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  • il y a 22 heures
Ce sont des « Femmes puissantes », selon l'expression aujourd'hui consacrée, qui se retrouvent sur le plateau d' « Au bonheur des livres » cette semaine.Claire Chazal accueille en effet Nathacha Appanah pour son livre très remarqué en cette rentrée littéraire, « La Nuit au cœur » (Ed. Gallimard) et Léonor de Récondo pour le magnifique récit qu'elle consacre à une partie de ses ascendances espagnoles, « Marcher dans tes pas » (Ed. L'iconoclaste).Non seulement ces deux écrivaines témoignent dans leur œuvre d'une forte personnalité, mais surtout elles mettent en scène des femmes formidables confrontées à la question de l'émancipation et parfois du féminicide. C'est le cas pour Nathacha Appanah dans un texte bouleversant où elle raconte sa propre expérience douloureuse en la confrontant à deux autres cas de violences conjugales, et d'une autre façon pour Léonor de Récondo qui retrace l'histoire d'une famille républicaine, la sienne, où sa grand-mère Enriqueta joua un rôle éminent.Par l'évidente actualité des thèmes qu'elles abordent, et bien sûr la qualité littéraire du traitement qu'elles en proposent, la rencontre de ces deux écrivaines, animée par Claire Chazal, est un moment à ne pas manquer. Année de Production :

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00:00Musique
00:00Bienvenue dans l'émission littéraire de Public Sénat.
00:20Je suis ravie de vous retrouver pour un nouveau numéro d'Au bonheur des livres.
00:24Vous le savez, chaque semaine, nous tentons de vous donner envie
00:26tout simplement de lire des livres, mais aussi de découvrir ou de mieux connaître leurs auteurs.
00:31Nos deux romancières aujourd'hui ne nous proposent pas seulement des récits,
00:35des enquêtes, mais des œuvres littéraires.
00:38Elles s'interrogent sur le combat des femmes, victimes invisibilisées des guerres,
00:43des exils ou simplement de la domination masculine quotidienne.
00:47Et elles font toutes deux parler, remonter leurs fantômes,
00:51les fantômes de leur famille et de leurs proches.
00:55Natacha Panada, d'abord, nous propose La nuit au cœur chez Gallimard,
00:59livre âpre, dur sur les féminicides,
01:02qui est d'ailleurs dans les sélections du Prix Goncourt.
01:06Et puis Léonore de Recondo publie Marché d'Antepa aux éditions de l'Iconoclaste.
01:10Léonore de Recondo, dans ce livre, vous mêlez la poésie aux souvenirs,
01:14on va en parler, et vous nous racontez la vie de votre grand-mère,
01:17Enrique Quetta, obligée de fuir en une nuit comme ça,
01:21Le Pays basque espagnol, avec toute sa famille, et notamment votre père,
01:25qui est alors tout petit, quand les franquistes s'en prennent aux Républicains,
01:29en août 1936, enfin en 1936.
01:32C'est la mémoire de ces exilés, de ces femmes exilées, que vous faites revivre.
01:36Vous, Natacha Panada, vous êtes une écrivaine mauricienne,
01:39journaliste aussi, venue en France en 1998.
01:43Votre premier roman, Les rochers de poudre d'or, sort en 2003,
01:47et vous avez notamment reçu Le féminin des lycéens en 2016,
01:50pour Tropique de la violence.
01:52Voici donc La nuit au cœur.
01:53Alors là, vous essayez de comprendre,
01:55c'est un livre vraiment bouleversant,
01:58dur, mais qui va vraiment creuser le réel,
02:03et c'est évidemment ce qui nous intéresse,
02:04comprendre cette violence masculine qui peut aller,
02:07c'est ce que vous décrivez, jusqu'au féminicide,
02:10c'est-à-dire jusqu'à la mort,
02:11avec trois exemples de femmes victimes,
02:13dont une seule, j'allais dire, va en réchapper,
02:15et c'est vous-même, parmi ces trois histoires.
02:18Je dirais, Natacha Panada, que le point de départ de ce récit,
02:22du livre en tout cas, c'est cet acte barbare
02:24qui se déroule à Bordeaux, où vous habitez alors en 2021,
02:27la mort de Chahinez.
02:29C'est ça qui déclenche votre envie de parler de ce sujet ?
02:32– Oui, absolument.
02:33Évidemment, je vivais à Bordeaux
02:35quand j'ai entendu le matin à la radio
02:38l'histoire d'une femme
02:40qui a été tuée par son mari en pleine rue
02:45de manière absolument barbare, horrible,
02:49comme une sorte d'exécution sur la voie publique.
02:52Et toute la journée de ce 5 mai,
02:54c'est le lendemain de sa mort,
02:56j'ai eu comme une sorte de confrontation intime
02:59avec moi-même, en me disant,
03:03mais qu'est-ce qui se passe en réalité ?
03:06Comment ces choses-là sont possibles ?
03:08Et je me suis souvenu, je me rappelais encore d'elle,
03:11mais là, de manière plus âpre,
03:13je me suis souvenu de l'histoire de ma cousine.
03:15Emma, qui a aussi subi la même chose.
