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  • il y a 11 heures
Malgré l'électrochoc de la mort de Mehdi Kessaci, la liste des morts continue de s'allonger à Marseille. Dernier drame en date : le corps carbonisé d'un adolescent de 15 ans retrouvé dans le 14e arrondissement de la ville. Comment enrayer la spirale de l'ultra-violence ? La lutte contre le narcotrafic est-elle en train d'échapper à tout contrôle ? Philippe Pujol, journaliste et écrivain marseillais, Prix Albert-Londres 2014 et proche de la famille Kessaci, est l'invité de RTL Matin.
Regardez Face à Fogiel du 03 décembre 2025.

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Transcription
00:00Les aliments gras, ça les sucrer.
00:01RTL Matin, Thomas Soto.
00:06Il est 8h18, face à Fogiel, l'interview de Marc-Olivier Fogiel.
00:09L'émotion suscitée par l'exécution de Médic et Sassi à Marseille,
00:13n'a hélas pas suffi à calmer les tueurs, les narco-tueurs.
00:15Il y a quelques jours, c'est le corps d'un gamin de 15 ans qui a donc été retrouvé carbonisé.
00:20Ce matin, Marc-Olivier, vous avez donc choisi de recevoir un des meilleurs connaisseurs de la ville,
00:23le journaliste et écrivain marseillais, Philippe Pujol.
00:26Bonjour Philippe Pujol.
00:27Bonjour.
00:28Vous êtes Priel Berlond, auteur notamment de La Fabrique du Monstre, une enquête sur les quartiers nord.
00:32Donc, ce jeune, encore tué le week-end dernier, 15 ans, donc dans le 14e arrondissement.
00:37Le procureur dit que le mode opératoire laisse penser qu'il s'agirait d'un meurtre lié au trafic de stupéfiants.
00:42Une nouvelle fois, donc l'ultra-violence peut frapper tout le monde ?
00:46En tout cas, ça frappe des très jeunes, ça c'est sûr.
00:48Et souvent, ce sont même des très jeunes qui sont les auteurs de ces homicides particulièrement sordides.
00:54Et c'est ça la principale évolution de ces dix dernières années.
00:59C'est un rajeunissement, non pas de la délinquance.
01:02La délinquance, elle se situe, elle rentre toujours vers 13, 14, 15 ans, plutôt 14, 15 ans.
01:06Par contre, un rajeunissement des homicides, donc des tués et des tueurs.
01:10Ça, c'est lié vraiment à la nouvelle organisation, je vais dire, à la nouvelle manière dont s'est structuré les trafics de stupes depuis ces quinze dernières années.
01:18Alors, on va raconter ça de l'intérieur, mais on peut dire qu'après ce meurtre-là, après ce week-end, après mercredi dernier, un jeune de 18 ans,
01:26connu pour des affaires de drogue qui a été abattu en plein centre-ville, rien ne change après la mort de Médic et Sassi.
01:31Il n'y a pas d'électrochoc.
01:32De toute façon, un changement sur un problème aussi ancien et aussi profond ne va pas se faire du jour au lendemain.
01:40Est-ce qu'il s'est passé quelque chose ? Est-ce qu'il y a un électrochoc ou à peine ?
01:43Je pense qu'il y a un électrochoc chez les décideurs, que ce soit les politiques au niveau national que local,
01:50que ce soit aussi peut-être dans la manière dont va travailler la police ou des besoins de la police et de la justice.
01:55Quand même, il y a une demande de meilleures conditions de travail, on va dire.
02:01Donc ça, il y a un électrochoc là-dessus.
02:03Après, une action immédiate qui permet l'arrêt d'homicide aussi vite,
02:07franchement, je ne suis pas certain qu'il y ait quelque chose de possible aussi rapidement.
02:10Le constat, avant éventuellement les solutions, vous disiez un changement radical depuis 10 ans.
02:16On entend parler de narco-état, de mafia, de mexicanisation, pardon, d'ensauvagement,
02:22ou bien encore de narcoterrorisme.
02:24Ces termes, ils vous vont, vous qui enquêtez au plus près sur le terrain ?
02:28Non, ce sont des termes marketing pour marquer les esprits, pour justement obtenir des moyens,
02:33qui sont des moyens légitimes.
02:34Quand la justice veut des moyens, que ce soit des moyens légaux ou des moyens humains,
02:38ou la police de la même manière, il y a peut-être un usage marketing de ces mots-là
02:43pour frapper l'opinion publique.
