- il y a 22 heures
Réunissant dix millions de Polonais, ouvriers, paysans, intellectuels et porté par le futur prix Nobel de la paix Lech Walesa, Solidarnosc a été un véritable séisme mondial.
Pendant ses 16 mois d'existence légale, le premier syndicat libre du monde communiste a tenu l'opinion publique en haleine et a mobilisé les acteurs politiques internationaux à Washington, à Moscou, à Bonn et même au Vatican.
Grâce à leur action, les femmes et les hommes de Solidarnosc ont mis à jour les faiblesses idéologiques, politiques, économiques, et mêmes militaires du bloc de l'Est en devenant en quelques mois un véritable contre-pouvoir redouté par le Kremlin.
La menace d'une invasion soviétique en Pologne a été, à plusieurs reprises, imminente. Dissous en décembre 1981 après la proclamation de la loi martiale par le général Jaruzelski, le syndicat a continué d'oeuvrer dans la clandestinité avec l'appui du pape Jean-Paul II, de la CIA et de la Maison Blanche avant de participer aux premières élections semi-libres du bloc communiste en juin 1989.
L'exemple d'une société civile, sans peur et pacifique, fera tâche d'huile dans le bloc de l'Est où les régimes tomberont les uns après les autres.
Année de Production :
Pendant ses 16 mois d'existence légale, le premier syndicat libre du monde communiste a tenu l'opinion publique en haleine et a mobilisé les acteurs politiques internationaux à Washington, à Moscou, à Bonn et même au Vatican.
Grâce à leur action, les femmes et les hommes de Solidarnosc ont mis à jour les faiblesses idéologiques, politiques, économiques, et mêmes militaires du bloc de l'Est en devenant en quelques mois un véritable contre-pouvoir redouté par le Kremlin.
La menace d'une invasion soviétique en Pologne a été, à plusieurs reprises, imminente. Dissous en décembre 1981 après la proclamation de la loi martiale par le général Jaruzelski, le syndicat a continué d'oeuvrer dans la clandestinité avec l'appui du pape Jean-Paul II, de la CIA et de la Maison Blanche avant de participer aux premières élections semi-libres du bloc communiste en juin 1989.
L'exemple d'une société civile, sans peur et pacifique, fera tâche d'huile dans le bloc de l'Est où les régimes tomberont les uns après les autres.
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00:00...
00:00Été 1980, ouverture des Jeux Olympiques à Moscou.
00:11Des filets fastueux, tableaux vivants et spectacles grandioses annoncent une belle fête du sport.
00:19Mais les apparences sont trompeuses.
00:24Quelques mois plus tôt, l'URSS a envahi l'Afghanistan,
00:26provoquant la colère des Etats-Unis et le boycott des Jeux par les athlètes américains.
00:32Au stade Lénine, la guerre froide est de retour.
00:37Entre les pays frères du bloc communiste, l'ambiance n'est pas non plus au beau fixe.
00:43Le perchiste polonais Władysław Kozakiewicz se fait siffler par le public moscovite.
00:47Kozakiewicz finit par remporter la médaille d'or
00:55et répond au public moscovite par un geste qui parle à tous les Polonais.
01:02Ce bras d'honneur exprime leur ras-le-bol de vivre sous la coupe du grand frère soviétique
01:06dans un régime qu'ils n'ont pas choisi et qui les retient par la force.
01:10Il annonce les événements d'un été particulièrement chaud
01:16qui se prépare à Gdansk, sur la côte baltique.
01:19Sous les yeux du monde entier,
01:21les ouvriers du chantier naval Lénine vont défier le pouvoir
01:24et créer le premier syndicat libre du bloc communiste.
01:29Un sérieux coup d'estocade au système
01:31qui amorcera la chute du mur de Berlin.
01:34Le chantier naval Lénine à Gdansk, sur la côte baltique polonaise.
01:54Depuis 1946, 17 000 ouvriers et ingénieurs
01:58fabriquent ici des navires pour tout le bloc communiste.
02:00Le chantier naval Lénine est l'un des fleurons de l'économie polonaise.
02:07Un symbole du socialisme triomphant.
02:12Les ouvriers du chantier naval, c'était la grande fierté du socialisme.
02:18C'était l'endroit où on construisait, soi-disant, les meilleurs bateaux du monde.
02:22On était fiers de cet endroit.
02:25C'était l'élite de la classe ouvrière.
02:26Pourtant, ici aussi, comme dans toutes les entreprises d'État,
02:33les conditions de vie des ouvriers se détériorent d'année en année.
02:38Ils sont obligés de travailler 12 heures par jour
02:40et font leurs courses dans des magasins vides.
02:48La nomenclatura, en revanche,
02:50les dirigeants du parti communiste ne manquent de rien.
02:53Quand vous étiez membre du parti, vos enfants partaient gratuitement en colonie de vacances en Bulgarie ou en Hongrie.
03:00Quand vous étiez membre du parti, vous pouviez aussi être désigné chef de chantier ou dirigeant d'une entreprise.
03:04Sans la carte du parti, impossible.
03:08Le communisme, c'était principalement privilégier les siens.
03:12Les syndicats officiels, aux ordres du parti, ne sont visibles que lors des défilés du 1er mai.
03:17Les ouvriers ne peuvent compter que sur le courage de certains d'entre eux pour les représenter.
03:23Un engagement qui peut s'avérer dangereux.
03:25En janvier 1980,
03:30on a repêché le corps d'un de nos collègues syndicalistes dans une rivière.
03:35On lui avait coupé les jambes.
03:37Lors de son enterrement que nous avions organisé,
03:40la police politique était là.
03:42Elle nous surveillait.
03:44Elle voulait nous empêcher d'y assister.
03:48Voilà ce qui arrivait à l'époque aux syndicalistes.
03:50A Gdansk, cela fait longtemps que la colère gronde
03:56et que les ouvriers sont dans le collimateur du régime.
04:00En 1970, ils ont déjà défié les autorités en descendant dans les rues
04:05pour manifester contre des hausses de prix.
04:11Les gens se sont révoltés pour des raisons économiques.
04:13Mais très vite, les manifestations ont pris une tournure politique.
04:20Les forces de l'ordre communiste ont tiré dans la foule.
04:41Il y a eu 42 morts et plus de 1000 blessés.
04:46La ville entière a été le témoin de ces événements.
04:50C'est pourquoi à Gdansk, nous étions beaucoup plus politisés
04:53qu'ailleurs en Pologne.
05:01Dix ans plus tard, à l'été 1980,
05:04les ouvriers du chantier naval sont à bout, une fois de plus.
05:08Une nouvelle hausse des prix sur les produits alimentaires
05:10et le licenciement de la grutière Anna Valentinovic
05:13pour activité syndicale mettent le feu aux poudres.
05:16Le 15 août 1980,
05:21les ouvriers du chantier naval Lénine déposent leurs outils.
