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  • il y a 21 heures
Dans son édito du 28/10/2025, Mathieu Bock-Côté revient sur [thématique de l'édito]

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Transcription
00:00Vous savez, j'ai quelques fois comme méthode devant un problème politique de voir le lexique qui nous est proposé.
00:05Le lexique, c'est-à-dire à travers quels mots, à peu près toujours les mêmes mots, placés dans des ordres différents, mais ça ne change pas vraiment les choses,
00:12on cherche à nous imposer des idées, on cherche à masquer le réel en nous demandant d'adhérer à certains mots, de rejeter certains mots, pendant que le réel est laissé de côté.
00:20Et je vous dis qu'on doit un peu faire la même chose avec ce budget, donc, de compromis.
00:24C'est le terme du jour, c'est le terme des derniers jours, qui prend le relais, premier mot du lexique, du budget de stabilité.
00:31Ne l'oublions pas, je crois, la semaine dernière et la semaine d'avant, on était tous exaspérés, pas seulement autour de cette table,
00:37devant l'appel à la stabilité, on avait tous compris que c'était l'autre nom du dernier canot de sauvetage de l'extrême-centre et des macronistes,
00:45qui voulaient à tout prix rester en poste, qui voulaient à tout prix rester au pouvoir, et qui, dès lors, appelaient stabilité le maintien de leur fonction.
00:52Donc, l'intérêt général s'effaçait, et la stabilité, c'était l'autre nom de leurs avantages.
01:00Alors, le terme du jour, vous l'avez dit, c'est compromis.
01:03De manière tout à fait... Alors, si j'étais, on dirait, malpoli, je le dirais autrement, donc c'est un budget...
01:08Soyez pas malpoli.
01:09Alors, soyons polis, ça veut dire que c'est un budget nul pour tout le monde.
01:13Ah, ok, d'accord.
01:14Non, parce que j'avais un autre terme, ça va être nul, là.
01:17Donc, nul pour tout le monde. Pourquoi ? Parce qu'on nous dit, finalement, que personne ne s'y retrouvera.
01:22À gauche comme à droite, personne ne s'y retrouvera, mais, autrement dit, c'est un budget qui ne répond à aucune philosophie globale.
01:28C'est un budget pour un budget, en tant que budget, et on nous dit, applaudissez, il y a un budget.
01:33Mais là, si on regarde dans le détail, il nous ruine, il nous taxe, il nous impose, il oriente mal l'argent,
01:39il ferme des niches fiscales, il prétend en ouvrir, d'autres, on ne comprend plus rien,
01:42mais le budget devient autoréférentiel.
01:44Et ce qui me frappe là-dedans, c'est que le mot compromis, ici, devient la nouvelle manière de dire stabilité.
01:50C'est-à-dire, c'est le même lexique qui s'impose, stabilité, compromis,
01:53chaque fois, pour qu'on ne regarde pas le cadre d'ensemble, les paramètres idéologiques,
01:58les paramètres politiques du budget, on veut nous éloigner de toute discussion sérieuse,
02:02dès lors que vous avez une position un peu affirmée, on dit que vous vous éloignez du compromis.
02:07Or, le compromis, c'est au service de l'intérêt général qui dépend de la stabilité, on commence à comprendre.
02:13Alors, dans le même registre, dans le même registre, et j'ai regardé des termes de ces derniers temps,
02:18il y avait dans le mot justice fiscale.
02:20Alors, justice fiscale, c'est la nouvelle formulation de justice sociale.
02:24On avait compris, justice sociale, c'était la manière noble et généreuse de dire égalitarisme socialiste.
02:29Donc, ça ne consistait pas simplement à aider les plus pauvres qui en ont besoin,
02:32ça ne consistait pas seulement à lutter contre la misère, il va de soi que c'est nécessaire,
02:35ça ne consistait pas seulement à mettre en place les institutions de l'ascenseur social
02:41pour faire en sorte que quelqu'un qui est né avec peu de moyens, s'il y met du travail,
02:44est capable de se laisser dans la société.
02:46La justice sociale consistait essentiellement à couper ce qui dépasse,
02:49pour que les riches, en guillemets, ne soient pas trop riches,
02:52pour s'assurer que les processus de spoliation puissent être mis en place
02:55pour détourner l'argent de ceux qui l'ont gagné vers ceux qui le réclament.
02:59Ça, c'était justice sociale.
03:01Justice fiscale, c'est l'argument nouveau.
03:03Ça consiste à affirmer que ceux qu'on présente comme les riches,
03:07et je vous rassure, les riches, ce ne sont pas que 12, 15, 20 ou 50 milliardaires.