02:44Mais vous, vous dites quoi ?
02:44Vous dites que le narcotrafic est un système social parallèle, d'une certaine manière ?
02:48Complètement.
02:49De toute façon, sans faire quelque chose trop compliqué,
02:52Le narcotrafic type narco-état, type mexicain, ce sont des producteurs,
02:57donc ils font des grandes quantités de drogues,
02:59et qui vont utiliser une population pour se substituer à des politiques,
03:04pour se substituer à un état, et gérer le quotidien, j'ai envie de dire, d'une population entière.
03:10Nous, on n'est pas du tout dans ce phénomène-là,
03:12puisque nous, on est la vente au détail finale,
03:14et donc il n'y a pas un niveau de corruption comme le Mexique,
03:18il n'y a pas un niveau d'homicide comme le Mexique,
03:19mais on en est presque à 100 fois moins, c'est pas...
03:22Donc vous, vous voyez quoi concrètement sur place ?
03:24Alors, nous, ce que je vois sur place, et qui n'est pas moins inquiétant,
03:28au contraire, c'est une fragmentation du marché de la drogue,
03:33de la façon dont ça fonctionne.
03:35Il y a des semi-grossistes qui récupèrent des grandes quantités venues des producteurs,
03:40et ceux-là ensuite vont distribuer des employés,
03:43enfin des cités, qui vont être autonomes,
03:46et ceux-là vont employer des intérimaires, qui sont des jeunes,
03:48et chaque étape, chaque niveau est indépendant,
03:52et le niveau où il y a le plus de monde est de loin,
03:55ce niveau, ce que j'appelle les intérimaires, ceux qui sont sur le terrain,
03:58et ceux-là, ils gagnent de l'argent, certes, mais ils ne la partagent pas.
04:02Donc il y a énormément de concurrence, énormément d'endettement,
04:05énormément de conflits, et c'est là que ça s'entretue.
04:08Et comme ce terrain, on l'a laissé aux jeunes,
04:10puisque c'est compliqué le terrain, il faut vendre, faire attention à la police,
04:13faire attention à la concurrence,
04:15et bien ce terrain-là, puisqu'il est compliqué, on l'a laissé aux jeunes,
04:17et donc ceux qui s'entretuent, ceux qui sont en concurrence,
04:21ce sont les jeunes, des jeunes qui tuent d'autres jeunes.
04:23Et en plus, c'est un peu sa majesté des mouches, le livre,
04:26c'est-à-dire, si on met des jeunes entre eux, c'est plus maîtrisable.
04:29Et donc on va avoir des gamins qui n'ont aucun rapport,
04:31qui ne méritent pas de se faire tuer,
04:32de toute façon, personne ne mérite de se faire tuer,
04:33mais où il n'y a pas de raison de se faire tuer,
04:36et de ce coup, on va brûler un gamin de 15 ans,
04:38qui n'a pas de casier,
04:39mais qui peut-être, à un moment, a parlé,
04:41où on suppose qu'il a parlé, où on suppose qu'il a fait quelque chose.
04:43C'est-à-dire, le passage à l'acte, maintenant, c'est ça qui est inquiétant,
04:46et c'est lié aussi à une prise de drogue sur le terrain,
04:49c'est-à-dire de cocaïne,
04:50de protoxyde d'azote,
04:52et d'autres produits,
04:53qui fait que le passage à l'acte chez certains jeunes
04:55est très rapide et immédiat,
04:56ce qui, pour le banditisme, n'est pas cohérent,
04:58parce que le banditisme doit être discret s'il veut travailler.
05:01Et un banditisme trop violent,
05:03les gens finissent en prison,
05:04pour longtemps.
05:05Et à la tête de ça, il y a donc ces réseaux,
05:07et notamment cette DZ Mafia,
05:10qu'est-ce que vous savez, vous, qu'on ne dit pas assez
05:11sur cette organisation dont on parle beaucoup ?
05:14Bon, ben, c'est une marque,
05:15c'est une marque importante des stups actuellement,
05:18la DZ Mafia.
05:20Ils sont nés,
05:21ils existent depuis longtemps sous d'autres noms,
05:24et ils sont nés,
05:25depuis 2013, grosso modo,
05:26il y a ceux qui feront la DZ Mafia,
05:28et puis c'est à peu près aux alentours de 2020
05:30qu'ils vont trouver la marque DZ Mafia.
