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  • il y a 2 jours
Le 9 décembre 2025, le Sénat organisait un colloque sur la laïcité en vue de célébrer les 120 ans de la loi concernant la séparation des Eglises et de l'Etat.
Le président du Sénat, Gérard Larcher, a pris la parole pour rappeler l'importance de ce texte législatif fondateur de la laïcité républicaine. Une remise en contexte a été opérée par l'historien Gilles Candar, présentement président de la société d'études jaurésiennes. Il a rappelé les enjeux des débats parlementaires de l'époque avant de brosser le portrait de plusieurs personnalités politiques emblématiques de celle-ci, au premier chef desquelles Emile Combes et Jean Jaurès.
Cet événement a également donné la parole à des étudiants, membres de la fédération française de débat et d'éloquence - dont le président, Victor Albucher, était présent -, qui ont fait revivre certaines prises de paroles des orateurs du début du XXè siècle à la suite des recontextualisations proposées par Gilles Candar. C'est enfin Pierre Ouzoulias, vice-président de la chambre haute, qui s'est exprimé, rappelant que "la laïcité de 1905 a apporté une réponse à une question qui reste fondamentale : comment fait-on nation ?".
Revivez ce temps d'hommage à un texte fondateur. Année de Production : 2025

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Transcription
00:00Générique
00:00Bonjour à tous et bienvenue dans 100% Sénat.
00:12Aujourd'hui, on vous propose de suivre le colloque sur les 120 ans de la loi 1905 sur la laïcité.
00:19L'occasion de revenir sur ce concept, certes familier, mais souvent méconnu dans son application et son histoire.
00:25Je vous laisse le suivre et on se retrouve juste après.
00:27Mesdames et Messieurs, Monsieur le Président du Sénat, cher Gérard Laché, mes chers collègues sénatrices et sénateurs,
00:38cher collègue vice-président Pierre Ouzulia, cher Monsieur le Professeur Gilles Candard,
00:43chères étudiantes et étudiants de la Fédération française de débats et d'éloquence,
00:48chers publics, nombreux ici bien sûr, mais aussi connectés, puisque cette conférence est connectée,
00:55à la fois en ligne et à l'antenne de Public Sénat.
00:58Bienvenue au Sénat pour cet événement consacré à l'anniversaire d'un monument, je dirais républicain,
01:05âgé de 120 ans, la loi du 9 décembre 1905, concernant la séparation des Églises et de l'État,
01:12qui a introduit dans notre droit le principe de laïcité.
01:16C'est un texte fondateur et ce soir, nous avons souhaité non seulement le commémorer, mais aussi le transmettre.
01:25Commémorer, alors comment commémorer une grande loi qui a été intégralement dessinée dans les deux chambres du Parlement,
01:31où rien n'était gagné d'avance et où tout a été acquis par la discussion parlementaire
01:37et le sens du compromis de ses grands partisans ?
01:40Un compromis dont d'ailleurs Gilles Candard nous dévoilera tous les ressorts.
01:46Car oui, des oppositions, des tensions, des fractures, travaillait déjà la société française en 1905.
01:56Je pense à Émile Comble, militant de la séparation, qui a la même jusqu'à rédiger son testament
02:01avant de prononcer son fameux discours de Tréguier, dont nous écouterons un René Strait dans un instant.
02:08Ce contexte doit sans doute nous faire réfléchir.
02:12Il doit aussi nous inspirer aujourd'hui, à un moment où notre société a plus que jamais besoin
02:18à la fois de dialogues, mais aussi de compromis.
02:22Alors faire des compromis dans la fabrique de la loi, ce n'est donc pas nouveau, mes chers collègues.
02:29Mais avant de rentrer dans la lecture commentée de ces textes de 1905,
02:33je vais tout de suite céder la parole à M. le Président du Sénat,
02:37que je remercie pour son soutien pour l'organisation de cette soirée.
02:42M. le Président, je vous en prie.
02:51Madame la Vice-présidente du Sénat, je sais que notre collègue Anne-Chain Larcher va nous rejoindre.
02:57M. le Vice-président du Sénat, M. le Président du groupe socialiste, cher Patrick Cannaire,
03:06mes chers collègues sénatrices et sénateurs, ils se succéderont parce que nous avons des débats en ce moment
03:13en hémicycle sur le projet de loi de finances.
03:16Permettez-moi de saluer, mesdames et messieurs les professeurs, Gilles Candard,
03:21qui est là, le président de la Fédération française de débat et d'éloquence,
03:26et puis ceux qui vont s'exprimer et lire ces textes, chers lecteurs,
03:31et vous tous soyez les bienvenus.
03:34J'ai aperçu Anne-Chain Larcher là-haut.
03:36Je suis très heureux de vous accueillir avec mes collègues pour cet événement
03:40commémorant le 120e anniversaire de la loi du 9 décembre 1905
03:45sur la séparation des Églises et de l'État.
03:50Je tiens à remercier tout particulièrement Sylvie Robert et Pierre Ouzoulias
03:53qui sont à l'origine de cette manifestation.
03:56Moi aussi, je veux saluer le président de la Société d'études jaurésienne
04:00qui présentera le contexte historique de la discussion au Parlement
04:05et les étudiants de la Fédération française de débat et d'éloquence
04:08qui nous feront partager des textes emblématiques des débats parlementaires
04:14mettant en valeur la liberté de conscience et la liberté de culte,
04:19texte d'Émile Combes, d'Aristide Briand, de Louis Méjean, de Jean Jaurès,
04:24de Georges Clemenzo, sans oublier le point de vue de représentant du culte.
04:28Je ne reviendrai pas dans le détail sur les débats parlementaires
04:33qui se déroulèrent à l'époque.
04:35Gilles Condard le fera bien mieux que moi.
04:38La loi de 1905 est le socle de la laïcité
04:41dans laquelle le Sénat s'est fortement impliqué.
04:45Cette loi est un des piliers de la République
04:47avec la loi sur l'enseignement de 1882,
04:51la loi municipale de 1884
04:53et la loi sur la liberté d'association de 1901.
04:58Au fond, l'esprit républicain conjuguait la laïcité
05:03soufflée sur l'ensemble de ces textes
05:06des débats et des lois qui en furent la conclusion.
05:11Le 6 décembre 1905,
05:14la loi est adoptée par le Sénat,
05:16181 voix pour, 102 contre.
05:20Le texte examiné au Sénat a donné lieu à un débat,
05:22je dois le dire, de haute tenue,
05:25respectueux des opinions de chacune et de chacun.
05:29Afin que la loi soit définitivement adoptée
05:31avant les législatives prévues en 1906,
05:36les sénateurs acceptent de le voter conforme.
05:40Les textes que vous allez écouter reflètent en fait
05:43deux conceptions de la laïcité.
05:45Celle d'Émile Combe, d'une part,
05:48et celle d'Aristide Briand, d'autre part.
05:51J'ai eu l'occasion d'évoquer,
05:54lors du dîner des protestants,
05:56c'était le 19 novembre dernier,
05:58qui marquait les 120 ans de la création
06:00de la Fédération protestante de France
06:02dans le sillage de la loi de 1905.
06:05Oui, ces grandes figures
06:08qui participèrent autour d'Aristide Briand
06:11à la rédaction de la loi,
06:13on l'entendra ce soir,
06:14je pense à Louis Méjean,
06:16qui souhaitait une séparation libérale
06:19loin de la vision plus fermée d'Émile Combe.
06:23Et nous entendrons aussi,
06:25un catholique libéral,
06:27le comte d'Aussonville,
06:30dont, j'allais dire,
06:31le descendant est aujourd'hui
06:32notre représentant à Monaco,
06:34expliquait que l'Église catholique
06:37aurait intérêt à adopter la loi de 1905.
06:41Ainsi, grâce au talent
06:43et à l'engagement des parlementaires de l'époque
06:45et au premier rang desquels Aristide Briand,
06:48la laïcité est devenue un mode de régulation,
06:50un mode de régulation des espaces distincts
06:53du débat public et des convictions personnelles.
06:56Il y a une formule célèbre,
06:58la loi protège la foi
07:00aussi longtemps que la foi
07:02ne prétend pas dicter la loi.
07:06Tout est dit,
07:07et un certain nombre,
07:08je suis devant la présidente du Parti radical,
07:10qui se retrouvera autour de cette affirmation.
07:15La laïcité est entrée dans notre tradition,
07:18non pas dans une tradition morte,
07:20mais comme une tradition vivante,
07:22qui porte en elle les valeurs de notre histoire
07:24qu'il nous faut aujourd'hui transmettre.
07:26C'est bien pourquoi il est fait
07:27du quatrième principe de notre devise républicaine,
07:32bien sûr, liberté, égalité, fraternité,
07:35mais aussi le mot laïcité.
07:38Nous devons transmettre
07:39l'attachement à ces principes
07:41qui sont dans notre pays
07:42un facteur de concorde nationale
07:45et de paix civile.
07:47Il nous revient d'expliquer sans cesse
07:48ce que laïcité signifie.
07:50C'est ce que nous faisons ce soir.
07:51Je redoute parfois
07:53que la génération que vous représentez d'aujourd'hui
07:56ne mesure pas tout à fait
07:57ce qu'elle doit à la loi de 1905,
08:00loi de respect, de liberté,
08:03qui a défini les principes
08:05d'une laïcité sans adjectif.
08:08Souvenez-vous, il y a quelques années,
08:10on a parlé d'une laïcité avec adjectif.
