00:00Le Grand Matin Sud Radio, 6h-10h, Maxime Liedot.
00:07Il est 7h35 et Sud Radio vous explique ce matin l'absence d'accord entre les députés et les sénateurs sur le budget
00:13qui oblige le gouvernement à présenter une loi spéciale pour éviter, selon les termes qu'on entend à peu près partout, un shutdown à la française.
00:21Bonjour Benjamin Morel.
00:22Bonjour.
00:23Vous êtes notre constitutionnaliste star et je rappelle que votre chat postule à être Premier ministre pour ceux qui vous suivent sur les réseaux sociaux.
00:30Est-ce qu'en premier lieu, Benjamin Morel, vous pouvez nous rappeler ce qu'est la loi spéciale ?
00:34Parce que j'ai l'impression que depuis quelques heures, quelques jours, tout le monde en parle comme si c'était notre quotidien depuis des années.
00:41Alors la loi spéciale, déjà il faut comprendre qu'il n'y a pas de shutdown en France.
00:45En d'autres termes, on peut et on doit toujours exécuter les dépenses courantes de l'État.
00:49On doit payer les fonctionnaires parce que sinon l'État ne fonctionne pas.
00:53On doit exécuter les dépenses courantes pour des raisons simples de continuité du service public.
00:57Seulement, si vous vous contentez d'exécuter les dépenses, vous êtes un peu enquitiné parce que tout bêtement, vous n'avez pas d'argent pour le faire.
01:03La loi spéciale, c'est ça.
01:05La loi spéciale, c'est ce qui vous permet de mettre vos recettes en face de vos dépenses.
01:09Et donc la loi spéciale qui va être votée à priori aujourd'hui sans trop de difficultés,
01:14eh bien, comportera trois articles.
01:16Il y en a un premier qui autorise l'État à prélever les impôts,
01:19un deuxième qui flèche une partie de ses impôts vers les collectivités territoriales,
01:23et un troisième qui permet à l'État d'emprunter sur les marchés pour arriver à faire la jonction entre ce qu'il dépense et ce qu'il perçoit.
01:33Et donc, ça n'est vraiment que ça, une loi spéciale.
01:36C'est une rustine pour permettre de tenir jusqu'au vote d'un budget.
01:39Une rustine, Benjamin Morel, vous êtes constitutionnaliste, vous êtes aussi politologue.
01:43Vous venez de le rappeler, cette loi spéciale doit être votée,
01:46donc j'imagine par les deux chambres, Assemblée nationale et Sénat.
01:49Est-ce qu'il y a un risque que ça ne soit pas le cas ce matin ?
01:53Non, tous les groupes politiques ont au mieux dit qu'ils s'abtiendraient,
01:57donc on n'a pas de gros risques.
01:59Il faut voir que si vous ne votiez pas une loi spéciale, vous prendriez la responsabilité d'une forme de chaos.
02:04Parce qu'encore une fois, on peut exécuter les dépenses,
02:05mais si à partir du 1er janvier, on ne prélève plus les impôts,
02:08alors certes, les Français, certains seront probablement contents,
02:11mais néanmoins, ça veut dire que derrière, vous ne pouvez plus faire fonctionner votre État.
02:16Il n'y a plus de police, il n'y a plus ex-État qui peut être payé.
02:18Et ça, évidemment, très rapidement, c'est en kikinant.
02:20Donc, il faut voter une loi spéciale.
02:24Et ça, tous les groupes politiques du RN et de l'AFI en sont parfaitement conscients.
02:29Donc, pour qu'on comprenne bien, c'est à gros trait le même budget que l'année dernière,
02:32c'est-à-dire que dans les discussions qu'on va pouvoir observer à l'Assemblée nationale, au Sénat,
02:36il ne peut pas y avoir des amendements sur cette loi spéciale ?
02:41Alors, en théorie, on a de gros doutes.
02:44En pratique, non, étant donné que la présence de l'Assemblée a verrouillé la possibilité de déposer des amendements.
02:49Ce qui fait que vous avez, en effet, une reconduction à l'identique des recettes
02:54et que donc, à partir de là, quand on va prélever les impôts, on va le faire sur la base de l'année précédente.
02:59Il y a aussi le risque, et on le lit beaucoup dans la presse ce matin,
03:03et je crains que les interlocuteurs, y compris du Premier ministre comme ceux du Président,
03:08commencent à s'en inquiéter également.
