifier le contrat de prestation de service en contrat de travail ?
14:43Alors, les principaux éléments qui permettent, en effet, cette requalification
14:47vont justement se trouver au moment de l'exécution de la relation.
14:51Et donc, on revient à ce fameux critère de lien de subordination juridique.
14:56Donc, il y a plusieurs critères, il y a plusieurs indices sur lesquels les juges font particulièrement attention.
15:03C'est notamment l'identification du prestataire.
15:06Est-ce qu'en tant qu'intervenant, est-ce qu'il va être mélangé, en fait, aux salariés géographiquement dans l'entreprise ?
15:14Est-ce qu'il va avoir un badge au nom de la société ?
15:16Ou bien, est-ce qu'il va avoir un badge, eh bien, d'intervenant extérieur ?
15:21Même chose pour une adresse mail professionnelle, éviter qu'elle soit au nom de la société.
15:29Il y a également les cartes de visite, c'est toujours le même principe.
15:34Ensuite, évidemment, sur le temps de travail, ne pas contrôler le temps de travail d'un freelance,
15:39ne pas lui demander l'autorisation ou lui donner son accord s'il doit partir en congé ou s'il doit s'absenter.
15:46Ne pas le faire participer ou le faire bénéficier des avantages.
15:51Par exemple, il y a un CSE qui sont réservés aux salariés, ne pas bénéficier de tickets restaurants.
15:57Voilà, bref, tous ces indices qui doivent normalement relever du statut de salarié
16:04et éviter justement cette requalification et ces éléments qui permettent la requalification.
16:09Alors, on va s'intéresser aux conséquences justement de cette requalification,
16:14qui est des conséquences qui peuvent être lourdes.
16:17Concrètement, quelles sont les conséquences pour une entreprise en cas de requalification,
16:22donc du contrat de prestation de service en contrat de travail ?
16:27Alors, les principaux éléments de requalification, c'est évidemment sur le plan financier.
16:32Ce n'est pas neutre sur le plan financier,
16:34puisque la personne qui va demander la requalification de son contrat en statut de salarié
16:40va pouvoir demander des dommages d'intérêt pour l'intégralité des préjudices qu'elle aura pu subir.
16:47Et notamment la réintégration auprès de l'URSSAF,
16:52qui va réintégrer toutes les rétrocessions, toutes les rémunérations,
16:55dans le cadre, enfin, le paiement des cotisations sociales sur ces rémunérations-là.
17:01Donc, ça peut vite chiffrer ?
17:03Ça peut très vite chiffrer.
17:04Il peut y avoir des heures supplémentaires qui vont être réclamées.
17:08Il peut y avoir également des dommages d'intérêt liés à la rupture abusive du contrat,
17:12puisqu'on va considérer que c'est un licenciement abusif.
17:14Et donc, toutes les indemnités qui vont correspondre à cette requalification.
17:19Il peut y avoir également des sanctions pénales, à côté de ces sanctions civiles,
17:22qui vont être notamment le travail dissimulé ou bien le délit de marchandage.
17:26Et à côté, vous avez également la possibilité d'avoir des sanctions administratives,
17:31là, qui peuvent être très lourdes.
17:33C'est la fermeture temporaire, par exemple, de l'entreprise,
17:36ou bien encore l'interdiction de participer à des marchés publics.
17:41Donc, voilà, ces sanctions sont lourdes.
17:44Et puis, on peut, sur le plan financier, penser à des décisions.
17:50L'une des plus récentes, c'est par exemple les chauffeurs de VTC,
17:55où leur contrat de prestation de service, finalement, a été requalifié en contrat de travail.
18:00Et on a considéré que leur relation de travail était à un statut de salarié,
18:05ou bien encore plus loin.
18:06Mais ça, c'était pour, on va dire, le démarrage de cette problématique.
18:11C'était les participants aux émissions de télé-réalité
18:14qui ont vu également leur contrat être requalifié en statut de salarié.
18:19Alors, pour éviter ces mésaventures, on comprend que la rédaction du contrat est un point clé.
18:26Quelles précautions faut-il prendre pour une entreprise
18:29qui a recours à un prestataire de service, à un freelance, dans la rédaction du contrat ?
18:34La première recommandation serait de dire, au moment de la conclusion du contrat,
18:41c'est se rappeler que, justement, un freelance n'est pas un salarié
18:44et que, donc, il ne doit pas conclure un contrat d'adhésion.