08:13C'est la laïcité à la française.
08:16La laïcité à la française
08:18est un tout qui dépasse
08:19une vision réductrice et asséchante
08:21que certains voudraient en donner.
08:24Elle repose sur le respect absolu
08:25de la liberté de conscience
08:27et de l'égalité des citoyens.
08:29Son principal ressort consiste
08:31en une foi profonde dans la raison.
08:34J'utilise intentionnellement
08:37ces deux mots, foi et raison.
08:40Nous devons donc par conséquent réaffirmer
08:43avec force notre attachement
08:45à la conception particulière
08:46de la laïcité française
08:48qui détache absolument
08:50la politique du religieux
08:52et garantie à tous les citoyens,
08:54notamment les femmes et les hommes,
08:56l'égalité de statut.
08:59Il a fallu émanciper
09:02la politique et la démocratie du religieux
09:05en un mot.
09:07C'est Marcel Gaucher
09:08qui le dit très bien
09:10avec lequel j'ai dialogué
09:11dans un opuscule
09:12paru en 2019.
09:16À un moment,
09:16on voulait donner un adjectif
09:18à la laïcité
09:19et sur lequel nous avions
09:20insisté tous deux
09:22sur l'absence d'adjectif
09:25au mot laïcité.
09:27Oui,
09:28il écrit
09:28« Il n'y a pas de loi de Dieu.
09:29Tout ce qui est pouvoir
09:30et contrainte légale,
09:32c'est-à-dire la loi dans la cité,
09:33relève de la volonté des citoyens
09:35et non pas d'une religion
09:37quelle qu'elle soit. »
09:39Mais entendons-nous bien,
09:40la laïcité n'est pas
09:41le désir d'effacer
09:42tout signe religieux
09:43de la société.
09:45C'est tout simplement
09:45le désir de mettre
09:47l'espace public
09:48à l'abri des embrises
09:49particularistes
09:51ou séparatistes.
09:53La laïcité est un cadre
09:54qui laisse à chacun
09:55le choix de son destin
09:56en évitant qu'il se replie
09:58sur les communautés
10:00qui vont se concurrencer
10:02entre elles.
10:03La loi de 1905
10:05est le résultat,
10:06en fait,
10:06d'un long processus
10:07de maturation
10:08qui s'est imposé
10:10au culte,
10:11parfois dans la douleur.
10:13La laïcité
10:13s'est construite
10:14notamment
10:14dans un affrontement
10:15à l'époque,
10:16il faut le dire,
10:17entre l'Église catholique
10:18et la République
10:19qui s'est ensuite apaisée.
10:22D'autres religions
10:22en expansion
10:23ont fait irruption
10:24depuis.
10:25Je pense
10:25à l'islam,
10:27deuxième communauté
10:28religieuse
10:29en France,
10:30mais aussi au bouddhisme
10:31et à une certaine
10:32forme d'évangélisme
10:33lié au protestantisme.
10:36Face au risque
10:36toujours présent
10:37de communautarisme,
10:38de fondamentalisme,
10:39quel qu'il soit,
10:41je pense que nous devons
10:42rester vigilants
10:43et confiants
10:44dans nos valeurs.
10:46Aucune loi
10:46n'est supérieure,
10:47je le redis,
10:48à celle décidée
10:49par la démocratie.
10:52Il nous faut faire
10:52donc vivre
10:53et faire preuve
10:54de fermeté
10:55face aux communautaristes
10:58sans pour autant
10:58ébranler
10:59le fragile équilibre
11:01bâti en 1905.
11:03Cet a été le cas
11:04dans les débats
11:04que nous avons eus
11:05pour la loi de 2004
11:06encadrant le port
11:07de signes
11:08obtenus
11:08manifestant
11:09une appartenance
11:10religieuse
11:11dans les écoles,
11:13dans les collèges
11:13et les lycées publics.
11:14Je rappelle
11:16que cette loi
11:16a été élaborée
11:17au sein
11:17de la commission
11:18STASI
11:19et c'est d'ailleurs
11:20le Sénat
11:21qui avait été choisi
11:22pour les travaux
11:23de cette commission.
11:24Je crois qu'elle mérite
11:25d'être appliquée
11:26sans faiblesse.
11:27Pour autant,
11:28les religions
11:29ont toute leur place
11:31dans la laïcité.
11:33Oui,
11:34toute leur place
11:34dans la laïcité.
11:35La laïcité
11:36ne s'oppose en rien
11:37aux faits religieux
11:37qui est une donnée sociale
11:39et sociétale
11:39que l'on a sans doute
11:41peut-être trop négligée,
11:42tout comme l'attachement
11:44à des valeurs philosophiques
11:45qui ont structuré
11:47notre République.
11:48Elle doit être ressentie
11:49comme une protection
11:50de la liberté de croire
11:51et à exercer
11:52le culte de son choix.
11:54Il doit s'agir
11:54pour l'État
11:55aujourd'hui
11:56non pas d'être intrusif
11:58vis-à-vis des religions
11:59mais de les accompagner
12:00en fonction des besoins
12:01qui leur sont propres
12:02à partir d'un dialogue
12:03rénové.
12:05Au cours de mes mandats
12:06locaux,
12:07nationaux,
12:08j'ai toujours tenu
12:09à dialoguer
12:10avec les représentants
12:11des cultes
12:11sur l'ensemble
12:13des sujets majeurs.
12:15Le combat
12:15pour la laïcité
12:16va de pair
12:16avec la restauration
12:17de notre cohésion nationale.
12:20Il nous faut restaurer
12:21la transmission
12:21de ce qu'est la France,
12:23de ses valeurs constitutives.
12:25Ces dernières
12:25ne sont pas
12:26le fruit du hasard,
12:27elles sont les produits
12:27d'une histoire
12:28intellectuelle,
12:30complexe,
12:31nourrie de philosophies,
12:32de débats,
12:33de combats.
12:35Les débats
12:35sur la laïcité,
12:36l'intégration,
12:37l'égalité des chances,
12:38le droit des femmes
12:39nous posent
12:39une même question.
12:41Quelle France
12:41voulons-nous
12:42pour nous
12:42et pour nos enfants ?
12:45Nous avons reçu
12:46un héritage en partage,
12:50un pays riche
12:50de son histoire,
12:51de sa langue,
12:52de sa culture,
12:53une nation forte
12:54de ses valeurs
12:54et de ses idéaux.
12:56Notre pays,
12:57je crois,
12:58chacun doit en être fier,
12:59chacun doit se sentir
13:00dépositaire
13:01de son héritage,
13:03chacun doit se sentir
13:03responsable
13:04de son avenir
13:05en recherchant
13:06résolument
13:06l'unité,
13:08l'unité des Français,
13:09en confirmant
13:10notre attachement
13:12à la laïcité,
13:12en faisant mieux vivre
13:14l'esprit
13:15de solidarité
13:16et de tolérance,
13:17en menant résolument
13:18le combat
13:19pour les droits
13:19des femmes,
13:20en nous rassemblant
13:21autour des valeurs
13:23qui ont fait
13:23la France.
13:24C'est ainsi
13:25que nous resterons
13:26une nation confiante,
13:27c'est ainsi
13:28que dans le sillage
13:28des promoteurs
13:29de la loi de 1905,
13:30nous pourrons réaffirmer
13:31l'ambition
13:32qui nous rassemble
13:33de bâtir pour notre pays
13:34un avenir
13:35autour des principes
13:37de la justice
13:37et du progrès.
13:39C'est l'un des grands défis
13:40lancés à nos générations.
13:42Je crois vous dire
13:42que la loi de 1905,
13:44certes,
13:45on l'a ajustée,
13:47mais elle n'a pas vieilli
13:48en tant que telle.
13:49Elle fait partie
13:49de ces lois
13:50absolument géniales
13:52du début
13:52de la Troisième République.
13:54Et puisque cette année,
13:55nous commémorons
13:56les 150 ans,
13:57les 150 ans
13:58de la création
13:59du Sénat,
14:01en même temps
14:01comme l'affirmation
14:02de la République,
14:03Sénat et République
14:04sont nés ensemble.
14:06Et au même moment,
14:08dans un même dialogue,
14:09je dois vous dire
14:10que ce défi
14:11qui est lancé
14:12à notre génération,
14:13nous avons le devoir
14:14de le relever.
14:16C'est en tous les cas
14:17le sens,
14:19j'allais dire,
14:19de faire mémoire,
14:21reprenant ces principes
14:23que je ne cesse
14:23de répéter d'Aragon.
14:25Avenir,
14:26souvenirs,
14:27nuances si légères,
14:28au feu de ce qui fut,
14:30brûle ce qui sera.
14:32Très bonne soirée.
14:33Applaudissements
14:35Applaudissements
14:36Applaudissements
14:37Applaudissements
14:38Applaudissements
14:38Applaudissements
14:39Applaudissements
14:40Applaudissements
14:40Applaudissements
14:41Applaudissements
14:42Applaudissements
14:42Merci,
14:42M. le Président.
14:44Je vais tout de suite
14:44passer la parole
14:45maintenant à M. Gilles
14:46Candard,
14:47qui va donc mettre
14:48en contexte
14:49les débats
14:50de la loi
14:51de 1905.
14:53M. le Professeur,
14:54vous avez la parole.
14:55Je vous en prie.
14:55Merci beaucoup
14:56et merci pour l'invitation
14:59aux organisateurs
15:00de cette réunion.