03:17qui a été écrasée par la voiture conduite par son mari
03:22et laissée sur la voie publique.
03:25Et j'ai dû confronter à ce moment-là,
03:28envisager plutôt l'écriture de ma propre histoire.
03:32J'ai vécu avec un homme violent pendant plusieurs années.
03:37C'est ce que vous racontez.
03:38Alors, arrêtons-nous un instant sur les deux premiers cas,
03:40qui sont évidemment des drames.
03:43Chahinez, elle a trois enfants,
03:44elle est remariée, elle vient d'Algérie,
03:46elle est remariée à MB, qui lui est maçon,
03:48et qui va, comme vous le dites, la poursuivre dans la nuit.
03:50Parce que, ce qui est le point commun, j'allais dire,
03:53c'est cette course dans la nuit de ces femmes,
03:55qui est fauchée par la mort et la violence de leurs conjoints.
03:59Et vous expliquez qu'il y a eu plusieurs tentatives de meurtre,
04:03des plaintes, mais que la police, au fond, n'a rien fait.
04:06C'est déjà un processus qui est à l'œuvre dans ce cas-là.
04:09C'est qu'il ne s'est rien passé.
04:11Bien sûr, pour Chahinez Daoud, elle donne l'alerte plusieurs fois.
04:15Elle va au commissariat, elle alerte sa famille,
04:19elle essaye de se protéger.
04:21Et il y a quelque chose là qui se passe
04:23entre le moment où la femme parle,
04:27là où la parole de la femme est dite dans les commissariats,
04:32dans les associations,
04:33et les dispositifs qui sont faits
04:35pour que cette parole-là soit prise en compte.
04:38On voit bien qu'il y a ici une sorte de flou.
04:41Je crois que c'est parce que ça concerne
04:44cette chose, vous savez, qui est l'intimité.
04:47Quand l'intimité, c'est l'amour, c'est le désir,
04:50mais c'est également le poison.
04:51Et avant, on appelait ça le crime passionnel.
04:55Bien sûr.
04:57Progressivement, les choses, j'allais dire,
04:58je crois que tout le monde en est d'accord,
05:00les déclarations, les plaintes, etc.,
05:03les lieux où on peut déclarer,
05:04tout ça, c'est un peu amélioré, j'allais dire,
05:06Dieu merci.
05:07Et peut-être que cette parole est mieux entendue,
05:09je n'en suis pas sûre,
05:10parce que, hélas, il y a des exemples
05:12pratiquement tous les jours
05:13d'enquêtes qui n'ont pas été vraiment faites
05:16ou de plaintes qui n'ont pas été suivies des faits.
05:18Alors, il y a Emma aussi, qui est donc votre cousine,
05:21et c'est la même chose.
05:22Alors, là, ça se passe à l'île Maurice,
05:24elle a trois garçons,
05:25et elle part aussi souvent courir,
05:27et elle est, évidemment, tuée dans des conditions horribles,
05:30puisque ce RD, son mari, qui est chauffeur,
05:34va lui rouler dessus, et nous sommes en 2000.
05:37Et là aussi, vous menez l'enquête,
05:39parce que vous avez voulu comprendre,
05:40j'allais dire précisément, dans ces cas-là.
05:42Et vous allez voir la mère et le fils d'Emma,
05:45et ils vous racontent,
05:46et même chose que pour Chahinez,
05:49à l'époque, la presse, notamment,
05:53a considéré que le mari était victime
05:55d'une femme volage.
05:56Oui, tout à fait, ça s'appelle la co-responsabilité
05:58ou l'inversion de responsabilité,
06:01où finalement, celle qui est morte
06:03n'a plus voix, n'a plus de parole,
06:05et donc, la parole qui reste,
06:07c'est la parole du meurtrier,
06:09et lui, il déroule sa version des faits.
06:12Je savais très vite que ce serait aussi
06:15un livre sur le temps.
06:16C'est le temps du fait divers,
06:18le temps de Chahinez,
06:19qu'il fallait attendre qu'il se dégage
06:20de cette cacophonie,
06:22et le temps d'Emma,
06:23qui était un temps complètement effacé,
06:26effacé par le chagrin,
06:28effacé aussi par la honte,
06:30parce que la famille a honte,
06:32vous voyez, elle-même,
06:33elle était plus tard à son procès,
06:35un peu vilipendée,
06:39sa réputation a été entachée,
06:41elle n'était plus là pour dire sa version.
06:44C'est une double peine, évidemment,
06:46qui touche ces victimes-là.
06:49Dans ces situations,
06:50je crois qu'il y a plusieurs façons
06:51de mourir pour ces femmes-là.
06:53Il y a une sorte de mort lente
06:55qui se passe au cours de la vie commune,
06:58et il y a une mort intérieure,
07:01par effritement,
07:02une mort de son cœur,
07:04une mort de son désir,
07:05mais aussi une mort morale,
07:06psychologique,
07:08et parfois une mort spirituelle aussi,
07:10parce qu'on n'a plus foi en grand-chose.
07:12– Bien sûr,
07:12c'est ce processus qu'on doit décrire
07:15et que vous décrivez très bien.
