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Les Cévennes, une histoire cousue de fil de soie.

Dans le sud de la France, les villages des Cévennes portent encore les marques d'une époque où la soie faisait les beaux jours de la région. A partir du XVIIe siècle, le pays cévenol devient un pôle de production majeure de cette précieuse fibre en France. Des milliers de mûriers fleurissent, pour nourrir les vers à soie, et des usines parsèment le territoire. Une économie prospère aujourd'hui indissociable de l'identité des habitants de ces reliefs cévenols.

Le Finistère au fil du lin.

Sur les côtes rocheuses battues par les vents du Finistère, d'imposantes bâtisses de granit témoignent encore du glorieux passé de la région. A partir du XVe siècle, les Bretons cultivent ici le lin et en tirent de précieuses étoffes. Pendant près de trois siècles, la vie s'organise alors autour de cette précieuse plante et de son commerce. Une activité qui a permis à la région de connaître un essor économique sans précédent et a durablement marqué l'imaginaire et la culture bretonne. Année de Production : 2022

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Transcription
00:00Musique
00:30Entre les solitudes venteuses des hauts plateaux du massif central
00:47et les garrigues des plaines languedossiennes,
00:52un territoire reculé et difficile à exploiter, les Cévennes.
00:56Musique
00:59Elles ont pourtant accueilli une fibre miraculeuse,
01:04aussi résistante qu'un fil d'acier,
01:07mais souple et légère, brillante, d'une élégance brute.
01:13C'est la soie, et l'art de la fabriquer, la sériciculture,
01:18est devenue une spécialité sévenole.
01:20Musique
01:20La soie, la sériciculture, la filature, c'était identitaire.
01:30C'est-à-dire que le peuple des Cévennes avait pris ça comme un vecteur identitaire.
01:35La soie, c'était vraiment dans les gènes du pays.
01:38Et on continue toujours à éduquer des vers à soie,
01:42ne serait-ce que pour le faire boire aux enfants,
01:43pour leur montrer ce qu'a été le pays.
01:45Musique
01:47Entre les XVIIe et XIXe siècles,
01:51depuis ses contreforts jusqu'à ses sommets,
01:54le rude pays sévenole se transforme pour produire de la soie.
01:59Des mûriers, dont les feuilles sont l'unique aliment du verre à soie,
02:02couvrent le paysage.
02:04L'habitat rural s'adapte,
02:06les ateliers et usines se multiplient.
02:11Malgré un environnement naturel difficile,
02:13un travail ardu,
02:15des fléaux, des maladies,
02:18cette terre montagneuse prospère
02:20pour devenir le premier centre de production de soie naturelle en France.
02:24Musique
02:25Musique
02:26Monoblé,
02:29en Piémont-Sévenol.
02:32Ici, les collines commencent à prendre de la pente.
02:35Musique
02:36Monoblé, avec ses airs à languis,
02:42a été un haut lieu de la production du cocon des verres à soie,
02:46cette chenille délicate et fragile
02:48qui ne tolère qu'une seule nourriture,
02:51la feuille fraîche et tendre du mûrier.
02:53Musique
02:55Quelques passionnés perpétuent la culture du mûrier
02:58sur des parcelles plantées à proximité du village
03:01il y a une cinquantaine d'années.
03:03Musique
03:04Ce chenille mange beaucoup,
03:07donc on leur donne en général,
03:08quand ils sont assez gros,
03:09trois repas par jour.
03:11Sinon, quand ils sont petits,
03:12c'est quatre repas par jour,
03:13donc à des heures très régulières.
03:15Il faut savoir, c'est qu'en fait,
03:16il fera dix mille fois son poids de départ,
03:17en finalité donc,
03:18pour dire que ça mange énormément de feuilles.
03:23Ça fait énormément de bruit, en fait,
03:24le verre à soie, en fait,
03:25il ronge la feuille petit à petit,
03:27donc il va la grignoter,
03:28donc en fait, c'est ce grignotage qui fait du bruit.
03:30On a l'impression par moment qu'il pleut
03:31à l'intérieur de la maniernerie.