05:26Ils demandent la réintégration d'Anna Valentinovic
05:28ainsi que celle de Lechvaléza,
05:30un électricien,
05:31lui aussi licencié quelques mois plus tôt pour fait syndical.
05:36Cette fois, les grévistes choisissent de se barricader
05:39dans le chantier naval
05:40pour éviter les tirs des forces de l'ordre.
05:42L'électricien Lechvaléza émergera rapidement
05:47comme le meneur du mouvement.
05:52Pour lutter contre ce système,
05:54il fallait absolument l'appui des ouvriers.
05:57Qui d'autre pouvait remettre en question
05:59l'idéologie de ce soi-disant parti ouvrier
06:02si ce n'est les ouvriers eux-mêmes.
06:08La nouvelle se répand comme une traînée de poudre
06:10sur toute la côte baltique
06:11par le bouche-à-oreille
06:13et les tracts diffusés illégalement.
06:16Encouragés par l'exemple du chantier naval
06:18et fatigués eux aussi des mauvaises conditions de vie,
06:21d'autres travailleurs se mettent en grève,
06:24notamment les employés des transports publics.
06:26Le lendemain du début de la grève,
06:32je suis retournée au travail.
06:34Je me suis installée dans mon tramway
06:35avec l'envie de rejoindre le mouvement.
06:38A chaque arrêt, j'étais comme une adolescente
06:40en train d'éfeuiller les pétales d'une fleur.
06:42Je m'arrête ou je ne m'arrête pas ?
06:44Finalement, je me suis arrêtée
06:49à la station Opéra Baltique.
06:51C'était le meilleur endroit.
06:52J'ai alors annoncé aux passagers
06:53que je m'arrêtais pour faire grève.
06:56Au même moment,
06:59les ouvriers du chantier naval
07:00sont en train d'obtenir gain de cause.
07:03La direction a cédé à leurs revendications.
07:06Lej Valesa et Anna Valentinovitch sont réintégrés.
07:10Leur grève est sur le point de se terminer.
07:12Et donc, le chantier naval a commencé à se vider.
07:15Et c'est à ce moment-là
07:16que sont arrivés,
07:17notamment les grévistes des transports.
07:20Un groupe dirigé par Enrique Akchevonos
07:23est venu nous voir,
07:24nous nous reprochant de les abandonner.
07:25Ils nous ont demandé à notre tour
07:28d'être solidaires avec eux.
07:30Il y avait là la possibilité
07:32de passer d'une grève d'entreprise
07:34à une grève régionale.
07:39Bogdan Borusevitch était là
07:40et il a tout de suite défendu l'idée
07:42de continuer la grève.
07:43Et Lej Valesa a alors appelé
07:46à la grève de la solidarité.
07:50Une nouvelle grève,
07:51une grève de solidarité
07:53est sur le point de commencer.
07:55C'est le tournant décisif,
07:57le point de nos retours
07:58dans ce mouvement de contestation
08:00qui va vite embraser toute la Pologne.
08:03Solidarité,
08:04Solidarność,
08:05le nom s'imposera comme une évidence.
08:07Il devient le mot d'ordre
08:10de séjour d'été
08:10pour les Polonais.
08:11Ils avaient une confiance en eux
08:13qui était énorme.
08:14Il faut voir ce que c'était.
08:15Il y avait 30 000 personnes en grève.
08:17Il y avait 150, 180 entreprises
08:19dans toute la région
08:20qui était en grève.
08:21A Varsovie,
08:24les intellectuels opposés au régime
08:25rejoignent à leur tour
08:26le mouvement de grève.
08:31Yatseg Kouran et Adam Michnik
08:33se font arrêter
08:34avant même d'arriver à Gdansk.
08:36Mais d'autres,
08:36comme Bronisław Geremek
08:38et Tadeusz Mazowiecki,
08:39parviennent à rallier
08:40les bords de la Baltique
08:41et le chantier naval.
08:44Ils veulent apporter
08:45leur contribution
08:45à ce mouvement de contestation
08:47dont tout le monde pressent
08:49qu'il est en train
08:49de largement dépasser
08:51le simple cadre syndical.
08:54Ils nous ont proposé leur aide
08:56et heureusement pour nous
08:57car nous, les ouvriers,
08:58nous ignorions beaucoup de choses.
09:03C'était la première fois
09:04depuis la guerre
09:04que nous formions
09:05une société unie.
09:07Il n'y avait plus de division
09:08entre ouvriers,
09:11intellectuels,
09:12ingénieurs et médecins.
09:21Dans la nuit,
09:22intellectuels et ouvriers
09:24travaillent ensemble
09:25aux revendications
09:25que Solidarność
09:26veut adresser au gouvernement.
09:30Les délégués
09:30de près de 200 entreprises
09:31participent au débat.
09:32J'ai insisté pour qu'il y ait
09:38le moins de revendications
09:39possibles.
09:43Elles devaient en revanche
09:44faire consensus
09:45pour que tout le monde
09:46ait envie de se battre
09:47et de les défendre.
09:50Qu'est-ce qu'on met
09:51comme première revendication ?
09:53Beaucoup de gens
09:53disaient
09:54on fait des élections libres
09:55et Borusevitch
09:58a expliqué
09:59non,
09:59on va aller à l'affrontement
10:00avec le pouvoir.
10:01Ce qu'il faut,
10:02c'est au contraire
10:02trouver un terrain
10:03d'équilibre
10:04avec le pouvoir.
10:07Quel était mon objectif ?
10:09La démocratie, bien sûr,
10:11et l'indépendance.
10:13Mais on ne pouvait évidemment
10:14pas le revendiquer ouvertement.
10:17En exigeant des syndicats
10:19libres et indépendants,
10:20nous avons voulu créer
10:21une brèche
10:22pour nous attaquer au système.
10:2521 revendications
10:28sont affichées
10:29sur les grilles
10:30du chantier naval.
10:31Première demande,
10:33le droit de créer
10:34des syndicats libres
10:35et indépendants.
10:36Elle est suivie
10:37par le droit de grève,
10:38puis par le respect
10:39de la liberté d'expression
10:40et de la presse,
10:42pourtant inscrite
10:43dans la Constitution
10:44de la République populaire polonaise.
10:49À l'entrée du chantier naval,
10:51le spectacle est saisissant.
10:54Plusieurs dizaines
10:54de milliers d'habitants
10:55de Gdansk
10:56se sont donnés rendez-vous
10:57en soutien aux grévistes.
11:00Présentes jour et nuit,
11:01la foule ne cesse
11:02de grandir
11:03et ose enfin
11:04exprimer son avis
11:05sur le régime.
11:06On a réussi à toucher les gens.
11:31On leur a permis
11:32de se sentir libres.
11:33Ils ont découvert
11:34qu'on pouvait escalader
11:35la grille d'un chantier
11:36pour prendre un micro
11:37et critiquer le pouvoir
11:38sans se prendre
11:38des coups de matraque.
11:40Ils se sont sentis libres,
11:41même si ce n'était
11:41que pour un petit moment.
