Parmi les grands visages de la loi de 1905, Maurice Allard va jouer un rôle clé : siégeant à l'extrême gauche de l'hémicycle, il incarne une laïcité radicale, prônant une séparation qui amènera une « diminution de la malfaisance de l'Église et des religions ».
À l'occasion des 120 ans de la loi de 1905 sur la séparation des Églises et de l'État, LCP ressuscite les débats parlementaires au Palais Bourbon sur ce texte fondateur de la laïcité à la française à travers une série de portrait des députés de l'époque. Du rapporteur Aristide Briand à Jean Jaurès, en passant par l'abbé Gayraud pour la défense de l'Église et l'anticlérical Maurice Allard, les visages de la loi sont décrits et racontés par l'historien Bruno Fuligni. Des discours qui entrent en résonnance avec les débats toujours actuels sur la laïcité. Une collection réalisée par Thibault Henocque.
00:15L'ordre du jour appelle la discussion du projet et de plusieurs propositions de loi portant séparation des Églises et de l'État.
00:27Mars 1905, à l'Assemblée s'ouvre un débat d'une portée telle qu'il résonne aujourd'hui encore.
00:36Parmi les députés, certains vont marquer ces heures décisives qui vont voir la République assurer la liberté de conscience
00:44et garantir le libre exercice des cultes sans en reconnaître ni en subventionner aucun.
00:50Parmi ces visages à jamais attachés à l'histoire de la laïcité à la française, celui de Maurice Allard.
00:58Maurice Allard est né à Amboise, en Indre-et-Loire, en 1860, dans une famille plutôt bourgeoise, puisque son père était notaire.
01:06C'est un rebelle, c'est un révolté. Il va aller faire ses études à Paris, au départ des études de droit.
01:12Il devait être avocat, il deviendra journaliste en fait. Et surtout c'est un militant politique.
01:17Puis c'est quelqu'un aussi qui aime le verbe, l'ajoute, un peu la provocation. Il est un petit peu excessif et il en joue.
01:26Il faut le dire très haut, il y a incompatibilité entre l'Église et tout régime républicain.
01:32Le christianisme est un outrage à la raison, à la nature.
01:38Il va se faire vraiment une spécialité de l'anticléricalisme. Par exemple, dès 1903, il réclame à Coréacrie la rupture des relations diplomatiques entre la France et le Vatican.
01:48C'est vraiment un combattant, non seulement de la libre pensée, mais même de la déchristianisation.
01:54Il considère qu'il n'y a pas de réforme sociale possible dans un pays qui est encore sous l'influence des idées chrétiennes et en particulier de l'Église catholique.
02:04Pour lui, la loi de 1905, ça doit être une loi révolutionnaire, une loi de déchristianisation et de confiscation des biens possédés par les congrégations et l'Église,
02:17de façon à les redistribuer au peuple. Il trouve donc beaucoup trop modéré le texte défendu par Aristide Briand.
02:24Il ne faut pas se leurrer sur le sens du mot séparation, qui n'a aucun sens si on ne lui applique pas des idées précises, des idées déterminées.
02:37Il y a telle ou telle séparation dont l'Église peut très bien s'accommoder.
02:41Mais nous, libres penseurs, quelle est la séparation que nous voulons ?
02:46Ce n'est peut-être que celle qui amènera la diminution de la malfaisance de l'Église et des religions.
02:53Quel abeux !
02:55Maurice Allard n'est qu'un demi-gagnant, puisque certes, il y a séparation des Églises et de l'État, ce qu'il souhaitait,
03:02mais cette séparation ne va pas aussi loin qu'il l'aurait voulu.
03:06La loi de 1905, une fois adoptée, une fois mise en œuvre, va rendre l'option qu'il défend tout à fait minoritaire et résiduelle.
03:14Très peu de gens voudront affronter les Églises au point de les détruire, du moment qu'une loi fait que les Églises et l'État sont séparés.
03:23Donc la loi de 1905, finalement, va marginaliser l'option très anticléricale et jusqu'au boutiste de Maurice Allard,
03:32qui, jusqu'à la fin de sa vie, restera quand même un bouffeur de curé.
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