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Dans son édito du 18/10/2025, Mathieu Bock-Côté revient sur [thématique de l'édito]

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00:00Et je crois qu'on doit reprendre cette question à neuf « qu'est-ce qu'une nation »
00:03parce que j'ai vu ce débat cette semaine, et j'y reviendrai dans un instant,
00:07prendre de la place le fameux débat sur les patriotes de la diversité.
00:10Qu'est-ce qu'on entend par les patriotes de la diversité ?
00:13Est-ce que nous sommes devant un type nouveau de patriotisme, un dévoiement du patriotisme ?
00:16J'y reviendrai dans un instant, mais j'aimerais la reprendre à travers la question « qu'est-ce qu'une nation ? »
00:21« Qu'est-ce qu'une nation ? » parce que là, à se dire le patriotisme, patriotisme, patriotisme.
00:25Patriotisme réfère à patrie, mais de quelle patrie parlons-nous ?
00:28Alors, petit détour historique nécessaire, 1882.
00:321882, c'est la conférence de Renan en Sorbonne, où il répond à la question « qu'est-ce qu'une nation ? »
00:38Le contexte, on le sait, il s'agit de légitimer le fait que l'Alsace et la Lorraine reviennent un jour sous souveraineté française,
00:46même si elles sont culturellement plus proches de l'Allemagne.
00:49Donc, que nous dit dans ce contexte, qui fait suite à un conflit, bien évidemment ?
00:53Eh bien, Renan nous dit qu'une nation, c'est d'abord et avant tout une volonté de vivre en commun,
00:57un plébiscite quotidien, dit-il.
00:59Donc, les Allemands ont une conception de la nation, c'est de la culture, c'est même la race, on le sait, au fil de l'histoire,
01:04mais c'est essentiellement, disons, la culture.
01:06Et de l'autre côté, la France, c'est une nation politique, une nation civique, diront certains.
01:11Donc, on aurait deux modèles de nations qui s'opposeraient.
01:14Dans les faits, c'était plus compliqué que ça.
01:16Renan avait une vision de la nation beaucoup plus riche que ce qu'on a dit.
01:18Moi, je vois des tonnes de gens citer Renan sans arrêt en disant « plébiscite quotidien ».
01:22Chez Renan, il parle d'un principe spirituel, il parle d'une âme, il parle de la continuité des générations,
01:27il parle de l'enracinement.
01:29Donc, Renan parle de tout ça, mais il ajoute aussi, effectivement, le plébiscite quotidien.
01:33Ajoutons une chose, la définition française de la nation dont on a parlé pendant des années,
01:37elle s'accompagnait du principe d'assimilation.
01:40L'assimilation, c'est-à-dire le fait de devenir comme la société d'accueil.
01:44À Rome, fait comme les Romains. Ça, il ne faut pas l'oublier, l'assimilation, ça ne consiste pas simplement à respecter les valeurs de la République.
01:51L'assimilation consiste à devenir comme le peuple qui m'accueille.
01:55Or, qu'est-ce qu'on voit en France, mais partout en Occident aussi, depuis quelques décennies,
02:02eh bien, la nation s'effondre devant nous.
02:04Elle s'effondre symboliquement, on la conteste, parce que la nation serait l'autre nom du racisme,
02:09la nation serait l'autre nom de l'intolérance.
02:12Elle, donc, une forme de pression qui pousse à la haine de soi.
02:16Il y a évidemment l'immigration massive qui change la composition démographique du pays.
02:20Et il y a aussi, en France, ne l'oublions pas, la pression de l'idéologie révolutionnaire,
02:23qu'on nomme aujourd'hui républicanisme,
02:25qui consiste à réduire le contenu culturel de la nation
02:28pour la définir seulement par le culte des valeurs républicaines ou de l'État de droit.
02:32Et c'est ici qu'apparaissent les Patriotes de la diversité,
02:35ce mouvement créé il y a quelques mois,
02:37et qui cherche à faire entendre une voix nouvelle dans le débat sur le patriotisme.
02:40Alors, que nous disent-ils? On comprend la bonne foi du geste.
02:42Ce sont des gens qui disent qu'il n'est pas nécessaire d'être d'origine française
02:47pour être un bon français et pour être un patriote français.