11:42« On sent la détente.
11:46La tendresse reprend ses droits. »
11:49Au début,
11:50on n'avait rien à manger.
11:51Mais deux jours plus tard,
11:52la nourriture
11:53arrivait de partout.
11:54Les gens nous amenaient
11:55du pain,
11:56des fruits,
11:57de la viande.
11:58C'était incroyable.
12:01Je n'avais jamais vécu
12:02quelque chose comme ça.
12:03comme ça,
12:08qui s'est organisés à côté.
12:10C'est incroyable.
12:11Sous-titrage Société Radio-Canada
12:41C'était un moment rare, c'est un moment où toute la société, tous les grévistes, tous les gens de Gdansk sont mobilisés, se parlent, font des choses ensemble et ne respectent plus les autorités.
13:08Et donc ils ont pris de fait le pouvoir.
13:11Ce n'est pas la première fois que les Polonais prennent le pouvoir dans la rue en faisant fi des autorités communistes.
13:24Un an plus tôt, ils s'étaient massivement mobilisés pour voir Carole Wojtyla, le pape Jean-Paul II, en visite sur ces terres natales.
13:34C'est une chose qui aujourd'hui apparaît peut-être surréaliste, mais quand vous êtes des millions dans la rue, vous prenez conscience d'une certaine force.
13:43Vous apercevez que la faiblesse du pouvoir.
13:45En plus, il y a eu ce fameux mot de Jean-Paul II sur la place de Varsovie en disant « N'ayez pas peur ».
13:50Le Saint-Père nous a permis de nous compter, de réaliser que la révolte était possible. Le reste, c'est nous qui l'avons fait.
13:58La foi catholique joue un rôle pendant ces jours de grève.
14:04Devant les grilles du chantier naval Lénine, des messes sont célébrées régulièrement.
14:08Au début, les gens craignaient de s'approcher des grilles du chantier.
14:15Ils avaient très peur de se faire tirer dessus.
14:18D'où l'idée de célébrer des messes.
14:22Elles ont permis aux gens de venir près du chantier naval.
14:25C'était une incitation à nous rejoindre, mais aussi un soutien moral pour tout le monde.
14:34Donc ce qui s'est passé en Pologne est un signe extraordinaire.
14:37Hyper courageux.
14:39Encore une fois, il y a Solidarnosc, mais il y a aussi Jean-Paul II.
14:42Ça démontrait que l'Empire commençait à se désagréger.
14:47Dans sa partie la plus fragile, parce que les Polonais n'avaient jamais adhéré au communisme en réalité.
14:53C'est-à-dire la raison pour laquelle l'Église catholique était si forte, en tout cas pendant le communisme.
15:07Les images du chantier naval de Gdansk font le tour du monde.
15:22Elles étonnent et émeuvent l'opinion publique internationale, ainsi que les chancelleries à Paris, à Bonn et à Washington.
15:28C'est la première fois dans l'histoire que la population d'un pays communiste défie aussi ouvertement son gouvernement, qui plus est de manière pacifique.
15:39Les images de Gdansk en août 1980 étaient d'une force incroyable.
15:47J'étais complètement hypnotisé par la passion et la détermination de ce mouvement contestataire.
15:55Pour le président Jimmy Carter, c'était le signe que les Polonais rejetaient la mainmise soviétique sur leur pays.
16:00Pour ma part, j'étais alors incapable de prédire la suite des événements.
16:09En voyant ces images, j'ai respiré profondément.
16:15J'étais partagé.
16:17D'un côté, j'étais très heureux que cela puisse se produire en Pologne.
16:22Mais en même temps, j'étais inquiet, parce qu'on ne savait pas comment les autorités allaient réagir.
16:30L'été joue en faveur des grévistes.
16:40Quand les autorités communistes apprennent la mauvaise nouvelle,
16:43elles sont en vacances sur les plages de la mer Noire ou au bord des lacs polonais.
16:49Mais elles réagissent très vite.
16:52Il faut mettre fin au désordre.
16:54À Gdansk, les lignes téléphoniques sont coupées.
16:57La ville isolée du reste de la Pologne.
17:00Là où la panique est venue assez vite,
17:04ce n'est pas parmi les ouvriers de Gdansk.
17:06C'est au sein du bureau politique et de la direction du Parti communiste polonais.
17:10Parce qu'ils ne savaient pas quoi faire.
17:11Je me suis tout de suite dit, ça recommence.
17:28On s'y attendait.
17:30Dans tous les pays, la population était très mécontente de ces conditions de vie et de travail.
17:34Mais jamais on n'aurait imaginé que ça partirait de Gdansk et de la côte baltique.
17:41Ils avaient déjà eu une très mauvaise expérience en 1970.
17:46On pensait que les ouvriers ne reprendraient jamais de tels risques.
17:48Et pourtant, ils l'ont fait.
17:51A Varsovie, au siège du Parti communiste,
17:59une cellule de crise est mise en place par Stanislaw Kania, membre du politbureau.
18:05Elle doit préparer la riposte.
18:06Le comité central avait mobilisé des unités de l'armée
18:11pour reprendre le contrôle du chantier naval.
18:14Elle devait donner l'assaut par voie maritime, aérienne et terrestre.
18:18Des exercices militaires avaient eu lieu en guise de préparation
18:20sans que personne n'en connaisse le but.
18:23Le pouvoir central voulait prendre le contrôle sur les grèves par la force.
18:27Moi, j'étais contre.
18:29D'abord, le secrétaire général de l'époque s'appelait Gerek.
18:32Il a modéré tout de suite Kania en lui disant qu'on n'a pas les moyens.
18:36« Regarde un peu ce qui se passe.
18:38Tu vois très bien que toute la Pologne est en train de se mobiliser
18:40et qu'on ne maîtrise plus la question.
18:43Le parti ne répond plus. »
18:46S'ils étaient intervenus pendant les deux premiers jours de grève,
18:49ça aurait pu être efficace.
18:50Mais une semaine plus tard,
18:52tout le nord de la Pologne était en grève
18:53ainsi que les grandes villes du pays.
19:00Pour que les ouvriers retournent au travail,
19:03le gouvernement polonais n'a d'autre choix
19:04que de négocier avec les grévistes.
19:0623 août 1980.
19:15Huit jours après le début des grèves,
19:17une délégation gouvernementale menée par le vice-premier ministre
19:21Miecziswa Fiegelski est attendue sur le chantier naval Lénine.
19:25Elle doit rencontrer les représentants des entreprises en grève.
19:28La négociation au lieu de la répression dans l'histoire du communisme,
19:33c'est une première.
19:34« Certains grévistes ont commencé à donner des coups de pied dans le car.
19:39Pour eux, nous étions les représentants du gouvernement
19:41qui avaient précipité le pays dans la crise
19:44et qui étaient responsables de la mauvaise situation économique. »
19:49« Nous ne voulions pas les laisser entrer sur le terrain du chantier naval.
