- 04/07/2025
Vendredi 4 juillet 2025, retrouvez Laurent Julienne (Associé, Lerins), Mélanie Trouvé (Avocate, Chemarin & Limbour) et Victor Mollet (Associé fondateur, Aigue Avocat) dans LEX INSIDE, une émission présentée par Arnaud Dumourier.
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00:00Générique
00:30Bonjour, bienvenue dans Lex Inside, l'émission qui donne du sens à l'actualité juridique du droit, du droit et rien que du droit.
00:38Au programme de ce numéro, on va parler de l'intrapreneuriat.
00:41Ce sera dans quelques instants avec Laurent Julienne, associé au sein du cabinet Le Reims.
00:46On parlera ensuite de l'accord de performance collective avec Victor Mollet, avocat fondateur du cabinet Aig Avocat.
00:54Et enfin, on parlera de la responsabilité pénale des personnes morales en cas de fusion-absorption avec Mélanie Trouvé, avocate au sein de Cheux Marins Limbourg.
01:05Voilà pour les titres de Lex Inside, c'est parti !
01:17On commence tout de suite ce Lex Inside, on va parler intrapreneuriat.
01:21à l'aune du livre blanc du cabinet Le Reims sur l'intrapreneuriat, avec mon invité Laurent Julienne, associé chez Le Reims.
01:28Laurent Julienne, bonjour !
01:29Bonjour !
01:30Alors, on va évoquer les enjeux et défis de l'intrapreneuriat au sein des groupes.
01:36Pour commencer, en quoi l'intrapreneuriat constitue-t-il un levier d'innovation au sein des grands groupes ?
01:43Tout d'abord, l'intrapreneuriat c'est quoi ?
01:46C'est une démarche d'innovation qui est portée par des collaborateurs d'un groupe et qui est présentée à la hiérarchie du groupe
01:53et qui permet de porter une innovation qui a vocation à générer de la valeur, donc à être porteur de facturation
02:05et qui va permettre ainsi de développer des nouveaux produits, des nouveaux services.
02:09Donc c'est vraiment une démarche bottom-up, plutôt que d'être imposée par la direction,
02:14et qui va permettre au groupe de développer des nouveaux services, des nouveaux produits, une nouvelle méthode
02:19et qui va être créatrice de valeur pour lui.
02:21Alors, en quoi ça constitue un levier d'innovation concrètement ?
02:24Ça constitue un levier d'innovation parce que ce groupe de collaborateurs va être animé par l'énergie de l'entrepreneuriat, tout simplement,
02:33et donc va dédier beaucoup de temps, beaucoup d'énergie dans le respect naturellement des règles du cadre du travail,
02:39donc c'est notamment un sujet auquel il faut être vigilant,
02:42mais qui va être porteur de cette énergie avec un objectif qui va bénéficier des moyens matériels financiers du groupe,
02:51donc pour parvenir à cet objectif.
02:54Et donc c'est un levier pour le groupe parce que d'abord, ça permet de valoriser le capital humain,
02:58et puis d'autre part, c'est un levier alternatif d'innovation,
03:02alternatif par rapport à la recherche-développement classique,
03:06alternatif par rapport, par exemple, à un rachat d'une société tierce pour accéder à des nouvelles technologies,
03:12ou encore alternatif par rapport à ce qu'on appelle de l'open innovation,
03:16et qui consiste à faire des accords de partenariat technologique avec des groupes.
03:20Donc c'est une nouvelle méthode de développement.
03:22Alors quand je dis nouvelle méthode, qui est en cours de développement, mais ça existe depuis 10 ou 15 ans.
03:27Donc nouvelle méthode de développement.
03:29Dans cette nouvelle méthode de développement, la gouvernance est fondamentale.
03:34Pourquoi cette gouvernance est un élément clé d'un projet intrapreneurial ?
03:39C'est clé parce qu'on est face à deux logiques qui sont différentes.
03:45Le groupe est dans une logique d'exploitation de ses actifs.
03:50Donc d'optimisation des actifs.
03:52Les porteurs de projets, donc les intrapreneurs, eux, sont dans une logique d'exploration.
03:57Donc ce sont deux logiques qui sont totalement différentes,
04:00qui peuvent parfois créer des étincelles, qui se font front,
04:05et qui notamment créent deux temporalités différentes.