18:47Il faut le laisser, en tout cas, négocier librement les clauses de son contrat de prestation de service.
18:54Et puis, la deuxième recommandation à garder en tête,
18:58c'est que, eh bien, lorsqu'on a recours à un prestataire de service,
19:03c'est parce qu'on recherche un savoir-faire qu'on n'a pas forcément au sein de l'entreprise.
19:07Et donc, il ne faut pas aller chercher un prestataire qui serait finalement un salarié déguisé
19:13et qui serait là pour compenser une activité qui sera en lien avec l'activité normale et permanente de l'entreprise.
19:20Et enfin, peut-être troisième recommandation, ça serait de rester prudent lorsque un ancien salarié
19:27ou bien un ancien stagiaire qui lui-même, en fait, souhaite bénéficier d'un statut d'auto-entrepreneur ou de freelance
19:34viennent demander à son ancien employeur, justement, de poursuivre leur ancienne relation de travail
19:39sous forme de freelance.
19:40Et là, ça peut être risqué pour l'entreprise.
19:44On va conclure là-dessus.
19:45Merci, Claire Tergeman, pour cet éclairage.
19:49Je rappelle que vous êtes associée au sein du cabinet de Gaulle-Florence Associé.
19:53Merci.
19:53Tout de suite, on va poursuivre cette émission.
19:56Dans cette troisième partie, on va s'intéresser à un sujet prospectif, la responsabilité des cyborgs.
20:04On poursuit ce Lex Insight, on va s'intéresser à la responsabilité des cyborgs en cas de dommage
20:18avec mon invité, Maria Castillo, maître de conférence en droit public à l'Université de Caen-Normandie.
20:25Maria Castillo, bonjour.
20:26Bonjour Arnaud.
20:27On va s'intéresser à un sujet prospectif sur la responsabilité des cyborgs à la lumière d'un colloque,
20:35d'un procès fictif que vous avez organisé en mars dernier à l'Université de Caen-Normandie.
20:42C'est la clinique juridique de l'Université qui avait organisé ce procès fictif.
20:46Pour commencer, est-ce qu'un cyborg peut être responsable pénalement ?
20:53Merci Arnaud. Alors en fait, nous avons organisé les deux, le procès fictif fin mars
20:57et la semaine dernière, le colloque qui s'est tenu donc effectivement à l'Université de Caen.
21:04Alors est-ce qu'un cyborg pourrait être responsable de ces actes ?
21:08Peut-être qu'on va partir de là où sont partis les étudiants, c'est-à-dire du plus simple,
21:13à savoir que pour être responsable, que ce soit pénalement ou que ce soit civilement,
21:18il faut d'abord être une personne juridique. C'est-à-dire, il faut être un sujet de droit,
21:22avec des droits, avec des obligations, par opposition à la chose juridique qui, elle, est un objet de droit.
21:30Alors, les personnes juridiques, quelles sont-elles ?
21:33Les personnes juridiques, ce sont les personnes morales, les sociétés, les associations
21:37et d'autre part les personnes physiques, comme vous et moi.
21:41Et ces personnes physiques, elles comprennent tous les êtres humains de la naissance jusqu'à la mort.
21:47Alors, quid des robots ? Qu'est-ce qu'on en fait ?
21:50Les robots, à l'heure actuelle, n'ont pas de personnalité juridique,
21:53même si certains, comme Madame Bensoussan, que nous avons reçue la semaine dernière à Caen,
21:58préconisent la consécration d'une personnalité robotique ou, si vous voulez, d'une personnalité robot,
22:04qui serait fondée, en fait, sur l'autonomie et sur la liberté de décision des robots.
22:10L'idée étant que plus un robot dispose d'autonomie, plus il peut être responsable de la même manière qu'un humain,
22:18avec des références éthiques, culturelles, et moins il a d'autonomie, plus il faut le traiter comme une chose.
22:25Mais ça, ce sont les robots et pas les cyborgs.
22:29Le robot, c'est une machine, un assemblage, on va dire, de pièces mécaniques, électroniques, quelle que soit son apparence d'ailleurs,
22:38et qui a été conçu pour accomplir une tâche.
22:41Alors, les tâches, elles sont très diverses pour les robots.
22:44On peut penser à un robot qui va effectuer la traite dans une ferme.
22:49Ça peut être un robot qui va faire de la chirurgie fine, et il y en a maintenant.