19:56Leur bus a dû s'arrêter devant la grille
19:59et la délégation a dû traverser une longue rangée d'ouvriers
20:02que nous avions formés exprès pour les accueillir.
20:05Je me suis toujours dit qu'ils avaient dû avoir des frissons en passant par là.
20:21« Nous devons, je le dis,
20:23à chaque fois, à chaque fois, à chaque fois, à chaque fois, à chaque fois, à chaque fois, à la rédager. »
20:27« Nous n'avons pas d'inquiéter, pourquoi nous n'avons pas d'inquiéter ? »
20:31« Valesa était têtu.
20:37Il avait un excellent instinct de situation.
20:39Il avait le caractère idéal pour ces négociations. »
20:43« Vous avez parlé avec nous.
20:44Vous pouvez vous dire que nous ne voulions pas contre l'instruction socialiste.
20:49Nous voulions contre nos propres concrètes.
20:52Nous voulions nous poursuivre,
20:55comme nous poursuivre nos propres.
20:58Nosquels de travail sont considérés pour la propriété du peuple.
21:01Nous voulions nous poursuivre nos propres concrètes. »
21:08« L'intégralité des négociations se déroule dans ce bâtiment,
21:15ouvert à tout le monde. »
21:18« Et tout le monde voyait ce qui se passait.
21:20Donc tout était transparent.
21:21Et les gens avaient leur enregistreur et enregistraient tout.
21:25Ils partaient, ils donnaient la cassette dans leur usine,
21:28et dans leur usine, ils écoutaient la cassette.
21:30Et il y avait comme ça un circuit d'information qui a fonctionné tout le temps.
21:33C'était une démocratie directe au sens propre du terme. »
21:43Mais les grévistes savent qu'ils négocient aussi avec un autre acteur de poids,
21:47pourtant absent à cette table, l'Union soviétique.
21:50Moscou observe d'un très mauvais œil les événements en Pologne.
21:58Une cellule spéciale dédiée à ce que le Kremlin appelle la « situation polonaise » est créée.
22:04Sous la direction de Mirail Sousloff, membre du Politburo,
22:08elle réunit entre autres Yuri Andropov, le chef du KGB,
22:12Andrei Gromyko, ministre des Affaires étrangères,
22:14et le ministre de la Défense, Dmitri Ustinov.
22:20Tous sont d'accord pour dire que les grèves de Gdansk
22:22sont une menace pour le régime en Pologne,
22:24mais aussi pour le pacte de Varsovie,
22:27l'équivalent communiste de l'OTAN.
22:31« La Pologne était essentielle dans la stratégie de défense du pacte de Varsovie.
22:37En effet, en cas de conflit avec l'Ouest,
22:40les troupes soviétiques devaient pouvoir traverser le territoire polonais
22:43pour aller en RDA.
22:45La perte de la Pologne aurait été une perte stratégique énorme
22:49pour tout le bloc de l'Est.
22:55Brezhnev, mais aussi les dirigeants de la RDA et de la Tchécoslovaquie
23:00étaient très inquiets de la tournure des événements en Pologne.
23:05Ils craignaient des débordements dans leurs propres pays.
23:10Selon nos services de renseignement,
23:12Léonide Brezhnev et les autres dirigeants
23:15étaient partisans d'une réponse musclée.
23:20Pour faire rentrer les récalcitrants dans le rang,
23:23le Kremlin ne connaît qu'une méthode,
23:25la force.
23:26En 1956,
23:31l'intervention des troupes du pacte de Varsovie à Budapest
23:34écrase le soulèvement populaire et fait 25 000 morts.
23:37En 1968,
23:43ces mêmes chars roulent dans les rues de Prague
23:45pour mettre fin aux aspirations du parti tchécoslovaque
23:48en quête d'un socialisme à visage humain.
23:51Pour rétablir militairement l'ordre communiste dans les pays frères,
23:59l'URSS s'appuie sur la doctrine Brezhnev.
24:01Alors à l'époque,
24:03l'Union solutique était un pays très armé.
24:06Alors je parle même pas de la dissuasion nucléaire,
24:08mais même sur le plan conventionnel.
24:10Et c'est le pays capable d'intervenir en Afghanistan.
24:13Donc oui, on peut pas écarter le fait
24:15que les vieillards dépassés par les événements,
24:18formant le politbureau de Moscou,
24:20décident d'intervenir militairement en Pologne.
24:22Le 28 août 1980,
24:27la cellule spéciale recommande au politbureau
24:30de mobiliser trois divisions de tanks
24:32pour venir en aide aux dirigeants polonais.
24:38Quand nous avons appris que des bateaux soviétiques
24:40étaient amarrés dans la baie de Gdansk
24:42alors que nous faisions grève,
24:45certains d'entre nous n'ont pas supporté la tension et le stress.
24:50Certains se sont enfuis du chantier naval.
24:52D'autres ont eu des crises d'angoisse tellement fortes
24:55qu'ils ont été évacués en ambulance vers des hôpitaux.
25:00Gdansk, le risque d'une intervention soviétique
25:03est dans tous les esprits.
25:04Alors la stratégie mise au point par Bogdan Borusevitch
25:07est taillée sur mesure pour contourner cette menace.
25:12Nous avions tiré des conclusions de l'expérience hongroise.
25:16A aucun moment, nous n'avons remis en question
25:17l'appartenance de la Pologne au pacte de Varsovie,
25:21car c'était l'une des raisons de l'intervention russe
25:22en Hongrie.
25:23Et nous n'avons pas demandé la suppression de la censure,
25:26simplement son allègement,
25:27car cela avait été la raison invoquée
25:29pour envahir la Tchécoslovaquie.
25:33Malgré toutes les précautions stratégiques,
25:36les négociations sont un véritable bras de fer
25:38et rien n'est gagné à l'avance.
25:40Il ne fallait jamais s'aider, tout en restant prudent.
25:45Il ne fallait pas aller dans le mur.
25:47Si je n'y arrivais pas un jour, je reprenais des forces
25:49et je revenais à la charge le lendemain.
25:53Ce qui nous a beaucoup aidés,
25:54c'est que le communisme était à bout de souffle.
25:56Quand je parlais de leur magasin,
26:04où ils pouvaient tout acheter,
26:06de la nourriture, des vêtements
26:07et bien d'autres choses,
26:11Jagielski me regardait en me disant
26:13« Non, ce n'est pas vrai ».
26:16Et quand je me suis emportée,
26:19le ministre Jelinski s'est tourné vers moi en me disant
26:22« Vous dites manquer de pneus,
26:24je peux vous en donner 2000 ».
26:26Mais arrêtez de dire que nous avons des magasins
26:30qui nous sont réservés.
26:31Et comprenez qu'il n'y a pas de prisonniers politiques en Pologne.
26:34Vous êtes vraiment têtus.
26:36Parce qu'officiellement, il n'y avait pas de prisonniers politiques.