07:16Vous-même, vous êtes donc une de…
07:18parce qu'au fond,
07:19ces deux histoires vont vous permettre
07:20de mieux comprendre la vôtre.
07:22C'est ce qui s'est passé
07:23quand vous aviez 17 ans
07:24et que pendant plusieurs années,
07:25vous avez côtoyé,
07:26vous avez aimé d'ailleurs,
07:28un écrivain, un poète,
07:29que vous appelez H.C. dans le livre.
07:32Donc d'ailleurs,
07:33vous allez prendre la mort un peu plus tard,
07:34mais bien plus tard,
07:36et vous allez-vous réussir à vous échapper ?
07:39Est-ce que vous avez compris pourquoi,
07:41par quel miracle, j'allais dire,
07:42vous échappez à cette perversité
07:44ou à cette violence-là ?
07:47Vous arrivez à vous échapper à temps,
07:48j'allais dire.
07:49– Je ne crois pas que j'ai compris.
07:51Je crois aussi
07:52qu'il y a quelque chose là
07:53de l'ordre de…
07:55On essaie trop d'expliquer,
07:57de comprendre ces hommes-là,
07:59et moi, je voulais déplacer un peu
08:01par le langage,
08:02par la grammaire.
08:04Tout à l'heure,
08:05quand vous nous avez présenté,
08:07vous avez parlé de fantômes,
08:09et j'avais l'impression vraiment
08:10que c'était une écriture de fantômes,
08:12une écriture sur ces deux fantômes,
08:14et mon propre fantôme,
08:16de celle que j'ai été
08:16quand j'avais 17 ans,
08:18et qui rêvait de plein de choses,
08:19et qui a été un peu écartée.
08:22Je crois que ce livre,
08:23il y a en deux écritures,
08:26l'écriture du réel,
08:27comme vous l'avez dit,
08:28de la quête,
08:29mais aussi le fantôme de l'écriture.
08:32Comment on écrit,
08:33justement,
08:35dans le sens le plus juste possible,
08:37ces histoires-là,
08:38ces mécanismes-là ?
08:39– Ces mécanismes-là,
08:40et c'est ça, évidemment,
08:41qui est un mécanisme très complexe,
08:44qui touche souvent des femmes,
08:46enfin, je vais dire intelligentes,
08:48parce que je pense que l'emprise
08:49de ces pervers,
08:50se fixe sur des femmes intelligentes,
08:54enfin, pas simplement des femmes
08:56qui ne peuvent pas réfléchir,
08:57mais qui réfléchissent au contraire,
08:58mais elles sont prises dans un engrenage
08:59de l'amour, bien sûr,
09:01puis de la jalousie de l'homme,
09:02de l'homme qui isole la femme des autres,
09:05et puis qui fait les premières menaces,
09:07les humiliations,
09:08peut-être les coups,
09:09et puis la culpabilité de la femme
09:11qui essaye de partir,
09:13mais qui revient,
09:14parce qu'elle est coupable,
09:15et qu'il y a quand même
09:17de l'amour au départ.
09:18C'est tout ce processus
09:19que vous décrivez bien
09:20et qui nous enferme,
09:22enfin, qui enferme ces femmes.
09:23Oui, vous avez dit deux choses,
09:25c'est l'aller-retour.
09:26Oui, c'est ça.
09:27L'aller-retour de l'amour,
09:28du désir,
09:29et à la fois de la culpabilité
09:31et de la violence.
09:32L'aller-retour du mouvement
09:33de la femme.
09:35Elle reste, elle part,
09:37mais pour partir,
09:38il faut être en sécurité,
09:38il faut être sûr
09:41que l'homme ne va pas
09:42la retrouver,
09:44et vous avez parlé de cercle.
09:45Je crois que, voilà,
09:48le contrôle coercitif
09:50marche comme ça,
09:51en cercle,
09:52on enferme lentement la femme
09:55en l'isolant des siens,
09:57de ses amies,
09:58en l'isolant d'elle-même.
10:00On peut être isolé de soi-même,
10:02de ce qu'on a été,
10:03des rêves qu'on a eus,
10:04et le livre aussi
10:06est écrit en spirale.
10:08Et je me souviens
10:09que les voisins immédiats
10:11de Chahinez
10:12m'avaient raconté
10:13que son ex-mari
10:15l'a partait travailler
10:18et il revenait.
10:19Et je me disais
10:20qu'il y avait là
10:21cette chose
10:23qui est la peur,
10:25qu'ils instaurent
10:26chez la femme.
10:27Ce n'est pas une peur
10:28qui revient,
10:29c'est une peur qui est là,
10:30tout le temps,
10:31comme un chien couché
10:32à ses pieds.
10:33Vous êtes sensible,
10:34Léonore ?
10:35Est-ce qu'il y a eu
10:35des exemples autour de vous
10:37de femmes qui auraient subi
10:38ce genre d'emprise ?
10:40Pas forcément jusqu'à la mort,
10:41évidemment,
10:42mais malheureusement,
10:44oui,
10:45j'allais dire,
10:45on est entouré
10:46de ces cas-là.
10:48Oui, on en entend.
10:48Il y en a.