15:03Alors,
15:03je ne vais pas vous donner
15:04tous les ressorts
15:04de la loi,
15:05juste rappeler
15:07quelques points
15:09après le très brillant
15:10exposé
15:11de M. le Président
15:12Larcher.
15:14Au terme
15:15de l'article 1er
15:16de la Constitution,
15:17la France
15:18est une république
15:18indivisible,
15:20laïque,
15:20démocratique
15:21et sociale.
15:21Son caractère laïque
15:23est notamment défini
15:25par la loi de 1905
15:26qui,
15:28sans recourir aux mots,
15:29entend assurer
15:30l'égalité
15:31devant la loi
15:31de tous les citoyens
15:33sans distinction
15:34d'origine,
15:35de race
15:35ou de religion.
15:37Cette exigence
15:38avait été énoncée
15:39sous la restauration
15:40par le grand juriste
15:41libéral
15:42Royer Collard.
15:44Elle fut portée
15:45ensuite,
15:46au moment
15:46de la discussion
15:47de la loi
15:48par le tribunal
15:48socialiste
15:50Jean Jaurès
15:50et reprise
15:52par Aristide Briand,
15:54rapporteur
15:55de la commission
15:56de la Chambre
15:56des députés
15:57chargée
15:58de l'examen
15:58du projet de loi
15:59et,
16:00en fait,
16:01par de nombreux
16:01parlementaires
16:02qui l'aient ou pas
16:04finalement voté
16:05mais après avoir
16:07tous pris part
16:08à son élaboration.
16:10C'est là,
16:10à mon avis,
16:11le vrai secret
16:11de l'adoption
16:13de la loi
16:14et du caractère
16:15génial
16:16que M. le Président
16:17Larcher
16:17vient de souligner.
16:19La loi de séparation
16:20demeure en effet
16:20une masse de granit
16:21dans notre législation
16:23républicaine
16:23par sa double
16:25affirmation initiale.
16:27La République assure
16:28la liberté de conscience,
16:30elle garantit
16:31le libre exercice
16:32de culte,
16:34elle ne reconnaît,
16:34ne salarie
16:35ni ne subventionne
16:37aucun culte.
16:38Cette loi
16:38marque ainsi
16:39une étape
16:39dans une histoire longue
16:40qu'ont étudié
16:41de nombreux historiens
16:42auxquels je me permets
16:43de vous renvoyer.
16:45René Raymond,
16:46Maurice Agulon,
16:47Jean-Marie Maillard,
16:48Jacqueline Lallouette,
16:49Maurice Larkin,
16:50Patrick Cabanen,
16:51Jean Beaubéreau,
16:52Jean-Paul Scott
16:52et bien d'autres encore,
16:54vous avez
16:55toutes les lectures
16:57possibles
16:58qui vous ouvriront,
17:00disons,
17:01le chemin
17:02de la compréhension.
17:04Mais il faut insister
17:05sur un point ici
17:06puisque nous sommes
17:06au CELA,
17:07cette loi
17:08est éminemment
17:09fille du Parlement,
17:11fille des procédures,
17:12de la culture
17:13et des politiques
17:14parlementaires.
17:15Elle est plus
17:16que beaucoup d'autres
17:16car,
17:18pour des raisons
17:19qui seraient peut-être
17:19trop longs
17:20d'expliquer ici,
17:21elle est construite
17:22par une commission
17:23ad hoc
17:24de la Chambre des députés
17:25présidée par le radical
17:27socialiste Ferdinand Buisson,
17:28député de Paris,
17:30avec donc
17:30comme rapporteur
17:31Aristide Briand,
17:33député de la Loire,
17:34qui se révèle
17:35dans l'occasion
17:36habile,
17:37efficace,
17:38désireux
17:39d'obtenir
17:39des changements durables.
17:41C'est un laïc
17:41convaincu
17:42qui va continuer
17:44longtemps après
17:44les votes
17:45de 1905
17:46à jouer
17:47un rôle important
17:47dans le domaine
17:49de la laïcité
17:50et qui suivra
17:51la mise en œuvre
17:53de la loi
17:53pendant de nombreuses années.
17:55La tension
17:56se focalise
17:57légitimement
17:58très souvent
17:59sur le débat
18:00à la Chambre des députés
18:01qui s'achève
18:01en juillet 1905.
18:04Quand la loi
18:04arrive au Sénat,
18:05le 9 novembre suivant,
18:07les jeux sont faits,
18:08pour reprendre
18:08l'expression
18:09de l'historien
18:09Jean-Marie Maillard,
18:11puisque le bloc
18:11des gauches
18:12de l'époque
18:12y dispose
18:13d'une majorité
18:14des deux tiers.
18:16Même si le Sénat
18:17n'amende pas le projet,
18:19puisque sa majorité
18:19souhaite éviter
18:20une navette parlementaire,
18:22plusieurs courants
18:22vont s'exprimer
18:24et faire valoir
18:25leurs craintes,
18:26leur mise en garde
18:26ou les diverses attentes.
18:28Il me semble légitime
18:29de faire aujourd'hui
18:30écho
18:31à ces différentes interventions.
18:35Vous avez d'une part
18:36la droite catholique
18:37et monarchiste
18:38qui parle par la voix
18:39de quatre orateurs,
18:41Henri Pontier
18:41de Chamaillard,
18:43le vice-amiral
18:44et comte Jules
18:44de Cuverville,
18:45élu du Finistère,
18:47Gustave de Lamarzel
18:48et Charles Rioux
18:49du Morbihan.
18:50Sur un certain nombre
18:51de points,
18:52leurs critiques
18:52sont suivies
18:53par des républicains
18:53modérés
18:54ou progressistes,
18:55comme on disait
18:56à l'époque,
18:57notamment les anciens
18:58présidents du Conseil,
18:58Charles Dupuis
18:59et Jules Méli
19:00qui siègent
19:02dans le groupe
19:03de droite
19:03qui s'appelle
19:04gauche républicaine.
19:05C'est le charme
19:06du Sénat
19:07de cette époque
19:09qui se retrouve
19:10peut-être aujourd'hui
19:11parfois par ailleurs.
19:13Plus discret,
19:14les partisans
19:14de la loi
19:15laissent surtout
19:16s'exprimer
19:16le président
19:17de la commission,
19:18le sénateur radical
19:19de la Marne,
19:20Herles Vallée,
19:21qui fut garde des sceaux
19:22du gouvernement Combes
19:23et son rapporteur,
19:24Maxime Lecomte,
19:26lui aussi radical
19:27et sénateur du Lot.
19:29Deux sénateurs
19:30de la majorité
19:30s'expriment
19:31avec force
19:32et il est légitime
19:34de se souvenir
19:34de leur intervention.
19:36Le 23 novembre,
19:37Georges Clemenceau,
19:38de la gauche radicale
19:39socialiste,
19:40élu du Var
19:40depuis 1902,
19:42dit n'être pas
19:42vraiment convaincu
19:43par ce nouveau texte
19:44qui priviligérait
19:46l'entente
19:46avec l'Église
19:47comme institution
19:48au détriment
19:49de la liberté
19:50individuelle
19:50des catholiques.
19:51Mais par discipline
19:53de parti,
19:53par solidarité politique,
19:55il vote
19:56néanmoins le texte.
19:57De même,
19:58Émile Combes,
19:59redevenu président
20:00du groupe
20:01de la gauche démocratique,
20:02exprime lui aussi
20:04des réserves
20:04avant de voter la loi
20:06pour qu'elle puisse
20:07rentrer rapidement
20:08en explication.
20:10Radicaux et laïcs,
20:11Clemenceau et Combes
20:12sont rivaux entre eux
20:13pour l'accès au pouvoir
20:15et en désaccord
20:16sur les modalités
20:17pratiques
20:18de la législation
20:21qu'il convient
20:21de mettre en place.
20:22Tous deux regrettent
20:23le transfert
20:24des établissements religieux
20:25et des biens du culte
20:26à des associations
20:28qui,
20:28en se conformant
20:29aux règles générales
20:30du culte
20:30dont elles se proposent
20:31d'assurer l'exercice,
20:33se seront légalement formés.
20:34C'est l'expression
20:35du très fameux,
20:37célèbre article 4
20:38qui a été voté
20:41à la Chambre des députés.
20:42La tradition,
20:44qui n'est pas absolument
20:44prouvée,
20:45mais qui est probable,
20:47attribue à Jean Jaurès
20:48la formulation exacte
20:50de cet article
20:50qui permet l'accord
20:52entre une grande partie,
20:53disons,
20:54de la gauche
20:54anticléricale
20:56et d'une grande partie
21:00des modérés
21:01laïcs
21:02qui étaient très nombreux
21:04à la Chambre des députés
21:06mais qui sont également
21:07très nombreux
21:07au Sénat.
21:10C'est cette formule
21:10d'équilibre
21:11proposée,
21:12assumée,
21:13patronnée
21:14par Jaurès lui-même
21:15en accord avec
21:16Briand
21:16et la majorité
21:17de la Chambre
21:18qui regrette
21:20en quelque sorte
21:21donc Combe
21:22et Clémenceau,
21:23qui juge
21:23cette concession excessive
21:24mais qui permet
21:25de comprendre
21:26le vote massif
21:27de la loi
21:28et finalement,
21:29à terme,
21:30son succès durable.