03:11Les riches, ce sont tous ceux qui réussissent à s'enrichir minimalement par le travail et par l'épargne.
03:16Ces gens-là, on considère dès lors qu'ils ne paient pas suffisamment.
03:19Donc, par justice fiscale, c'est le message lancé par le régime qui dit
03:24« Il y a des profiteurs, ils doivent contribuer, ils ne contribuent pas assez.
03:28Quand vous entendez justice fiscale, sachez qu'on veut augmenter vos impôts.
03:33On ne veut pas plus d'équité, on veut votre argent. »
03:36Dans le même registre, une autre formule que j'entends, et ça, ça vient surtout des socialistes,
03:39ça s'appelle « Allez chercher l'argent. »
03:41Alors, « Allez chercher l'argent là où il se trouve, soyons plus précis. »
03:45Là, c'est intéressant avec ce terme, parce que ça consiste à nous dire
03:47qu'il y aurait donc des citadelles, des forteresses, où il y aurait de beaux...
03:51Des niches.
03:51Des niches, absolument.
03:53Il y aurait des beaux gros lingots, des sacs de dollars, des sacs d'euros,
03:57piques-sous, maître des eaux.
03:58Alors là, on aurait partout des piques-sous qu'il suffirait d'aller braquer
04:02pour aller chercher l'argent là où il se cache, dans les trésors, dans les banques, dans les forteresses.
04:07Donc, il y a cette idée, finalement, qu'il n'y a pas de problème d'organisation de la dépense publique.
04:11Il n'y a pas de problème de modèle social.
04:13Il n'y a pas de problème de dépense insensée.
04:15Il n'y a pas de problème d'inefficacité bureaucratique.
04:18Il y a tout simplement le fait que de l'argent se déroberait au regard public.
04:21Il suffirait d'aller le chercher.
04:23Et pour ça, normalement, il faut de la volonté, ils appellent ça.
04:25Et si on a la volonté, dès lors, il n'y a plus de problème de budget.
04:29Il n'y a plus de problème d'impôt.
04:29Il n'y a plus de problème de rien.
04:30On a été cherché chez Picsou.
04:33Autre terme, milliardaire.
04:35Ça, ça revient de temps en temps.
04:36Et là, encore des socialistes, aujourd'hui, l'ont utilisé.
04:38Donc, on nous dit, l'ERN, dans ce cas-là, veut que les classes populaires paient les impôts,
04:43que les milliardaires refusent de payer.
04:45Donc, ça laisse encore croire, et ça, c'est un imaginaire qui, dans les années 30,
04:49on parle toujours des années 30, était celui des 200 familles, des 300, 150 familles.
04:54Donc, on suppose qu'il y a une caste au sommet de la société,
04:57de quelques gouinfres enrichies,
05:00et qui se protégeraient de la société par des lois scélérates
05:03pour les empêcher, justement, de partager leurs biens.
05:05Et là, on a les milliardaires, ce sont ces gens qui, en ce moment, ne paieraient jamais assez.
05:10L'idée que le milliardaire en question soit, souvent, un entrepreneur,
05:14soit quelqu'un qui fasse vivre des milliers de personnes avec du travail,
05:17qui soit capable de créer de nouveaux domaines qui permettent la création d'emplois,
05:20des emplois plus payants, ça, ça n'existe pas.
05:23Le milliardaire, c'est le salaud du moment,
05:25c'est la nouvelle version du bourgeois à chapeau haute forme des marxistes.
05:29Sur le même registre, quatre derniers termes,
05:31taxe Zuckmann, on l'a compris.
05:32Alors ça, c'est particulier. C'est passé, en l'espace de quelques jours,
05:35du symbole, c'est l'arme contre les milliardaires,
05:38à finalement, c'est devenu la fraude intellectuelle du moment.
05:40Ça, je crois que c'est un terme qui s'est un peu dévalué en quelques jours.
05:43Évitement fiscal. Évitement fiscal.
05:45Je n'ai pas dit fraude fiscale. La fraude fiscale, c'est mal.
05:48L'évitement fiscal, on appelle ça le comportement du français ordinaire,
05:52ou du plus fortuné, qu'importe, du français ordinaire,
05:55qui cherche juridiquement à se soustraire à l'impôt trop confiscatoire
05:58à travers une stratégie comptable ou fiscale optimale.
06:02On appelle ça évitement fiscal.
06:03Donc, on doit vous empêcher de vous sauver des impôts injustes.