10:49Ce que je trouve formidable,
10:50c'est d'abord
10:51l'écriture les rend vivantes,
10:53c'est se souvenir d'elle
10:54et c'est aussi
10:56le courage
10:57de Natacha Apana
11:00de s'emparer
11:01de sa propre voix
11:02pour parler
11:03de leur voix à elle.
11:04Donc ce sont évidemment
11:05des fantômes,
11:07mais qui sont là
11:07tellement présentes.
11:09Et ça,
11:10c'est très,
11:11très,
11:11très important
11:11aujourd'hui.
11:12Et l'écriture romanesque,
11:14elle permet ça aussi,
11:15de rendre vivant.
11:16Il y a les faits
11:17et puis il y a
11:18la littérature.
11:20Évidemment.
11:21Vous avez d'ailleurs passé
11:22plusieurs années,
11:22finalement,
11:23à écrire ce livre,
11:23Natacha Apana,
11:24on le comprend.
11:25Et donc,
11:26il a fallu,
11:27pour que vous vous compreniez mieux,
11:28tout ce temps.
11:29Alors ça,
11:30je ne suis pas
11:31tellement d'accord.
11:33Peut-être que vous n'êtes pas mieux comprise,
11:34d'ailleurs.
11:34Non,
11:34non,
11:34non,
11:35mais je crois que
11:36moi,
11:39je suis un,
11:40comment dire,
11:42je suis un élève
11:43de la littérature,
11:46du romanesque,
11:47de l'imaginaire.
11:48Quand j'ai rencontré cet homme,
11:49j'avais 17 ans,
11:50mais j'écrivais déjà
11:51depuis mes 13 ans.
11:53la littérature représentait
11:54pour moi
11:54une autre manière de vivre,
11:56mille façons de vivre sa vie.
11:59Et quand j'ai pu me sortir
12:00de cette emprise,
12:03je n'ai eu de cesse
12:04de raconter d'autres vies,
12:07d'autres histoires
12:08que la mienne.
12:09Mais l'écriture du jeu,
12:12la littérature du jeu,
12:14n'est pas donnée.
12:15Ce n'est pas quelque chose
12:16qui est évidente
12:17parce qu'elle est réelle.
12:18C'est quelque chose
12:19à travailler également.
12:21Je crois que j'ai toujours
12:22une hyper-vigilance
12:24aux rapports humains,
12:25aux rapports inégaux
12:27entre êtres humains,
12:28à la manière dont l'homme
12:29a servi l'homme
12:30et à la violence.
12:33Alors, avec vous,
12:34Léonore de Recondo,
12:35on va bien sûr continuer
12:36à parler de ces sujets.
12:38Nous partons aussi
12:38à la découverte d'une femme
12:40qui fuit, elle aussi,
12:42qui souffre de l'exil,
12:45du départ, de l'ailleurs.
12:47Je précise aussi,
12:48évidemment, au passage,
12:50Léonore,
12:50que vous êtes violoniste,
12:51tout en étant écrivain.
12:53Vous êtes née en France,
12:54mais qu'aujourd'hui,
12:55vous êtes franco-espagnol,
12:56on peut dire ça comme ça.
12:57Oui.
12:57Voilà, c'est d'ailleurs
12:58une des parties du livre
12:59importante.
13:00On va en reparler.
13:02Vous avez commencé
13:03à écrire en 2010.
13:04Il y a eu un très joli livre,
13:05notamment, bien sûr,
13:05sur le Gréco,
13:06dans la collection
13:07où on va nuire au musée,
13:08mais aussi sur Venise
13:09et la Venise des violonistes
13:12et notamment de Vivaldi.
13:14Alors, dans Marché,
13:15dans tes pas,
13:16ce nouveau livre,
13:17vous racontez l'histoire
13:18donc de cette grand-mère
13:19qui s'appelle Enrique Etta
13:20qui, un jour d'août 1936,
13:23va devoir partir
13:23avec toute sa famille,
13:24mais très brutalement,
13:25comme ça, dans la nuit,
13:26devant l'arrivée des franquistes.
13:27Elle fuit.
13:28C'est la guerre civile espagnole,
13:30bien sûr,
13:31et le drame commence.
13:32Est-ce que, d'abord,
13:33vous avez connu cette grand-mère ?
13:34Oui, alors très, très peu
13:36puisqu'elle est née en 1899.
13:39Il y avait un grand écart
13:40générationnel entre nous
13:41donc je l'ai connue
13:42quand j'étais petite fille.
13:44On s'est un petit peu parlé
13:45mais pas beaucoup,
13:47en tout cas pas assez
13:47pour que je puisse lui poser
13:48les questions
13:49qui, aujourd'hui, me taraudent.
13:51Alors, si vous avez voulu
13:52vous poser ces questions
13:54et en tout cas enquêter
13:55puis mieux comprendre
13:55et écrire sur ses origines,
13:58c'est qu'il y a quelque chose
13:58qui vous pousse à raconter.
14:00C'est une loi
14:00qui est prise en 2022,
14:03une loi espagnole
14:04qui permet donc
14:05aux descendants des Républicains
14:06de demander
14:07la nationalité espagnole.
14:09Moi, ça m'avait complètement échappé.
14:11Je pensais que c'était naturel,
14:12mais non.