21:33Néanmoins,
21:34Combe et Clémenceau
21:35ont voté la loi
21:36adoptée par 179 voix
21:38contre 103.
21:40Excusez-moi,
21:40mais vous avez donné
21:42des chiffres
21:42dits en séance.
21:44Je prends les chiffres
21:45après rectification.
21:47C'est là aussi
21:47une vieille habitude.
21:50Oui,
21:50mais c'est quelque part
21:51plus loin.
21:53Neuf,
21:53ne prennent pas
21:54part au vote
21:55et trois absents
21:56par congé.
21:57La loi est votée
21:57le 6 décembre.
21:58Elle est promulguée
21:59trois jours plus tard,
22:00sous son délai de l'époque,
22:02le 9 décembre 1905.
22:04Précisons que la loi
22:05de séparation
22:06applicable sur le territoire
22:08métropolitain
22:09de l'époque,
22:10nuance importante,
22:12concerne bien entendu
22:13les cultes
22:14précédemment reconnus.
22:15Là aussi,
22:16c'est un terme
22:16de l'époque.
22:18C'est-à-dire
22:18les cultes
22:18qui sont liés
22:19par des accords
22:20officiels
22:20avec l'État
22:21et qui étaient
22:22jusqu'alors
22:23subventionnés
22:24comme tels.
22:25Donc,
22:26en dehors
22:26de l'Église catholique,
22:27les luthériens
22:28et les réformés
22:29depuis 1802,
22:30les juifs
22:31depuis 1808
22:32et plusieurs dispositions
22:35sous la monarchie
22:35de juillet.
22:36Ironie de l'histoire,
22:38le Vatican,
22:40refusant
22:40les associations
22:41prévues par la loi
22:42et son principe même,
22:44la République
22:44devra trouver
22:45les moyens
22:46d'assurer
22:46la liberté
22:47des cultes,
22:48mais dans l'esprit
22:49voulu par le Parlement.
22:50C'est ce qu'elle fera
22:51le plus souvent
22:52sous l'égide
22:53d'Aristide Briand
22:53en 1907,
22:551908
22:56et les années suivantes
22:56jusqu'à la mise
22:58en place
22:58en 1924
22:59des associations
23:00diocésaines.
23:01Long débat,
23:02parfois difficile,
23:04mais qui aboutisse
23:05avec même,
23:06il n'est pas interdit
23:08de le signaler,
23:09en 2005,
23:10un satisfait site
23:11tardif
23:12et mesuré
23:12du pape Jean-Paul II
23:13à la laïcité française
23:15telle qu'elle s'est appliquée.
23:18Vertu du débat d'idées,
23:20et donc
23:20de la démocratie.
23:24Merci beaucoup,
23:32M. le Professeur,
23:33pour cette mise
23:33en perspective historique.
23:36Avant de donner
23:36la parole
23:37à notre première oratrice,
23:40pouvez-vous nous dire
23:41un mot
23:41de cette figure
23:42de la Troisième République,
23:43vous en avez déjà parlé,
23:45souvent présentée
23:46par le grand militant
23:47de la laïcité,
23:49M. Émile Combe.
23:53Alors,
23:54Émile Combe,
23:56sénateur radical
23:57de la Charente inférieure,
23:59c'était son nom
24:00de l'époque,
24:00là aussi,
24:01maire de Ponce,
24:02est devenu
24:03président du Conseil
24:04en 1902.
24:05Sa politique
24:06est marquée
24:07par un antithéricalisme
24:08qui conduit
24:09à fermer
24:09de nombreux établissements
24:10détenus
24:11par des congrégations
24:12religieuses,
24:13ce qui provoque
24:13l'exil
24:14des membres
24:15de ces congrégations.
24:17La loi du 7 juillet 1904
24:19interdit l'enseignement
24:20de tout ordre
24:20et de toute nature
24:21aux congrégations.
24:24Pourtant,
24:25en ce qui concerne
24:25la séparation,
24:27Émile Combe,
24:28désireux de contrôler
24:29de très près
24:30le clergé,
24:31ne la souhaite pas
24:32d'emblée,
24:33mais la logique
24:34de cette politique
24:35va y mener.
24:36Les services
24:39du Sénat
24:41et le Forum
24:41ont choisi
24:42le discours
24:43du 13 septembre 1903,
24:45à mon avis
24:45de manière très judicieuse,
24:47car ce discours
24:48intervient
24:48au moment
24:49le plus fort
24:51des affrontements
24:52entre les laïcs
24:53anticléricaux
24:54et leurs adversaires
24:56lorsqu'est inaugurée
24:57une statue de Renan
24:59face à l'église
24:59de Tréguier,
25:01le dimanche matin
25:01d'ailleurs,
25:02à l'heure
25:02de la messe.
25:04Combe se défend
25:05d'en vouloir
25:05à la religion catholique
25:06en tant que telle,
25:07mais il critique
25:08l'attitude politique
25:09prise par une grande
25:10partie du clergé.
25:12La logique
25:13de sa politique
25:14qu'il va suivre
25:15ensuite,
25:16notamment la rupture
25:17en juillet 1904
25:19des relations diplomatiques
25:20entre la France
25:20et le Saint-Siège,
25:22va le conduire
25:23à engager
25:23le processus
25:24de séparation.
25:26Mais dans ce processus,
25:28la gestion
25:28des églises,
25:29bien mobiliers
25:29et immobiliers,
25:30le contrôle
25:31des ecclésiastiques,
25:32reste à déterminer.
25:34L'affaire
25:34des fiches
25:35au ministère
25:36de la guerre
25:37et un affaiblissement
25:38de sa majorité
25:39vont le conduire
25:41à démissionner
25:41en janvier 1905,
25:43onze mois
25:43avant le vote
25:44que nous le célébrons.
25:46Son successeur,
25:48un républicain modéré,
25:49membre de ce qu'on appelait
25:50à l'époque
25:50le bloc des gauches,
25:51Maurice Rouvier,
25:53va continuer
25:54sa politique
25:56dans un registre
25:56plus tempéré,
25:58en devant gérer
25:59d'ailleurs
25:59l'éloignement
26:00progressif
26:01de sa majorité
26:01parlementaire
26:02par les socialistes
26:04qui sont en voie
26:04d'unification.
26:06C'est d'ailleurs
26:06ce double mouvement
26:07qui explique
26:08que la loi
26:08va être beaucoup plus
26:09pilotée que d'autres
26:10par des parlementaires
26:11et notamment
26:12la commission
26:12et l'arrestre brillant
26:13et que les ministres
26:15chargés des cultes
26:16auront un rôle
26:18finalement très passif
26:19à chaque fois.
26:21Le processus législatif
26:22d'adoption
26:22de la loi de séparation
26:23va donc continuer
26:24selon sa logique prof,
26:27d'où le caractère
26:28décisif
26:28de la discussion
26:29parlementaire.
26:31Mais avant
26:31de revenir
26:32à celle-ci,
26:33il est intéressant
26:33d'entendre
26:34le point de vue
26:35de M. Émile Combe
26:37tel qu'il expose
26:39à Tréguier
26:39en 1903
26:40en compagnie
26:41de l'Atoile France.
26:42La parole est donc
26:43à Émile Combe.
26:44Je vais donc appeler
26:45Émile Combe.
26:48Émile Combe
26:49est interprété
26:49par Audrey Pintor,
26:51étudiante
26:51à l'université
26:52de Paris-Saclay.
26:54M. Combe,
26:54vous avez la parole.
26:55Comme libre-penseur
27:11et à l'exemple
27:12de Renan,
27:13nous refusons
27:15de nous courber
27:16sous un enseignement
27:17quelconque,
27:18de nous soumettre
27:19à un symbole
27:20d'abriter
27:21derrière une croyance
27:23les doutes
27:24de notre intelligence.
27:27Nous faisons profession
27:28de consulter
27:29et de suivre
27:30en toutes choses
27:31les lumières
27:32de la raison.
27:34Mais nous n'affichons
27:35nullement
27:36la prétention
27:37d'imposer à autrui
27:38notre règle
27:39de conduite
27:40et notre méthode
27:42de raisonnement.
27:44À la différence
27:45du prêtre catholique
27:46qui ne monte en chair
27:48que pour jeter
27:48l'anathème
27:49à ceux qui pensent
27:50autrement que lui,
27:51nous n'ouvrons
27:53la bouche
27:54que pour réclamer
27:55en faveur
27:57de tout le monde
27:58la libre recherche
28:00et le libre examen.
28:04Ce n'est pas
28:05à la religion
28:05que nous nous attaquons,
28:08c'est à ses ministres
28:09qui veulent s'en faire
28:11un instrument
28:12de domination.
28:14La religion,
28:15en tant que sentiment
28:16inné du cœur
28:17de l'homme,
28:18échappe à notre prise
28:19comme les autres sentiments.
28:21en tant que système
28:23de croyance,
28:25elle a droit
28:25à la liberté
28:26qu'aucun de nous
28:27ne songe
28:27à lui dénier.
28:29Son domaine
28:30est la conscience.
28:32Nous serions
28:32les premiers
28:33à le défendre
28:34si,
28:35par un acte législatif
28:36ou une mesure
28:37administrative,
28:40quelqu'un faisait mine
28:41de vouloir
28:41s'y introduire
28:42de force
28:43et s'y comporter
28:44en maître.