04:07Dans un groupe, lorsqu'on met en place un projet d'investissement,
04:10on attend un retour sur investissement à trois ans à peu près.
04:16Lorsqu'on est dans une logique d'intrapreneuriat,
04:18ce n'est pas trois ans, c'est plutôt cinq ans, voire sept ans,
04:21qu'il va falloir attendre pour qu'on atteigne une forme de rentabilité.
04:24Donc la gouvernance, par rapport à cette difficulté potentielle,
04:30va consister à combiner à la fois la force du groupe,
04:32avec ses ressources matérielles, humaines, techniques,
04:35et la dynamique des porteurs de projets, pour les prises de décision.
04:39Donc avec deux approches qui sont différentes.
04:41Donc il faut combiner ces deux approches au sein des organes de gouvernance de l'entreprise.
04:48Alors c'est important de combiner ces deux approches,
04:50mais il y a un autre élément aussi qui est important,
04:52c'est la charte d'intrapreneuriat.
04:55De quoi s'agit-il, et pourquoi et comment créer une telle charte au sein d'un groupe ?
05:00Alors c'est important parce que, je vais vous donner un exemple.
05:03Par exemple, dans l'organe social qui est chargé de prendre les décisions importantes,
05:10c'est le groupe qui naturellement doit avoir un œil sur la manière dont les fonds qu'il engage,
05:15son exposition financière, est engagé dans le projet d'entrepreneuriat.
05:18Donc les membres du conseil de surveillance,
05:21qui va être l'organe social de contrôle au sein de l'entreprise,
05:23c'est souvent des membres du groupe qui sont désignés.
05:27Bon, si les membres du conseil de surveillance ne peuvent pas agir en autonomie,
05:33et souvent ils ne peuvent pas agir en totale autonomie,
05:35parce qu'eux-mêmes doivent référer à des supérieurs hiérarchiques.
05:38Et donc ça veut dire que quand ils vont prendre une décision,
05:40ils ne vont pas prendre la décision de manière libre ou autonome
05:43en fonction de l'intérêt de l'entreprise,
05:45mais aussi en fonction de ce que pourrait dire le supérieur hiérarchique.
05:49Donc ça c'est très important qu'il y ait une forme d'autonomie.
05:51C'est l'un des objets de la charte d'entrepreneuriat.
05:55L'autre objet de la charte d'entrepreneuriat,
05:57ça va être de faire de la pédagogie pour expliquer à tous les collaborateurs
06:01et tous les membres du groupe ce que c'est que l'entrepreneuriat,
06:03les apports que ça peut apporter, c'est-à-dire ce qu'on se disait tout à l'heure,
06:07capital humain, levier technologique,
06:10et d'expliquer comment ça fonctionne,
06:13quel est le parcours, le timing, les moyens qui sont engagés.
06:16Donc on met tout noir sur blanc, grosso modo, pour définir le cadre du projet
06:21et pour essayer de libérer les énergies et favoriser l'émergence de ces projets.
06:27Un élément aussi qui est important, c'est de diffuser cette culture de l'entrepreneuriat.
06:32Alors comment fait-on au sein des groupes pour diffuser cette culture ?
06:36Alors ça c'est une question assez difficile.
06:40L'entrepreneuriat en France existe depuis 10 ou 15 ans
06:42et se développe de manière progressive,
06:44et mais de manière accélérée au cours de ces dernières années.
06:48Et ce qu'on observe, c'est que c'est assez difficile,
06:52la fiche de poste d'entrepreneur n'existe pas dans les groupes.
06:54De même que la fiche de poste de membre d'un conseil de surveillance d'une entreprise n'existe pas.
07:00C'est un peu la personnalité de l'entrepreneur qui fait un peu le projet, non ?
07:04C'est un peu ça ?
07:04C'est ça et en même temps il faut le cadrer.
07:07Donc il faut essayer de figer ça.
07:08Et comment le cadrer ?
07:09On a la charte d'entrepreneuriat,
07:11mais derrière cela il y a aussi une culture qu'il faut essayer de créer.
07:14Donc des référentiels.
07:17Et ce qui est important, c'est que cette prise de conscience qui est en cours dans les groupes
07:21ne doit pas se faire forcément de manière repliée sur soi.