14:13Donc, vous décidez
14:14de faire ces démarches.
14:14Oui, absolument.
14:16Parce qu'ils ont été déchus
14:17de leur nationalité.
14:18Ils deviennent apatrides
14:19à partir du moment
14:19où ils traversent cette frontière.
14:21Donc, ce 18 août 1936,
14:23quand ma grand-mère part
14:23avec ses parents,
14:25ses frères et ses fils,
14:26dont mon père,
14:27ils traversent
14:27le petit pont international
14:29entre Irone et Andahi
14:30et là, ils sont déchus
14:31de leur nationalité.
14:32Mon père va rester apatride
14:33de 40 ans,
14:34mais quand moi,
14:35je nais en 76,
14:37il est déjà naturalisé français.
14:39Donc, je suis née
14:40d'un père français
14:41et d'une mère française
14:42et sur le sol français.
14:44Donc, cette loi
14:45est comme une sorte
14:46de main tendue
14:46vers moi,
14:48même si, évidemment,
14:49un siècle a passé
14:50depuis cette histoire
14:52de la guerre civile.
14:53mais Franco est mort
14:54seulement en 75.
14:55Il y a eu 40 ans
14:56de dictature.
14:57Et donc, je prends...
14:58Oui, je me lance
14:59dans cette démarche,
15:01mais un des premiers papiers
15:02qu'on me demande,
15:03c'est un justificatif
15:04de l'exil.
15:05Et là, c'est un peu Kafka
15:06parce qu'on vous demande
15:07des choses.
15:08L'administration vous pousse
15:09à dire,
15:10mais je n'ai pas de preuves
15:11de cet exil.
15:12Exactement.
15:13C'est une sorte de remise
15:14en question absolue
15:16de l'histoire
15:16qu'on m'a racontée
15:17puisque je n'ai aucune preuve
15:18sauf quelques photos.
15:20Quelques photos.
15:20Ce qu'on m'en a raconté,
15:22en tout cas.
15:22Et puis, surtout,
15:23je me dis,
15:23mais cette main tendue,
15:24donc, ils perdent une guerre,
15:26ils sont déchus
15:26de leur nationalité,
15:27ils ont tout, tout perdu.
15:29Et à la génération suivante,
15:31on dit,
15:31mais vous n'aurez pas
15:32un petit papier
15:32pour nous prouver
15:33que vous avez perdu cette guerre.
15:34C'est une absurdité.
15:35Oui.
15:35Donc, la révolte
15:37devient un livre
15:39qui est une sorte
15:40de nécessité
15:40de raconter cette histoire
15:41et de dire, voilà,
15:42non, le 18 août,
15:44elle part
15:44et il se passe ceci
15:45et donc, petit à petit.
15:47Votre écriture
15:48va servir d'état civil
15:49et de papier officiel
15:50d'une certaine façon
15:51et vous allez d'ailleurs
15:52obtenir cette priorité.
15:54On le précise.
15:56Alors, il faut préciser aussi,
15:57Léonore de Recondo,
15:58qu'il y a donc dans ce texte
16:00de longs passages poétiques.
16:03D'abord,
16:04qu'est-ce qui vous a amené
16:05à la poésie
16:06et pourquoi vous vous adressez
16:07à cette grand-mère
16:08ou à cette famille
16:08sous cette forme-là ?
16:10Alors, la question
16:12qui m'était posée,
16:13en fait,
16:13j'ai trouvé par rapport
16:14de l'administration espagnole,
16:16c'était la question
16:16de la vérité.
16:17Oui.
16:17Qu'est-ce que la vérité
16:18d'une histoire familiale ?
16:20Évidemment,
16:20c'est extrêmement complexe.
16:22La vérité,
16:22elle est protéiforme
16:24pour chacun de nous,
16:26déjà,
16:26et puis peut-être
16:27pour moi encore plus
16:28qui ne connaissait pas
16:29les lieux,
16:30qui ne parlait pas
16:31le Basque.
16:32Il y a beaucoup de choses
16:33qui ont fait que
16:34ce paradis interdit,
16:36je ne l'ai pas vu,
16:37enfant,
16:37donc je l'ai réinventé.
16:40Et à travers la littérature,
16:42je le fais,
16:42avec ce tu de ma grand-mère
16:44qui traverse le pont,
16:46et il m'a fallu
16:47d'autres formes narratives,
16:50une prose plus classique,
16:52disons,
16:52qui est celle
16:53de ma démarche administrative,
16:54et puis le jeu poétique,
16:56qui est celui du jeu
16:57dont parlait Natacha
16:58tout à l'heure,
16:59qui est un jeu
17:00plein de voix,
17:01et qui est le jeu
17:02de ma grand-mère,
17:04mais qui est aussi
17:05un jeu plus universel
17:07de celles invisibilisées
17:08dans les guerres
17:10qui vont,
17:11à leur manière,
17:12combattre,
17:12résister,
17:14et aussi parce que
17:14je crois que la poésie,
17:15c'est quand même
17:16le centre de la littérature,
17:18le cœur battant,
17:19essentiel
17:20de ce qu'on a à dire.
17:21C'est dans son essence
17:23la plus pure.