28:46Tout ce que nous demandons
28:47à la religion,
28:49parce que nous avons
28:50le droit
28:50de le lui demander,
28:53c'est de s'enfermer
28:54dans ses temples,
28:55de se limiter
28:56à l'instruction
28:56de ses fidèles
28:57et de se garder
28:59de toute émission
29:00dans le domaine
29:01civil
29:01et politique.
29:05Nous sommes entrés
29:06en lutte ouverte
29:07avec ses ministres
29:09parce qu'ils ont méconnu
29:11de parti pris
29:12le caractère essentiel
29:14de cette mission
29:14qui est exclusivement
29:16d'ordre spirituel.
29:18parce qu'ils visent
29:20manifestement
29:21à s'emparer
29:22de la direction
29:23de la société.
29:26Rien ne les arrête
29:27dans leur tentative
29:28d'empiétement,
29:30ni les lois anciennes,
29:31ni les lois concordataires,
29:33ni les lois nouvelles
29:34de la République.
29:36Je n'aurai,
29:38pour vous en convaincre,
29:39qu'à retracer
29:40jour par jour
29:42l'histoire
29:44des 16 derniers mois.
29:45Il peut leur en convenir
29:49de nous représenter
29:50comme des sectaires
29:51parce que nous
29:52leur tenons tête
29:53avec une fermeté
29:55mal servie
29:56par la législation
29:57existante.
29:59Mais l'opinion publique
30:01ne s'y trompe pas.
30:03À ses yeux,
30:04l'ennemi de la religion,
30:06ce n'est pas
30:06le gouvernement
30:07qui veut la séparer
30:09radicalement
30:10de la politique
30:11en lui assurant
30:13la liberté
30:13dans la sphère
30:14qui lui est propre.
30:17C'est le ministre
30:18du culte
30:19qui associe
30:20délibérément
30:22la politique
30:23à la religion
30:24pour s'autoriser
30:26à mettre
30:27une main despotique
30:28à la fois
30:29sur la conscience
30:31et sur la volonté
30:33de la nation.
30:34Merci beaucoup.
30:46Alors maintenant
30:47on va donner la parole
30:48à notre deuxième orateur.
30:52Ce sera Aristide Briand.
30:53Mais auparavant,
30:54M. Candard,
30:55dites-nous
30:55quel est le contexte
30:57de son discours.
30:59Alors là,
30:59nous revenons
31:00à la discussion
31:01parlementaire.
31:02Au moment où la loi
31:03est votée
31:03par la Chambre
31:04des députés
31:05le 3 juillet 1905,
31:07Aristide Briand,
31:08un personnage
31:09très différent
31:09d'Émile Combes,
31:10avocat,
31:11journaliste
31:12qui vient d'être élu
31:13député de la Loire
31:15en 1902.
31:17C'est à l'époque,
31:18ça changera après,
31:19mais c'est à l'époque
31:19le principal collaborateur
31:21de Jaurès,
31:22secrétaire
31:22du Parti Socialiste
31:23français,
31:24rédacteur de l'Humanité
31:26chargé
31:26de la politique intérieure.
31:28Il s'est présenté
31:28à la demande de Jaurès
31:29pour être membre
31:30de la commission
31:31chargée de préparer
31:32la loi de séparation.
31:34C'est un laïc
31:34convaincu,
31:36membre du comité
31:36exécutif
31:37de l'Association nationale
31:39des libres penseurs
31:40de France,
31:40ancien directeur
31:41de la Lanterne
31:42quotidienne
31:43anticléricale.
31:45Il souhaite
31:45faire évoluer le pays,
31:46il estime nécessaire
31:47que de nouveaux régimes
31:48laïcs
31:49soient mis en place,
31:51mais qu'ils soient
31:51aussi acceptés
31:52par la masse
31:52des citoyens
31:53attachés à l'Église catholique.
31:55Il est désireux aussi
31:56d'affirmer
31:57son autorité personnelle.
31:58Il va parvenir
32:00à s'imposer
32:01au sein de la commission
32:04et à imposer
32:05la dite commission
32:06comme l'instance
32:07décisive
32:08d'un travail
32:08parlementaire,
32:10à finalement
32:10échapper
32:12à toute marginalisation
32:15qu'auraient pu tenter
32:15les deux gouvernements
32:16successifs
32:17et à faire voter
32:18article après article
32:20la loi
32:20en débattant
32:21avec des parlementaires
32:22aux positions
32:23très diverses
32:23tels que Jaurès,
32:26Barthoud ou Lègue,
32:27Vaillant ou Ribot.
32:29Donc,
32:29une majorité
32:30qui va aller
32:31d'un socialiste
32:32héritier de la commune
32:33de Paris
32:33et du blanquisme
32:35jusqu'au centre-droit
32:36héritier de leur léalisme.
32:38Admirez la performance.
32:40La majorité
32:41qui va adopter
32:42la loi
32:42par 341 voix
32:43contre 233
32:45le 3 juillet
32:46est suffisamment large
32:47pour refléter
32:48un succès personnel
32:50qu'il va d'ailleurs
32:51pouvoir mettre
32:52à profit
32:52dans la suite
32:53de sa carrière politique
32:54et c'est lui
32:55que nous allons
32:55donc maintenant
32:55entendre.
32:57Je vais appeler
32:58Aristide Briand
32:59à la tribune.
33:01Il sera interprété
33:01par Emmanuel Zoum
33:03qui est étudiant
33:04à l'ESSEC
33:04à Sergi-Pontoise.
33:06Monsieur Briand,
33:06vous avez la parole.
33:17C'est maintenant
33:18l'heure
33:19des responsabilités.
33:21Il faut les assumer.
33:23La Chambre
33:25a jugé
33:26que la séparation
33:27était imposée
33:28à la fois
33:29par les principes républicains
33:31et par des circonstances
33:33dont chacun sait
33:34que la responsabilité
33:36remonte
33:37au Saint-Siège.
33:39Vous devez convenir
33:41que lorsque cette législature
33:43s'est ouverte,
33:44la question de la séparation
33:45ne se posait pas.
33:48Il a fallu
33:48les graves incidents
33:49provoqués par Rome
33:50pour la mettre
33:51à l'ordre du jour.
33:54La Chambre
33:55s'est résolument
33:56saisie du problème.
34:00On ne saurait
34:01lui reprocher
34:02d'avoir esquivé
34:03une seule
34:03des difficultés
34:04nombreuses et graves
34:05qu'il soulevait,
34:07d'avoir agi
34:07comme on aurait pu le craindre,
34:10activement,
34:11sous l'influence
34:12de passions politiques
34:13ou parce que
34:15la proximité
34:15des élections générales
34:17rendait la solution
34:18particulièrement pressante.
34:22Nous avons donné
34:23à l'étude,
34:24à la discussion
34:25de la réforme,
34:26tout le temps
34:27qu'elle méritait.
34:29Et nous avons permis,
34:31contrairement aux prévisions
34:33pessimistes
34:34qui s'étaient affirmées
34:35à ces deux tribunes,
34:36à tous nos adversaires
34:37de faire connaître
34:38leurs raisons,
34:40de développer librement
34:41leurs arguments
34:42qui ont été écoutés
34:44et réfutés
34:45en toute conscience
34:47comme en toute courtoisie.
34:52Vous ne pouvez pas
34:53vous plaindre,
34:54messieurs,
34:55d'avoir rencontré
34:56chez nous
34:56un parti tyrannique
34:58puisque,
35:00dans plusieurs circonstances,
35:02sur des points graves,
35:03je pourrais dire
35:04essentiels du projet,
35:06nous nous sommes rendus
35:07à vos raisons,
35:08désireux que nous étions
35:09de faire accepter
35:10la séparation
35:11par les nombreux catholiques
35:13de ce pays.
35:15Nous n'avons pas oublié
35:16un seul instant
35:17que nous légiférions
35:19pour eux
35:20et que les droits
35:21de leur conscience
35:22exigeaient de la loi
35:23une consécration
35:25conforme à l'équité.
35:29C'est dans cet esprit
35:30que nous avons entrepris
35:32et réalisé
35:33cette grande réforme.
35:37Au début,
35:39il faut bien le dire,
35:40le doute
35:41était parmi nous.
35:44Bien peu même
35:45des partisans
35:45les plus déterminés
35:46de la séparation
35:47eussent affirmé
35:48qu'au cours
35:48des longues délibérations
35:49qu'elles devaient affronter,
35:51la réforme
35:52ne se briserait pas
35:53contre un écueil
35:53imprévu.
35:56Certains
35:56n'étaient pas non plus
35:57sans inquiétude
35:58sur les sentiments
35:59du pays.
36:03Grâce à l'esprit politique
36:05dont la majorité
36:06a fait montre,
36:07tous les écueils
36:08ont été
36:09heureusement évités.
36:10grâce à ces trois mois
36:13de discussions
36:14approfondies
36:15et minutieuses,
36:17l'opinion publique,
36:19pleinement éterrée
36:20par nos travaux,
36:21en attend désormais
36:22l'achèvement
36:22avec une patience
36:23et un calme
36:24qui atteste
36:25qu'elle en a déjà
36:26approuvé la conclusion.
36:27Nos collègues de droite
36:31nous avaient dit
36:32« Nous n'avons pas
36:34confiance en vous.
36:36Vous êtes une assemblée
36:37jacobine,
36:38sectaire,
36:39passionnée.
36:41Vous nous l'avez trouvé
36:42par la façon
36:43dont vous avez fait
36:44exécuter la loi
36:45de 1901.
