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  • il y a 2 semaines

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00:00L'invité de ce Smart Impact, c'est Sophie Coignard, bonjour.
00:09Bonjour.
00:10Bienvenue, vous êtes journaliste, journaliste au magazine Le Point, autrice, vous publiez
00:13« Arbres en danger, enquête sur un carnage végétal », c'est aux éditions Guy Trédaniel,
00:19votre livre.
00:20Il commence par un événement très concret, on est dans le Perche, où vous vivez l'observation
00:26de quelques chaînes abattues en bord de route, donc vous avez une bonne réaction de journaliste
00:31déjà, vous vous posez des questions ?
00:33Mais je rêve même, c'est-à-dire que c'est l'époque de la reconstruction de ce qu'on
00:37appelle la forêt de Notre-Dame, et donc je sais qu'il y a dans le Perche, où il y a
00:44de très beaux chaînes, qu'il y en a quelques-uns qui sont destinés à la reconstruction de cette
00:50forêt, et donc je me prends à rêver, je me dis « bon, ça doit être ça, enfin bon,
00:53voilà, et puis il se trouve que je dois déchanter deux-trois semaines après, quand j'apprends
01:00qu'en fait, comme me dit le propriétaire de cette forêt, ça part en Chine ».
01:04Les chaînes français partent en Chine ?
01:06Voilà, ils partent en Chine.
01:08Qu'est-ce qu'ils deviennent ? Alors là, ça, personne n'en sait rien, et là, évidemment,
01:11mon esprit de journaliste, après le moment de sidération, disons que voilà, mon esprit
01:19de journaliste reprend le dessus, et donc je commence à enquêter, je m'aperçois qu'en
01:23effet, il y a en gros, officiellement, 20% des chaînes abattues en France chaque année
01:30qui partent en Chine, un peu plus en fait, parce qu'il y a des voies parallèles, et que
01:36la Chine a elle-même interdit qu'on coupe le moindre chêne sur son territoire.
01:41Donc elle protège ses chaînes et se fournit ailleurs, notamment en France.
01:45Elle a commencé par se fournir en Russie, et Moscou a décidé, début 2021, que c'était
01:50fini.
01:50Et donc, nous sommes devenus un pays où la Chine, comment dirais-je, fait de l'extraction
01:56coloniale, et nous, on a le sourire.
01:58Et j'ai trouvé ça incroyable, et là, à ce moment-là, j'ai contacté des experts,
02:03etc., j'ai commencé à...
02:04Enfin, je voulais faire au départ un sujet pour mon journal, simplement, et puis je me
02:09suis aperçue qu'il y avait des vols de bois, c'est-à-dire qu'il y avait des voleurs
02:12qui pillaient les forêts, et qui envoyaient en Chine aussi, et puis surtout, les experts
02:17m'ont dit, mais vous savez, ma bonne dame, il y a bien pire.
02:20C'est-à-dire, ils m'ont expliqué qu'au nom de l'écologie, on abattait des arbres,
02:26par exemple, puisque la France doit remplir ses objectifs en termes de panneaux photovoltaïques
02:32et d'éoliennes, et que donc, pour ça, pour que l'objectif soit atteint, on installe
02:38des panneaux photovoltaïques, alors, sur des friches, etc., formidables.
02:43Très bien, mais au milieu de forêts, et donc, on coupe des arbres.
02:46Voilà, notamment au pays de Yonneau, comme je le raconte, ce qui est quand même inouï.
02:50Et puis, j'ai découvert aussi que le milliard d'arbres promis par le président de la République,
02:57objectif qui risque d'être atteint, mais qui va impacter aussi notre bilan
03:02carbone.
03:02Or, il faut savoir que les arbres, aujourd'hui, sont notre premier poumon.
03:06C'est-à-dire que, dans notre objectif de décarbonation, c'est bien gentil de faire
03:09venir des panneaux photovoltaïques, vous allez me trouver un peu obsessionnel, mais de Chine.
03:14De Chine, oui, ça c'est sûr.
03:16Mais qu'on a là des arbres, et que les arbres, plus ils sont vieux, plus ils captent du carbone.
03:22Donc, un plan d'un milliard d'arbres, j'ai découvert qu'en gros, pour la plupart,
03:26ça consiste à faire des coupes et à replanter des arbres.
03:29Autrement dit, à diminuer la capacité nationale à pomper du carbone.
03:35Alors, il y a un paradoxe que moi, j'ai découvert avec votre livre.
03:39Selon l'inventaire forestier de l'IGN, la forêt couvre 17,6 millions d'hectares,
03:4532% de la superficie de la France hexagonale et de la Corse.
03:48On n'a pas mis les territoires d'outre-mer là-dedans.
03:51Et en 1985, c'était 14 millions d'hectares.
03:54Bon, donc je me dis, ça va mieux.
03:56On a de plus en plus d'hectares de forêt en France.