03:34Le verre à soie, au bout d'un mois,
03:37donc il va faire son dernier âge, en fait,
03:41et c'est là qu'il va commencer à coconner,
03:42donc il va commencer à cracher sa soie.
03:44Donc il va commencer par cracher des petits fils courts
03:46pour pouvoir accrocher justement sa petite maison,
03:48son petit cocon,
03:49et après, au fur et à mesure,
03:50s'enfermer à l'intérieur,
03:51avec un fil qui peut aller jusqu'à 1500 mètres.
03:53Par contre, là, on est obligé, effectivement,
03:55de sacrifier la chrysalide
03:56pour pas qu'elle devienne papillon,
03:58pour pas qu'elle tâche ce cocon
03:59et puisse casser ce cocon.
04:00Donc on est obligé, effectivement,
04:01de la sacrifier.
04:05L'élevage du verre à soie
04:07a été jusqu'au VIe siècle un monopole chinois.
04:11Puis des moines,
04:12en ramenant à Constantinople
04:13deux précieux cocons dissimulés
04:15dans leurs bâtons de pèlerins,
04:17l'introduisent dans l'Empire chrétien.
04:19En France, sous Henri IV,
04:23devant l'engouement de la noblesse
04:24pour les tissus soyeux,
04:26la production de soie est encouragée.
04:30Le célèbre agronome Olivier de Serres,
04:32lui-même sévenole,
04:34est chargé d'implanter l'arbre asiatique
04:36indispensable au verre à soie,
04:38le murier,
04:39qui n'a rien de commun avec la ronce
04:41produisant les mûrs des confitures.
04:42Les Cévennes possèdent un climat tempéré
04:46idéal pour le murier.
04:49Mais depuis le Moyen-Âge,
04:50l'arbre dominant ici est le châtaignier,
04:53que les paysans appellent l'arbre à pain
04:55car il est à la base de l'alimentation.
05:04Durant l'hiver 1709,
05:07un gel exceptionnel dévaste les châtaigniers.
05:12Les Cévennes,
05:15encouragés par le pouvoir,
05:17plantent alors massivement
05:18des muriers blancs
05:19qu'on appelle l'arbre d'or
05:21car il nourrit un commerce de soie
05:23devenu très lucratif.
05:26Une promenade sur les pentes
05:28du Montégoal par tant d'orages
05:30laisse imaginer le génie de ce peuple
05:32pour cultiver jadis
05:34des jardins suspendus.
05:40Les Cévennes se couvrent de muriers
05:42et du coup, on a gratté les versants
05:45qui sont relativement pentus en Cévennes
05:47pour arriver à créer des petites étagères,
05:49des traversiers qu'on appelle ici,
05:50pour avoir des zones de culture.
05:52Donc souvent, on grattait la terre
05:54jusqu'à arriver à une zone de rocher.
05:56Et à cette zone de rocher,
05:57on bâtissait un murier
05:57depuis lequel après,
05:59on faisait une nouvelle terrasse.
06:01Et actuellement,
06:02on retrouve encore beaucoup de traces
06:04de ces muriers un petit peu partout.
06:06pour imaginer que beaucoup
06:07des terrasses qu'on voit derrière nous
06:09étaient recouvertes de muriers
06:10qui servaient après à nourrir
06:12les vers à soie.
06:15Et on retrouve actuellement
06:16pas mal d'endroits
06:17où des murets sont encore présents.
06:19Soit ceux qui étaient là à l'époque,
06:21sachant que ça peut vivre
06:21à peu près 300 ans, un murier,
06:23soit d'autres qui ont pris le relais
06:25pour rester dans la tradition.
06:26L'éducation du vers à soie,
06:31car on ne parle plus d'élevage
06:32comme si le terme manquait
06:34de prestige et d'intimité,
06:36se répand dans tous les cantons sévenoles.
06:39Peu à peu, le bon Bix,
06:41l'autre nom du vers à soie,
06:43prend possession des maisons
06:44paysannes et villageoises.
06:47Comme ici,
06:48à partir de la fin du XVIIIe siècle,
06:51en Vallée-Borgne,
06:52près du village des Plantiers,
06:54où s'écoule le Gardon de Saint-Jean,
06:56entre le mont égual
06:58qui domine les Cévennes
06:59et la plaine du Rhône.