36:47Nous ne pouvons
36:47attendre de vous
36:48aucune justice.
36:51Vous n'avez pas
36:51l'esprit libéral
36:52qui serait seul qualifié
36:54pour aborder
36:55un problème
36:55aussi délicat. »
37:00Et nous vous avons répondu
37:02« Vous nous connaissez mal.
37:06Nous vous le prouverons
37:07par notre sang-froid,
37:09par la raison
37:10et l'esprit de justice
37:12que nous saurons mettre
37:13au service de cette réforme. »
37:17Eh bien,
37:18je vous le demande.
37:21Que pouvez-vous
37:22nous reprocher maintenant ?
37:25Vous êtes allés
37:29au cours des années
37:30dernières
37:31à travers ce pays
37:33inquiétant
37:34la conscience
37:34des catholiques
37:35leur disant
37:36« Prenez garde.
37:38Une législature
37:39se prépare
37:40qui va fermer
37:41vos églises,
37:41persécuter vos prêtres,
37:43proscrire vos croyances. »
37:46Eh bien,
37:48nous voici
37:49à la fin d'œuvre
37:49et nous vous disons
37:51« Trouvez
37:53dans cette loi
37:54une disposition
37:55qui justifie
37:56Vurief.
37:58Montrez
37:58un seul article
37:59qui vous permette
38:00de dire demain
38:01aux électeurs
38:02vous voyez,
38:05nous avions raison
38:06de mettre en garde.
38:08C'en est fini
38:08de la liberté
38:09de conscience,
38:10c'en est fini
38:11du libre exercice
38:12du culte
38:12dans ce pays. »
38:15Non,
38:16vous ne pouvez plus
38:18dire cela
38:18car,
38:20manifestement,
38:22ce ne serait
38:22pas vrai.
38:23et la loi
38:29que nous vous avons
38:29faite
38:30après 50 séances
38:32consacrées
38:32à une discussion
38:33aussi ample,
38:35aussi courtoise,
38:36aussi consciencieuse
38:37que vous la pouviez désirer,
38:39vous êtes obligés
38:40vous-même
38:41de reconnaître
38:42qu'elle est finalement
38:43dans son ensemble
38:44une loi libérale.
38:47M. Laurent lui-même
38:48a dû avouer
38:49que beaucoup
38:49de dispositions
38:50de cette loi
38:51étaient libérales.
38:53Oui,
38:54nous avons le droit
38:55de le proclamer,
38:56c'est bien
38:57une loi de liberté
38:58qui fera honneur
38:59à la République
39:00et qui doit incliner
39:01tous mes amis
39:02de ce côté
39:03de l'Assemblée
39:04à la signer
39:04joyeusement
39:05de leur vote.
39:06Il ne risque pas
39:08d'encourir
39:08à cet égard
39:09les reproches
39:10de l'opinion républicaine.
39:16Je disais
39:16que peut-être
39:17de certains côtés
39:19éprouverait-on
39:20quelques étonnements,
39:22même quelques mécontentements
39:23de la tournure pacifique
39:24prise par cette réforme.
39:28Hélas,
39:29sous l'influence
39:30des passions politiques,
39:31les hommes
39:32ne sont parfois
39:33que trop portés
39:34à nier tout progrès
39:35qui ne s'affirme pas
39:36par une violence
39:37au détriment
39:38de leurs adversaires.
39:41Dans ce pays
39:42où des millions
39:43de catholiques
39:44pratiquent leur religion,
39:45les uns
39:46par conviction réelle,
39:48d'autres par habitude,
39:49par tradition de famille,
39:50il était
39:52impossible
39:53d'envisager
39:53une séparation
39:54qu'ils ne
39:55puissent accepter.
39:57Ce mot
39:58a paru
39:58extraordinaire
39:59à beaucoup
40:00de républicains
40:01qui se sont émus
40:02de nous voir
40:03préoccupés
40:04de rendre
40:05la loi
40:05acceptable
40:06par l'Église.
40:09Messieurs,
40:11l'Église,
40:12je le répète,
40:13c'est,
40:14en France,
40:14plusieurs millions
40:15de citoyens.
40:16outre qu'on ne fait
40:19pas une réforme
40:19contre une aussi
40:20notable portion
40:21du pays,
40:23je vous demande
40:23s'il ne serait pas
40:24imprudent
40:25de provoquer
40:26par des vexations
40:27inutiles
40:27tant d'autres citoyens,
40:30aujourd'hui
40:30indifférents
40:31en matière religieuse,
40:32mais qui,
40:33demain,
40:34ne manquerait pas
40:35de se passionner
40:36pour l'Église
40:36s'ils pouvaient
40:37supposer que la loi
40:38veut leur faire violence.
40:40quand des hommes
40:45comme Gambetta,
40:47comme Jules Ferry,
40:48comme Paul Baer,
40:50comme Valdez-Crousseau,
40:52qui n'étaient pas,
40:53je pense,
40:54insensibles
40:55aux principes républicains
40:56et qui,
40:57en fait,
40:57d'antiques,
40:58les récalifs
40:58avaient donné
40:59leurs mesures,
41:01ont reculé
41:02devant la réforme
41:03dont des circonstances
41:04imprévues
41:05nous ont imposé
41:06la réalisation,
41:08leur hésitation.
41:10Leurs inquiétudes
41:11ne doivent-elles pas
41:12être pour nous
41:13un enseignement ?
41:16Ne nous font-elles pas
41:17un devoir
41:18de mesurer
41:18exactement nos actes
41:20au souci
41:20des grands intérêts
41:21républicains
41:22dont nous avons
41:23la garde ?
41:25Nous n'avons pas
41:26le droit
41:27de faire une réforme
41:28dont les conséquences
41:30puissent ébranler
41:31la République.
41:35Eh bien,
41:37je dis que,
41:39tel que nous
41:39l'avons conçu,
41:41tel que nous
41:42l'avons réalisé,
41:43laissant aux catholiques,
41:44aux protestants,
41:46aux israélites,
41:47ce qui est à eux,
41:49leur accordant
41:49la jouissance gratuite
41:50et indéfinie
41:51des églises,
41:53leur offrant
41:53la pleine liberté
41:55d'exercer leur culte,
41:58la loi
41:58que nous aurons faite
41:59ainsi
42:00sera une loi
42:02de bon sens
42:03et d'équité,
42:04combinant
42:06justement
42:06les droits
42:08des personnes
42:08et l'intérêt
42:09des églises
42:10avec
42:11les intérêts
42:12et les droits
42:13de l'État.
42:17Maintenant,
42:18messieurs,
42:20permettez-moi
42:20de vous dire
42:21que la réalisation
42:22de cette réforme
42:22qui figure
42:23depuis 34 ans
42:25au premier plan
42:26du programme républicain
42:28aura pour effet
42:29désirable
42:30d'affranchir
42:31ce pays
42:32d'une véritable
42:33hantise
42:34sous l'influence
42:35de laquelle
42:36il n'a que trop
42:37négligé
42:37tant d'autres questions
42:38importantes
42:39d'ordre économique
42:40ou social
42:41dont le souci
42:44de sa grandeur
42:44et de sa prospérité
42:46aurait dû
42:47imposer déjà
42:48la solution.
42:53La réforme
42:54que nous allons voter
42:55laissera le champ
42:57libre
42:57à l'activité
42:59républicaine
42:59pour la réalisation
43:01d'autres réformes
43:03essentielles.
43:12Bien,
43:12maintenant,
43:13nous allons écouter
43:13Jean Jaurès
43:14et je vais demander
43:16au professeur
43:17de nous présenter
43:18le contexte
43:19dans lequel
43:20il écrit l'article
43:21sur la loi
43:22de 1905
43:23dont il va être
43:24donné lecture.
43:25Monsieur le professeur.
43:27Merci.
43:27Donc,
43:28cet article
43:29est un peu
43:30antérieur
43:30au discours
43:31de Briand.
43:32C'est un choix
43:33déjà audacieux
43:34pour le très grand
43:35orateur
43:35qui est Jaurès
43:36de ne pas avoir
43:36pris un discours
43:37mais d'avoir
43:38pris un article
43:38de journal.
43:40Mais c'est aussi
43:40un grand journaliste
43:41qui écrit
43:42dans l'Humanité,
43:43de journal
43:43qu'il a fondé
43:43en 1904.
43:46Et cet article
43:47date du printemps
43:491905,
43:50justement au moment
43:51des discussions
43:53sur ce fameux
43:54article 4
43:55qui prévoit
43:56en quelque sorte
43:57l'esprit
43:58de toute la loi.
44:00La politique,
44:01c'est l'affaire
44:01de la démocratie
44:02et les lieux
44:04de culte,
44:05église,
44:07temples,
44:07synagogues,
44:08mosquées,
44:09éventuellement,
44:10c'est l'affaire
44:11des cultes
44:11qui sont pratiqués.
44:15C'est ça,
44:15finalement,
44:16le sens profond
44:16de l'article 4
44:18qui est discuté
44:18à ce moment-là.
44:19Et je reste
44:20le présent
44:20dans son article
44:22pour aboutir.
44:24Il est remarquable
44:25de voir
44:27qu'alors
44:29qu'en avril 1905,
44:31c'est le même mois
44:32où les socialistes
44:33font leur unité
44:34entre Jaurès,
44:35Gued,
44:36Vaillant et d'autres,
44:38donc que
44:39Briand se sépare
44:40de Jaurès
44:41puisque Briand,
44:42lui,
44:42va préférer
44:43finalement un destin
44:44fréquent
44:46de ministres
44:47avec des majorités
44:48où il cherche
44:49la diagonale.