22:53Ou alors, ça peut être un robot qu'on envoie sur Mars, je pense par exemple à l'Astromobile Rover,
22:59qui a été envoyé pour explorer l'espace parce que l'humain ne le peut pas.
23:03Et ça, c'est le robot, c'est pas le cyborg.
23:05Le cyborg, qu'est-ce que c'est ? Et est-ce que le cyborg, il a une personnalité juridique ou non ?
23:10Alors, le cyborg, si on essaye de le définir, on peut le définir comme un espèce de système homme-machine,
23:15dans lequel on va prendre un humain et puis on va lui greffer de la mécanique, de l'électronique.
23:21Alors, si on cherche un petit peu dans notre culture, on peut penser à Dark Vador.
23:26On peut penser à son fils, Luke Skywalker, lorsqu'il se retrouve avec sa main artificielle.
23:31Alors, si la référence ne vous plaît pas, vous n'avez qu'à penser à l'inspecteur Gadget.
23:34Ce sont des sortes de cyborgs.
23:36Dans l'histoire du procès fictif des étudiants de Caen,
23:39notre cyborg, c'est un ancien soldat qui a été recruté et auquel on a implanté,
23:50on lui a fait un implant cérébral pour en faire un super soldat,
23:55pour en faire un soldat particulièrement efficace pour les forces de l'ordre française.
24:03Et cet ancien soldat s'est prêté à cette transformation parce que, lorsqu'il était simple soldat pour la France, il a été envoyé sur un terrain de guerre,
24:14qu'on ne citera pas, qu'on ne connaît pas d'ailleurs, c'est fictif, et sur place, il a commis des crimes de guerre.
24:19Donc, pour échapper à la peine, il accepte de se faire en quelque sorte mutiler.
24:24Donc, il a subi volontairement ces modifications.
24:28Est-ce qu'il est encore humain ?
24:30Ou pas.
24:31Ou pas.
24:32Les étudiants vont considérer qu'il reste encore un humain.
24:35Et puisqu'il reste encore un humain, il a la personnalité juridique.
24:39C'est ce qu'ils ont choisi.
24:41Tout simplement parce que la personnalité humaine, qu'est-ce qui la caractérise vraiment ?
24:48Qu'est-ce qui fait que cette personnalité humaine existe ?
24:51Ce qui va distinguer l'humain de tous les êtres vivants, c'est le fait non pas qu'il est doué d'intelligence, qu'il a la volonté, qu'il a la sensibilité qu'on peut retrouver chez certains animaux,
25:02c'est surtout le fait qu'il a une conscience, c'est-à-dire qu'il a son libre arbitre.
25:06A partir du moment où on accepte que notre cyborg a son libre arbitre, on peut se poser effectivement la question de sa responsabilité.
25:14Et là, en fait, ça devient assez simple.
25:16Puisqu'il a la personnalité juridique, pour savoir si sa responsabilité pénale peut être mise en cause, il suffit de vérifier si, lorsque un meurtre est commis, comme c'était le cas en l'espèce,
25:31est-ce qu'il y a eu une intentionnalité ? Est-ce qu'il a compris qu'il faisait le bien ou le mal ? D'ailleurs, ici, c'est plutôt le mal que le bien.
25:39Il s'agit de déterminer si l'implant de ce cyborg a fait obstacle à son libre arbitre ou pas.
25:46Les étudiants ont réfléchi et ils ont dit non, l'implant n'a pas fait obstacle, c'est lui.
25:52Alors, est-ce qu'on peut distinguer réellement dans ce cas une erreur de programmation d'un acte délibéré d'un cyborg tel que vous venez de le décrire ?
26:02Nous sommes vraiment, vraiment, comment dirais-je, penchés sur cette question et je vais vous faire un aveu. Nous n'avons pas trouvé la réponse.
26:11Peut-être parce que ici, ce n'est peut-être pas une question à poser de prime abord à un juriste, plutôt peut-être à un ingénieur.
26:19On s'est demandé avec les étudiants de la clinique juridique s'il ne faudrait pas prévoir une sorte de boîte noire qui nous permettrait de voir si l'implant a été défectueux.
26:27Est-ce qu'il y a une erreur de programmation ? Est-ce que c'est l'algorithme qui n'est pas parfait ?