05:33En face, il y avait les Yoda,
05:34il y en a une autre marque qui s'appelle Afra,
05:35puis une autre qui s'appelle les CDD,
05:36il y a les Corleone,
05:37il y a toute une série de marques, quelque part.
05:39Et c'est une forme de franchise,
05:41c'est-à-dire, ils sont quelques-uns, costauds,
05:43des vrais bandits, puissants, armés,
05:45avec une capacité de corruption
05:47qui n'est pas aussi grosse que des Mexicains,
05:49mais qui existe quand même.
05:51Et ensuite, eux,
05:53ils vont avoir des employés,
05:54voire même des intérimaires,
05:55des gens qui bossent...
05:56Ce dont vous parliez tout à l'heure, d'accord.
05:57Voilà, et avec un système de franchise,
05:59c'est-à-dire, c'est une cité qui travaille,
06:01qui prend la marque DZ Mafia,
06:02mais ils ne sont pas du tout
06:03dans le noyau dur DZ Mafia.
06:05C'est en ça que,
06:06si on les attaque comme étant une mafia,
06:07ben, on n'y arrivera pas,
06:08puisque ce n'en est pas une,
06:09c'est quelque chose d'autre.
06:10C'est du marketing, d'une certaine manière.
06:11C'est aussi une forme de marketing,
06:13mais attention, là,
06:14on a quand même une marque puissante
06:15et, je dirais, compétente dans son domaine.
06:18Vous, les solutions,
06:19vous n'excusez pas l'approche sécuritaire,
06:21mais vous expliquez qu'une des clés
06:22pour lutter contre le trafic de drogue,
06:23c'est remettre du service public
06:24dans des quartiers totalement abonné par l'État.
06:27Vous, c'est ça l'approche,
06:29et vous dites d'ailleurs,
06:29parmi les coupables,
06:30vous ciblez les acteurs locaux
06:31et leur clientélisme malsain.
06:33Vous accusez, par exemple,
06:33Martine Vassal,
06:34présidente du conseil départemental
06:36des Bouches-du-Rhône,
06:36d'avoir coupé des subventions
06:37à des associations
06:38pour préférer, je vous cite,
06:40mettre le pognon dans les ronds-points
06:41et les salles des fêtes.
06:43Bien sûr, de toute façon,
06:44il y a un dossier qui vient de sortir,
06:47là, comme quoi,
06:49trop d'argent du département
06:51a été donné aux petits élus
06:52du département.
06:55Et évidemment,
06:56les chiffres sont très rapides à trouver,
06:58il y a eu une chute énorme
07:00des aides pour, par exemple,
07:03les aides de devoir,
07:05ça veut tout simplement dire
07:06récupérer des gamins
07:07qui sortent de l'école
07:08et les mettre dans un local
07:09où déjà,
07:09ils ne sont pas à proximité du réseau
07:11et en plus,
07:12si on peut en faire quelque chose
07:13d'un point de vue éducatif,
07:14c'est pas mal,
07:15mais ça veut tout simplement
07:16les éloigner du réseau.
07:18Et des gamins qui avaient,
07:20en 2015,
07:21qui avaient 5 ans,
07:22aujourd'hui,
07:23ils en ont 20.
07:24Et donc,
07:25voilà,
07:27ces gamins-là aussi,
07:28ça ne veut pas dire
07:29que Martine Vassal
07:30est responsable
07:31des trafics de stupes.
07:32Je comprends bien,
07:32mais en tout cas,
07:33cette approche-là,
07:33vous trouvez qu'elle est négligée
07:35aujourd'hui ?
07:37C'est-à-dire que
07:38tout le monde doit prendre en compte,
07:40et pas uniquement le département,
07:41parce qu'il ne faut pas cibler
07:42une personne comme ça,
07:43c'est absolument pas mon but non plus.
07:45Il faut que chacun
07:46puisse prendre conscience
07:48que son petit clientélisme
07:50qui permet juste
07:51d'être élu
07:52ou d'être élu
07:52et pour lequel on ne pense pas à mal
07:54d'un point de vue de trafic,
07:56ça alimente
07:57inconsciemment ou consciemment
07:59le trafic de stupes.
08:00Depuis une quinzaine de jours,
08:02depuis la mort de Mehdi Kessassi,
08:03l'ambiance à Marseille,
08:04c'est quoi ?