26:40Il faisait traîner les négociations.
26:42Il ne voulait pas céder à notre première revendication
26:44des syndicats libres et indépendants.
26:46Il en va de l'avenir de la Pologne,
26:54mais aussi de la sécurité des grévistes.
27:01J'ai appris qu'on risquait des sanctions juridiques
27:03en cas d'échec des négociations.
27:07C'était la manière polie de dire
27:08qu'on risquait d'être soit arrêtés,
27:10soit déportés en Sibérie
27:12ou même fusillés contre un mur.
27:16Sixième jour de négociation,
27:27coup de théâtre en Silesie.
27:30Les mineurs, l'élite ouvrière du pays
27:31déposent à leur tour leurs outils pour rejoindre la grève.
27:34Le fleuron de l'industrie polonaise déjà mal en point est touché.
27:39Sans livraison de charbon,
27:41le réseau ferroviaire risque lui aussi la paralysie.
27:44C'est le tournant de ces négociations.
27:49Avec cette menace d'arrêt des chemins de fer,
27:52il ne restait à peine deux jours pour boucler ces négociations.
27:56Le trajet des troupes soviétiques en direction de la RDA
27:59aurait été bloqué.
28:00Et ça aurait pu donner une bonne raison aux Russes
28:03d'intervenir militairement en Pologne.
28:04Pour le gouvernement polonais, le défi est double.
28:10Il faut éviter un bain de sang,
28:12mais aussi faire repartir ses exportations de charbon.
28:16La délégation du vice-premier ministre
28:18n'a d'autre choix que de céder.
28:19Le 31 août 1980 est un jour historique.
28:32Devant les caméras du monde entier,
28:33Lesch Walesa signe les accords de Gdansk
28:36avec les autorités communistes.
28:38Après 15 jours dramatiques
28:40qui ont tenu le monde en haleine,
28:41les Polonais ont obtenu le droit
28:43de créer des syndicats libres et indépendants.
28:46C'est la première fois dans un pays socialiste.
28:49Solidarność a été officiellement reconnu.
29:19Je pense que cela a été une brèche importante
29:21dans le rideau de fer,
29:23mais aussi dans l'ensemble du système socialiste.
29:25Ils ont mis à main la légitimité politique
29:41et idéologique des partis communistes.
29:45Ils n'étaient plus les partis des ouvriers.
29:48Les ouvriers leur disaient d'aller se faire voir.
29:49Et cela a été dangereux.
29:53Vraiment très dangereux.
29:54Il faudra attendre encore trois mois
29:57avant que Solidarność soit officiellement autorisée
30:25par le tribunal de Varsovie.
30:26étudiants, paysans, écrivains, ingénieurs,
30:33tous les groupes professionnels s'engouffrent dans la brèche
30:35pour créer leur propre section syndicale.
30:39En trois mois, 10 millions de Polonais,
30:41soit un quart de la population,
30:43adhèrent au syndicat.
30:44On travaillait très dur.
30:49On voyageait dans toute la Pologne
30:51pour aider les autres entreprises
30:53à créer leur syndicat.
30:55Et en même temps, on surveillait de près le pouvoir.
30:59Je crois qu'ils ont alors compris
31:01qu'on ne lâcherait pas le morceau
31:02et qu'on n'était pas là pour plaisanter.
31:08Le pouvoir nous mettait des bâtons dans les roues.
31:10Il ne fallait pas que le mouvement s'étende.
31:12Solidarność va être un État dans l'État,
31:22d'une certaine manière.
31:23C'est-à-dire qu'il va organiser toute la société
31:25et le parti va se retrouver complètement exsangue.
31:30Là, le système s'effondrait.
31:34Comble de l'ironie,
31:35un quart des membres du Parti communiste
31:37rejoint aussi les rangs de Solidarność.
31:39Une perte de contrôle que Moscou
31:45et les dirigeants des autres pays socialistes
31:47observent avec inquiétude.
31:48A Berlin-Est, notamment,
31:53Éric Schonecker fulmine contre les Polonais.
32:00Ces fainéants de Polonais irresponsables,
32:03ils n'ont rien de mieux à faire
32:04que de remettre en question le pouvoir.
32:06Les autorités de la RDA
32:07avaient peur, à juste titre,
32:09que l'étincelle révolutionnaire polonaise
32:10se répande au-delà des frontières.
32:12Et en effet,
32:13des actions de protestation spontanée ont eu lieu.
32:16Les ouvriers allemands avaient peint le slogan
32:17« Apprenez le Polonais ».
32:19Les ouvriers polonais doivent vous servir de modèle en RDA.
32:25Évidemment, la Stasi,
32:26la police politique est-allemande,
32:28a tout de suite fait effacer ces slogans
32:30et a mis fin aux distributions de tracts
32:32qui avaient lieu au même moment.
32:33Elle a mobilisé son vaste réseau d'informateurs
32:35pour retrouver les responsables.
32:37Et ceux qui se faisaient prendre
32:38étaient condamnés pour fait de propagande
32:40contre-révolutionnaire
32:41et incarcérés pendant plusieurs mois.
32:46En RDA, le régime a redécouvert
32:48à cette occasion Martin Luther
32:50pour en faire une figure de proue
32:52de la lutte contre Solidarność.
32:57C'était le protestantisme allemand
32:59qui s'opposait au catholicisme polonais.
33:01Je ne pensais pas
33:07les camarades de l'Est
33:08capables d'un tel raffinement.
33:12Pour limiter les contacts
33:13avec ce voisin dangereux,
33:15la RDA, mais aussi la Tchécoslovaquie
33:17ferment leurs frontières.
33:19Berlin-Est met les 23 000 ressortissants polonais
33:22présents en RDA
33:23sous étroite surveillance.
33:26Quant à l'Union soviétique,
33:28elle détruit toutes les publications
33:30en langue polonaise.
33:32Le frère socialiste polonais
33:34est devenu un paria.
33:39De l'autre côté du rideau de fer,
33:42les regards des gouvernements occidentaux
33:43sont eux aussi braqués sur la Pologne.
33:46Pour la Maison-Blanche,
33:48les aspirations à la liberté
33:49et à l'indépendance de Solidarność
33:51sont un pion dans la bataille d'influence
33:54à laquelle elle se livre avec le Kremlin.
33:56Un pion de la guerre froide
33:57à manier avec prudence.
33:59Zbigniew Brzezinski,
34:01le conseiller à la sécurité,
34:08avait des conversations officieuses
34:10avec des dissidents polonais.
34:13Il leur a promis la plus grande aide possible,
34:16notamment une aide financière.
34:18Mais ce soutien était gardé secret.
34:27Le président Carter s'est entretenu
34:29avec la Grande-Bretagne,
34:31la France et l'Allemagne,
34:32ses principaux alliés.
34:35Il fallait trouver un équilibre
34:37entre le soutien apporté aux ouvriers polonais
34:39et leurs actions,
34:41tout en faisant comprendre
34:42qu'il n'était pas question
34:43d'intervenir militairement.