02:52Et c'est très vrai.
02:53On peut avoir une origine autre et embrasser le destin d'un pays.
02:57Mais pourquoi y a-t-il un malaise autour de ces Patriotes de la diversité?
03:02Parce que le point de référence dans cette formule Patriotes de la diversité,
03:05c'est diversité plutôt que patriote.
03:08Ça consiste à dire que nous avons des origines autres,
03:11nous revendiquons nos origines autres,
03:13quelles qu'elles soient, musulmanes, orthodoxes, bulgares, congolaises,
03:18ayez la référence que vous souhaitez.
03:21Et à partir du respect de cette identité première,
03:25nous nous reconnaissons comme citoyens français, comme patriotes français.
03:29Donc, dans cette logique, la diversité est première et la nation est seconde.
03:34Et c'est pour ça que j'ai dit cette semaine, et je le redis ce soir,
03:37quand on est patriote, on n'est pas patriote de la diversité,
03:40on est patriote tout court.
03:41Parce que ça veut dire que si on est patriote, c'est qu'on embrasse la nation,
03:44on s'assimile à la nation, on embrasse la nation,
03:47et dès lors, on ne se revendique plus de son identité ethno-culturelle d'origine.
03:52On s'approprie la nation et on apprend à dire nous avec elle.
03:56Donc là, le problème, c'est assez,
03:57on est devant une forme d'inversion, en fait, de la référence nationale
04:00avec ces Patriotes de la diversité.
04:01Ils disent la diversité est première et certains vont même plus loin
04:04en disant oui, la diversité, il y a de la place pour tout le monde,
04:07il y a même de la place pour ceux qu'on appelle les Blancs
04:08ou les Français de souche ou les Français d'origine française,
04:11on ne sait plus exactement comment les nommer.
04:13Là, ça, c'est l'inversion de l'intégration, vous le noterez.
04:16Si on dit oui, oui, il y a même de la place pour les Français d'origine française
04:19dans les Patriotes de la diversité,
04:22ça consiste à dire finalement que le peuple historique français,
04:26la nation historique, est une communauté parmi d'autres
04:29dans la diversité française.
04:30Et ça, une société qui inverse le devoir d'intégration,
04:34une société qui pousse chacun à se définir d'abord par son identité d'origine,
04:38quitte ensuite à les rassembler dans un vivre-ensemble tricolore,
04:41on appelle ça le multiculturalisme.
04:44Le multiculturalisme est une idéologie très particulière,
04:47anglo-saxonne à bien les égards, mais pas seulement.
04:50Et donc, je dirais, là, on nous a dit,
04:51oui, mais ces Patriotes de la diversité brandissent le drapeau,
04:54brandissent le drapeau sans cesse.
04:55Oui, mais il ne suffit pas de brandir le drapeau et de répéter patriotisme
05:00pour d'un coup célébrer le peuple français.
05:03Il faut en prendre le pli culturellement, le pli sur le plan identitaire.
05:07Or, si j'entends bien le discours de ces Patriotes de la diversité,
05:09ils disent vivre ensemble, ils disent le drapeau,
05:12ils disent la diversité, ils disent valeur républicaine.
05:14Et le peuple historique français lui semble un peu absent dans ce récit.
05:17Il y a donc à vous entendre plusieurs définitions,
05:20Mathieu Bocoté, de la nation et des définitions qui s'opposent aujourd'hui.
05:23Et c'est justement l'enjeu aujourd'hui en France.
05:26On veut dire qu'il y a trois grandes définitions de la nation
05:28qui s'opposent aujourd'hui en France.
05:30La première, c'est la définition de l'extrême-centre,
05:33donc la mouvance macroniste pour l'essentiel,
05:36qui a une vision, mais aussi du Parti socialiste,
05:39une partie de la droite à l'air.
05:41Cette vision, c'est quoi ?
05:42Ça consiste à dire c'est le vivre ensemble technocratique et républicain.
05:46Donc, on nous dit qu'est-ce que c'est adhérer à la France ?
05:48Et là, on se réclame de ce patriotisme.
05:50C'est respecter les valeurs républicaines,
05:51adhérer aux valeurs républicaines,
05:53célébrer le régime républicain,
05:55ce qui cause déjà problème.