08:05Il y a eu ce rassemblement,
08:066 000 personnes,
08:07aucune figure marseillaise,
08:09pas les Djouls,
08:10on en parlait tout à l'heure
08:10dans le journal,
08:11de Djouls et de son 25e album,
08:13pas de figure marseillaise
08:15importante du football.
08:16C'est bizarre,
08:17Marseille qui a l'habitude
08:18de se réunir,
08:19notamment pour le sport,
08:21là,
08:22ça n'existe pas apparemment.
08:23C'est un peu décevant,
08:25c'est vrai,
08:26je suis d'accord
08:26que moi ça me déçoit.
08:28Après,
08:29l'appareil,
08:30je ne veux cibler personne,
08:31c'est-à-dire que les rappeurs,
08:32par exemple,
08:33ils sont à peu près
08:35tous menacés
08:35ou en tout cas,
08:37les trafics de stupes
08:40aimeraient bien
08:40pour beaucoup
08:41les raqueter,
08:42donc peut-être
08:43qu'ils sont dans le silence
08:43pour ça.
08:44Maintenant,
08:45ça n'empêche pas
08:45de poster une photo
08:47avec une colombe
08:49sur Mehdi Kessassi,
08:50ils savent le faire
08:50dès qu'il y a un problème,
08:51ce genre de choses.
08:52Mais il y a une forme de psychose
08:52à Marseille,
08:54une peur ?
08:55Oui,
08:55aujourd'hui,
08:56il y a de toute façon
08:57une incompréhension
08:57de ce qui s'est passé
08:58puisque,
08:59en fait,
08:59ce n'est pas cohérent,
09:01c'est-à-dire un réseau de stupes
09:02n'a pas besoin d'être discret
09:03et donc s'attaquer
09:04à un élu,
09:05enfin,
09:05pas élu,
09:06mais un militant
09:06comme Amine
09:08et donc en attaquant son frère,
09:10ce n'est pas cohérent.
09:10Donc,
09:11on se dit,
09:11est-ce qu'on n'a pas passé
09:12une étape vers quelque chose
09:13de plus violent ?
09:14Moi,
09:14je considère que les plus violents
09:21parce qu'ils n'ont pas de code.
09:23Et vous,
09:23vous avez peur,
09:24Philippe Pujol,
09:24pour terminer ?
09:25Moi,
09:25je suis prudent.
09:26Peur,
09:26non.
09:28Justement,
09:29il ne faut pas aller vers la peur
09:30mais la prudence,
09:31ça suffit.
09:33J'essaie de penser
09:34comme un dealer
09:34et si je pense comme un dealer,
09:36je ne vois pas l'intérêt
09:36d'attaquer
09:37qui ce soit de connu.
09:38Et vous êtes menacé,
09:38par exemple ?
09:40Je n'ai pas de menace ciblée
09:41sur moi,
09:41ça c'est clairement,
09:42je n'ai pas de menace connue
09:43qui me concerne
09:45et je ne pense pas
09:46qu'il y ait de personnalité,
09:47qu'il y ait des menaces
09:51comme un gamin
09:54de 21 ans
09:55ou 22
09:55qui a perdu deux frères.
09:57C'est-à-dire qu'il est fort,
09:58il est solide,
09:59sa mère est très très forte,
10:02ils sont ensemble
10:03régulièrement
10:04et il hésite encore,
10:07il ne sait pas
10:07ce qu'il va faire demain
10:08puisqu'il va avoir
10:10une vie compliquée,
10:11il le sait,
10:12en plus du fait
10:12d'être dans le deuil.
10:14Est-ce qu'il va aller
10:15dans le combat
10:15ou dans le combat
10:16ne serait-ce que politique,
10:17c'est-à-dire pas le combat
10:18contre les narcotrafiques,
10:19on ne peut pas le réduire,
10:20mais simplement les combats
10:21pour qu'il n'y ait plus
10:22le terreau
10:23qui permet les narcotrafiques.
10:25Je pense qu'il ira vers ça
10:26mais il faut laisser
10:27le temps du deuil d'abord.
10:29Merci Philippe Pujol
10:29d'avoir été en ligne avec nous
10:30aux côtés d'Étienne,
10:31Étienne Baudu,
10:32le correspondant de RTL à Marseille.
10:33Merci à vous.
10:34Merci, au revoir.
10:35Merci à vous.
10:36Merci.
10:36Merci.
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