07:25C'est important de développer cette culture de l'entrepreneuriat
07:28en créant des structures, ce qu'on appelle notamment des high-lib,
07:31en créant des parcours d'entrepreneuriat,
07:34en créant des formations,
07:35et puis surtout en permettant des échanges entre les groupes.
07:38Parce qu'en France on a quand même deux atouts formidables,
07:40c'est que d'une part on a des groupes de dimension internationale qui sont performants,
07:44et puis d'autre part on a un écosystème de start-up qui est aussi reconnu mondialement.
07:48L'objectif de l'entrepreneuriat, c'est d'utiliser le meilleur des deux,
07:52de les faire se combiner grâce à une bonne gouvernance
07:54pour pouvoir créer des choses intéressantes et de la création de valeur.
07:57Ça veut dire que les retours de projets qui ont déjà été menés
08:00vont servir pour lancer d'autres projets ?
08:02C'est un peu ça que vous dites ?
08:03Absolument, c'est le retour d'expérience.
08:06Et notamment dans les groupes,
08:07c'est très important d'associer à de futurs projets d'entrepreneuriat
08:11les anciens alumni qui ont travaillé antérieurement sur des projets d'entrepreneuriat
08:15parce que l'entrepreneuriat, c'est un concept qui est vivant,
08:18qui doit évoluer.
08:18La charte d'entrepreneuriat doit évoluer chaque année,
08:21les projets doivent évoluer chaque année,
08:23les parcours doivent évoluer chaque année
08:25parce que les générations se succèdent et ne se ressemblent pas
08:28parce qu'on doit aussi apprendre de ses échecs.
08:30Et c'est là aussi l'un des intérêts pour les groupes.
08:33Et c'est la raison pour laquelle cette culture doit être une culture en mouvement ouverte.
08:38Et aussi j'imagine qu'on se sert des valeurs de l'entreprise
08:42mais aussi des enjeux actuels, durabilité,
08:45transformation numérique avec l'intelligence artificielle.
08:48C'est vrai que l'entrepreneuriat se positionne souvent
08:52sur des thèmes qui sont d'actualité.
08:56Il y a souvent des projets qui tournent autour de la décarbonation,
08:59d'ailleurs qui passent aussi par la création d'entreprises
09:01sous la forme de sociétés à mission.
09:04Et ce sont des thèmes que l'on voit régulièrement.
09:06Mais on trouve des projets d'entrepreneuriat
09:10dans le domaine de l'industrie, des services, de l'IA naturellement.
09:14Et le spectre des possibles est très très large.
09:17On va conclure là-dessus.
09:18Merci Laurent-Julienne.
09:20Je rappelle que vous êtes associé au sein du cabinet Laurens.
09:23Merci.
09:23Tout de suite l'émission continue.
09:25On va parler de l'accord de performance collective.
09:27On poursuit ce Lex Inside.
09:39On va parler de l'accord de performance collective
09:42avec mon invité Victor Mollet,
09:44associé fondateur du cabinet Aig Avocat.
09:46Victor Mollet, bonjour.
09:47Bonjour Arnaud.
09:48On va rentrer tout de suite dans le vif du sujet.
09:51Qu'est-ce qu'un accord de performance collective ?
09:53Petit rappel historique, l'accord de performance collective,
09:58c'est un outil qui a été créé par les ordonnances du 22 septembre 2017,
10:03quelques mois après l'élection d'Emmanuel Macron.
10:06Et c'est un outil qui est à disposition des entreprises,
10:09qui permet aux employeurs de s'adapter aux hausses,
10:13comme à la baisse des marchés.
10:15Et donc, c'est un outil qui, par la voie de la négociation interne,
10:20permet de négocier des clauses,
10:24qui permettent de modifier les contrats de travail
10:27et qui permet de conserver ou d'augmenter la compétitivité des entreprises.
10:32On va s'intéresser maintenant aux situations
10:33dans lesquelles on peut négocier un accord de performance collective.
10:37Concrètement, pour quel motif un accord de performance collective peut être négocié ?
10:42Alors, il y a trois motifs.
10:43Le premier motif, c'est l'aménagement de la durée du travail,
10:48ses modalités d'organisation et de répartition.
10:52Le deuxième motif, c'est l'aménagement de la rémunération.
10:56Et le troisième motif, c'est la détermination des conditions de mobilité professionnelle
11:00ou géographique interne à l'entreprise.
