00:00Good morning business, parole de patron.
00:04Dominique Carlac, bonjour, vice-présidente d'Abgi France, en charge des relations institutionnelles et développement.
00:08Vous présentez également le MEDEF. On vient d'entendre Patrick Martin qui était il y a quelques instants sur RTL
00:13et qui dit bon la réforme des retraites, allons-y, mais il va falloir payer.
00:16Donc c'est soit de la croissance, soit des impôts en plus, mais il faudra forcément trouver une solution, ou de la dette.
00:22Oui, il faudra trouver une solution parce qu'en fait on se rend compte dans cette cristallisation du débat,
00:26au moment de la nomination du gouvernement Lecornu 2, qu'en gros il y a un très fort enjeu politique,
00:32parce qu'en gros si on voulait résumer les choses, c'est suspension ou dissolution.
00:36C'est assez simple, suspension ou dissolution.
00:39Donc comme on est dans un débat politique, il n'y a pas tellement besoin d'être un de verne pour se dire que ça va être suspension, en réalité.
00:45Puisque le gouvernement numéro 2 ne va pas vouloir être censuré là tout de suite.
00:50En réalité, ça va être repoussé les choses parce que dès lors qu'on suspend cette réforme de retraite,
00:55on sait que ça nous coûte.
00:56On sait que si on revient dans l'impact économique rationnel, et non pas dans l'irrationnel du politique,
01:02on sait que ça nous coûte.
01:02Ça nous coûte quelques millions en 2026, ça nous coûte 13 milliards, c'est la Cour des comptes qui nous l'a dit, en 2035.
01:10Dans un pays où la dette représente déjà 114% du PIB, c'est-à-dire que la dette est plus élevée que notre création de richesse.
01:18Il faut le redire, la dette est plus élevée que notre création de richesse.
01:21Donc la question, à la fin, c'est comment on génère de la croissance, donc du pouvoir d'achat,
01:26que ce soit pour les salariés ou que ce soit pour les retraités.
01:30Manifestement, à très court terme, le choix va être fait, qui va être politique et non pas du tout rationnel économiquement,
01:35de dire, en fait, entre suspension et dissolution, je pense que les politiques qui sont en place vont choisir la suspension.
01:43Mais l'argument, par exemple, de Marie-Lise Léon, la CFDT, qui demande la suspension depuis longtemps,
01:48c'est de dire, de toute façon, ça coûte moins cher de suspendre la réforme des retraites
01:53que l'instabilité politique qui pourrait nous coûter, elle chiffre, à 15 milliards dans les prochains mois.
01:59Donc est-ce que finalement, ce n'est pas un bon deal ? Tout pour la stabilité ?
02:03La vraie question, c'est de quelle stabilité parle-t-on ?
02:07C'est-à-dire qu'admettons qu'entre suspension et dissolution, on choisit cela aujourd'hui, suspension.
02:14On va donc avoir moins de marge de manœuvre, dès lors qu'on renchérit le coût social de la retraite suspendue,
02:20on va avoir moins de marge de manœuvre budgétaire, puisqu'on se met à nouveau, à l'horizon 2035, 13 milliards dans la vue.
02:29Donc ça veut dire que la discussion sur le budget va être d'autant plus compliquée.
02:35Donc on aura une dissolution plutôt en décembre.
02:39C'est ça que je veux dire, c'est qu'est-ce que ça donne vraiment de la stabilité ?
02:43Ça n'est pas sûr.
02:44Et malheureusement, on est dans la vraie crise, où à chaque fois qu'on ouvre une porte, en fait, elle se referme.
02:49Et la vraie crise, il faut en sortir avec des nouvelles options, probablement.
02:53Il faut discuter avec tout le monde.
02:54C'est-à-dire que là, on cristallise le débat, premier cercle, les politiques,
02:58deuxième cercle, les partenaires sociaux.
03:00Mais il faut peut-être élargir.
03:01Il faut peut-être élargir à d'autres experts et se dire, c'est quoi nos options pour composer à l'intérêt de ça,
03:06pour vraiment être dans la stabilité.
03:08On a eu ce matin, pendant ce temps-là, les chiffres des faillites d'entreprises.
03:1115 000 au troisième trimestre, dont une moitié rien qu'au mois de septembre.
03:14C'est ce que nous dit Altares.
03:15Ça fait plus 5% sur un an.
03:18C'est la pire rentrée depuis 2009.
03:19C'est pour ça qu'on essaye, les représentants des patrons, de redescendre sur Terre en disant,
03:25attention, en fait, on est en train vraiment de casser le modèle social,
03:29parce qu'on est en train de casser et d'être aveugle sur les conséquences économiques des décisions politiques.
03:34Et donc là, non seulement il y a ces défaillances,
03:36mais les sondages sur le moral des chefs d'entreprise, on n'a jamais connu pire.
03:41C'est-à-dire que même les plus optimistes, dont je fais partie,
03:44on commence à se dire, mais qu'est-ce qu'on est en train de fabriquer de notre pays ?
03:47C'est-à-dire que moi, je suis aujourd'hui dirigeante d'une entreprise qui fait 600 personnes,
03:51donc une petite ETI, où on a la moitié de nos collaborateurs en France,
03:55l'autre moitié à l'étranger, mais nos collègues étrangers,
03:58ils ne comprennent pas ce qu'on fabrique, ils ne comprennent vraiment plus.
04:01Donc le doute, ce n'est pas simplement le FMI, les organismes de notation, etc.
04:06C'est tous les collègues entrepreneurs et salariés qui se disent
04:10que vous êtes complètement dingo, vous allez dans le mur, vous le savez,
04:14et vous n'arrivez pas à vous mettre d'accord.
04:15Donc ça, c'est très inquiétant.
04:17Je pense qu'à un moment donné, il va falloir vraiment s'inspirer
04:20de ce qui se passe en dehors de nous, c'est vraiment qu'on ait ce courage.
04:23C'est quoi pour vous le modèle ?
04:25Le modèle, je reviens toujours à un point fondamental,
04:29il est fondé sur deux choses, c'est plus travailler, plus innover.
04:33Vraiment, c'est-à-dire qu'il faut vraiment,
04:35mais pour plus innover, il faut avoir les moyens d'innover.
04:38Ça a dû vous faire plaisir, le prix Nobel d'économie pour Philippe Aguillon,
04:41parce que lui, c'est ça, son point, c'est l'innovation,
04:44tout faire pour avoir un climat qui permet d'innover.
04:46Philippe Aguillon, qui est un ami, j'ai fondé ma carrière
04:49et mon métier sur, justement, la destruction schumpeterienne,
04:53c'est-à-dire qu'en fait, à un moment donné,
04:55il faut savoir renoncer à un modèle pour pouvoir rebondir
04:58et reprendre du souffle dans une économie et dans une société.
05:02Je crois qu'on y est, en fait.
05:03Il n'est pas très écouté.
05:04Enfin, il l'eût été en 2017, aujourd'hui.
05:06Je pense que la notoriété d'un Nobel va faire qu'on va à nouveau l'écouter.
05:10Bon, eh bien, c'est une bonne nouvelle.
05:11Merci beaucoup, Dominique Carlac, d'être venue ce matin.