44:50Malgré cela,
44:51sur la question laïque,
44:54comme je le disais
44:55tout à l'heure,
44:56il y aura toujours
44:57une solidarité profonde
44:58entre Jaurès
45:00et Briand.
45:03Jaurès saluera
45:04en 1906,
45:05en 1907,
45:06à plusieurs occasions,
45:07l'esprit de sagesse,
45:08de liberté,
45:09de paix
45:09de la politique
45:10gouvernementale,
45:12de la politique,
45:12évidemment,
45:13il ne l'attribuera pas
45:13au seul Briand,
45:14mais de la politique
45:15de la majorité républicaine
45:16dans le domaine laïque.
45:19Donc, voici,
45:20disons,
45:21le sens général
45:21d'avril 1905
45:24pour la politique
45:25de Jaurès.
45:25Et donc,
45:26je vais appeler
45:26à la tribune
45:27Alban Rochelois,
45:29qui est étudiant
45:30à Neoma Business School
45:31à Reims
45:32et qui va donc
45:33interpréter
45:34Jean Jaurès.
45:36Vous avez la parole.
45:37L'admirable discours
45:46de Briand
45:47a produit sur la chambre
45:49une impression profonde.
45:51Ce n'est pas seulement
45:51par la fermeté
45:53de la pensée
45:53et de la parole,
45:55par la force
45:55et la sobriété
45:56du trait,
45:57par la vigueur
45:58offensive tempérée
45:59de bonne grâce railleuse
46:00et qui n'exclut jamais
46:02le respect
46:02de la liberté
46:03et du droit,
46:03que Briand a agi hier
46:06sur toute la majorité
46:07républicaine.
46:08C'est par l'accent
46:09d'autorité morale
46:11que donne à l'homme
46:12un long effort
46:13de travail,
46:14la scrupuleuse recherche
46:15de la vérité.
46:17Il a apparu
46:18à tous
46:19que la commission
46:20et son rapporteur
46:21soumettaient au Parlement
46:22une œuvre étudiée,
46:23réfléchie
46:24et forte
46:25contre laquelle
46:26se briseraient
46:27les objections hâtives
46:28et les manœuvres
46:29subtiles.
46:30À un moment,
46:32les républicains
46:33ont été inquiétés
46:34par la surabondance
46:35des contre-projets
46:36et des amendements
46:37qui,
46:38de la gauche
46:38comme de la droite,
46:40venaient s'opposer
46:41au projet
46:41de la commission.
46:43Ils se demandaient
46:44si le débat
46:45n'allait pas être
46:45comme submergé
46:47sous ce flot.
46:48Ils se demandaient
46:49même si une œuvre
46:50qui semblait susciter
46:51tant de controverses
46:52résisterait
46:53à la discussion.
46:55Or,
46:56de l'exposer
46:57si simple,
46:58si lumineux,
46:59si décisif
47:00de Briand,
47:01une vérité
47:02s'est dégagée hier
47:03avec une évidence
47:04irrésistible.
47:06C'est que le projet
47:06de la commission,
47:08examiné dans son ensemble,
47:09dans l'équilibre
47:10de ses dispositions
47:11essentielles,
47:12était la solution
47:13la plus sage,
47:15celle qui est
47:15le mieux adaptée
47:16aux complications
47:17du problème,
47:18à l'état des esprits,
47:19aux nécessités politiques,
47:21celle qui ménage
47:22le mieux
47:22les transitions
47:23et transactions
47:24nécessaires
47:24sans désarmer
47:26la société civile,
47:27sans compromettre
47:28les principes
47:29et sans livrer
47:30l'avenir.
47:32Beaucoup de républicains
47:33avaient,
47:34en l'écoutant,
47:35l'impression très nette
47:36qu'ils se seraient
47:37abstenus
47:38des critiques
47:38de détails
47:39qu'ils ont multipliées
47:40s'ils avaient mieux
47:41regardé le tout
47:42et considéré
47:43les divers articles
47:44de la loi
47:44dans leur dépendance
47:45mutuelle
47:46et dans leur enchaînement.
47:48Ils ont compris
47:49que bien des difficultés,
47:51bien des objections
47:52qui se sont offertes
47:53à leur esprit
47:53et qui ont suscité
47:55un peu hâtivement
47:56contre-projets
47:57et amendements,
47:59avaient été examinés
48:00et résolus
48:01par la Commission
48:01et que celle-ci
48:03serait un bon guide.
48:05C'est un sentiment
48:06de sécurité,
48:07de confiance,
48:09de certitude
48:09qui a répondu
48:10à l'exposé décisif
48:11et sobre
48:12de Briand.
48:12Aussi,
48:14lorsqu'il a fait appel
48:15à l'esprit politique
48:16de la majorité républicaine,
48:18ce n'était point
48:19la ressource
48:19d'un rapporteur menacé
48:21essayant de sauver
48:22les infirmités
48:24de la Commission
48:25par une abusive
48:26invocation
48:27à la discipline.
48:29C'était la sagesse
48:30avertie
48:31d'un homme
48:32qui veut épargner
48:33au Parti républicain
48:35les tâtonnements
48:36du long effort
48:37que ses mandataires
48:37ont accomplis
48:38et qui veut lui assurer
48:39sans délai
48:40et sans risque
48:41le bénéfice
48:42d'une oeuvre sérieuse
48:43est pleine.
48:45Dès maintenant,
48:47le vote de la loi
48:48est assuré.
48:50Dès maintenant,
48:51il apparaît
48:51à la plupart
48:52des républicains
48:53que la sagesse
48:54commande
48:54de ne pas compromettre
48:55par le hasard
48:56et le désordre
48:57des initiatives individuelles
48:59la réforme
48:59que la Commission
49:00a soigneusement préparée.
49:02Pour nous,
49:03convaincus
49:04que là
49:04et là seulement
49:05est la certitude
49:07du succès,
49:08nous ne nous écarterons
49:09pas du tout
49:09du texte proposé
49:10ou accepté
49:11par la Commission.
49:14La victoire
49:15de la grande réforme
49:16est maintenant
49:17certaine
49:18et la chambre
49:19peut d'une seule haleine
49:20atteindre au but
49:22avant le 1er mai.
49:24Qui se refuserait
49:26à l'effort
49:26de séances multipliées
49:27et à une méthode
49:28de discussion ordonnée
49:30et de libre discipline
49:31quand le prix
49:32de cet effort
49:33est une des plus grandes victoires
49:34que puisse remporter
49:35la République,
49:37la conscience
49:38et la raison.
49:40Tout ajournement
49:41serait une défaite
49:42et toute défaite
49:43serait un désastre.
49:45Il faut aboutir.
49:46Merci aux étudiants.
49:52Je tiens à leur dire
49:53que je suis plus stressé
49:55qu'eux
49:55mais que je vais être
49:56beaucoup moins éloquent.
49:58Vous allez voir.
49:59Monsieur le Président,
50:00merci
50:01pour votre confiance,
50:03pour votre présence
50:04ici avec nous
50:05et merci aussi
50:07à tous les collègues.
50:08Je crois que c'était important
50:09de montrer que
50:10au-delà
50:11de nos opinions,
50:13de nos convictions,
50:13on sait se rassembler
50:14sur l'essentiel
50:15et aujourd'hui
50:17la laïcité
50:18c'est l'essentiel.
50:19C'est notre engagement républicain.
50:23Merci Madame la Vice-présidente
50:25de m'avoir fait participer
50:28à cet événement.
50:30Messieurs, mesdames,
50:32en vos grades et qualités,
50:34les anniversaires
50:35ont quelque utilité.
50:37Celui des 120 ans
50:38de la loi
50:39du 9 décembre 1905
50:41nous donne le plaisir
50:42de relire des débats
50:43qui occupèrent
50:44la Chambre des députés
50:45durant 50 séances
50:47et le Sénat
50:48pendant un peu moins.
50:50Plusieurs mois
50:50de discussions
50:51en séance publique
50:52pour une loi
50:53qui forme toujours
50:54l'indipillé de notre République
50:55120 ans après.
50:57N'y a-t-il pas,
50:58Monsieur le Président,
50:59une règle
51:00qui lirait
51:00la longévité
51:01d'un texte législatif
51:03à la durée
51:03de son élaboration ?
51:05Les lois de juillet 1881
51:08sur la liberté de la presse,
51:09de mars 1882
51:11sur les écoles publiques
51:12et de 1901
51:14sur la liberté
51:15d'association
51:15obéissent
51:16au même système
51:17et il n'est pas étranger
51:19à notre propos
51:20d'observer
51:20qu'avec la loi
51:22de 1905
51:22elles instituent
51:24des libertés
51:25individuelles
51:25et collectives
51:26qui garantissent
51:27la manumission
51:29du citoyen
51:30et de la République.
51:32Cet anniversaire
51:33est aussi l'occasion
51:34de confronter
51:35l'intention
51:35des législateurs
51:37de 1905
51:38aux vertus
51:39que l'on prête
51:39aujourd'hui
51:40à leur loi
51:41dans un contexte
51:42de pratiques religieuses
51:44radicalement différent
51:45et alors que
51:46la proportion
51:47de nos concitoyens
51:48qui se déclarent
51:49sans religion
51:50agnostiques
51:51ou athées
51:52tend à devenir
51:53majoritaire.