07:03La magnanerie,
07:04c'est le lieu
07:05où on pratique
07:06les éducations des vers à soie.
07:08Et au fur et à mesure
07:09où on a développé cette activité
07:11avec la culture du murier,
07:13on a commencé par surélever
07:14ce bâti initial
07:16pour faire une petite magnanerie
07:18au-dessus de l'habitation.
07:19Parce qu'il fallait beaucoup d'espace
07:21pour élever les vers à soie.
07:22Et donc, ça donne cet habitat
07:24extrêmement caractéristique
07:26des Hautes-Vallées-Sévenoles.
07:29À peu près les trois premières semaines
07:31de l'éducation,
07:32ce sont les femmes
07:34qui vont ramasser les feuilles du murier
07:36et qui nourrissent les vers à soie.
07:38C'est seulement au moment
07:39de la dernière semaine,
07:40là où le vers consomme le plus.
07:43Là, toute la maison,
07:44les hommes, les femmes, les enfants,
07:46tout le monde se met à ramasser.
07:48et on fait ça tout le jour
07:50et on n'a pas fini de distribuer,
07:51qu'il faut recommencer à distribuer
07:53tellement ils mangent.
07:54Alors là, il y a une effervescence,
07:56effectivement,
07:57qui est singulière et particulière.
07:59Le ver, c'est qu'un secte domestique,
08:06quand même,
08:07vraiment fait partie de la famille.
08:09Même dans son appellation,
08:11magnan,
08:12qui a donné le nom de magnanori,
08:13ça vient de magnan,
08:14le nom qu'en Occitan,
08:15on donne au ver à soie,
08:17qui peut venir soit
08:19du fait qu'il mange beaucoup
08:20et donc du verbe maniard,
08:22qui veut dire manger,
08:24soit qui veut dire magnan,
08:27qui étaient les enfants de la famille.
08:30L'ensemble des vers,
08:32on appelait ça une chambrée,
08:33tout un vocabulaire très humanisé,
08:36lié à l'homme.
08:39Ces petites fenêtres,
08:41qui sont très, très caractéristiques,
08:42sont liées à la nécessité
08:44d'aérer la magnanerie.
08:46C'est vrai qu'à certaines périodes,
08:48s'il y avait des orages,
08:49il fallait pouvoir aérer
08:52la magnanerie
08:53et l'aérer de façon variable.
08:58Au milieu du 19e siècle,
09:00plus de la moitié
09:01des cocons français
09:02sont produits dans les Cévennes.
09:04La soie sévenole
09:05est à son apogée.
09:08Le destin prend alors la forme
09:10d'une terrible maladie
09:11qui attaque les vers,
09:13la pébrine.
09:15Peu à peu,
09:15elle décime les élevages.
09:17On fait appel aux brillants
09:19savant Louis Pasteur
09:20pour venir au secours
09:21de la sériciculture en Cévennes,
09:23dont l'économie est en train
09:24de vaciller.
09:28Il s'installe
09:29cinq années consécutives
09:31près d'Alès.
09:32Et là,
09:32il va étudier
09:33les vers à soie
09:34qu'il ne connaissait absolument pas.
09:36Et il va trouver un moyen,
09:38non pas pour guérir la maladie,
09:40il ne va pas trouver de vaccin,
09:41mais un moyen
09:43qui permet de sélectionner
09:45les pontes saines
09:47des pontes porteuses de la maladie.
09:53Il y avait un enthousiasme
09:55autour de la personne de Pasteur,
09:57c'est sûr.
09:58Il y a des rues Pasteur
09:59pratiquement dans tous les villages
10:02des Cévennes.
10:03Des manifestations,
10:04des fêtes
10:05à l'honneur de Pasteur
10:07où on élisait
10:08les mises filatures
10:10et les mises verrassois,
10:11etc.
10:13En s'intensifiant,
10:15la sériciculture
10:16se rationalise
10:17et les mesures d'hygiène
10:19épousent le mouvement
10:20d'industrialisation
10:21du 19e siècle.