11:03Alors, dans quel cas concret on va pouvoir utiliser,
11:07c'est un accord de performance collective.
11:10Ça va être dans le cas où on redéfinit un nouvel horaire de travail,
11:13où on modifie les forfaits annuels en jour,
11:17où on révise la politique de rémunération contractuelle,
11:21ou dans le cas où on souhaite redéployer le personnel sur des sites de production,
11:26ou dans le cas où on va modifier des fonctions.
11:28Voilà quelques exemples où on peut utiliser l'accord de performance collective.
11:32Mais dans tous les cas, ces aménagements doivent se faire dans le respect des dispositions légales ou conventionnelles,
11:39durée maximale du travail, respect des heures supplémentaires, respect du SMIC et des minimas conventionnels.
11:45Alors, un autre point qui me vient en tête,
11:47est-ce qu'un accord de performance collective est nécessairement conclu quand il y a des difficultés économiques ?
11:54Alors, pas nécessairement.
11:55C'est-à-dire que vous avez la possibilité de conclure un accord de performance collective
11:59lorsqu'il y a des difficultés économiques,
12:02mais ce n'est pas une condition.
12:04C'est-à-dire que vous pouvez aussi conclure un accord de performance collective
12:07lorsque vous êtes en période de surcroît d'activité.
12:11En revanche, l'accord de performance collective ne doit pas être utilisé
12:16pour contourner les règles légales de la procédure de licenciement économique.
12:21Puisque si vous faites ça, vous risquez des sanctions pénales.
12:25Il peut y avoir la qualification d'un abus de droit.
12:28Et vous risquez la requalification des licenciements
12:31qui suivent l'application de l'accord de performance collective,
12:35la requalification des licenciements, licenciements sans cause réelle et sérieuse.
12:38Donc des conséquences qui sont lourdes.
12:40Des conséquences qui sont très lourdes.
12:41Alors on va venir maintenant au cas où le salarié accepte un accord de performance collective.
12:48Qu'est-ce qui se passe quand le salarié accepte un accord de performance collective ?
12:52Alors, tout d'abord, comment on propose les modifications qui découlent d'un accord de performance collective ?
12:58Tout d'abord, vous allez informer le salarié de la possibilité d'accepter l'accord de performance collective.
13:04Il a un mois pour répondre, sachant que le silence vaut acceptation.
13:08D'accord.
13:09Et à l'issue de ce délai d'un mois, s'il n'a pas répondu ou s'il a accepté,
13:13les clauses prévues dans l'accord de performance collective vont se substituer automatiquement
13:19aux clauses contraires ou contradictoires au contrat de travail.
13:22Ça veut dire quoi concrètement ?
13:24Alors concrètement, qu'est-ce que ça veut dire ?
13:25C'est-à-dire que si vous avez par exemple une durée du travail qui est mentionnée dans votre contrat de travail qui prévoit 35 heures hebdomadaires.
13:34Si vous prévoyez un nouvel horaire de travail hebdomadaire, 40 heures, dans votre accord de performance collective,
13:42les 40 heures vont se substituer automatiquement aux 35 heures prévues dans votre contrat de travail.
13:46D'accord. Maintenant, on va voir le cas où le salarié refuse l'accord de performance collective.
13:51Qu'est-ce qui se passe ?
13:52Alors si le salarié refuse l'accord de performance collective,
13:56l'employeur a la possibilité de notifier, d'engager une procédure de licenciement à la compte de ce salarié
14:03dans un délai de deux mois à compter du refus.
14:07D'accord.
14:08Quelle est la qualification de ce licenciement ?
14:10C'est un licenciement sui generis.
14:13Qu'est-ce que ça implique ?
14:14Ça implique le versement de l'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement, l'indemnité la plus favorable,
14:18et le versement de l'indemnité de préavis.
14:21D'accord.
14:22On va revenir sur la négociation de l'accord de performance collective pour bien comprendre
14:26avec qui on négocie un accord de performance collective.
14:30Alors, avec qui on négocie ?
14:33Si vous avez un délégué syndical dans votre entreprise,
14:36vous allez nécessairement négocier avec les organisations syndicales représentatives.
14:42Les conditions de validité, elles sont relativement simples.
14:46Il faut obtenir 50% des suffrages exprimés lors du premier tour des organisations syndicales représentatives signataires.