34:44Il ne fallait surtout pas provoquer
34:47la colère de l'URSS.
34:52L'Union soviétique, en effet,
34:58n'en a pas fini avec Solidarność.
35:00À Moscou,
35:01lors d'une réunion secrète
35:03début décembre 1980,
35:05les chefs d'État
35:06des pays socialistes
35:07se réunissent
35:07pour trouver une issue
35:08à la crise polonaise.
35:10En RDA,
35:11Éric Schonecker a déjà placé
35:13son armée en alerte.
35:14À Moscou,
35:15il déclare devant
35:16les autres chefs d'État socialistes
35:18« Quand le pouvoir des ouvriers
35:20et des paysans est en jeu,
35:22quand il est menacé
35:23par des forces contre-révolutionnaires,
35:25nous n'avons d'autre choix
35:26que de nous appuyer
35:27sur les organes militaires. »
35:31Le communiste allemand
35:32espère convaincre
35:33Léonide Brezhnev.
35:34Il est le seul
35:35à pouvoir autoriser
35:36une intervention militaire.
35:37À Washington,
35:43la Maison-Blanche
35:43est informée
35:44de cette réunion secrète
35:45par son réseau d'espions.
35:47L'un d'entre eux
35:48est le colonel polonais
35:49Richard Kuklinski.
35:52Sous le nom de code
35:53Jack Strong,
35:54c'est une taupe
35:55de la CIA
35:56depuis les années 70.
35:59Le rapport
35:59qu'il soumet
36:00début décembre
36:01aux Américains
36:01contient
36:02des informations inquiétantes.
36:05Très urgent.
36:06L'état-major soviétique
36:08a approuvé
36:08un plan
36:09qui prévoit
36:09de mobiliser
36:1015 divisions soviétiques,
36:12deux divisions tchécoslovaques
36:13et une division
36:14de la RDA.
36:16Elles doivent se tenir prêtes
36:17pour entrer en Pologne
36:18le 8 décembre
36:19sous prétexte
36:20de manœuvres militaires.
36:23En tout,
36:2418 divisions.
36:26Le sanglant scénario
36:27de Prague
36:28est sur le point
36:29de se reproduire.
36:32« Nous suivions
36:33de très près
36:34les mouvements
36:34des troupes soviétiques
36:35et de leurs alliés.
36:37Nous étions
36:38très inquiets.
36:40Ils nous laissaient
36:40penser
36:41qu'une invasion
36:41était plus que possible.
36:44La menace
36:44semblait imminente.
36:49La guerre froide
36:50est sur le point
36:50de se réchauffer.
36:52L'administration américaine
36:54doit réagir.
36:55Vite.
36:56Zbigniew Brzezinski
36:58annonce alors publiquement
36:59qu'en cas
37:00d'invasion soviétique,
37:01les États-Unis
37:02fourniraient des armes
37:03polonais.
37:05Brzezinski a réagi
37:06de manière
37:07particulièrement efficace.
37:09Il a fait peur
37:10aux Russes.
37:13Cette intervention
37:14aurait été dramatique
37:15d'un point de vue
37:16politique et humain.
37:19Une partie
37:19de l'armée polonaise
37:20serait sûrement
37:20passée de notre côté
37:21et on risquait
37:23une guerre
37:23à grande échelle.
37:24De son côté,
37:29le président Jimmy Carter
37:30appelle son homologue
37:31soviétique
37:32Léonide Brzezinski.
37:35Ces appels
37:37étaient rarissimes.
37:38Ils avaient lieu
37:39lors des moments
37:39très critiques.
37:41Le président Carter
37:42a indiqué à Brzezinski
37:44qu'une intervention
37:45militaire soviétique
37:46aurait des conséquences
37:48très graves.
37:48Il a menacé
37:51d'un embargo commercial
37:52qui aurait plongé
37:53l'URSS
37:54et ses alliés
37:55dans une grave
37:56crise économique.
37:58Sans aucun doute,
37:59cela aurait aussi
38:00provoqué un arrêt
38:01de toutes les communications
38:02entre l'Ouest
38:03et l'Est,
38:04notamment
38:04les relations diplomatiques.
38:12Économiquement
38:12à bout de force,
38:13l'Union soviétique
38:14ne peut pas se permettre
38:15un embargo international.
38:16Engagée dans une guerre
38:20en Afghanistan,
38:22elle ne peut pas
38:22non plus assumer
38:23l'ouverture
38:24d'un second front
38:24militaire en Pologne.
38:27Ce n'est pas
38:28une super puissance militaire,
38:29elle a beaucoup
38:29de faiblesses déjà
38:30à l'époque.
38:32Comme sur le plan
38:33industriel,
38:33ça ne marche pas,
38:34sur le plan technologique,
38:35ça ne marche pas
38:35et donc ça ne démontre
38:36pas une puissance
38:37extraordinaire en Afghanistan,
38:39d'autant qu'ils se sont
38:40enlisés dans la guérilla
38:41très vite.
38:43Léonide Brezhnev
38:44n'enverra pas
38:45les troupes du pacte
38:45de Varsovie en Pologne.
38:46Solidarność
38:52a fait vaciller
38:53une autre pierre angulaire
38:54du pouvoir communiste.
38:56La doctrine Brezhnev
38:58n'était plus
38:59une doctrine viable,
39:01surtout dans le contexte
39:02de la guerre en Afghanistan.
39:05Les événements
39:06en Pologne
39:07ont porté
39:07un premier coup fatal
39:09à cette doctrine.
39:10Mais Moscou
39:14n'a pas encore dit
39:15son dernier mot.
39:16Pas question
39:16de laisser la Pologne
39:17à Solidarność.
39:20L'homme de la situation
39:21est le général polonais
39:22Wojciech Jaruzelski.
39:25Ancien ministre
39:25de la Défense,
39:27il est nommé
39:27premier ministre
39:28en mars 1981.
39:29Dans le plus grand secret,
39:33avant même sa désignation,
39:35Jaruzelski a déjà lancé
39:36les préparatifs
39:37d'une riposte.
39:38Dès le lendemain
39:40de la signature
39:41de l'accord de Gdansk,
39:42Jaruzelski a fait
39:43une cellule secrète
39:45pour préparer
39:46un coup d'État.
39:49Il n'a pas confiance
39:50dans tous ses soldats.
39:51Il va s'appuyer
39:51sur une partie
39:52de la hiérarchie militaire
39:53qu'il a organisée.
39:55C'était cette cellule secrète
39:56qui était près
39:56du ministère de la Défense
39:57qui s'appelait
39:58OKO,
40:00et elle consultait
40:01souvent le KGB
40:02et les soviétiques.
40:03Ils ont tout préparé
40:05avec l'aide des Russes.
40:06Par exemple,
40:07les affiches
40:08qui ont annoncé
40:09la loi martiale
40:10provenaient des imprimeries
40:10du KGB.