10:24Le chemin de fer
10:25se répand sur le territoire
10:26et dans les Cévennes,
10:28où la puissante industrie
10:29de la soie
10:30est présente
10:30dans chaque bourg
10:31ou chaque village,
10:32le train
10:33s'avère indispensable.
10:35Car bientôt,
10:36on songe
10:37à importer d'Asie.
10:39Suite aux maladies,
10:40on manque de cocon.
10:42De nos jours,
10:44tous les étés,
10:45on peut emprunter
10:45ce train à vapeur
10:47qui relie Anduze
10:48à Saint-Jean-du-Gare.
10:51À partir du moment
10:52où la production locale
10:53n'est plus suffisante
10:54ou on importe
10:55des cocons
10:55qui viennent d'Orient,
10:57à ce moment-là,
10:58ces cocons débarquent
10:58à Marseille
10:59et viennent par le train.
11:00Donc la ligne ferroviaire
11:02est évidemment
11:02un apport important.
11:04et puis c'est également
11:06transporter les machines
11:07qui se modernisent
11:09si on veut rester
11:10concurrentiel.
11:23L'ancienne filature
11:24de Maison Rouge
11:25à Saint-Jean-du-Gare
11:26se visite.
11:27Elle a été
11:28la première filature
11:29industrielle
11:30de soie en France.
11:32Ce bâtiment
11:33est intéressant
11:34parce que c'est sur ce site
11:35qu'a été installée
11:36la première chaudière
11:38à vapeur
11:39pour chauffer
11:40les bassines
11:40en série.
11:41Donc c'est le début
11:42de la vraie industrialisation
11:44de la filature de soie.
11:45Et c'est également
11:46la dernière filature
11:47à avoir fermée
11:48en 1958
11:49en France.
11:51Donc c'est vraiment
11:52un site tout à fait symbolique
11:53de l'histoire de la soie
11:54dans notre pays.
11:58Beaucoup d'usines
11:58du 19e siècle
11:59sont des bâtiments
12:01de prestige.
12:02Il faut que l'usine
12:03montre
12:04la réussite
12:05de l'entreprise.
12:07Et donc ici,
12:08ce genre d'escalier,
12:10c'est la manifestation
12:11de la réussite
12:12de la filature.
12:12Il faut des grandes ouvertures
12:14parce que la soie,
12:15c'est un fil extrêmement fin.
12:17Il faut le voir
12:18et donc il faut
12:19le maximum de lumière.
12:20Plus les ouvertures
12:21sont grandes,
12:22plus le temps de travail
12:23des personnels
12:25pourra être long.
12:30C'est un travail féminin.
12:32Ça, c'est quelque chose
12:32d'assez exceptionnel.
12:34C'est le premier travail
12:34social féminin
12:36que l'on ait
12:37de manière systématique
12:38probablement en France.
12:42C'est un travail pénible
12:45puisqu'il faut avoir
12:46les doigts
12:46ou mettre les cocons
12:47dans de l'eau
12:48à 70 degrés
12:49et qu'on est en plein été
12:51le plus souvent.
12:52Il peut faire 30,
12:5335 à l'extérieur
12:54et l'on est dans les sales
12:55chauffées,
12:56saturées de vapeur d'eau.
13:04Si la soie sévenole
13:05subit la concurrence
13:07des soies d'extrême-orient
13:08importées à faible coût,
13:11celles qui précipitent
13:11son déclin
13:12emportent des noms
13:13tels que Rayonne,
13:14Nylon ou Elastane.
13:18Pourtant,
13:18l'amour du travail
13:19de la soie naturelle
13:20est encore ardent
13:21et quelques ateliers
13:22de bonnetterie,
13:23comme ici à Monoblet
13:25aux soirées des Cévennes,
13:26perpétuent ce passé
13:27chatoyant,
13:28encore bien présent
13:29dans les imaginaires sévenoles.
13:31On connaît la Bretagne sauvage,
13:50ses cailloux acérés,
13:51ses paysages austères
13:53à la dominante
13:54de gris granite
13:55et de bleu ardoise.