14:54Si vous n'avez pas atteint ces 50%, c'est 30% la condition.
14:59Et il y a une deuxième condition, il faut que ce soit approuvé par référendum par la majorité des salariés.
15:0730% des organisations syndicales représentatives, et ensuite référendum, et là il faut la majorité des salariés.
15:14D'accord. Alors comment on fait pour obtenir l'adhésion des négociateurs ?
15:18Alors comment obtenir l'adhésion des négociateurs ? C'est une très bonne question.
15:22Il faut que ce soit un accord win-win. Il faut que chacun y trouve son intérêt.
15:27Donc si vous proposez une modification qui peut être perçue comme défavorable,
15:32il faut impérativement la compenser par un autre dispositif.
15:36Il faut qu'il y ait un équilibre.
15:37Il faut qu'il y ait un équilibre.
15:38Exactement. C'est très important de rechercher cet équilibre pour obtenir l'adhésion des organisations syndicales représentatives,
15:46et après obtenir l'acceptation des salariés.
15:51Aujourd'hui, si on regarde cet outil depuis qu'il a été créé, l'accord de performance collective, quel bilan on peut en faire ?
15:58Alors, quel bilan on peut en faire ? Il y a eu, depuis 2017, une augmentation des accords de performance collective conclue de 2017 à 2020.
16:11Après, ça a été utilisé notamment dans la période Covid, 2020-2021. Et là, ça a tendance un peu à stagner.
16:17Pourquoi ça stagne en ce moment ?
16:19Pourquoi ça stagne ? Parce que c'est un outil qui n'est pas forcément connu de la part de tous les employeurs.
16:24On n'a pas forcément l'habitude de cet outil, alors que c'est un outil de négociation qui est très fort,
16:34et qui permet de trouver des solutions équilibrées pour réorganiser les entreprises.
16:40Donc, c'est assez intéressant.
16:42Et comment vous voyez à l'avenir l'utilisation de cet outil ?
16:46Comment je le vois ? Je le vois vraiment comme une opportunité pour les entreprises,
16:51pour revoir certains aménagements de la durée du travail, certains dispositifs de rémunération.
16:58C'est vraiment un outil qui doit être regardé de près par les entreprises.
17:02Merci. On va conclure là-dessus. Je rappelle, Victor Mollet, que vous êtes avocat fondateur du cabinet Aig Avocat.
17:09Tout de suite, l'émission continue. On va parler de la responsabilité pénale des personnes morales en cas de fusion-absorption.
17:17On poursuit ce Lex Inside. On va parler de la responsabilité pénale des personnes morales en cas de fusion-absorption
17:34avec mon invité Mélanie Trouvé, avocate chez Chemarin et Limbourg. Mélanie Trouvé, bonjour.
17:40Bonjour.
17:41Nous allons aborder ensemble la question de la responsabilité pénale des personnes morales en cas de fusion-absorption.
17:48Tout d'abord, pour commencer, pouvez-vous revenir sur la jurisprudence fondatrice de la responsabilité pénale de la société absorbante ?
17:57Oui, bien sûr. C'est une jurisprudence de la Cour de cassation qui date de novembre 2020 maintenant,
18:02qui a eu un revirement de jurisprudence pour se mettre en conformité finalement avec le droit européen
18:07et avec une jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne.
18:11qui, elle, datait déjà de 2015 à l'époque.
18:13Donc la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne consacrait en fait la possibilité de transmettre
18:19la responsabilité de la personne morale absorbée, qui avait commis une faute avant la fusion,
18:24vers la personne morale absorbante.
18:28En droit français, on avait un peu de mal avec cette conception,
18:30parce qu'on avait finalement, nous, une conception très anthropomorphique de la personne morale.
18:35Et les juges français considéraient que la fusion avait pour conséquence finalement la liquidation du patrimoine de la société absorbée,
18:43ce qui empêchait un transfert de responsabilité vers la société absorbante.
18:48Donc la jurisprudence de la Cour de cassation est revenue sur cette vision anthropomorphique des choses.
18:53Et finalement, la Cour de cassation a considéré depuis 2020
18:57qu'il y a effectivement un transfert de patrimoine entre la société absorbée et la société absorbante
19:01et une continuité économique entre les deux entités,
19:04ce qui permet, in fine, un transfert de responsabilité vers la société absorbante.