05:56Que faire du long passé monarchique français ?
05:59Est-ce que la France d'avant la République était française ?
06:02Est-ce qu'elle vaut la peine d'être mentionnée ?
06:04Et peut-on aujourd'hui confesser quelques tendresses
06:06pour les rois qui ont fait la France
06:07sans pour autant être traités de mauvais français ?
06:11Donc là, on nous dit que ce sont des principes partagés,
06:13c'est l'Europe de plus en plus, vous le noterez.
06:16À la rigueur, c'est peut-être une langue.
06:17Ah oui, c'est la langue française,
06:18la langue comme instrument de communication,
06:20mais ce n'est plus le peuple français,
06:22au sens historique du terme,
06:24capable évidemment d'intégrer,
06:25d'assimiler des gens qui viennent d'ailleurs.
06:27Donc, c'est le vivre ensemble technocratique.
06:29Deuxième élément, deuxième définition,
06:31c'est la définition mélenchonienne.
06:33La créolisation de la France,
06:34la nouvelle France, dit-il.
06:36Et ça, j'aime toujours rappeler pour la chose,
06:38la nouvelle France, historiquement,
06:39ça veut dire quelque chose,
06:40c'était la France en Amérique.
06:41C'était le premier nom de l'Amérique,
06:43c'était l'Amérique française.
06:44Mais là, on change le nom,
06:45la nouvelle France,
06:46et là, dans ce récit,
06:47on nous dit que les Français
06:48dits de souche sont de trous.
06:50Rappelez-vous, M. Mélenchon,
06:51qui dit que les Français de souche sont de trous.
06:53Et parce qu'ils causent problème,
06:55parce qu'ils refusent cette créolisation
06:56d'une France qui deviendrait nation-monde.
06:59Et entre la définition de l'extrême-sante
07:01et de la gauche radicale,
07:02il y a une proximité idéologique.
07:03Quoi qu'on en dise,
07:04parce que les deux définissent la nation
07:05comme un projet,
07:06par des valeurs, des principes,
07:08mais jamais par la continuité historique,
07:10démographique, civilisationnelle,
07:12d'un peuple avec son identité,
07:15avec son enracinement,
07:16d'un peuple lié intimement
07:18à une terre, une histoire, une mémoire.
07:20Donc, ce qui nous amène
07:20à la troisième définition de la nation,
07:22la nation comme peuple historique.
07:24Le peuple historique,
07:25c'est un peuple enraciné en son pays,
07:27qui a, au fil du temps,
07:28qui a absorbé des éléments nouveaux,
07:30mais qui a justement le souci
07:31d'une forme d'identité profonde,
07:33d'identité forte.
07:35Et je note qu'aujourd'hui,
07:36quand vous vous réclamez
07:37de cette définition de la nation,
07:39on vous assimile au fascisme,
07:40on vous assimile au nazisme,
07:41à l'extrême droite, bien évidemment.
07:44Mais ce qu'on oublie,
07:45c'est que par ailleurs,
07:45ces trois conceptions
07:46ne sont pas également vraies.
07:48Le fait est qu'une nation,
07:49ce n'est pas un machin technocratique.
07:51Et la nation,
07:51ce n'est pas un grand élan
07:52de créolisation.
07:53Une nation,
07:54la définition,
07:55c'est le peuple historique,
07:56c'est ça, la vérité d'une nation.
07:57Et je vous invite à lire par ailleurs
07:59le texte exceptionnel de Pierre Brochand,
08:00qui paraît aujourd'hui,
08:01ou hier, dans le Figaro magazine,
08:03où il revient sur les effets
08:04de l'immigration massive en France.
08:06Et il montre une chose très simple.
08:09Eh bien,
08:10nous assistons aujourd'hui
08:12à une inversion du rapport
08:13majorité-minorité dans nos pays.
08:15Le peuple historique devient minoritaire.
08:18Et juste pour l'histoire
08:19de bien me faire comprendre,
08:21je ferai le lien
08:21avec la question de l'islam.
08:23Alors, soyons...
08:24L'islam n'est pas l'islamisme,
08:26j'ai l'occasion de le dire.
08:27Avec d'autres, je suis d'accord
08:27avec le fait que les deux ne sont pas...