03:10Est-ce qu'il y a une possibilité qu'on passe par le 49-3 ?
03:13Vous qui connaissez les rouages parfaitement de l'avis parlementaire Benjamin Morel,
03:17est-ce que dans une situation telle que celle que nous avons actuellement en France,
03:21l'utilisation d'un 49-3 pour éviter la sensation d'un jour sans fin est inévitable ?
03:26C'est de plus en plus inévitable, en effet, pour des raisons arithmétiques.
03:30C'est-à-dire que pour faire passer le budget 149 à une à trois,
03:33vous auriez besoin soit que les socialistes votent le budget,
03:36ils l'ont exclu, puis ça impliquerait qu'ils s'inscriraient d'une certaine façon dans la majorité s'ils le faisaient,
03:42soit que toute la gauche hors LFI décide de s'abstenir sur le budget,
03:46ce qui aujourd'hui n'est ni envisageable pour les communistes ni pour les écologistes.
03:50Donc une fois qu'on a dit ça, la seule voie arithmétiquement à peu près rationnelle est possible,
03:56ça devient un 49 à une à trois, mais un 49 à une à trois sans doute négocié,
04:00où le parti socialiste, les LR, obtiendront des amendements qui vaudront gage de non-censure.
04:06On entend souvent aussi que cette loi spéciale, Benjamin Morel, coûte en réalité très cher à l'État français.
04:13Donc à nous, contribuables accessoirement, le chiffre de 12 milliards est souvent évoqué,
04:18c'est juste une loi spéciale coûte forcément plus cher ?
04:21Non, pas forcément. Et là-dessus, on n'a pas d'accord entre les économistes, visiblement,
04:26sans être économiste en tout cas.
04:28C'est quoi ? C'est l'argument du gouvernement ? Parce que l'année dernière, ça avait coûté 12 milliards.
04:32Alors l'argument l'année dernière, c'est que si on n'avait pas de budget au 1er janvier,
04:36il n'y aurait pas de fonctionnaire, il n'y aurait pas de carte vitale,
04:39et que le soleil ne se lèverait pas.
04:41Finalement, vous avez remarqué que...
04:44Exactement.
04:44Étrangement, le soleil s'est levé.
04:47Étrangement, en effet, le soleil s'est levé.
04:49Si vous voulez, donc on peut comprendre l'argument dans un objectif politique.
04:51Ben non, c'est que ça coûterait beaucoup plus cher.
04:53En réalité, on n'a aucune certitude là-dessus,
04:56étant donné que vous exécutez vos dépenses,
04:58mais vous les exécutez sur la base des services votés,
05:01autrement dit, vous les exécutez à minima.
05:03Donc là, vous faites des économies.
05:04En fait, le vrai danger, il n'est pas tant pour le déficit,
05:07il est pour la croissance.
05:08Parce que si vous ne faites qu'exécuter vos services votés,
05:11c'est-à-dire que vous n'avez pas de dépenses d'investissement.
05:13Vous n'en avez pas beaucoup dans les collectivités
05:14qui attendent de savoir de combien vont être leurs dotations,
05:18et pas beaucoup dans l'État,
05:19qui en fait est tenu à des dépenses
05:23qui sont uniquement des dépenses de fonctionnement.
05:25Derrière vos dépenses publiques,
05:26derrière vos marchés publics,
05:27vous avez des entreprises.
05:29Derrière ces entreprises, vous avez des sous-traitants.
05:31Donc c'est tout un tissu économique
05:33qui peut rapidement être fragilisé,
05:34l'armement, le BTP, etc.,
05:36qui dépend de la commande publique.
05:38Et donc pour cette raison-là,
05:39on ne peut pas tenir trop longtemps
05:41avec des lois spéciales,
05:42quel que soit leur coût.
05:43Surtout quand on sait
05:44qu'il y a tout un domaine militaire
05:46qui attend énormément de nouvelles dépenses.
05:48Merci beaucoup Benjamin Morel
05:49d'avoir été avec nous.
05:50Je rappelle que vous êtes politologue
05:51et constitutionnaliste.
05:53Je compte sur vous pour profiter de cette fin d'année
05:55pour que votre animal de compagnie préféré
05:57soit à l'heure à Matignon.
05:59Merci beaucoup d'avoir été avec nous ce matin.
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