13:56Elle a pourtant connu
13:58un âge d'or,
13:59trois siècles d'effervescence
14:01grâce au tissage du lin.
14:04Une plante quasiment
14:05disparue de ses côtes,
14:07mais pas de l'imaginaire
14:08des Bretons
14:08qui lui doivent
14:09une immense richesse.
14:11À partir du XVIe siècle,
14:13la Bretagne bat au rythme
14:14des coups secs
14:15qui cassent la fibre,
14:17des couillements
14:17des roues
14:18qui filent
14:18et du claquement
14:20des navettes
14:20qui tissent ses toiles
14:21et placent cette région
14:23au centre du commerce européen.
14:26Oui, ces toiles-là
14:26étaient réputées
14:27dans le monde entier.
14:29Les Espagnols,
14:30les Portugais,
14:31les Anglais
14:32les recherchent
14:33pour leur qualité.
14:35Quand on pense
14:35aux heures de travail
14:37qu'il a fallu
14:37au tisserand,
14:39c'est assez émouvant
14:40quand même.
14:46Tout commence
14:47au XVIe siècle,
14:48le temps des grandes découvertes
14:50et des échanges transocéaniques.
14:53On a besoin
14:53de surfaces de toiles
14:54énormes pour les vêtements,
14:56les emballages
14:57de marchandises
14:58et les voiles des navires.
15:00Les Bretons saisissent
15:01l'opportunité
15:02et développent
15:03un savoir-faire.
15:07Le Léon,
15:09région à l'extrême
15:10nord-ouest du Finistère,
15:12est la plus bouleversée.
15:14Ce pays a vécu
15:14un foisonnement économique
15:16et culturel
15:16qui a renversé
15:18son organisation sociale
15:19et laissé
15:20un patrimoine unique.
15:23Sur la côte,
15:25les champs de choux
15:25et d'artichauts
15:26tombent dans la mer.
15:29Ce garde-manger
15:29de la Bretagne,
15:31qu'on appelle
15:31la Ceinture Dorée,
15:33est une zone fertile
15:34connue depuis l'Antiquité.
15:35à sa pointe,
15:39Roscoff,
15:40un port qui fut longtemps
15:41le dernier abri
15:42avant l'océan Atlantique.
15:44La région du Léon,
15:47comme la région du nord
15:49des Côtes d'Armor,
15:50était propice
15:51à la culture
15:52puisqu'on a des zones
15:53qui sont limoneuses
15:54et le climat océanique
15:56avec ce vent
15:57comme celui
15:58qu'on en a aujourd'hui,
16:00venait aussi
16:00renforcer
16:01les tiges de là
16:02et c'est ce qui faisait
16:05aussi du lin de qualité.
16:10Sa position géographique
16:11fait de cette ville
16:12la première étape
16:13de l'aventure du textile.
16:15Les belles façades
16:16de granit
16:17ont gardé
16:18la marque
16:18de cette épopée.
16:20Au XVIe siècle,
16:21l'engouement
16:22pour la culture du lin
16:23est si grand
16:23qu'on fait importer
16:24les graines par la mer.
16:26Toutes les graines de lin
16:27qui arrivaient de la Baltique,
16:29notamment du port de Libo
16:30dans le nord de la Baltique,
16:31arrivaient au port de Roscoff
16:33et elles arrivaient
16:35au printemps
16:36dans des petits tonneaux.
16:38Les graines de lin
16:38étaient ensuite
16:39redistribuées
16:40par cabotage
16:41sur tout le nord
16:42de la Bretagne.
16:45Les graines viennent
16:46des Pays-Bas
16:46d'une part
16:47parce qu'ici
16:47on cultive le lin
16:49pour la fibre
16:50et que du coup
16:51on n'attend pas
16:51la maturité des graines.
16:53On peut expliquer aussi
16:54par le phénomène
16:54de vernalisation
16:55puisque les graines
16:56viennent du nord
16:57de Pays-Frois
16:58et vont être semées
17:00dans des terres
17:01qui sont dites chaudes
17:02puisque les gelées
17:04sont finies
17:04et donc il y a du coup
17:05un phénomène
17:06d'éclosion
17:07de la graine
17:08donc ça c'est
17:08une autre explication.