03:58Donc, à la fois, on en a plus, mais on en a moins bien, c'est ça ?
04:01Elle est en moins bonne santé ?
04:02En fait, il y a un rapport de l'Académie des sciences qui date d'il y a à peu près deux ans,
04:08et qui a fait vraiment le point sur la question.
04:11Et qui dit, voilà, avec le réchauffement climatique,
04:14longtemps, le réchauffement climatique, c'était la fête pour les arbres.
04:16Parce que ça, comment dirais-je, ça l'est dopé un peu.
04:20Sauf que maintenant, le réchauffement climatique, ça veut dire stress hydrique,
04:23ça veut dire sécheresse, et ça veut dire paradis des parasites.
04:27Parce que les arbres sont affaiblis,
04:29et que les parasites, eux, se reproduisent plus grâce à la chaleur, plus longtemps.
04:34Et donc, il y a plus de générations chaque année.
04:36Donc, mortalité multipliée en gros par deux en dix ans,
04:41enfin, c'est plus 80%.
04:42Donc, voilà.
04:43Donc, on a plus de superficie de forêt, mais avec des arbres en beaucoup moins bonne santé, c'est ça ?
04:47Exactement.
04:48D'accord.
04:48Et d'autre part, en moins bonne santé,
04:53et qu'ils grandissent de moins, enfin, ce qu'on appelle l'accroissement forestier,
04:55c'est-à-dire la manière dont grandit chaque arbre chaque année
04:58est en très nette diminution aussi.
05:01Pourquoi ? Parce qu'on les coupe plus tôt ?
05:02Non.
05:03Enfin, pas que.
05:04Parce qu'ils poussent moins vite, à cause du stress strict, justement.
05:08D'accord, compris.
05:08Alors, avec ce système-là que vous avez commencé à l'évoquer,
05:11mais des coupes rases, c'est ça ?
05:14Ou des coupes à blanc ?
05:14Alors, déjà, c'est quoi ?
05:16Alors, vous trouvez une définition ?
05:18Rien que ça, ça m'a pris...
05:19Voilà.
05:20Parce qu'effectivement, chacun a sa petite définition.
05:22En gros, on va vous dire, non, c'est plus compliqué.
05:26En gros, ça consiste à prendre une parcelle et à tout raser dessus.
05:29D'accord ?
05:30Tout raser, tous les arbres à la fois.
05:31Ça endommage terriblement les sols.
05:34Et ça, les experts vous disent, les experts forestiers vous disent,
05:38en fait, un sol, ça met peut-être 100 ans, peut-être 200 ans, peut-être 300 ans
05:45à revivre comme auparavant, c'est-à-dire dans cette symbiose entre, vous voyez,
05:51toute la vie souterraine...
05:53C'est-à-dire que pour ne pas affaiblir ou appauvrir le sol, il faut laisser des arbres.
05:58Il faut laisser des arbres.
05:58Ne pas tout couper d'un coup, c'est ce que je comprends.
06:00Il faut faire ce qu'on appelle, enfin, dès qu'on peut,
06:02ce qu'on appelle de la sylviculture mélangée à couvert continu,
06:05parce que dans mon livre, j'explique aussi qu'il y a des tas d'expériences qui réussissent.
06:09Oui, il vous reste un minute, on va prendre le temps aussi de faire ce qui marche.
06:12Et donc, voilà, quand on fait des coupes rases, on endommage le sol,
06:16on replante, mais les plants du milliard d'arbres, la plupart du temps, ils meurent.
06:23Ils meurent pourquoi ? Parce qu'ils ne sont pas à l'ombre, puisqu'il n'y a plus d'ombre.
06:26Et comme il n'y a plus d'ombre, il y a une mortalité de 50% de ces nouveaux plants.
06:31Donc, il faut replanter dans des sols qui sont terriblement endommagés.
06:34Et donc, ce que vous décrivez dans le livre, c'est que ces coupes rases,
06:38on est dans un modèle économique qui fonctionne notamment grâce à l'argent public, c'est ça ?
06:42C'est en partie subventionné.
06:43Bien sûr. Au départ, le plan de relance, vous savez, dans la part du plan spécial relance après Covid,
06:51il y en avait une part pour la filière bois, ce qui est bien naturel.
06:54Et dans cette part pour la filière bois, il y en avait une partie qui était pour replanter des arbres déjà.
06:59C'était avant le milliard d'arbres. Le milliard d'arbres est venu dans un deuxième temps.
07:02Donc, quand on dit qu'effectivement, on va replanter sur des forêts où les arbres sont morts,
07:10tout le monde vous dit, évidemment, dans l'Est de la France, il y a des épicéas, comme vous le savez, qui sont dévastés.
07:16Si c'est la maladie ou un incendie, très bien.
07:18Mais il y a des critères assez larges que les pouvoirs publics ont mis en place.