19:08Alors, il y a un autre arrêt important, un arrêt du 29 avril 2025,
19:14qui permet de mieux comprendre les arrêts que vous venez de citer de 2020 et 2024,
19:20notamment sur les aspects procéduraux,
19:22et qui pose la question d'une responsabilité du fait d'autrui.
19:26Pouvez-vous revenir sur cette décision et nous expliquer les enseignements ?
19:31Oui, alors d'abord, effectivement, on avait eu cette jurisprudence de 2024,
19:35de mai 2024, très récente,
19:36qui permettait de voir à quel point, finalement,
19:39la Cour de cassation étendait le revirement qu'elle avait opéré en 2020.
19:43Puisqu'en 2020, il était certain que ce revirement s'appliquait aux sociétés anonymes,
19:47puisque la Cour de cassation faisait référence à une directive européenne
19:50qui visait l'effusion-absorption des sociétés anonymes.
19:53Et puis, il était assez patent également que ça concernait également les sociétés par action simplifiée,
20:00puisque, en l'espèce, c'était une société par action simplifiée
20:02qui était concernée par cette jurisprudence.
20:04Et c'est en 2024, effectivement, qu'on a eu également une précision concernant les sociétés à responsabilité limitée.
20:11Et la Cour de cassation est venue nous dire que ça les concernait également.
20:14Donc, on a quand même toute une palette assez large de formes sociales qui sont concernées.
20:19Cette jurisprudence, cette fois du 29 avril 2025, très récente, montre que le champ de possibilités des questionnements
20:30ouverts en 2020 par la Cour de cassation est encore patent aujourd'hui,
20:33et notamment sur des points procéduraux, et en l'occurrence sur la question de l'effet dévolutif de l'appel de la société absorbée.
20:39Donc, en l'occurrence, ici, on avait deux sociétés condamnées en première instance sur la culpabilité, sur la peine,
20:48au sujet de blessures involontaires infligées à un salarié ayant entraîné, donc, trois mois d'interruption totale de travail.
20:56D'accord.
20:56On a, du coup, ces deux sociétés qui ont fait chacune appel pour leur compte.
21:00La société absorbante d'une part, la société absorbée d'autre part, sauf qu'entre-temps, entre la première instance et l'appel,
21:07eh bien, elles ont fusionné.
21:09Donc, ça a posé un petit souci à la Cour d'appel, qui a fini par dire que l'appel de la société absorbée était irrecevable,
21:15ainsi du même coup que l'appel incident du ministère public.
21:17Pourquoi ? Parce qu'il y avait une disparition de sa personnalité morale, et donc une impossibilité de faire appel pour elle.
21:23Mais elle dit également, la Cour d'appel, que du même coup, la décision de première instance est définitive,
21:29et que finalement, il n'y a pas de possibilité pour la personne morale absorbée.
21:34Donc, plus de voie de recours, c'est ça ?
21:35C'est ça, plus de voie de recours, ce qui est quand même assez problématique au regard de notre droit français,
21:39qui, justement, prévoit un second degré de juridiction.
21:43Donc, la Cour de cassation est venue casser partiellement l'arrêt d'appel.
21:47Elle dit, effectivement, la société absorbée ne peut pas, pour son propre compte, faire appel, puisqu'elle n'existe plus.
21:51En revanche, la décision de première instance n'est pas définitive,
21:55et l'appel de la société absorbante englobe, finalement, le cas de la société absorbée.
22:00Et comment est-ce qu'elle justifie ça, la Cour de cassation ?
22:03En reprenant, finalement, un principe assez basique, qui est l'effet dévolutif de l'appel et l'acte d'appel.
22:10Et elle regarde l'acte d'appel de cette société absorbante, et elle voit, effectivement, que c'est un acte d'appel très large,
22:15qui ne circoncie pas l'appel à, finalement, uniquement la société absorbante,
22:21mais parle de manière plus globale de la société absorbée, pardon, également.
22:25Elle regarde également les moyens qui sont développés par la société absorbante dans ses conclusions,
22:30et elle voit que ces moyens englobent également le cas de la société absorbée.
22:33Donc, finalement, elle nous dit, cette Cour de cassation, que la société absorbante peut agir pour le compte de la société absorbée.
22:45Et elle vient, enfin, faire une petite précision un peu plus étonnante.