06:07Même registre, produit de luxe.
06:09Vous avez noté que des partis populistes, de gauche et de droite,
06:12ont voulu frapper notamment le secteur du luxe en France.
06:15Donc, c'est l'autre nom de dire des richesses abondantes
06:17de gens qui jouissent de l'existence exagérément.
06:20On oublie que le secteur du luxe est un des rares secteurs
06:22qui fonctionne très bien économiquement en France.
06:24Et le dernier terme que je voulais mentionner là-dedans,
06:26c'est consentement à l'impôt.
06:28Consentement à l'impôt.
06:29Pourquoi ?
06:30Parce que ça, ça veut dire qu'il y a le petit signal d'alarme est lancée.
06:33Ça ne fonctionne plus.
06:34Les Français ne sont plus d'accord.
06:35À travers cela, je pense qu'il faut lire le livre très intéressant
06:37d'Anne de Guignet, qui est paru il y a quelques semaines,
06:40de l'Antiquité à nos jours.
06:41Les écrivains racontent l'économie.
06:43Elle montre comment, comment,
06:45tout l'or du monde avec le souci de tout l'or,
06:46elle nous montre comment l'économie,
06:48ce n'est pas seulement une science comptable.
06:50Ce sont des sentiments aussi.
06:51Ce sont des sentiments, et dans les circonstances,
06:53c'est le ressentiment contre la prospérité qui s'exprime,
06:55le ressentiment, le carburant de tous les socialismes.
06:58Vous aviez fait un éditeur spécial sur le consentement à l'époque.
07:01Absolument.
07:02Alors, personne n'aime payer ses impôts, Mathieu,
07:04mais n'est-il pas nécessaire d'assurer à l'État
07:05quand même les moyens de mener ses différentes missions ?
07:08Ah oui, mais le problème est peut-être dans les différentes missions.
07:10Vous noterez que l'extension du nombre de missions de l'État,
07:13même pas sur un siècle, sur 20 ans, sur 30 ans, sur 60 ans, que dire,
07:17on ne cesse de confier des nouvelles missions à l'État.
07:19Qui doit, pour cela, créer des bureaucraties pour régler ses missions ?
07:22Qui doit, à partir de là, soulever toujours de nouveaux impôts
07:25pour être capable de faire tourner sa machine ?
07:27Je pense que cette notion de mission de l'État doit être remise en question,
07:30et ce qui doit être remis en question, probablement aussi,
07:32c'est cette formule qui vient toujours, vous savez, en France,
07:34l'État a fait la France.
07:36Si je peux me permettre, l'État...
07:38OK, l'État a joué un rôle particulier dans la construction nationale,
07:41mais la France existait avant la Révolution,
07:43avant le Front populaire, avant le CNR, avant l'État-providence.
07:46Et je trouve qu'on est tout comme la République confisque la référence à l'identité.
07:50Vous le noterez, en République, on dit ça plutôt qu'identité.
07:52Eh bien, de la même manière, on nous dit que l'État remplace la référence à la France.
07:56Un dernier mot, cela dit, sur la révolte antifiscale qui existe aujourd'hui.
08:01On la voit un peu partout dans le monde occidental.
08:02Éric Tegner a parlé hier pour l'Argentine.
08:05Est-ce qu'en France, il peut y avoir une forme de colère antifiscale ?
08:08Peut-elle prendre forme ?
08:09Le grand problème du libéralisme en France,
08:11c'est que c'est un terme d'évitement individuel.
08:13On présente ça souvent comme la doctrine individualiste de ceux qui ne veulent plus entendre parler du pays.
08:17C'est peut-être une erreur.
08:19Le libéralisme bien pensé peut-être aujourd'hui une révolte antiburocratique.
08:22Le libéralisme bien pensé peut-être une révolte des travailleurs,
08:26une révolte des payeurs de taxes, des anglo-saxons,
08:28une révolte des citoyens, une révolte des individus,
08:32contre une caste qui les polie.
08:33Et je pense qu'il y a un lien beaucoup plus fort, qu'on ne le dit aujourd'hui,
08:36entre révolte identitaire et révolte antifiscale.
08:39Et de ce point de vue, il est peut-être possible de fédérer ces deux luttes,
08:43identité et contre les exagérations fiscales de l'État,
08:48et répondre qu'ici ce n'est pas l'État socialiste qui a fait la France,
08:50que la France existe par elle-même,
08:52et est en droit d'être la France sans être détroussée à temps plein.
08:54Sous-titrage Société Radio-Canada
08:59Sous-titrage Société Radio-Canada
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