08:28On ne peut pas les confondre.
08:30Mais, imaginons dans 50 ans, 60 ans,
08:33une France à 50 % musulmane.
08:36Pas islamiste.
08:37Des musulmans tranquilles,
08:39qui respectent parfaitement
08:40les lois de la République.
08:42Aucun souci,
08:43mais une France à 50 % musulmane.
08:45Est-ce que la France serait encore
08:47la France dans un tel scénario?
08:49Tout comme, imaginons,
08:50une Algérie à 50 % catholique demain.
08:52Tout comme, imaginons,
08:54le Sénégal peuplé de Norvégiens.
08:57Développé et ainsi de suite.
08:58Donc, peut-être doit-on
08:59se rappeler une chose,
09:00c'est qu'une nation, justement,
09:01ce n'est pas qu'un vivre-ensemble,
09:02ce n'est pas qu'une juxtaposition
09:03de communauté,
09:04ce n'est pas simplement
09:05un drapeau planté sur tout cela,
09:07mais cette réalité de l'histoire,
09:08on tend à l'oublier aujourd'hui.
09:09Mathieu Beaucoté,
09:10ce débat est-il exclusivement français?
09:12Ah, ben non, pas du tout.
09:14C'est le moins qu'on peut dire,
09:14il traverse tout le monde occidental.
09:16Prenez les États-Unis.
09:17Les États-Unis, longtemps,
09:18c'est une nation
09:18qui s'est vue comme WASP,
09:19White Anglo-Saxon Protestant.
09:21Elle s'est élargie ensuite
09:22à l'ensemble de ses éléments européens.
09:24Elle s'est ensuite élargie davantage
09:26sur le mode de l'universalisme américain.
09:28Elle a basculé ensuite
09:30dans un multiculturalisme
09:31assez agressif,
09:32mais aujourd'hui,
09:33elle cherche à redécouvrir
09:34ses origines historiques,
09:36ses origines identitaires.
09:38Les Américains se disent
09:39« Nous ne sommes pas
09:39que les principes universalistes
09:41de la nation américaine. »
09:42Israël, rappelez-vous,
09:43dans les années 90,
09:44un débat oublié aujourd'hui.
09:46En Israël,
09:46il y avait le débat
09:47sur le post-sionisme.
09:48Et on nous disait
09:49qu'Israël,
09:49pour être une véritable démocratie,
09:51ne devait plus être un État juif.
09:52Devait renoncer à sa judaïté
09:54pour embrasser une définition
09:55désincarnée d'Israël.
09:57Les Israéliens sont revenus
09:58d'être étrangidés, heureusement.
10:00La Grande-Bretagne.
10:01Vous noterez en Grande-Bretagne
10:02quand on veut,
10:03quand on met de l'avant
10:04le drapeau anglais.
10:05Je ne parle pas
10:05du drapeau britannique.
10:07Le drapeau anglais,
10:08on présente ça
10:08comme une marque d'intolérance
10:09et de racisme.
10:10Donc, en Grande-Bretagne,
10:11le rappel de la composante anglaise
10:13de l'identité
10:14est présenté comme du racisme.
10:15Au Québec,
10:16on a ce débat-là
10:16autour de la majorité
10:17historique francophone
10:19qui compose le Québec.
10:20Est-ce que cette majorité
10:20historique francophone
10:21est une communauté parmi d'autres
10:22ou est-ce que c'est
10:23le tronc commun de la nation?
10:24Je terminerai
10:25ce premier édito
10:26de la manière suivante.
10:27Il y a un certain
10:28universalisme aujourd'hui
10:29qui est essoufflé.
10:30Il y a un universalisme
10:31qui se décompose sous nos yeux.
10:33L'aspiration universaliste
10:34demeure belle,
10:35mais on est devant
10:36un retour des identités profondes
10:38partout dans le monde
10:39aujourd'hui.
10:39L'Europe ne peut pas
10:40être le seul continent
10:41à refuser ce retour
10:42des identités profondes
10:43et la France,
10:44le peuple français,
10:45ne peut pas être le seul
10:46à vouloir censurer
10:47sa propre existence
10:47sur son territoire.
10:48Sous-titrage Société Radio-Canada
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