22:49Elle vient guider, en fait, la juridiction de renvoi, en disant que la juridiction de renvoi aura statué,
22:54non seulement sur la culpabilité et la peine de la société absorbée,
22:57mais également sur la peine de la société absorbante, alors même que sa culpabilité n'a pas été cassée.
23:04Ce qui pose quand même une petite question sur, notamment, la condamnation, effectivement, du fait des agissements d'auterie,
23:11mais aussi sur le fait d'être condamné doublement pour une sanction de même nature,
23:17ce qui est prohibé par le Code pénal,
23:19parce que, en fait, la Cour de cassation ne fait pas de renvoi à cet article
23:22qui prohibe, justement, la condamnation à deux amendes envers une même personne pour des faits de même nature,
23:30ce qui pose, effectivement, un souci sur le cumul de la peine.
23:33Donc, cette jurisprudence, elle est très intéressante, puisqu'elle renforce, effectivement, cette idée du second degré de juridiction,
23:40et vient dire que la société absorbée a droit à ce second degré de juridiction,
23:43et elle est quand même aussi très importante pour la société absorbante,
23:46puisque, elle, c'est, in fine, elle qui va subir les coups.
23:49Elle va, bien sûr, de l'action.
23:51Exactement. Donc, il est important qu'elle puisse, effectivement, faire appel de cela.
23:54Alors, on voit qu'il y a un mouvement jurisprudentiel sur cette responsabilité pénale des personnes morales.
24:00Il y a aussi la Cégip Areva Orano, qui apporte d'autres éléments,
24:05qui consacre pour la première fois un partage des obligations entre la société absorbante
24:10et la société cessionnaire et la société cédante,
24:16pour des faits de corruption d'agents publics étrangers en l'espèce commis avant la cession.
24:22Est-ce que ça marque un changement de paradigme avec cette Cégip Areva Orano
24:27dans l'appréhension de la responsabilité pénale des personnes morales lors de restructuration ?
24:34Ça montre que la justice négociée, finalement, s'inscrit dans le sillage de la jurisprudence de la Cour de cassation
24:41et prend le pas, en fait, sur, effectivement, la prise en compte de ces restructurations d'entreprises
24:48avant le jugement ou avant la Convention judiciaire d'intérêt public.
24:54Et donc, effectivement, dans cette Convention judiciaire Areva Orano,
24:59on a un partage des responsabilités qui est fait entre Areva qui supporte l'amende,
25:04Orano qui supporte le coût du contrôle et la mise en conformité,
25:09alors même qu'effectivement, Orano n'était pas du tout responsable à l'époque des faits,
25:13mais il y a eu, effectivement, cette cession d'actifs qui est intervenue avant la Convention judiciaire d'intérêt public.
25:17Est-ce qu'en définitive, il faut anticiper les risques juridiques des faits antérieurs à la cession ?
25:24Voilà ce qu'on peut retenir un peu de ce mouvement jurisprudentiel et de la Cégip ?
25:28Oui, bien sûr, anticiper, notamment pour le dirigeant de la société absorbante,
25:31puisque, in fine, c'est elle qui subira les risques.
25:34Alors, comment faire avec des audits juridiques de plus en plus poussés ?
25:37Ce qui n'est pas forcément facile, parce que souvent, il s'agit de faits qui sont dissimulés,
25:41donc, effectivement, c'est un peu complexe à avoir au moment d'une fusion.
25:45Et puis, on a aussi à mettre en place des clauses contractuelles lors de la fusion,
25:50notamment de déclarations et de garanties assez fortes pour essayer de se prémunir contre ces risques.
25:55Et puis, pour en revenir à la fameuse jurisprudence du 29 avril dernier,
25:59on a quand même une petite piqûre de rappel pour les avocats sur l'importance de l'acte d'appel,
26:04de sa rédaction, en fonction de la stratégie juridique qu'on veut mettre en œuvre.
26:08On va conclure là-dessus. Merci, Mélanie Trouvé.
26:10Merci à vous.
26:11Je rappelle que vous êtes avocate chez Chemarin et Limbourg.
26:14Merci.
26:14C'est la fin de cette émission. Merci de nous avoir suivis.
26:17Restez curieux et informés. À très bientôt sur Be Smart for Change.
26:20Sous-titrage Société Radio-Canada
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