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Le journaliste sportif indépendant Christophe Gleizes a été condamné en Algérie à 7 ans de prison en appel. L'écrivain franco-algérien Boualem Sansal, lui-même emprisonné un an avant d'être gracié par le Président Tebboune, livre sa première réaction dans RTL Matin.
Regardez Face à Fogiel du 04 décembre 2025.
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00:00Thomas Soto
00:01Il est 8h18 face à Fogiel, l'interview de Marc-Olivier Fogiel.
00:06Ce matin, vous recevez Boilem Sansal, il est sorti des prisons algériennes il y a moins d'un mois.
00:11Et s'il a accepté de reprendre la parole à votre micro, c'est parce que le journaliste français Christophe Glaze
00:16se retrouve lui aussi victime de l'injustice algérienne.
00:20Boilem Sansal, que vous avez rencontré tard hier soir.
00:22Bonjour Boilem Sansal.
00:23Bonjour.
00:24Le journaliste sportif indépendant Christophe Glaze a donc été condamné hier soir en appel à nouveau à 7 ans de prison
00:30pour apologie de terrorisme. Quelle a été votre réaction hier en apprenant la nouvelle ?
00:37J'ai été à la fois effondré et à la fois heureux.
00:40Effondré et heureux ?
00:41Oui, effondré parce que l'état algérien n'avait pas besoin de poursuivre dans cet acharnement.
00:47Il aurait pu le condamner à 6 mois de prison et il sortirait aujourd'hui même.
00:51Puisqu'il avait fait ces 6 mois, donc il serait sorti à l'issue.
00:54Il y a quand même un acharnement contre ceux qui sont supposés être, qui complotent contre l'état algérien, etc.
01:02Ça ne me surprend pas. Ça m'a beaucoup touché mais ça ne me surprend pas.
01:05Le procureur avait-il besoin de réclamer 10 ans ? Pourquoi ?
01:10C'est de la cruauté pure, c'est vouloir faire mal, c'est vouloir humilier.
01:14Ils n'avaient pas besoin de ça.
01:16Le procureur aurait pu rester sur 7 ans.
01:19Je demande la confirmation du jugement précédent.
01:23Effondré d'abord, mais pourquoi heureux ?
01:25Ça y est, il va sortir.
01:26Une heure après, après quelques coups de téléphone passés par là, j'ai compris que la grâce allait venir très rapidement.
01:32Il faut laisser un peu de temps au gouvernement pour que les gens se calent.
01:36Et surtout, les procédures, c'est super important.
01:38Mais donc vous êtes confiant ?
01:39Je suis confiant, oui. Franchement, je suis confiant.
01:41Il va sortir dans une semaine, deux semaines. Il va être gracié.
01:44Et le gouvernement a tous les instruments. Il peut le gracier, il peut faire ce qu'il veut.
01:49Mais quand le dossier est aux mains de la justice, il y a des procédures.
01:54Vous ne pensiez pas que la justice pouvait l'acquitter ?
01:56Absolument. D'ailleurs, depuis 10 jours que j'interviens dans la presse, je l'ai dit et répété, Christophe va sortir le 3.
02:02J'étais persuadé. Je connais les mœurs du système. J'étais persuadé que dans la foulée de ma libération et de tout ce qui s'est passé autour, le gouvernement algérien va se sentir entraîné par cet élan.
02:15Mais ce n'est pas ce qui s'est passé. Pourquoi ? Est-ce que vous pensez justement parce que vous avez d'une certaine manière peut-être trop parlé depuis une semaine et que finalement Christophe Gleize le paye aujourd'hui ? Vous pensez que c'est possible ?
02:25C'est peut-être possible. Je n'écarte rien. J'y pensais tout le temps.
02:29Parce que quand j'ai quitté l'Algérie, le gouvernement algérien m'a clairement fait comprendre que j'avais tout intérêt à cesser de le critiquer.
02:37Mais en même temps, je veux parler parce qu'il faut cesser de s'humilier devant le pouvoir algérien. Il faut résister.
02:44Est-ce que vous voulez dire que c'est une mascarade, le jugement d'hier, puisque finalement c'est une danse à deux temps ? C'est ce qu'on entend dans ce que vous nous dites ce matin.
02:51La justice condamne et le gouvernement, le président, va grâcher. C'est une mascarade.
02:55C'est une mascarade, mais il attire au fait qu'il n'y a pas de pouvoir unique en Algérie.
03:01On ne sait pas qui gouverne dans ce pays depuis toujours.
03:04L'immense majorité des Algériens, le président est une marionnette.
03:08Aujourd'hui, est-ce que vous diriez qu'avec peut-être plus de liberté de parole qu'hier,
03:12après cette condamnation lourde malgré tout, même si on attend donc une grâce à vous écouter,
03:16que l'Algérie est une dictature ?
03:18Oui, mais qui en doute. C'est une dictature qui n'arrive pas à se corriger, à prendre des manières un peu plus civilisées.
03:26Parce qu'on peut être une dictature civilisée, à agir en préservant les formes, etc.