17:13Si la zone côtière
17:14offrait des conditions
17:15idéales à la culture,
17:17la manufacture des toiles
17:18s'est organisée
17:19dans l'arrière-pays
17:20là où une main-d'oeuvre
17:21nombreuse
17:22pouvait transformer
17:23la plante
17:24en produits finis.
17:30Le lin
17:31a offert
17:31une opportunité
17:32à la population
17:33rurale
17:34provoquant
17:34un invraisemblable
17:35bouleversement
17:36de classe
17:37dans les fermes.
17:38Ici, nous sommes
17:42dans un hameau
17:43de paysans
17:45marchands de toile
17:46qu'on appelait
17:47jadis
17:48les julodettes.
17:50Ils avaient
17:51une relative
17:52grande ferme
17:53qui dégageait
17:55des surplus financiers
17:57qui ont été
17:58investis
17:59dans le commerce.
18:00Ils ont continué
18:02à vivre
18:02de leurs fermes
18:03et ce sont
18:04des paysans
18:06mais
18:07qui ont trouvé
18:08un autre
18:09créneau
18:10important.
18:13Dès que les travaux
18:15de la ferme
18:15le permettaient,
18:17les paysans
18:17organisaient
18:18le travail du lin.
18:20Certains
18:20cassaient les tiges,
18:22filaient les fibres,
18:24d'autres
18:24enfin
18:25tissaient les toiles.
18:28La campagne
18:28Léonard
18:29est encore
18:30jalonnée
18:30de petites maisons
18:31construites
18:32par les paysans
18:33marchands
18:33qu'on appelle
18:34Candie,
18:35maison à blanchir
18:36en breton.
18:40Le fil
18:41tel qu'il arrivait
18:42ici,
18:43c'était un fil
18:44brut
18:44qu'on appelait
18:45un fil
18:46écrus.
18:48Et puis,
18:49vous savez bien
18:50que le fil blanc
18:52est supérieur
18:53par sa qualité,
18:55par son apparence
18:56au fil
18:57écrus.
18:58D'où la nécessité
18:59de le blanchir.
19:03Cette technique
19:04donnait à la toile
19:05une apparence
19:06plus noble qu'ailleurs.
19:08Elle a fait
19:08la renommée
19:09des craies,
19:10non donnée
19:10aux toiles du Léon
19:11et réclamée
19:13de l'Amérique du Sud
19:14au nord de l'Europe.
19:15Dans les années 1670,
19:21on était au maximum
19:23de la production
19:24et à ce moment-là,
19:26on produisait
19:26annuellement
19:2710 000 kilomètres,
19:31on a du mal
19:32à croire ça,
19:33de toiles de lin.
19:34J'ai l'habitude
19:36de dire
19:36que si
19:37on avait mis
19:38les toiles de lin
19:39bout à bout
19:40en quatre ans,
19:43grâce à elle,
19:44on aurait fait
19:44le tour de la Terre
19:46à l'Équateur.
19:47C'est inimaginable
19:48combien
19:49ce commerce
19:50a été important.
19:53Et puis,
19:53progressivement,
19:55ces paysans
19:55marchands de toile
19:56devenus plus riches,
19:58ils ont fini
19:59par même
20:00constituer
20:01dans le Léon
20:02une caste.
20:04Les Jules Audettes
20:06sont un exemple
20:07unique
20:08d'aristocratie paysanne.
20:11Jalousés
20:11pour leur richesse
20:12immense,
20:13ils se sont
20:14autoconstitués
20:15en un groupe fermé
20:16qui se mariait
20:17au sein
20:17de leur communauté.
20:19Ils se créèrent
20:20même un costume
20:20qui est resté
20:21leur signe distinctif
20:22pendant des siècles.
20:25Dans cette campagne
20:25particulièrement pieuse
20:27où chaque croisement
20:28est signalé
20:29d'un calvaire,
20:30l'accumulation
20:31infinie de richesses
20:32ne pouvait échapper
20:33au regard de Dieu.