40:14Mais Jaruzelski
40:15attend bien plus
40:16de la part
40:16de l'Union soviétique.
40:18Il veut s'assurer
40:19de l'aide militaire
40:20de l'armée rouge.
40:23Il y a eu une réunion
40:24à la frontière
40:25polono-soviétique,
40:27dans un train,
40:28comme dans les films,
40:29et à cette réunion,
40:31les Polonais,
40:32ils ont fait ratifier
40:33leur projet
40:34par les soviétiques.
40:35Mais les soviétiques
40:36ont toujours dit
40:37qu'ils n'interviendraient pas.
40:39Et ils n'avaient pas
40:41compter sur eux,
40:42peut-être un petit peu
40:43sur la logistique,
40:44s'il fallait de l'essence
40:45pour les tanks,
40:46mais c'est tout.
40:47Et ça,
40:47c'est très important.
40:49Et donc Jaruzelski,
40:49à ce moment-là,
40:50a compris
40:50qu'il fallait
40:52qu'ils travaillent
40:52tout seuls.
40:53Alors le pouvoir communiste
40:57va aussi accroître
40:58la pression sur les Polonais.
41:00Ses recettes,
41:01épuiser cette société
41:02en dissidence
41:03et intimider les militants.
41:09Ils organisaient
41:10une fatigue de la population
41:12en coupant leur ravitaillement.
41:14Et donc,
41:14on avait des queues énormes.
41:16Les gens,
41:16il y a eu une époque,
41:17on ne trouvait même pas
41:17de sel en Pologne.
41:18Un jour,
41:23alors que je traversais
41:24une rue,
41:25une voiture
41:25a failli me renverser.
41:28Une autre fois,
41:29un homme m'a poussé
41:30sur la route
41:30pour que je me fasse écraser.
41:32Ce genre de choses
41:33nous arrivait à tous.
41:38Le pouvoir n'a jamais eu
41:39l'intention
41:40de respecter les accords.
41:42Ils ont entretenu
41:42une situation de crise
41:43afin de gagner du temps
41:44pour s'organiser.
41:46Et je dois dire
41:47qu'ils ont réussi.
41:48Le Kremlin continue
41:51lui aussi
41:52à faire pression
41:53sur la Pologne
41:53et ses dirigeants.
41:56Le pacte de Varsovie
41:57lance de nouvelles manœuvres
41:58militaires baptisées
41:59ZAPAD 81,
42:01tout près de la frontière polonaise.
42:04Le monde retient son souffle.
42:07Le spectre
42:07d'une invasion soviétique
42:08semble à nouveau
42:09se profiler.
42:12La flotte soviétique
42:14était là.
42:15Je devais aller
42:15saluer les équipages.
42:16C'est alors
42:18que l'admiral
42:18russe
42:19Myraelik
42:19m'a fait
42:20une confidence.
42:22On ne va pas
42:23entrer en Pologne.
42:24On est juste là
42:25pour montrer aux Polonais
42:26qu'on est prêts
42:26à intervenir.
42:29C'est dans cette ambiance
42:31tendue
42:31que Solidarność
42:32organise son premier
42:34congrès national
42:34à Gdansk.
42:36Depuis sa création,
42:38le syndicat
42:38s'est professionnalisé.
42:40Son discours
42:40s'est radicalisé.
42:41Le 8 septembre,
42:44les délégués votent
42:45un appel
42:46aux travailleurs
42:46des pays de l'Est.
42:48Donc ce congrès
42:49va adopter
42:50un appel
42:51au peuple
42:51d'Europe centrale,
42:52de tout bloc communiste,
42:53en disant
42:53« faites comme nous,
42:54venez avec nous ».
42:55Ça a été perçu
42:56comme une provocation.
42:58Selon moi,
42:59cette déclaration
42:59était de trop.
43:01Je trouvais
43:01que ce n'était pas
43:02une attitude responsable.
43:04Un dissident roumain
43:05a répondu
43:06à notre appel.
43:07Sa lettre
43:07a été interceptée
43:08par les services secrets
43:09polonais.
43:11Ils ont averti
43:11Ceaușescu
43:12et il a pris
43:138 années de prison.
43:17Suite à cette
43:18ultime provocation,
43:20le Kremlin
43:20ne cesse d'insister
43:21auprès de Jaruzelski
43:22pour qu'il procède
43:23à l'instauration
43:24de la loi martiale.
43:32Dimanche 13 décembre 1981.
43:36À 6 heures du matin,
43:37le général Jaruzelski
43:38s'adresse à la nation
43:39dans un discours télévisé.
43:5180 000 soldats,
43:52plus de 1 300 chars
43:53et 2 000 véhicules blindés
43:55ont pris position
43:56dans les grandes villes.
43:58Un couvre-feu
43:59est décrété
43:59et les lignes téléphoniques
44:01sont coupées.
44:02La Pologne
44:02est isolée
44:03du reste du monde.
44:04250 grèves
44:06spontanées
44:07éclatent.
44:08Elles sont réprimées
44:09avec violence.
44:119 mineurs
44:12tombent sous les balles
44:13des forces de l'ordre.
44:16Le colonel Kuklinski
44:18nous avait déjà alertés
44:19sur la loi martiale
44:21en 1980.
44:23Mais on ne pensait pas
44:24que les Polonais
44:24le feraient
44:25sans l'intervention
44:25des soviétiques.
44:26Le président Reagan
44:28a condamné publiquement
44:29et sans aucune équivoque
44:31l'instauration
44:32de la loi martiale.
44:38Les médias d'État
44:39en RDA
44:40étaient dithyrambiques.
44:42Enfin,
44:43les camarades polonais
44:44ont montré
44:44à ces contre-révolutionnaires
44:46qui étaient le patron.
44:49Malgré la violence
44:50des images,
44:51dans les chancelleries occidentales,
44:53l'ambiance
44:53est plutôt au soulagement.
44:54La France
44:58est donc attachée
45:00à ce que,
45:01hors de toute ingérence étrangère,
45:03la Pologne retrouve
45:04dans l'entente nationale
45:06les voies
45:08de son redressement
45:09et de ses libertés.
45:12Comment faire en sorte
45:13que la fin du système soviétique
45:15ne débouche pas
45:16sur une épouvantable guerre
45:17en Europe ?
45:18Ça, c'est l'obsession
45:19de Mitterrand.
45:20Donc, le fait
45:21de ne pas jeter de l'île
45:22sur le feu en Pologne,
45:23mais ce n'est pas du tout
45:24un abandon
45:25puisque, de toute façon,
45:27le système soviétique
45:27était condamné
45:28à s'effondrer
45:30et on ne savait pas quand.
45:31Et c'est ça
45:32qui explique la position
45:33jugée souvent trop froide
45:35par les opinions
45:36ou par les militants.