07:22Et donc, effectivement, moi, je comprends parfaitement les propriétaires forestiers
07:26qui voient qu'il y a une pluie d'argent public.
07:30Donc, ils peuvent faire leur coupe, gagner de l'argent et être subventionnés pour replanter.
07:34Sauf que dans le bilan écologique, évidemment, on a bien compris que c'est une catastrophe et une absurdité.
07:40Il y a des solutions.
07:41Alors, vous avez effectivement parlé de cette sylviculture mélangée en couvert continu.
07:46L'expression, elle est un peu moche, absconce, mais c'est une solution.
07:50Mais les forêts sont très belles.
07:51Oui, c'est ça la compensation.
07:52C'est le plus important.
07:53Ça consiste, il y a une association qui s'appelle Pro Silva, qui est formidable, qui existe partout en Europe.
08:04Donc, il y a une branche française qui est très active et qui gagne quand même du terrain.
08:08C'est ça, le message d'espoir.
08:09Donc, ça consiste en quoi ?
08:10Des arbres d'essence différente, pas une seule espèce.
08:16Une forêt ombragée, le couvert continu, donc différents étages.
08:20Et puis, comment dirais-je, un travail forestier fin, qui consiste évidemment à faire des prélèvements.
08:27Il ne s'agit pas de se prosterner dans Vendame Nature et de ne plus vouloir du tout exploiter le bois.
08:33Mais on sélectionne.
08:36La forêt se régénère naturellement.
08:38Et je cite l'exemple de la forêt de Dambar.
08:42On est dans quelle région ?
08:43On est tout près du Luxembourg.
08:45C'est une des plus belles forêts de France.
08:47Et elle est une des plus grandes, forêts privées en tout cas.
08:50Et donc, elle est gérée par le président de Pro Silva, qui s'appelle Evrard de Turcaïm,
08:57et auquel je rends hommage, parce que sa forêt non seulement est magnifique,
09:00mais elle n'a pas besoin du tout de plantations nouvelles.
09:05C'est-à-dire qu'elle est exploitée, et elle continue à se régénérer.
09:09Elle se régénérait par elle-même.
09:11Mais elle est exploitée.
09:12Elle est exploitée.
09:13Donc c'est ça, il n'y a pas d'un côté, comment dirais-je, des zadistes échevelés
09:18qui voudraient absolument tout mettre sous cloche,
09:20et de l'autre côté, une exploitation furieuse avec des coupes rases.
09:25Il y a cette solution intermédiaire qui marche formidablement bien,
09:30et qui gagne du terrain, pas assez vite, mais qui gagne du terrain.
09:33Il y a tout un débat sur les subventions publiques, notamment aux entreprises,
09:39leur opacité, leur fléchage.
09:41Là, on pourrait avoir un fléchage beaucoup plus efficace.
09:46Cet argent public, on ne dit pas arrêtons de planter des arbres,
09:48mais plantons mieux, plantons bien.
09:49Plantons mieux, ou éventuellement ne plantons pas,
09:52et réservons cet argent à d'autres actions pour la filière bois.
09:57Donc effectivement, ce qui m'a beaucoup frappée en faisant cette enquête,
10:01c'est que l'argent public est fléché un peu bizarrement,
10:05et que vous avez une espèce de guerre de tranchées,
10:07entre d'une part, disons-le, une sorte de lobby de toute la filière
10:12qui vend des plans, qui a des entreprises très intégrées,
10:17elles vendent des plans, elles conseillent les forestiers,
10:20ensuite elles s'occupent des travaux,
10:22et elles touchent un pourcentage sur les ventes.
10:24et éventuellement, elles ont une entreprise de transport,
10:28donc vous voyez qu'elles n'ont pas tout à fait intérêt
10:30à ce que la forêt, comment dirais-je, fonctionne toute seule, si j'ose dire.
10:35Donc vous avez eux d'un côté,
10:37de l'autre côté, vous avez des associations,
10:39notamment une association qui s'appelle Canopée Forêt Vivante,
10:42et le dialogue entre les deux est impossible.
10:50Les Canopées Forêt Vivante,
10:53effectivement ce sont des militants,
10:54mais ce sont des militants qui cherchent à rencontrer
10:56les parlementaires, le ministère, etc.
10:59Et vous expliquez dans le livre qu'ils sont caricaturés en activisme.
11:02Et ils sont caricaturés en éco-terrorisme.
11:04J'exagère à peine.
11:06Merci beaucoup Sophie Coignard, il y a encore plein de questions,
11:08mais pour avoir les réponses, il faut lire votre livre,
11:10qui est passionnant, Arbres en danger,
11:12enquête sur un carnage végétal,
11:14c'est aux éditions Guy Trédaniel.
11:17Voilà, c'est l'heure de notre débat,
11:18on va parler nucléaire, les petits réacteurs nucléaires en question.
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