00:00Difficile de faire autrement si vous suivez un peu le procès, c'est-à-dire que c'est le retour de l'horreur absolue en notre visage.
00:08Alors moi, ce qui me frappe, je me souviens de ma première réaction devant l'affaire Lola,
00:11avant même tout ce qu'on a pu apprendre ensuite sur le portrait de la présumée meurtrière.
00:18Je me souviens de m'être dit, nous nous retrouvons devant le mal pur, devant une expression métaphysique du mal en quelque sorte.
00:25Un mal qui veut sacrifier l'innocence, qui veut sacrifier la pureté.
00:32Un mal qui s'exprime et qu'on n'est plus habitué à penser parce que dans nos sociétés, nous avons voulu dissoudre le mal dans la maladie.
00:39Nous avons voulu dissoudre le mal dans la psychiatrie.
00:42Nous avons voulu dissoudre la question du mal et en faire simplement une forme de dérèglement chimique ou dérèglement circonstanciel du cerveau.
00:51Et on a oublié que quelque chose comme le mal majusculaire existe dans ce monde, il hante le monde, mais nous ne sommes plus capables de le penser.
00:59Alors qu'est-ce qu'on a vu cette semaine ?
01:00C'est aussi l'envers de ce mal atroce, c'est le retour de cette figure sacrifiée, sacrificielle bien malgré elle, de la petite Lola,
01:08à qui on a demandé, en fait c'est atroce, on l'a martyrisée, violée, j'évite tous les détails, mais on sait ce qu'il s'est joué là-dedans.
01:15Elle a été sacrifiée dans sa pureté, c'est un enfant qui a été sacrifié et à travers ce geste, me semble-t-il,
01:21ce procès nous oblige à mettre à jour nos catégories mentales, nos catégories philosophiques, nos catégories sociologiques, nos catégories religieuses,
01:29pour nous dire qu'à nouveau, encore une fois, que si on pense simplement en termes de maladie, de dérèglement,
01:34elle a pris trop de cannabis, dit-on, puis la meurtrière présumée, elle a pris trop de cannabis, elle était un peu déréglée.
01:39Si on laisse de côté les éléments qui semblent aussi présents, la tentation de la sorcellerie, la tentation de l'envoûtement,
01:45la tentation de l'humiliation, la tentation de la destruction d'une âme, la tentation de la destruction d'un corps,
01:50eh bien, on ne comprend pas ce qui nous a frappés ce jour-là.
01:53Vous savez, j'ai un rapport assez complexe à la fois, et j'ai souvent dit de l'existence de Dieu,
01:57je ne suis jamais certain, mais de l'existence du diable, je n'ai jamais douté.
02:01Je vous avouerai que cette semaine, voyant ce procès commencer,
02:06j'ai retrouvé cette certitude de la présence du diable, au sens métaphorique, évidemment, en ce monde.
02:11– Et vous avez le frère de la petite Lola qui a demandé à la barre, à la meurtrière,
02:16de dire la vérité, pour la famille et aussi pour la France.
02:20Et c'est votre seconde question, est-ce que ce procès n'est pas aussi un événement en soi politique ?
02:26– Ben voilà, ça c'est l'autre dimension.
02:27Je pense que la dimension métaphysique devait être nommée.
02:30Ensuite, la dimension politique, il faut voir à quel point on est devant un meurtre atroce,
02:36véritablement un sacrifice humain,
02:37et tout le système médiatique a tout fait pour nous interdire de voir ce qu'on avait devant nous.
02:44Donc, immédiatement, la machine à broyer le réel, pardonnez-moi, je m'en porte,
02:48s'est mise en place.
02:50Fait divers, fait divers, fait divers.
02:52Dès lors qu'on rappelait ces quatre lettres fondamentales, O, Q, T, F,
02:56celle qui a tué n'aurait pas dû être sur les territoires français,
02:59si le droit avait été respecté, Lola serait vivante aujourd'hui.
03:04J'ai souvenir par ailleurs d'un ministre de la justice, je crois,
03:07qui disait, mais qui est assez fou pour penser que les OQTF sont toutes faites pour être respectées ?
03:11Ah bon ?
03:11Mais moi, ce que je sais, c'est que cette OQTF-là, si elle avait été respectée,
03:14la jeune Lola serait encore vivante aujourd'hui.
03:17Mais tout l'appareil médiatique était là pour nous dire,
03:19vous n'avez pas le droit de chercher à comprendre.
03:22Vous avez le droit de pleurer, certes, mais pas davantage.
03:24Donc, OQTF, autre élément, dès lors qu'on mentionnait cette dimension,
03:28on était accusé de récupération.
03:30Et rappelez-moi, à ce moment-là, je me souviens très bien,
03:33je me suis dit, finalement, le pas de récupération, c'est le nouveau pas d'amalgame.
03:36Rappelez-vous, cette époque où chaque fois que quelqu'un se faisait exploser
03:39ou assassinait son nomade d'Arawakbar,
03:40on nous disait pas d'amalgame, pas d'amalgame, pas d'amalgame.
03:43Là, c'était pas de récupération, pas de récupération, pas de récupération.
03:47C'est une méthode, en fait, de détournement du réel.
03:50C'est une méthode soviétique de négation du réel
03:54pour nous interdire de réfléchir à ce que nous voyons devant nous aujourd'hui.
03:58Je pense que cet événement, ce procès, s'il est correctement compris,
04:02sera pensé aussi comme un événement politique
04:04qui en dit beaucoup sur la faillite sécuritaire de la France,
04:08qui en dira beaucoup aussi sur la faillite médiatique,
04:11du récit médiatique en France,
04:12qui en dira beaucoup, je l'ai dit, sur la faillite de nos catégories premières
04:15pour penser le mal dans nos sociétés.
04:17Mais je crains que ce procès, justement, ne soit traité sur le mode secondaire
04:21parce que si on le regardait en face,
04:22il nous dirait trop de choses sur ce qui arrive à ce pays.
04:24Et ce malaise qui se poursuit trois ans plus tard.
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