03:31Non, elle est brutale, elle est méchante et cruelle.
03:33Exercer son métier de journaliste comme il a essayé de le faire, ce n'est pas possible, donc en Algérie par exemple ?
03:37Ce n'est possible pour personne, même pour le petit fonctionnaire qui peut se retrouver en prison
03:41pour avoir fait une petite remarque de rien du tout à son chef de service.
03:44C'est une dictature un peu à la soviétique du temps de Marginave, c'est-à-dire la glaciation.
03:50Donc n'importe qui, en prison il y a de tout, mais vraiment de tout, des gens qui se sont trouvés en prison
03:55parce qu'ils ont liké un texte sur internet.
03:59Quel message vous adressez ce matin à Christophe Glez, qui malgré tout va rester encore,
04:04on lui souhaite le moins longtemps possible, on va voir, mais quel message vous lui adressez, vous Boilem Sansal,
04:07à Christophe Glez ce matin ?
04:09D'abord la joie, franchement, pour moi c'est un compagnon de malheur, on était tous les deux
04:13pas dans la même prison, mais enfin dans la même situation.
04:16Donc de ce point de vue-là, j'ai beaucoup d'estime pour lui, beaucoup d'affection,
04:20j'aimerais beaucoup le voir, discuter avec lui.
04:22Vous lui diriez quoi, là ?
04:23Christophe, viens que je t'embrasse !
04:25Christophe, viens que je t'embrasse ?
04:26Viens que je t'embrasse, oui, c'est tout.
04:27Il me racontera ces trucs, je lui raconterai les miens.
04:29On va échanger un peu nos points de vue, peut-être de là sortir un texte commun,
04:34parce que le pouvoir algérien possède à des centaines et des milliers d'arrestations
04:39par jour.
04:40Moi, dans la prison où j'étais, ce qui serait, c'est pas sûr, la plus grande prison
04:44d'Afrique.
04:46Il rentre 400 personnes par jour en prison.
04:48Donc ensemble, vous et Christophe Glez, vous voudriez prendre la plume pour défendre
04:53ces prisonniers arbitraires d'une certaine façon ?
04:55Il y en a des milliers comme ça.
04:56Ce qu'il faut faire, c'est lutter contre une dictature.
04:58Il y aura d'autres, Boilem Sonsa, d'autres Christophe, il y en a beaucoup déjà.
05:03Mais pour ses parents, ça a dû être une épreuve terrible.
05:06Vous les avez vus depuis hier soir, ils sont effondrés, ses parents, évidemment.
05:09J'imagine.
05:10Parce que probablement, ils étaient persuadés qu'ils sortiraient aujourd'hui acquittés.
05:15Ils restent punis.
05:16Sur le fond, l'État algérien n'a pas reculé, moi j'étais gracié, mais sur le fond,
05:20je suis toujours coupable.
05:22La grâce n'allume pas la peine.
05:25Ça veut dire que la question de l'indépendance de la Kabylie pour lui,
05:28comme le Sahara pour vous, c'est des sujets tabous et toujours très inflammables en Algérie.
05:33Mais tout est tabou.
05:34L'islam est tabou.
05:36L'histoire, la mémoire, tout est tabou.
05:38Il faut s'inscrire dans le cadre officiel.
05:41En dehors de ça, on ne peut pas vivre.
05:43Et les relations France-Algérie ?
05:44On avait l'impression qu'elles allaient finalement un peu s'arranger.
05:48La méthode forte avait été employée par Bruno Rotaillot.
05:51Là, c'est une méthode plus coopérative par Laurent Nunez.
05:55La relation franco-algérienne, vous avez l'impression qu'elle va s'arranger ?
05:59En tout cas, je le souhaite.
06:00Je crois parce que le pouvoir algérien est tellement isolé qu'il est obligé de faire une ouverture.
06:05Et avec la France, c'est inévitable.
06:07L'Algérie ne peut pas vivre sans la France.
06:11Il y a 6 millions d'Algériens qui vivent ici.
06:13Ce serait une déchivrure.
06:15La déchivrure est déjà là.
06:16Il faut rapiécer maintenant et rapidement.
06:19Et revoir l'accord franco-algérien comme certains le voulaient ou pas de 1968 ?
06:24Ce n'est pas le courant.
06:25Tout se négocie.
06:26Je crois qu'ils sont tout à fait d'accord pour le négocier.
06:29Il faut juste trouver le déclic psychologique pour se mettre autour d'une table.
06:32Tout se négocie.
06:33Et Emmanuel Macron, c'est la bonne personne pour ça ?
06:35En tout cas, il a fait du bon travail.
06:37Discrètement, il a été très discret.
06:38Il ne pouvait pas faire autrement puisqu'il ne maîtrise pas la situation même en France.
06:41Mais dans ce cadre, il a su trouver des déchemins.
06:45C'est comme ça qu'il a amarré son wagon au train allemand.
06:49Et qui est-ce qui va gracier Christophe Glez ?
06:51Vous pensez qu'ils vont le gracier ?
