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Dans son édito du 27/05/2025, Mathieu Bock-Côté revient sur [thématique de l'édito]

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Transcription
00:00On pourrait dire que c'est une loi non historique parce qu'elle marque un changement dans la conception de l'être humain
00:05à partir duquel nous pensons la mort, mais non seulement la mort, mais aussi la naissance en fait l'ensemble de l'existence.
00:11Ce qu'on pourrait appeler une révolution anthropologique ou même une révolution religieuse si on décidait d'aller jusqu'au bout de notre pensée.
00:17La conception de l'être humain sur laquelle repose le système va basculer.
00:22Alors, point de départ, la France ne s'engage pas dans cette loi sans savoir ce qui s'est passé à l'étranger.
00:27On a eu l'occasion d'en parler, donc elle n'est pas sur le mode « nous sommes la nation qui se lance la première dans cette loi révolutionnaire ».
00:35On a vu ce que ça a donné au Canada, on a vu ce que ça a donné en Belgique, on a vu ce que ça a donné en Suisse,
00:41et le résultat est toujours le même, même si on nous annonce au début des mesures, des normes, un cadre contraignant pour limiter l'aide active à mourir.
00:50Et qu'il ne l'est pas tant que ça en France.
00:51Ben voilà, mais on nous dit que néanmoins il y a des cadres, donc ce qu'on voit partout, c'est que dès que ces cadres sont posés, ils sont faits pour être démantelés.
01:00Donc ces cadres, partout, on les inscrit dans le débat avec l'idée suivante,
01:06« Ne vous en faites pas, c'est une loi pour quelques cas exceptionnels, consentez au principe et cela n'ira pas trop loin ».
01:13Mais nous avons vu que dans tous les cas où l'aide active à mourir s'est imposée, partout, les cadres, les limites, les contraintes ont fini par tomber assez rapidement.
01:23Et ça ne changera pas, et ça va être la même chose en France, on peut être absolument certain,
01:27d'ici quelques jours, quelques semaines, quelques mois, quelques années, mais je dirais quelques mois,
01:31on va nous dire « D'accord, une fois qu'on a accepté l'aide à mourir pour certains, est-ce qu'on pourrait élargir l'accès à l'aide à mourir ? »
01:38Je note que, par exemple, au Québec, en ce moment, le débat, c'est pour les cas de dépression.
01:42Si vous êtes très malheureux dans l'existence, si vous êtes dépressif, est-ce que vous êtes en droit de réclamer votre droit à l'aide à mourir ?
01:48Donc sachons que ça existe en Belgique aussi, c'est le cas.
01:51C'est une loi révolutionnaire, je l'ai dit, qui se cache derrière une loi pragmatique.
01:55On dit que c'est une loi pragmatique, on a aujourd'hui des gens qui souffrent terriblement, vous n'êtes pas pour la souffrance, Christine.
01:59Si vous n'êtes pas pour la souffrance, pourquoi vous n'acceptez pas l'idée que ces quelques personnes, qui ne sont pas nombreuses,
02:04puissent quitter ce monde dignement en cessant de souffrir ?
02:07Ça, c'est l'argument pragmatique.
02:09Dans les faits, c'est une loi qui vient changer notre rapport à la médecine, à la mort, aux soins, et ainsi de suite.
02:15Premier point qu'on doit rappeler, changement de rapport à la médecine.
02:19La médecine n'a pas pour vocation de donner la mort, normalement.
02:23Comment on a réussi à contourner ça dans le débat public ?
02:26C'est une expression qui vient d'ailleurs dans le monde francophone.
02:29On parle des soins de fin de vie.
02:31Donc des soins de fin de vie, c'est une manière tout à fait délicate de dire des soins de mort, en quelque sorte.
02:36Donc les soins de fin de vie, on a renversé le rapport à la médecine.
02:39Il ne s'agit plus de sauver, il s'agit tout simplement quelquefois d'accélérer la mort.
02:44Deuxièmement, et c'est une chose importante, c'est un triomphe d'une anthropologie de l'individu absolu.
02:50Plus rien ne doit entraver ses désirs.
02:53Si le désir est celui de mourir, je précise que le suicide est une option qui existe dans toutes les sociétés, dans toutes les civilisations, à toutes les époques.
03:00Ça existe comme possibilité.
03:01Et qui n'est pas interdit.
03:02Bien sûr, donc chacun, en son âme et conscience, c'est une question philosophique de toujours.
03:06Mais là, on parle d'autre chose ici.
03:08On parle du droit réclamé que l'État me donne la mort si je le souhaite, selon les circonstances qui, pour l'instant, sont limitées, mais demain ne le seront pas.
03:18Quand je parle d'une nouvelle anthropologie, c'est une conception de l'individu absolu, et je reviendrai dans un instant,
03:25on est dans un monde où l'individu veut presque s'autocréer en toutes circonstances.
03:28Il rêve de s'extraire de toute filiation, il rêve de s'extraire de sa biologie, il rêve de s'extraire de son sexe, il rêve de s'extraire de sa famille, il rêve de s'extraire de sa culture.
03:37Eh bien, il veut aussi maîtriser, et je reviendrai dans un instant, maîtriser sa mort, tout simplement, comme s'il s'agissait d'une décision parmi d'autres, dans une existence.
03:45C'est aussi une technicisation de la mort, c'est-à-dire une technisation qui perd toute sa part de mystère.
03:50J'ajouterais que c'est une déspiritualisation intégrale de la mort, que l'on soit croyant ou que l'on ne soit pas croyant,
03:56le fait de traiter la mort comme un fait divers biologique parmi d'autres dans une trajectoire humaine n'est peut-être pas la saine manière d'aborder ce mystère tragique.
04:03Sous-titrage Société Radio-Canada

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