20:36Saint-Egonnec
20:37est un tout petit
20:38bourg de 2500 habitants
20:40dont s'élance
20:40pourtant une flèche
20:41orgueilleuse.
20:43Chaque village
20:44du Léon
20:44a vu sa petite église
20:46remplacée
20:46par ce qu'on appelle
20:47un oncleau paroissial
20:49financé par ses riches
20:50paysans.
20:52Un ensemble architectural
20:53religieux unique au monde
20:54où s'accumulent calvaire,
20:56ossuaire, sacristie,
20:58le tout clôturé
20:59d'une porte triomphale.
21:02Nous sommes ici
21:03dans un enclos paroissial
21:06qui a été voulu
21:08par des paysans
21:09qui étaient très peu instruits.
21:12il y avait un certain nombre
21:14d'analphabètes
21:15et ils nous interrogent
21:17quand on voit
21:18leur réalisation.
21:22Il n'y a pas
21:23en France
21:24de région rurale
21:25qui a une telle
21:27richesse artistique.
21:30En finançant
21:31ces édifices,
21:32ces paysans
21:33espéraient gagner
21:34plus vite le paradis
21:35et si possible
21:36impressionner
21:37les villages voisins.
21:38Rien n'est trop beau,
21:40rien n'est trop cher
21:41pour ces maîtres
21:41du matuvu.
21:44Ici,
21:45on voit une colonne
21:46cannelée
21:47et surmontée
21:49d'un chapiteau
21:50qui est typique
21:52de l'art
21:52de la Renaissance.
21:57Il y a par ailleurs
21:58des coupoles,
22:00des dômes,
22:01tout ça s'est inspiré
22:02de l'art
22:03de la Renaissance
22:04et cet art
22:06s'est combiné
22:07avec l'art gothique
22:09et même
22:10avec des courants
22:11artistiques
22:12venus de Touraine
22:14ou d'Anjou.
22:15Et ça a créé
22:17un art
22:17tout à fait
22:18original.
22:20Les sculpteurs
22:22et peintres bretons
22:23s'en donnent
22:23à cœur joie
22:24et ces églises
22:25des XVIIe
22:26et XVIIIe siècles
22:27prennent des airs
22:28de Saint-Pierre-de-Rome.
22:30Ces jules audettes,
22:31élevées au rang
22:32d'élite dirigeante
22:33de l'arrière-pays breton,
22:35ne purent exister
22:35sans le dernier maillon
22:37de la chaîne de production,
22:39les vendeurs de toiles.
22:44Situées sur la rivière
22:45du Dossène,
22:47au fond d'une immense baie
22:48qui offre un abri naturel
22:49aux navires,
22:51Morlaix
22:51était l'unique port
22:53autorisé
22:53à exporter
22:54ces toiles
22:55du Nord-Finistère.
22:56La ville de Morlaix
23:01est orientée
23:02sur la Manche,
23:03donc face à l'Angleterre.
23:05Nos ennemis
23:06héréditaires peut-être,
23:07mais notre clientèle
23:09principale.
23:10Il sont nombreux
23:11ceux qui viennent ici
23:12repérer ces toiles.
23:14Ce n'est pas
23:14un petit port de Bretagne,
23:15c'est un des grands ports
23:16d'Europe.
23:16Il faut imaginer
23:18les allées,
23:19les retours des bateaux.
23:20The place to be,
23:21comme on dit,
23:21là où il faut vendre,
23:23c'est le quai de Tréguier.
23:25C'est un endroit
23:26qui était équipé
23:27de maisons à pans de bois
23:28formant une sorte
23:29de galerie.
23:29D'ailleurs,
23:30au 18e,
23:31les premiers touristes
23:31ne s'y trompent pas,
23:32ils l'appellent
23:33le petit Rivoli.
23:36La galerie fut détruite,
23:38mais il reste
23:39de nombreuses maisons
23:40à pans de bois
23:40dont certaines
23:41ont une architecture unique.
23:43On les appelle
23:45les maisons
23:45à Pondalaise.
23:47Elles sont commanditées
23:48par des nobles
23:48qui quittèrent
23:49leur manoir,
23:50attirés par l'appât
23:51du gain.