17:24Oui,
17:24c'est ce qui fait
17:25le lien entre,
17:27notamment,
17:28vos deux livres,
17:29c'est cette recherche
17:29de l'écriture littéraire,
17:31qu'elle soit
17:32souvent poétique
17:32ou pas,
17:33et c'est ça
17:34qui est évidemment
17:35tout à fait passionnant.
17:37Alors,
17:37vous donnez la parole
17:38à ces femmes
17:39victimes des combats anciens,
17:42mais elles pourraient être
17:43aussi victimes
17:44des combats actuels
17:44et des conflits actuels
17:46et des exodes
17:47et des exils,
17:48comme une histoire
17:49qui se répète,
17:50et c'est ça qui est
17:50évidemment touchant
17:51et qui nous ramène aussi
17:52au livre de Natacha.
17:53Oui,
17:54c'est-à-dire,
17:55on ne peut pas
17:55ne pas être traversé
17:56par ce qui se passe.
17:59C'est-à-dire,
18:00le monde aujourd'hui,
18:01quand même,
18:01la résonance
18:02des années 30
18:03avec nos années 20
18:04est très,
18:06très,
18:06très forte.
18:07Et c'est aussi pour ça
18:09que j'ai pris
18:09cette main tendue
18:10du pays espagnol
18:12qui veut se réconcilier,
18:15parce qu'il y a tellement
18:15de frontières
18:16qui se ferment,
18:17il y a tellement
18:17de haine
18:18et on voit tellement
18:19à nouveau
18:20ces exils
18:20et ces histoires
18:21qui se répètent
18:22incessamment
18:23de femmes
18:24partant
18:24avec leurs enfants
18:25qui m'a semblé
18:26nécessaire pour moi
18:28aujourd'hui
18:28de parler de ça
18:29avec les résonances
18:30que ça a
18:31évidemment
18:32aujourd'hui.
18:33Et on voit souvent
18:34dans ces conflits,
18:36quels qu'ils soient,
18:36malheureusement,
18:37dans tous les coins
18:38du globe,
18:39que les femmes,
18:40les enfants,
18:40enfin ces femmes,
18:41les femmes sont…
18:43on les oublie d'ailleurs
18:44parce qu'on n'en parle
18:45pas forcément.
18:46Je ne sais pas
18:47ce que vous en pensez,
18:47Natacha.
18:48Oui,
18:49mais elles sont
18:49dépositaires des histoires.
18:51Elles racontent
18:52comme tu dis,
18:54les histoires
18:55qu'on m'a racontées
18:56et les questions
18:57que tu aurais voulu
18:58poser
18:58à cette grand-mère-là.
19:01Et c'est aussi
19:02une écriture
19:03du silence
19:03et de l'absence
19:04que moi,
19:05je trouve très belle,
19:07très réussie.
19:09J'aime beaucoup
19:10quand tu parles
19:11de la poésie
19:12parce que je trouve
19:13que la poésie
19:13est une sorte
19:15de l'essence même
19:16de ce que nous voulons faire.
19:18Pas la justesse,
19:20pas la vérité,
19:21mais là où il y a
19:23le plus de parfums
19:24de la langue.
19:25Oui,
19:25et puis les vocations,
19:27c'est le lieu aussi
19:27du surgissement
19:28de la poésie.
19:30Et quand on est
19:31dans des faits
19:31qui sont si durs
19:32ou quand c'est vraiment
19:33l'histoire factuelle,
19:35la poésie,
19:36elle aide aussi
19:37à la distance
19:38et puis à l'universel
19:39à ce qui se répète.
19:40À ne pas être écrasée
19:41par la réalité.
19:44Est-ce que vous étiez
19:45lectrice,
19:46par exemple,
19:46de poésie particulièrement
19:48ou il faut se lancer
19:50quand même
19:50dans ces pages ?
19:53Oui,
19:53et en même temps,
19:54je dois dire
19:54que c'est venu,
19:55cette forme s'est imposée
19:57à moi.
19:58Je ne me suis pas dit
19:58en démarrant le livre
19:59je vais écrire
20:00de la poésie.
20:02Les poésies sont vraiment
20:03advenues.
20:04Ça s'intercalait.
20:05Ça s'intercalait
20:06parce que c'était
20:06une sorte de respiration
20:07ou d'autres points de vue.
20:09aussi parce que cet exil
20:12a toujours été mis
20:13en résonance
20:14par mon père
20:14avec l'assassinat
20:16de García Lorca
20:17la même nuit
20:19que leur départ.
20:21Et donc,
20:22l'hommage aux poètes
20:23et l'hommage
20:24à la poésie assassinée
20:25par la dictature
20:26était quand même
20:27aussi au cœur
20:28de ce livre.
20:29Une nécessité.
20:30Est-ce que pour vous,
20:31Natacha Apana,
20:32après ce livre,
20:34vous avez eu
20:35des témoignages
20:36de femmes
20:36qui vous ont dit
20:37mais ça nous a aidés,
20:38ça nous...
20:39on se retrouve
20:40ou en tout cas
20:40on a mieux compris
20:42ce qui s'était passé
20:43pour moi
20:44ou pour...
20:45J'imagine que vous êtes
20:46immédiée.