51:56Nul ne conteste plus
51:57les garanties
51:58qu'elle apporte
51:59à la liberté
52:00de conscience
52:01et à la liberté
52:02de culte.
52:03Plus personne
52:04ne considère
52:05que son objectif
52:06politique
52:07serait d'instituer
52:08une forme
52:08d'athéisme
52:09d'État
52:10par la persécution
52:11des croyants
52:12et plus particulièrement
52:14des catholiques.
52:16Reconnaissons
52:16tout de même
52:17que l'opposition
52:18de l'Église catholique
52:19à la séparation
52:20a été virulente
52:21et durable
52:22et qu'il a fallu
52:23toute la diplomatie
52:25d'Aristide Briand
52:26et les accommodements
52:27raisonnables
52:28des dérogations
52:29introduites
52:29par la loi
52:30de 1907
52:31et le document
52:32appelé
52:33« Aide mémoire
52:34Gaspari »
52:35de 1921
52:36pour que la République
52:38et le Saint-Siège
52:39renouent
52:40des relations
52:40diplomatiques
52:41et politiques.
52:43La critique
52:43s'accorde à penser
52:44que l'acceptation
52:46pleine et entière
52:47du régime
52:47de séparation
52:48ne fut acquise
52:50que lors du
52:50concile de Vatican II
52:52par la constitution
52:53pastorale
52:54Gaudium et Spes
52:56du 7 décembre
52:581965.
53:00Il n'est pas sûr
53:01que l'Église
53:02dans sa totalité
53:03en ait aujourd'hui
53:05reconnu
53:05la légitimité.
53:09En 2025,
53:10il est donc
53:10communément admis
53:11que la loi
53:12de 1905
53:13est une loi
53:13de liberté
53:14qui protège
53:15la liberté
53:16de conscience
53:16et la liberté
53:18de pratique
53:18religieuse
53:19des individus.
53:20120 ans après,
53:22c'est la victoire
53:22définitive
53:23d'Aristide Briand
53:25contre le petit
53:26père Combe.
53:27Dans le conflit
53:28qui les oppose,
53:29le dernier des deux
53:30a défendu
53:31jusqu'au bout,
53:32dans une forme
53:33de concordat
53:34sans financement,
53:35la nécessité
53:36pour l'État
53:36de contrôler
53:37les cultes
53:37et leurs ministres
53:38afin de contraindre
53:39un pouvoir
53:40religieux
53:41qu'il concevait
53:42comme intrinsèquement
53:44pernicieux
53:44pour celui
53:45de l'État.
53:47Dans son discours
53:47de Tréguier
53:48en 1903
53:49qui vous a été lu,
53:51Émile Combe
53:51affirme avec force
53:52sa volonté
53:53d'assujettir
53:54les ministres du culte
53:56à l'exercice
53:56de leur seule
53:57mission spirituelle,
53:59c'est-à-dire
54:00de leur interdire
54:01toute opinion politique
54:02ou toute intervention
54:03dans les affaires
54:04de la cité.
54:06À plusieurs reprises,
54:07dans la dernière période,
54:08des voix se sont élevées
54:09pour demander
54:10que l'on restreigne
54:11l'activité
54:12des églises
54:13aux seules pratiques
54:14cultuelles
54:15et l'expression
54:16religieuse
54:17des individus
54:18à la sphère privée
54:19ou confessionnelle.
54:21C'est un peu
54:22le retour
54:22du combisme
54:23et d'un régime
54:24néo-concordataire
54:26qui instituerait
54:27une tutelle
54:28forte de l'État
54:29sur les cultes.
54:31Nous n'oublierons
54:32rien
54:32des attentats
54:33islamistes
54:34de 2015
54:35et de leurs
54:35150 victimes.
54:37Il existe
54:38un fanatisme
54:38religieux criminel
54:40qu'il faut combattre
54:41avec tous les moyens
54:42de l'État.
54:43Mais
54:44compromettre
54:45l'esprit libéral
54:46de la loi
54:46de 1905
54:48pénaliserait
54:49indifféremment
54:50tous les croyants
54:51et fragiliserait
54:52pour le pire
54:53l'équilibre
54:54subtil
54:55trouvés
54:56par Aristide
54:56Briand.
54:58Lors
54:58des travaux
54:59de la commission
54:59spéciale,
55:00celui-ci déclarait,
55:01je le cite,
55:02« L'État,
55:03en se séparant
55:04des Églises,
55:05ne les combat pas.
55:06Il leur laisse
55:07la liberté
55:07de se développer
55:08selon leur loi
55:10propre. »
55:12L'esprit
55:12de la loi
55:13de 1905
55:14résible
55:14dans ce double
55:15affranchissement.
55:17Celui de l'État,
55:18dont les lois
55:18sont votées
55:19et s'imposent
55:20à tous
55:20en toute indépendance,
55:22et celui
55:23des Églises,
55:24qui détiennent
55:24seul le pouvoir
55:26de définir
55:27leur vérité
55:27religieuse.
55:29Cette double liberté
55:30définit notre régime
55:32de séparation
55:32et protège
55:34la conscience
55:35du citoyen
55:35croyant
55:36et non croyant.
55:38Néanmoins,
55:39tout en reconnaissant
55:40l'absolue liberté
55:41de culte
55:42du citoyen,
55:43les législateurs
55:44de 1905
55:45avaient aussi
55:46l'ambition
55:46de lui donner
55:47la capacité
55:49de s'émanciper
55:50des préjugés
55:51religieux
55:51qui l'entravaient
55:53dans la pleine
55:54jouissance
55:54de ses droits
55:55et dans l'exercice
55:56critique
55:57de son métier
55:58de citoyen.
56:00Cette ambition
56:00libératrice
56:01de la loi
56:02de 1905
56:02est aujourd'hui
56:03un peu oubliée.
56:05Elle est pourtant
56:06très présente
56:07dans les écrits
56:07de Briand,
56:08Jaurès
56:09et Clémenceau.
56:10La séparation
56:11est pour eux
56:11un moyen
56:12de combattre
56:13l'autoritarisme
56:14de la hiérarchie
56:15catholique,
56:16c'est-à-dire
56:17le cléricalisme
56:18considéré alors
56:20comme la prétention
56:21des clercs
56:22à dicter
56:22seule
56:23la conduite
56:24morale
56:25des individus.
56:26Pour Jaurès,
56:27le combat laïque
56:28est inséparable
56:29du combat social.
56:31Il déclare ainsi,
56:32je le cite,
56:33« Toutes les libertés
56:34humaines sont solidaires
56:35et l'esprit
56:36de l'homme
56:36ne peut se mouvoir
56:37librement
56:38dans les questions
56:39politiques et sociales
56:40si,
56:41dans les questions
56:42religieuses,
56:43il est rivé
56:43par des chaînes
56:44de fer
56:45au roc
56:45de la tradition.
56:47Jaurès,
56:48qui n'est pas
56:48anti-religieux,
56:49pense même
56:50que la loi
56:50de 1905
56:51pourrait libérer
56:53l'Église
56:53d'elle-même
56:54en permettant
56:55en son sein
56:56l'expression
56:57d'une pensée
56:58moderniste
56:59comme celle
57:00de la Beloisie.
57:02Donner la liberté
57:03à chacun
57:03de prendre conscience
57:04de son aliénation
57:06sous l'empire
57:06de préjugés
57:07d'ordre religieux
57:08par l'exercice
57:10de sa raison critique,
57:11voilà aussi
57:12l'ambition
57:13de cette loi
57:14et de la République
57:15de 1905
57:16dans un projet
57:18qui est hérité
57:18des Lumières
57:19et inspiré
57:20de l'injonction
57:21kantienne
57:21« s'appairait
57:23aoudé »
57:24et « le courage
57:25de te servir
57:26de ton propre
57:27entendement ».
57:29C'est sans doute
57:30cette dimension
57:30du dessin laïque
57:31de 1905
57:32qui est la plus
57:33mal comprise
57:34aujourd'hui.
57:35Peu à peu,
57:36le programme
57:36émancipateur
57:37de la République
57:38a été jugé
57:39oppressif
57:40ou totalitaire
57:41pour des entités
57:42individuelles
57:43dont la reconnaissance
57:44des spécificités
57:45est apparue
57:47comme une des conditions
57:48préalables
57:48de leur cohabitation.
57:51La laïcité
57:52de 1905
57:53a porté une réponse
57:54à une question
57:54qui reste fondamentale.
57:57Comment fait-on
57:57nation ?
57:59Elle y répondait
58:00en associant
58:00tous les citoyens
58:02indépendamment
58:03de leurs origines,
58:04de leurs croyances
58:05ou de leurs idées
58:06philosophiques
58:07et politiques
58:08au projet
58:10d'émancipation
58:11des individus
58:12et de la société.
58:13C'est sans doute
58:14ce qui nous manque
58:15le plus aujourd'hui.
58:17Vive la République,
58:18vive la laïcité,
58:19vive la France !
58:20Applaudissements
58:21Merci d'avoir suivi
58:24ce colloque
58:24sur les 120 ans
58:25de la loi de 1905
58:27sur la laïcité.
58:29Rendez-vous
58:29sur notre site
58:30publicsénat.fr
58:31pour en savoir plus.
58:33Bonne journée
58:33à tous
58:33sur Public Sénat.
58:35Sous-titrage Société Radio-Canada
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