23:53Dans le cadre
23:54d'une guerre intestine,
23:55pour le trône ducal,
23:57ces nobles
23:58ont beaucoup investi,
24:01en sont sortis
24:01un peu désargentés.
24:03Ils ont fait
24:03le choix de travailler,
24:05ils ont obtenu
24:06du duc
24:06la possibilité
24:07de se mettre
24:08commerçant
24:08à la condition
24:10de mettre
24:11en dormition
24:12leur noblesse.
24:15La sobriété extérieure
24:17ne dit rien
24:18de ce qui attend
24:19les acheteurs
24:20à l'intérieur.
24:21Ces maisons,
24:22c'est aussi avant tout
24:23des showrooms.
24:24On peut penser
24:25que depuis
24:26ces galeries
24:27suspendues aux étages,
24:28on puisse développer
24:29les toiles
24:30pour en contrôler
24:31la qualité du tissage.
24:35Ces anciens nobles
24:37reproduisent
24:38à échelle réduite
24:39leur demeure rurale.
24:42la salle principale
24:44est étroite
24:44mais haute
24:45de presque 20 mètres.
24:49L'escalier
24:50sculpté
24:50dans un tronc
24:51d'une seule pièce
24:52et qui soutient
24:52toute la maison
24:53est un rappel
24:54de la tour des manoirs.
24:56Les nobles
24:59ont fait le choix
25:00d'abandonner
25:01tous ces espaces
25:02d'étages.
25:02Il faut pouvoir
25:03se le permettre.
25:04Mais cela
25:04pour un effet
25:06ostentatoire.
25:08A la fin du XVIIIe siècle,
25:14les guerres menées
25:15contre les pays importateurs
25:16et la concurrence
25:17du coton
25:18provoquent
25:18l'effondrement
25:19du marché.
25:23La Bretagne,
25:24qui avait tout misé
25:25sur la manufacture
25:25des toiles,
25:26se retrouve ruinée
25:27pour les deux prochains siècles.
25:29L'eau-Cronan,
25:34autrefois citée
25:34prospère
25:35de 400 tisserands,
25:37fut désertée
25:37de ses petites mains
25:38sans ouvrage.
25:40Mais elle a pris
25:41sa revanche.
25:43Elle est devenue
25:44l'un des villages
25:45les plus visités
25:46de Bretagne.
25:49Le teintement
25:50des métiers à tisser
25:51résonne même à nouveau
25:52entre les murs
25:53de granit.
25:56Hervé Lebihan,
25:57historien reconverti
25:59est le premier
26:00des nouveaux tisserands
26:01de l'eau-Cronan.
26:04J'ai coupé aussi.
26:07Le tissage,
26:08c'est beaucoup
26:09de patience aussi.
26:10Rien que pour monter
26:11la chaîne,
26:11il faut compter
26:12à peu près une semaine
26:14parce que là,
26:15j'ai environ 2000 fils.
26:16Il faut d'abord
26:17que je prépare
26:17mes bobines.
26:19Donc je mets
26:191000 mètres de fils
26:20sur chacune.
26:23Une minutie
26:25et une patience
26:26infinie
26:27pour finalement
26:27se raccorder
26:28à l'histoire
26:29de ses ancêtres oubliés.
26:32Il est important
26:33qu'ici,
26:33à Lecronan,
26:34on garde le fil
26:35de cette histoire textile.
26:37Quelque chose
26:37peut renaître
26:38de ce petit fil
26:40que j'essaye
26:41de maintenir.
26:42On ne sait pas
26:43ce qu'il va apporter
26:44demain.
26:47Même si elle a finalement
26:48payé un lourd tribut
26:49à cette manufacture,
26:52les toiles
26:52ont donné
26:53à cette région
26:53une fierté.
26:55La fierté de savoir
26:56qu'une grande partie
26:57du monde
26:58a tenu dans ses mains
26:59un bout
27:00de ses villages bretons.
27:01Sous-titrage Société Radio-Canada
27:04Sous-titrage Société Radio-Canada
27:08Sous-titrage Société Radio-Canada

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