20:47Oui, j'ai beaucoup
20:48de témoignages
20:49mais qui restent
20:50d'une grande dignité
20:51et d'une grande pudeur.
20:54Je crois que
20:55il y a peut-être
20:57par la voix de l'écrivain
20:59dans le livre
21:00comme tu parles,
21:02c'est une voix
21:02qui est parfois à côté,
21:05parfois à l'intérieur,
21:07parfois en dessous,
21:08parfois une voix rêvée
21:10et moi j'ai des paroles
21:12extrêmement fortes
21:14mais très, très dignes.
21:16Très, très dignes.
21:17On ne me parle pas
21:17de comprendre
21:19mais on me dit
21:20je sais.
21:22Et dans ce je sais
21:24où j'ai vécu cela,
21:26j'ai l'impression
21:27de voir tellement de choses,
21:30une complexité,
21:32des nuances tellement larges.
21:34donc on n'est qu'au début.
21:37Bien sûr,
21:38on n'est qu'au début.
21:39On comprend
21:40et en ayant lu déjà
21:41aussi de vos livres précédents,
21:43Léonor de Recondo,
21:44qu'il y a cet attachement
21:45viscéral chez vous
21:46pour l'Espagne,
21:47quoi qu'il arrive,
21:48et sa culture,
21:48vous parliez
21:49de Fédérico García Lorca,
21:51vous avez écrit aussi
21:52un livre sur le greco,
21:53je le disais,
21:54il y a un livre sur Goya,
21:55un petit livre là
21:56qui sort aussi.
21:57Qu'est-ce que c'est
21:58que ce pays pour vous ?
21:59Oui.
22:00C'est un pays rêvé.
22:02C'est un pays rêvé,
22:03c'est une...
22:06C'est un pays
22:08où je peux retourner
22:09maintenant
22:10en étant chez moi
22:11et en étant aussi étrangère.
22:14C'est le pays
22:16où je choisis d'aller,
22:17c'est le pays
22:17qui a été interdit
22:19pendant longtemps
22:20et où je peux retourner
22:22avec joie.
22:24C'est un pays
22:25où il y a
22:25beaucoup de joie
22:26pour moi.
22:27Mais quand vous étiez
22:28plus petite
22:28et que votre père
22:30était bien sûr en France,
22:31on ne vous avait pas
22:33emmenée
22:33dans ce pays basque espagnol ?
22:34Non.
22:35Non, lui,
22:36donc ma grand-mère
22:37a fini ses jours
22:38après la mort de Franco
22:39au pays basque
22:40à Saint-Sébastien
22:41et puis entre eux,
22:43il y avait cette langue maternelle,
22:44ce basque
22:45qui m'échappait
22:46et qui était là aussi
22:48une sorte de territoire
22:48impossible
22:49et tout d'un coup,
22:50mon père se métamorphosait
22:51quand il parlait
22:52avec sa mère,
22:53je ne le reconnaissais plus.
22:55Donc il y a aussi ça
22:56à aller en Espagne,
22:57aller au Pays basque,
22:58c'est tourner autour
22:59d'un pays
23:00et y revenir
23:02et découvrir
23:03quelque chose
23:04de moi.
23:05Mais oui,
23:06c'est dans la joie,
23:07il n'y a pas
23:07d'amertume.
23:09C'est pour ça
23:10qu'avoir ce passeport,
23:13c'est comme si tout d'un coup,
23:16on voyait
23:18qui je suis vraiment.
23:19C'est au vu
23:20et au su des autres
23:21d'avoir
23:22cette double nationalité
23:23et puis je trouve
23:24que d'être binationale
23:25aujourd'hui,
23:26c'est bien.
23:26C'est vrai.
23:27C'est évidemment
23:28symboliquement très fort
23:29de ces mondes fracturés.
23:32Pour vous,
23:32Natacha Panna,
23:33je le disais,
23:33vous avez quitté
23:34l'île Maurice
23:34en 1998
23:35et j'imagine
23:39bien sûr
23:39que vous avez gardé
23:40des liens.
23:41On voit votre cousine,
23:42etc.
23:43Et ce qui est évidemment
23:44triste et terrible
23:45dans ce que vous décrivez,
23:47c'est qu'au fond,
23:47ces phénomènes-là
23:48touchent évidemment
23:50tous les pays.
23:51Chahinez vient d'Algérie,
23:52Emma,
23:53elle vit à l'île Maurice.
23:54Vous,
23:54vous y viviez
23:55à ce moment-là.
23:57Ce n'est pas l'apanage
23:59de certaines civilisations
24:00ou de certaines...
24:00Non, pas du tout.
24:01Pas du tout.
24:02Pas du tout.
24:04Pas du tout.
24:05Je ne sais pas
24:05si c'est l'apanage
24:06de quelque chose.
24:08Non, non, pas du tout.
24:09Je crois qu'à l'heure
24:10où nous parlons,
24:11il y a eu,
24:12en France hexagonale,
24:1456 femmes tuées
24:16par leur ex
24:18ou par leur compagnon.
24:20Et ça...
24:20Je crois justement
24:21qu'à partir du moment
24:23où on commence
24:24à expliquer
24:25où, chez la femme,
24:27il y a cette faille-là,
24:28je crois qu'on se trompe
24:30de chemin.