06:53Qui va prendre cette décision ?
06:54Pour moi, ils vont négocier.
06:55La négociation peut durer très longtemps.
06:57Pour moi, elle a duré des mois et des mois et des mois.
06:59Voir une année entière.
07:00Parce que moi, quand j'ai été arrêté, une semaine après, on m'a dit
07:02« Il n'y a rien dans ton dossier, tu vas sortir. »
07:05Et j'ai passé 11 mois après.
07:06J'étais tous les jours, on ravissait le...
07:09Une étape de l'Everest et on dégringolait le lendemain.
07:11Et on dégringole le lendemain.
07:12Et qu'est-ce qui vous fait être optimiste pour Christophe Glez ce matin, malgré cette condamnation ?
07:16Pourquoi ça irait plus vite pour lui que pour vous, cette grâce ?
07:18Parce que Christophe n'est pas en politique.
07:20Elle ne fait pas de la politique, elle n'a jamais critiqué son dossier léger.
07:24Moi, ça fait 25 ans que je critique ce régime, que je le combats.
07:27Je suis catalogué extrême-droite, catalogué pro-israélien.
07:32Ça ne pouvait être que très dur pour moi.
07:34Moi, ce qui me désespère, c'est qu'on fait du cas par cas.
07:37On est dans les relations internationales.
07:39Il faut essayer, autant que faire se peut, construire un monde, je dirais pas à mon lieu,
07:45mais enfin vivable pour à peu près tout le monde.
07:47Ce n'est pas le cas aujourd'hui.
07:48Donc, il faut oublier son salle, oublier Christophe, et travailler sur la durée.
07:53Il faut absolument que les pays européens, l'ONU, je ne sais pas, arrivent à discipliner, à moraliser ces régimes-là.
08:03On tolère le régime algérien et le régime X et le régime migraine depuis 30 ans, 40 ans, 60 ans.
08:09Ils ont fait un mal fou.
08:10Il est temps que ça cesse.
08:12Et le temps que ça cesse, vous voulez toujours retourner quand même en Algérie ?
08:16J'ai vu que votre passeport n'était plus valable.
08:17Oui, ils l'ont désactivé.
08:18Il l'a dit, il est désactivé.
08:19Donc vous ne pouvez pas y aller sans visa ?
08:21Je ne peux pas y aller sans visa.
08:22Vous allez demander un visa ?
08:23Je suis SDF.
08:25Vous allez demander un visa, vous allez me sans salle, pour y aller ?
08:27Non, je ne vais pas demander de visa, je vais aller avec mon passeport.
08:30Je suis Algérien, je vais avec mon passeport.
08:33Il faut arriver à l'aéroport, ils feront ce qu'ils voudront.
08:36Et ça c'est encore dans vos projets ?
08:38C'est dans mes projets.
08:39J'ai reporté la chose parce que dans ce cadre-là, ce serait de la provocation inutile qui aggrave les choses.
08:45Je préfère que tout se tasse, normalement.
08:47Tout se tasse, ça veut dire que Christophe sorte ?
08:49Que Christophe sorte, mais aussi que le pouvoir algérien comprenne qu'il ne peut plus continuer comme ça.
08:55Il faut cesser d'arrêter le genre.
08:57Autant que faire se peut, libérer ceux qui sont...
09:00Et ensuite vous y retournerez et vous braverez à nouveau le pouvoir.
09:05Je le ferai de manière discrète, il ne faut pas qu'elle soit médiatique parce qu'elle sera perçue comme une provocation.
09:09Zorro arrive, poussez-vous que...
09:11Non, je vais aller normalement.
09:13C'est un peu le citoyen qui était en vacances et qui rentre chez lui.
09:16Et puis qui s'étonne qu'on lui aura vu son passeport, que j'ai un roman, je l'ai.
09:19Et si c'est ça, j'engagerai une poursuite contre X.
09:22Ça c'est pour bientôt, j'entends ça.
09:24Pour terminer donc, le slogan de Reporters sans frontières à l'occasion de l'arrestation de Christophe Gless,
09:29c'est le journalisme n'est pas un crime.
09:32En Algérie manifestement, si.
09:33Oui, le journalisme est un crime.
09:36Sauf si vous êtes au service du régime.
09:38Vous êtes dans la doxa, alors là c'est merveilleux.
09:41C'est comme le slogan des islamistes.
09:43Vous êtes avec nous ou contre nous.
09:45Il n'y a pas de situation intermédiaire.
09:47En Algérie, où vous servez le pouvoir,
09:49vous êtes remercié,
09:51les prébandes, les cadeaux, les trucs,
09:53ça fonctionne très bien.
09:54Sinon, vous êtes dans le collimateur.
09:57Au mieux, vous vous mettez de côté.
09:59Comme moi, j'étais haut fonctionnaire et j'ai été débarqué de mon poste par M. Boutilica.
10:06Le successeur me met en prison.
10:07Merci beaucoup, Boalem Sansal,
10:10d'être intervenu ce matin sur RTL.
10:12Merci à vous.
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