45:38Quant à la RFA,
45:40le hasard veut
45:40que le chancelier
45:41Helmut Schmidt
45:42soit en visite officielle
45:43chez Erich Necker
45:44à Berlin-Est
45:45dans le cadre
45:47de la politique
45:47de rapprochement
45:48entre les deux Allemagnes.
45:50Il lui est alors
45:51très difficile
45:51de condamner
45:52la mise au pas
45:52de la Pologne.
45:55Schmitt ne savait pas
45:57comment réagir.
45:59Il a refusé
45:59de se prononcer
46:00sur la situation.
46:02Necker était évidemment
46:03soulagé.
46:05Je crois que cette crise
46:06était très gênante
46:06pour les négociations
46:07qu'Helmut Schmidt espérait.
46:10Ces idiotes polonais
46:11tombaient mal.
46:14En Pologne,
46:15après 16 mois
46:16de liberté,
46:18Solidarność
46:18est dissous
46:19et interdit.
46:2115 000 activistes
46:22sont arrêtés
46:23et internés.
46:24Parmi eux,
46:25Yege Borowczak.
46:27Valéza, lui,
46:28est assigné
46:28à résidence.
46:29J'ai réussi
46:32à sauter
46:32par la fenêtre
46:33de ma maison.
46:35Et c'est comme ça
46:36que je suis rentré
46:37dans la clandestinité.
46:39Ça a duré 4 ans
46:39jusqu'à mon arrestation.
46:41J'étais enceinte
46:44de 6 mois.
46:45Ils ont commencé
46:46par fouiller la maison.
46:48Ils sont arrivés
46:48chez moi.
46:49Ils ont vidé
46:50tous mes placards.
46:51Ils ont saccagé
46:52mon appartement.
46:54Et après,
46:55pour la première fois,
46:56je me suis fait tabasser.
46:58J'ai perdu mon enfant.
47:01J'ai été obligée
47:01de quitter Gdansk
47:02et j'ai reçu
47:03une interdiction
47:03de travailler
47:04en République populaire
47:05de Pologne.
47:08Voilà.
47:11Jusqu'à la fin
47:15de sa vie,
47:17le général Jaruzelski
47:18dira que le coup d'État
47:19a permis de sauver
47:20la Pologne
47:20d'une invasion soviétique.
47:23Aujourd'hui,
47:24cette affirmation
47:24est sujette à polémique.
47:30Instaurer une dictature
47:31militaire est un crime.
47:32Il aurait dû être jugé.
47:34Et moi,
47:34j'étais favorable
47:35à cette solution.
47:36J'ai rencontré
47:42personnellement
47:43Jaruzelski.
47:45Je pense sincèrement
47:46qu'il était persuadé
47:47d'avoir agi
47:47pour le bien
47:48de la Pologne.
47:52Je me sens stupide
47:53en tant que démocrate
47:54de défendre
47:55la loi martiale.
47:58Mais si le coup d'État
47:59ne s'était pas déroulé
48:00comme prévu
48:01par Jaruzelski,
48:03il aurait pu y avoir
48:04des mesures de répression
48:05plus violentes
48:06et plus sanglantes.
48:11Pendant de longues
48:12années de plomb,
48:13Solidarność
48:13survit dans la clandestinité
48:15grâce aux nombreux
48:16comités de soutien
48:17qui voient le jour
48:18un peu partout
48:19en Occident.
48:21Et même le pape
48:22Jean-Paul II
48:22use de ses relations
48:23politiques pour faire
48:24acheminer de l'argent
48:25et des moyens matériels
48:27aux dissidents.
48:31La peur a provoqué
48:32le départ
48:32de beaucoup de militants.
48:34On n'était plus
48:34que la moitié.
48:35Mais à chaque anniversaire
48:38des accords
48:38d'Ogdansk,
48:39on sortait dans la rue.
48:40Il y a eu de la répression,
48:41c'est sûr,
48:42mais on était
48:42des durs à cuire.
48:48Le pouvoir a compris
48:49qu'il ne gagnerait
48:50jamais cette bataille.
48:51Le but était de faire durer
49:00cette mobilisation
49:01le plus longtemps possible.
49:03Il fallait qu'elle
49:03les achève
49:04avant qu'ils nous achèvent,
49:05nous.
49:06Une fois que vous avez
49:07instillé un sentiment
49:08de liberté aux gens,
49:10il devient très difficile
49:11de leur retirer.
49:12solidarité n'a pas les moyens
49:23de renverser le régime,
49:25mais le régime n'a pas
49:27les moyens de supprimer
49:29Solidarnoche.
49:30A Moscou,
49:33Mirail Gorbatchev
49:34est nommé
49:34premier secrétaire
49:35du Parti communiste.
49:37Un nouveau vent
49:38souffle à l'Est.
49:40Sa politique de réforme
49:41de la perestroïka
49:42va avoir un impact
49:44sur tous les pays
49:45satellites de l'URSS.
49:47Quand Gorbatchev
49:47a commencé à dire
49:49aux dirigeants
49:50d'Europe de l'Est
49:50« Je ne vous défendrai pas
49:51par les armes,
49:52je n'empêcherai pas
49:53les régimes de tomber
49:54par des interventions militaires. »
49:56Les dirigeants
49:57ne l'ont pas cru.
49:57Le dégel profite
50:03à Solidarnoche.
50:05Après sept années
50:05dans la clandestinité,
50:07le syndicat marque
50:08son retour
50:09par une grève.
50:13Quelques mois plus tard,
50:14le 6 février,
50:15opposition et dirigeants
50:16communistes
50:17se retrouvent
50:17à la même table
50:18pour négocier
50:19une sortie progressive
50:20du système.
50:22Ces négociations
50:23dites de la table ronde
50:24vont donner lieu
50:25aux premières élections
50:26semi-libres
50:27dans le bloc communiste.
50:27Le premier premier ministre
50:31non communiste
50:32s'appellera
50:33Tadeusz Mazowiecki.
50:35Le président
50:35sera Wojtyar Jaruzelski.
50:38Une fois de plus,
50:40la Pologne
50:40a donné l'exemple.
50:44Les autres dictatures
50:45communistes de l'Est
50:46vont tomber
50:47peu de temps après.
50:47« À Leipzig,
50:50l'esprit de Solidarność
50:51régnait dans les cortèges.
50:53En 1989,
50:55les gens se sont remémorés
50:56ces images de Pologne.
50:59Je souscris
51:01à ce slogan polonais.
51:02Tout a commencé
51:03à Gdansk.
51:05Oui,
51:06oui, oui. »
51:07En 2009,
51:26l'Allemagne fête
51:26les 20 ans
51:27de la chute du mur
51:28de Berlin.
51:29Un jeu de domino
51:30symbolise la disparition
51:31des régimes communistes,
51:33l'un après l'autre.
51:34C'est Lech Walesa,
51:37le leader
51:37de Solidarność
51:38qu'Angela Merkel
51:40a invité
51:40pour faire tomber
51:41la première pierre.
51:42Sous-titrage
52:12Sous-titrage
52:23Sous-titrage
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