24:31Ah oui.
24:31Ce n'est pas...
24:32Ce n'est pas là
24:33que la faille se situe.
24:34Exactement.
24:34Ce n'est pas là.
24:35Ce n'est pas l'origine,
24:36ce n'est pas la couleur,
24:37ce n'est pas l'éducation,
24:38comme vous le disiez tout à l'heure.
24:40Ce n'est pas non plus
24:41une culture.
24:43Souvent,
24:44on entend
24:44« Ah oui,
24:45mais c'est une façon de vivre. »
24:46Mais pas du tout.
24:47Non.
24:48Non, la peur,
24:48ce n'est pas une façon de vivre.
24:50Oui, bien sûr.
24:51Et on voit bien d'ailleurs
24:52que tous les trois couples
24:53dans lesquels nous pénétrons,
24:56il y a des modes de vie
24:58assez différents.
24:58enfin, il n'y a pas forcément...
24:59Bien sûr, tout le monde travaille,
25:01tout le monde est expliqué,
25:02tout le monde lit.
25:03Donc, ce n'est pas du tout
25:04quelque chose qui serait réservé,
25:07vous voyez,
25:07qui serait eux et nous.
25:10Et quelque chose
25:11qu'on regarderait
25:12comme on regarderait
25:14quelque chose
25:14derrière une vitre.
25:16Non, pas du tout.
25:18Est-ce que vous auriez écrit
25:19ces deux livres ?
25:20Oui, sans doute, bien sûr,
25:21mais moins facilement
25:23ou peut-être avec moins de...
25:25Ça aurait été moins évident
25:28dans une période
25:29où on n'aurait pas,
25:30comme aujourd'hui,
25:31depuis maintenant
25:31une dizaine d'années,
25:33parler vraiment de ces sujets
25:34de violences faites aux femmes.
25:36Non, c'était une chose
25:38que vous deviez écrire.
25:39Il se trouve que c'est un thème
25:41qui nous saisit, mais...
25:44Oui, je n'ai jamais abordé
25:46l'écriture de mes livres
25:47en me disant que c'est un sujet
25:48ou c'est un thème.
25:49De militantisme.
25:50Bien sûr, parce que la question
25:52essentielle, je pense,
25:52pour Léonore aussi,
25:53c'est la question de la langue.
25:55C'est la question du langage.
25:57Et je me suis tout de suite
25:58posé cette question-là.
26:00Quel est le langage pour cela ?
26:02Quelle est la bonne distance aussi
26:05avec ce livre-là ?
26:07Vous savez, quand Chahinez est morte,
26:11ce mot féminicide,
26:13il était cacophonique.
26:15Oui.
26:16On le prenait pour...
26:17Enfin, on y mettait tant de choses.
26:21Et c'est aujourd'hui
26:21qu'on arrive à faire la nuance
26:23entre plusieurs types de féminicides.
26:26Donc, oui, peut-être que c'est un texte
26:28qui serait venu ou peut-être pas.
26:30On ne peut pas savoir.
26:31Enfin, il est venu.
26:33Et aussi, votre expérience propre
26:34qui est décrite ici.
26:37Merci beaucoup à toutes les deux
26:39d'être venus nous voir.
26:40Merci à vous.
26:40On nous a fait...
26:41D'abord, ce sont des livres
26:42tout à fait bouleversants et importants.
26:45Natacha Apana, c'est La nuit au cœur
26:46chez Gallimard.
26:48Et puis, Léonore de Recondo,
26:49c'est Marcher dans tes pas
26:50aux éditions de l'Iconoclast.
26:52Alors, pour terminer cette émission,
26:54quelques petits coups de cœur.
26:56On reste sur votre thème, cher Léonore,
26:59puisque un grand écrivain espagnol
27:01que vous devez connaître,
27:02Antonio Munoz Molina,
27:04je ne te verrai pas mourir.
27:07Et évidemment, il revient sur les blessures
27:10jamais refermées de cette guerre civile
27:11à laquelle vous faites allusion.
27:13Et puis, un petit mot de Marie Dario Sec,
27:15puisque nous l'avions reçu,
27:16puisque fabriquer une femme sort en folio.
27:18Et puis, pour ma part,
27:19je voudrais citer Véronique Olmy,
27:21que j'aime beaucoup comme auteure et écrivain.
27:23Et alors là, elle qui revient tout simplement
27:24sur une enfance catholique,
27:26mais alors vraiment dans une atmosphère
27:28de pratiques religieuses poussées,
27:30avec les notions de péché, de rédemption,
27:33de virginité, de châtiment,
27:35entre prosélytisme et le pardon,
27:38le fanatisme et l'humilité.
27:39Mais enfin, elle va s'en affranchir un peu après.
27:42Voilà, c'est ce qu'Alexis appelle
27:43une enfance catholique.
27:44Voilà, merci beaucoup.
27:45Merci d'être venue et d'avoir parlé
27:47avec autant de sincérité, de fluidité.
27:50On se retrouve très vite pour un nouveau numéro
27:52d'Au Bonheur des livres.
27:53À vite.
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