26:33Je vais vous faire un petit aveu, Arnaud, c'est qu'au mois d'octobre va avoir lieu la fête de la science et nous nous sommes en quelque sorte alliés aux étudiants en informatique du campus
26:44pour essayer de démêler, en fait, les différentes options. Là, le juriste ne peut pas répondre seul.
26:50D'accord, donc vous allez répondre à cette question ensemble lors de...
26:53Oui, voilà, dans quelques mois. Enfin, on espère.
26:56Alors, on va essayer de voir sur la question de la responsabilité, puisque c'était le cœur de la question, qui peut être responsable, du coup, des dommages causés par les actions du cyborg ?
27:05Vous semblez dire qu'il a plutôt des aspects humains, ce cyborg, donc il serait responsable de ces actes, c'est ça ?
27:11Ça va dépendre. En fait, cela va dépendre. Si l'implant cérébral est défectueux, s'il y a un implant cérébral qui s'avère défectueux, le responsable, ça va être le producteur de l'implant.
27:21Donc c'est le producteur de l'implant, tout simplement sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux.
27:27Si l'implant n'est pas défectueux, c'est-à-dire si nous sommes face à l'acte délibéré d'un cyborg, qui a la personnalité juridique, on l'a dit tout à l'heure, qui va donc agir lui-même,
27:41eh bien c'est lui le responsable. Le responsable, c'est lui, sur le fondement de la responsabilité du fait personnel, c'est-à-dire la responsabilité fondée sur la faute.
27:50Et puis, dans le cadre de la clinique juridique, les étudiants se sont également posé une autre question, c'est-à-dire qu'ils ont envisagé la responsabilité de l'État.
27:56Parce que ce cyborg, il a intégré les forces de l'ordre françaises. Donc, est-ce que l'État, en choisissant de développer des forces de l'ordre augmentées,
28:08n'a pas pris le risque de perdre le contrôle, en tout cas d'une partie de ces forces ?
28:14Et est-ce que là, il n'y a pas moyen à chercher une faute de l'État, à rechercher la responsabilité de l'État pour l'utilisation d'une méthode dangereuse ?
28:25C'est une question qui peut être très intéressante. On va en venir peut-être aux conclusions attirées de ce procès fictif.
28:31C'est un procès fictif, mais finalement, on pourrait à l'avenir se poser ce type de questions, je pense, avec l'intelligence artificielle,
28:37notamment dans tout ce qui est véhicules autonomes, par exemple, des questions de responsabilité qui pourraient venir.
28:42Oui, oui, oui, c'est ce qui nous attend. C'est vraiment un très joli, c'est un très beau thème de recherche pour les juristes,
28:51qui certainement devront chercher explications peut-être auprès des sciences dures.
28:58Nous, du côté de la clinique, on va poursuivre la réflexion, puisque je vous l'ai dit, justement, on va réfléchir avec les informaticiens.
29:04Et d'une façon plus générale, dans le cadre de la clinique juridique,
29:09C'est une expérience qui va être reconduite avec une autre, nous aurons une autre thématique l'année prochaine.
29:16Mais nous, c'est une expérience qui nous a semblé très intéressante, tout simplement parce que
29:20ce procès fictif nous a permis de tester une méthode différente d'enseigner le droit.
29:27C'est-à-dire, on va sortir de la méthode traditionnelle, formelle, etc.,
29:32que l'on connaît traditionnellement à l'université, pour favoriser un apprentissage par la pratique.
29:39On va conclure là-dessus, sur justement l'apport pour la clinique juridique de ce procès fictif.
29:46Oui, donc incontestablement, l'expérience va être renouvelée,
29:50parce que cette clinique juridique, nous la co-dirigeons depuis l'année dernière,
29:55avec Amandine Cayolle. Amandine Cayolle, c'est ma collègue privatiste.
29:59Moi, je suis, vous l'avez dit, publiciste.
30:02Donc, on a voulu ouvrir cette expérience clinique à l'ensemble des domaines du droit,
30:07en faire une technique qui soit ouverte à l'interdisciplinarité
30:13et qui mette en avant aussi bien le volet scientifique, pédagogique que social.
30:19Ce sera le mot de conclusion. Merci, Maria Castillo.
30:23Je rappelle que vous êtes maître de conférence en droit public à l'Université de Caen-Normandie.
30:27Merci, Arnaud.
30:28C'est le moment de conclure cette émission.
30:29Merci de votre fidélité. Restez curieux et informés.
30:33À très bientôt sur Bsmart for Change.